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Espaces vectoriels normés, espaces de Banach

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Espaces vectoriels normés, espaces de Banach

.

1. Définitions.

2. Applications linéaires continues.

3. Produits d’espaces normés.

4. Sous-espaces, familles totales.

5. Théorème de prolongement.

6. Comparaison des normes.

7. Espaces vectoriels normés de dimension finie.

8. Théorème de la meilleure approximation.

9. Théorème de F. Riesz.

10. Théorème de Banach-Steinhaus.

11. Théorèmes de Banach.

12. Théorème de Hahn-Banach.

à Vidal Agniel, mycologue hilbertien Pierre-Jean Hormière __________

« Un mathématicien, c’est quelqu’un qui trouve des analogies entre les théorèmes, un meilleur mathématicien, c’est quelqu’un qui voit des analogies entre les preuves, et le meilleur des mathématiciens est quelqu’un qui arrive à noter des analogies entre les théories. On peut imaginer que le mathématicien ultime est quelqu’un qui voit des analogies entre les analogies. »

Stefan Banach

1. Espaces vectoriels normés, espaces de Banach.

Définition 1 : Soit K = R ou C, E un K-espace vectoriel. On appelle norme1 sur E une application N : x ∈ E → ||x|| ∈ R+ vérifiant les trois axiomes :

(N1) séparation || x || = 0 ⇔ x = 0 (N2) homogénéité ∀(λ, x) ∈ K×E || λ.x || = |λ|.|| x ||

(N3) inégalité du triangle ∀(x, y) ∈ E2 || x + y || ≤ || x || + || y ||

Un espace vectoriel normé (en abrégé : evn) est un couple (E, N) formé d’un K-espace vectoriel et d’une norme sur E. Un espace vectoriel normé complet est aussi appelé espace de Banach.

Une semi-norme est une application vérifiant seulement (N2) et (N3).

Propriétés des espaces vectoriels normés : 1) On a ∀(x, y) ∈ E2

|

||x|| − ||y||

|

≤ || x − y || ;

Cela reste vrai pour une semi-norme. Autrement dit N est 1-lipschitzienne.

1 Le mot norme (en latin norma) fut introduit en 1832 par Gauss, désignant par norme du complexe a + ib le réel a² + b². Ce n’est qu’en 1921 qu’il désigna a² b+ ². Ce mot a aujourd’hui les deux acceptions : en analyse, il désigne une application vérifiant les axiomes ci-dessus ; en algèbre, la norme d’un complexe désigne le produit de ce complexe par son conjugué, et plus généralement la norme d’un élément algébrique sur K est le

(2)

2) Si (E, N) est un espace vectoriel normé, l’application d : (x, y) ∈ E2 → || x − y || ∈ R+ est une distance sur E, dite associée à la norme de E. (E, d) est appelé espace métrique sous-jacent à l’espace normé. En fait, si EEEE est un espace affine associé à l’espace vectoriel normé (E, N), EEEE hérite de la même distance.

3) Cette distance d n’est pas quelconque, puisqu’elle vérifie :

d(x + z , y + z) = d(x , y) : les translations sont des isométries de (E, d) ; d(λx , λy) = |λ|.d(x , y) : la distance est homogène.

4) Réciproquement, si une distance d sur E vérifie ces propriétés, alors x → ||x|| = d(x, 0) est une norme sur E, et d la distance associée.

5) Surtout, il découle de 2) que les boules ouvertes, fermées, et les sphères, sont des images de boules ou sphères unités par homothétie-translation :

B(a, r) = a + r.B(O, 1) ; B'(a, r) = a + r.B'(O, 1) ; S(a, r) = a + r.S(O, 1)

6) Les boules unités, ouverte et fermée, de centre O sont convexes, symétriques par rapport à O, absorbantes (C est absorbante si α>0 α.C = E ), et ne contiennent aucune demi-droite d’origine O.

