E452. Qui se répète perd
Diophante fixe un entier naturel 𝑛 ≥ 2. Zig et Puce partent d'une ligne vide, le premier joueur écrit « 0 » ou
« 1 » puis chacun à son tour ajoute « 0 » ou « 1 » à la fin de la séquence de « 0 » et de « 1 » précédemment écrite. Un joueur perd si le chiffre qu'il ajoute fait apparaître un bloc de 𝑛 chiffres consécutifs qui se répète pour la deuxième fois. Les deux blocs qui se répètent peuvent se chevaucher.
Par exemple :
- pour 𝑛 = 3, à partir de la séquence 0011100 le second joueur perd en écrivant « 1 » car le bloc de 3 chiffres « 001 » se répète dans la séquence 00111001.
- pour 𝑛 = 5, à partir de la séquence 101010 le premier joueur perd en écrivant « 1 » car le bloc de 5 chiffres « 10101 » se répète dans la séquence 1010101.
Q1. Démontrer que quel que soit 𝑛 ≥ 2, la partie se termine toujours en un nombre fini de tours.
Q2. 𝑛 = 3 et Puce commence la partie. Qui est vainqueur ? Q3. 𝑛 = 4 et Zig commence la partie. Qui est vainqueur ? Q4. 𝑛 = 5 et Zig commence la partie. Qui est vainqueur ?
Pour les plus courageux : peut-on déterminer qui a une stratégie gagnante en fonction de 𝑛 ?
Solution
Proposée par Fabien GIGANTE
Question 1
Il existe 2𝑛 blocs de 𝑛 chiffres distincts. Une séquence de longueur 𝑚 contient 𝑚 − 𝑛 + 1 blocs de 𝑛 chiffres qui se chevauchent. Par le principe des tiroirs, si 𝑚 ≥ 2𝑛+ 𝑛, alors la séquence contient au moins deux blocs identiques. La partie se termine donc toujours en un nombre fini de tours.
Question 2
Quitte à échanger les rôles des chiffres « 0 » et « 1 », on supposera dans la suite, sans perte de généralité, que le premier joueur écrit « 0 » à son premier tour de jeu.
Pour 𝑛 = 3, le second joueur, ici Zig, possède une stratégie gagnante. Le tableau suivant indique ce que Zig doit jouer, en fonction des coups de Puce, pour toujours remporter la partie :
P Z P Z P Z P Z P
0 1
0 1 0
1 0 0 1 0 1 1
1 0
0 1 0 1 0 1 1
1 0 0 1 0 1 1
Dans la suite, on simplifiera ce genre de tableaux, en supposant qu’un joueur évite systématiquement un coup terminal perdant. Et on notera ✕, s’il perd immédiatement quel que soit le coup joué.
Le tableau ci-dessus, se simplifie ainsi en :
P Z P Z P Z P Z P 0 1 0 1 1 0 0 1 ✕ 0 1 1 0 0 1 0 1 ✕ 0 1 1 0 1 0 0 1 ✕
Question 3
Pour 𝑛 = 4, le premier joueur, ici Zig, possède une stratégie gagnante : Z P Z P Z P Z P Z P Z P Z P Z P
0 0 1 0 0 0 1 1 0 0 1 ✕
0 0 1 0 0 0 1 1 0 1 1 1 0 0 1 ✕ 0 0 1 0 0 1 1 0 0 0 1 ✕
0 0 1 0 0 1 1 1 1 0 0 0 1 ✕ 0 0 1 1 0 0 1 0 0 0 1 ✕
0 0 1 1 0 1 1 1 0 0 1 0 0 0 1 ✕
0 1 1 0 0 0 0 1 1 1 0 1 1 ✕
0 1 1 0 0 1 1 1 0 1 1 ✕
0 1 1 1 0 0 1 0 0 0 1 1 0 1 1 ✕ 0 1 1 1 0 0 1 1 0 1 1 ✕
0 1 1 1 0 1 1 0 0 0 0 1 1 ✕ 0 1 1 1 0 1 1 0 0 1 1 ✕
Question 4
Montrons que pour tout 𝑛 = 2𝑘 + 1 impair, le second joueur, ici Puce, a une stratégie gagnante.
Il lui suffit pour cela de toujours jouer le coup inverse de son adversaire.
Notons 𝑎𝑖 avec 𝑖 ≥ 1, les coups joués pendant la partie. Notons 𝑥̅ = 1 − 𝑥.
On a 𝑎2𝑖= 𝑎̅̅̅̅̅̅̅ car le second joueur se tient à la stratégie énoncée. 2𝑖−1
Supposons par l’absurde qu’il existe une séquence perdante pour le second joueur.
On note 2𝑚 la longueur de cette séquence, et on pose a2𝑚= 𝑎.
Il existe donc 𝑖 < 2𝑚 − 2𝑘 tel que le bloc (𝑎𝑖, … , 𝑎𝑖+2𝑘) est identique au bloc (𝑎2𝑚−2𝑘, … , 𝑎2𝑚).
• Si 𝑖 = 2𝑗 pair,
{
𝑎2𝑗 = 𝑎̅̅̅̅̅̅̅2𝑗−1
𝑎2𝑚−2𝑘= 𝑎̅̅̅̅̅̅̅̅̅̅̅̅2𝑚−2𝑘−1 𝑎2𝑗 = 𝑎2𝑚−2𝑘
⇒ 𝑎2𝑗−1= 𝑎2𝑚−2𝑘−1
De sorte que (𝑎𝑖−1, … , 𝑎𝑖+𝑛−2) = (𝑎2𝑚−2𝑘−1, … , 𝑎2𝑚−1).
Il existe deux blocs identiques avant la fin de la séquence. C’est une contradiction.
• Si 𝑖 = 2𝑗 + 1 impair,
𝑎 = 𝑎2𝑗+2𝑘+1= 𝑎2𝑚= 𝑎̅̅̅̅̅̅̅̅ = 𝑎2𝑚−1 ̅̅̅̅̅̅̅̅ = 𝑎2𝑗+2𝑘 2𝑗+2𝑘−1= 𝑎2𝑚−2= 𝑎̅̅̅̅̅̅̅̅ = ⋯ 2𝑚−3
C'est-à-dire (𝑎2𝑗+1, … , 𝑎2𝑗+2𝑘+1) = (𝑎2𝑚−2𝑘, … , 𝑎2𝑚) = (𝑎, 𝑎̅, 𝑎, … 𝑎̅, 𝑎).
De sorte que (𝑎2𝑗+2, … , 𝑎2𝑗+2𝑘+2) = (𝑎2𝑚−2𝑘−1, … , 𝑎2𝑚−1) = (𝑎̅, 𝑎, 𝑎̅, … 𝑎, 𝑎̅).
Il existe deux blocs identiques avant la fin de la séquence. C’est une contradiction.