7) Dans un espace normé, le segment métrique [a, b] = { x E ; d(a, x) + d(x, b) = d(a, b) } contient toujours le segment affine [[a, b]] = { t a + (1 – t).b ; t ∈ [0, 1] }, et la droite métrique (a b) = [a, b] ∪ { x ∈ E ; d(a, x) = d(a, b) + d(x, b) } ∪ { x ∈ E ; d(b, x) = d(b, a) + d(a, x) } contient toujours la droite affine ((a b)) = { t.a + (1 – t).b ; t ∈ [0, 1] }, mais ils peuvent être distincs ; ils coincident lorsque la norme est « stricte » : voir § 8.

8) Si (E, N) est un espace semi-normé, E0 = {x ; N(x) = 0} est un sous-espace vectoriel de E, et l’on a : x ≡ y ( mod E0 ) ⇒ N(x) = N(y), de sorte que l’on peut munir l’espace quotient E/E0 d’une norme.

Exercice 1 : Qu’est-ce qui est jaune, normé, et complet ? 2 Exercice 2 : Qu’est-ce qui fait Boin-Boin ? 3

Exercice 3 : Dans un evn E, si r > 0, montrer que l’adhérence de la boule ouverte B(a, r) est la boule fermée B'(a, r), leur frontière commune est la sphère S(a, r), et le diamètre commun à B(a, r), B'(a, r) et S(a, r) est 2r.

Exercice 4 : Soit E un evn. Montrer que B’(a, r) = B’(b, s) ⇔ a = b et r = s. Idem pour les sphères Exercice 5 : Soit E un evn. Montrer que la boule ouverte B(O, 1) est homéomorphe à E.

[ Considérer f : x → x/( 1 + ||x|| ). ]

Exercice 6 : Si A et B sont des parties de E, on note A + B = { x + y ; x ∈ A, y ∈ B } et λ.A = { λ.x ; x ∈ A }. a) Montrer que A ou B ouvert ⇒ A + B ouvert ;

b) Montrer que A compact et B fermé ⇒ A + B fermé ; c) Montrer que A et B compacts ⇒ A + B compact ; d) La somme de deux fermés est-elle fermée en général ? e) Montrer que A et B convexes ⇒ A + B convexe.

Exercice 7 : Soient A et B deux compacts de E. Montrer que la réunion K des segments joignant un point de A à un point de B est un compact. Montrer que si A et B sont convexes, K aussi.

Exercice 8 : 1) Soient N et N’ deux normes sur E. Montrer que N + N’ et max(N, N’) sont des normes. Quid si N ou N’ est une semi-norme ?

2 Réponse : Un espace de Bananach.

3 Réponse : Un Banach…

(3)

2) Montrer que N : (x, y) → max( |x + 3 y | , |x −

3 y | ,

3

2 |y| ) est une norme sur R2. Représenter sa boule unité. Idem pour N(x, y) =

3

1( |x| + |y| ) + 3

2Max( |x|, |y| )

3) Soient E un R-ev de dim n, f1, ... , fp p formes linéaires ; cns pour que N(x) = max1≤k≤p |fk(x)|

soit une norme sur E ; formes des boules unités ?

4) Représenter les boules unités de R2 et R3 relatives aux normes :

N(x) = ||x||1 + ||x|| , N(x) = max( ||x||1 , ||x||) , N(x) = ||x||1 + ||x||2 , N(x) = ||x||2 + ||x|| . Exercice 9 : Montrer que N : (x, y) → 1x y.t.dt

0 + est une norme sur R2. Représenter sa boule unité.

Exercice 10 : Soit E un evn, x, y deux vecteurs non nuls. Montrer : || x − y || ≥

2

1max( ||x||, ||y|| ).||

x x

y

y

||

et || x − y || ≥ 4

1( ||x|| + ||y|| ).

||

x x

y y

||

Démontrer qu’on ne peut remplacer les constantes 1/2, resp. 1/4, par des constantes plus grandes.

Exercice 11 : Soient E un R-espace vectoriel, C un ensemble convexe, symétrique par rapport à O, absorbant et ne contenant aucune demi-droite d’origine O.

Démontrer avec soin que : ρC(x) = inf { α > 0 ; x ∈α.C }

est une norme sur E ( appelée jauge ou fonctionnelle de Minkowski de C ) telle que : B(O, 1) ⊂ C ⊂ B'(O, 1).

Exemples d’espaces vectoriels normés : 1) Les espaces cartésiens E = Kn.

Pour x = (x1 ..., xn), on pose ||x||= max |xi| , ||x||1=

|xi| et ||x||2 =

xi².

Ce sont trois normes sur Kn, pour lesquelles Kn est complet. Pour les deux premières, c’est facile à vérifier. La troisième est la norme euclidienne classique. Curieusement, c’est la moins facile des trois. La démonstration de l’inégalité du triangle repose sur :

Inégalité de Cauchy-Schwarz : Soient x = (x1 ..., xn) et y = (y1 ..., yn dans Kn.

| ∑

xiyi

|

2

∑ |

xi

|

2

∑ |

yi

|

2 (z est le conjugué de z ) avec égalité ssi les vecteurs x et y sont liés dans Kn.

Inégalité de Minkowski : ||x + y||2 ≤ ||x||2 + ||y||2 , avec égalité ssi les vecteurs x et y sont posi- tivement liés, i.e. x = 0 ou y = α.x , α ≥ 0.

Ici sont représentées dans R2 et R3 les sphères unités pour les trois normes usuelles. Dans R3on obtient le cube unité, la sphère euclidienne et l’octaèdre. On voit que les boules n’ont pas les mêmes propriétés géométriques (ni mécaniques : les unes roulent, les autres pas !).

La distance associée à la norme||x||est parfois appelée « distance de Tchebychev ».

(4)

La distance associée à la norme ||x||1 est plaisamment nommée « distance de Manhattan ». « Imaginons une mégalopole quadrillée par une famille de rues rectilignes numérotées et une famille orthogonale d’avenues rectilignes numérotées. En prenant des axes de coordonnées selon ces directions, on se convaincra aisément que la notion naturelle de distance d’un point à un autre dans cet univers impitoyable est celle donnée par cette norme. », écrit François Rouvière (Petit guide de calcul différentiel). Au fond, quand on se déplace dans une ville, la distance de Manhattan est plus adaptée que la distance euclidienne ou « à vol d’oiseau ». Pour la distance euclidienne, le segment métrique joignant A à B est le segment usuel

{ λA + (1−λ)B ; λ ∈ [0, 1] } ; pour la distance de Manhattan, le segment métrique joignant A à B est le rectangle ACBD de diagonale AB et de côtés parallèles aux axes.

Exercice 12 : Montrer que f : (x, y) →( 2 x+y

, 2 x−y

) réalise une isométrie linéaire de (R2, ||x||1) sur (R2, ||x||∞). Les espaces (Rn , ||x||1) sur (Rn , ||x||∞) sont-ils isométriques pour n ≥ 3 ?

Exercice 13 : Les trois semi-normes usuelles.

A tout vecteur x = (x1 ..., xn) ∈ Rn, associons leur moyennex = n 1

= n

i

xi 1

, et les trois réels N1(x) =

n 1

=

n

i

i x

x

1

, N2(x) =

=

n

i

i x

n 1(x

1 (« écart-type ») et N(x) = max |xix| . Démontrer que l’on définit ainsi trois semi-normes sur Rn. Quand sont-elles nulles ?

Les comparer. Quand sont-elles « petites » ? 2) Espaces vectoriels de dimension finie.

Soit E un K-espace vectoriel de dimension n rapporté à une base BBBB = (ε1 , ... , εn).

Pour tout x =

xi.εi , on pose ||x|| = max |xi| , ||x||1 =

|xi| et ||x||2 =

xi ².

Il est immédiat que ce sont trois normes sur E, transportées des normes vues en 1) via l’isomor- phisme Kn → E qui à (x1, ..., xn) associe ∑ xi.εi .

3) Complexes et quaternions.

Le corps C des complexes est un plan vectoriel euclidien pour la norme |z| = x² y+ ² . Le produit scalaire est x.x' + y.y' = Re(z'.z).

Les quaternions d’Hamilton q = (t ,u) ∈ R×E (E espace vectoriel euclidien orienté de dim 3) forment une R-algèbre de dimension 4 et un corps non commutatif, pour l’addition, la multiplication externe usuelles, et la multiplication interne q.q' = ( t.t' − u.u' , t.u’ + t'.u + uu’ ) .

Leur ensemble H est aussi un espace euclidien pour la norme ||q|| = t² u+ ². 4) Normes matricielles.

En tant qu’espace vectoriel, Mn(K) n’est autre que K. Il hérite aussitôt des trois normes précédentes. La troisième norme s’appelle norme de Frobenius. Elle vérifie :

||A||2 =

aij² = tr(A*.A) ,

où A* est l’adjointe de A (c’est-à-dire la transposée si K = R, transconjuguée si K = C).

On verra en 2) que Mn(K) est aussi muni d’autres normes : les normes triples, ou subordonnées aux normes de Kn.

(5)

5) Normes polynomiales. Sur E = K[X], P =

ai Xi.

|| P || = max |ai| , || P ||1 =

|ai| et || P ||2 =

ai ² sont trois normes sur E.

Il y en a beaucoup d’autres : les normes fonctionnelles vues en 6) et celles-ci :

Exercice 14 : Soit A une partie de R ou C. Montrer que NA(P) = supz∈A |P(z)| est une norme sur E si et seulement si A est une partie infinie bornée.

6) Normes sur des espaces fonctionnels.

Proposition : Soit BBBB(X, K) l’espace des fonctions bornées f : X → K. Alors || f || = supxX |f(x)|

est une norme, dite norme uniforme ; BBBB(X, K) est un espace de Banach.

Plus généralement, si E est un evn (resp. un espace de Banach), BBBB(X, E) est un evn (resp. un Banach) pour la norme || f || = supx∈X || f(x) ||.

Preuve : • Montrons que f || f || = supx∈X || f(x) || est une norme dans BBBB(X, E).

|| f || = 0 ⇒ f = 0 et || λ.f || = λ.|| f || sont bien facilles.

Si f et g sont bornées, (∀x) || (f + g)(x) || ≤ || f(x) || + || g(x) || ≤ || f || + || g || . Passant au sup, il vient || f + g || || f || + || g || .

• La boule fermée B’(f , r) est l’ensemble des fonctions g : X → E telles que (∀x∈X) || f(x) − g(x) ||

≤ r, c’est-à-dire dont le graphe est inclus dans le cylindre { (x, y) ∈ X×E ; || f(x) − y || ≤ r }.

La suite (fn) converge vers f pour la norme uniforme ssi :

∀ε > 0 ∃n0n ≥ n0 ∀x ∈ X || fn(x) − f(x) || ≤ε. On dit que la suite (fn) converge uniformément vers f.

• Montrons enfin que, si E est complet, il en est de même de BBBB(X, E).

Soit donc (fn) une suite de Cauchy de fonctions bornées : ∀ε > 0 ∃n0 ∀p, q ≥ n0 || fp fq ||≤ε

c’est-à-dire ∀ε > 0 ∃n0 ∀p, q ≥ n0 ∀x ∈ X || fp(x) − fq(x) || ≤ ε (*) . Fixons x. La suite (fn(x)) est de Cauchy dans E, donc converge ; sa limite est notée f(x).

Reste à montrer que la fonction f ainsi définie est bornée, et que (fn) tend uniformément vers f.

Pour le premier point, prenons ε = 1 : ∃n0 ∀p ≥ n0 ∀x ∈ X ∀q ≥ n0 || fp(x) − fq(x) || ≤ 1.

Prenons p = n0, fixons x et faisons tendre q vers +∞. Il vient || fn0(x) − f(x) || ≤ 1. Cela est vrai de tout x. On en déduit aussitôt que f est bornée.

Revenons enfin à (*), qui s’écrit aussi

∀ε > 0 ∃n0 ∀p ≥ n0 ∀x ∈ X ∀q ≥ n0 || fp(x) − fq(x) || ≤ε . Fixons x et faisons tendre q vers +∞. Il vient || fp(x) − f(x) || ≤ ε .

Ainsi ∀ε > 0 ∃n0 ∀p ≥ n0 ∀x ∈ X || fp(x) − f(x) || ≤ε . cqfd.

Nous reviendrons sur ces sujets dans le chapitre sur la convergence simple et uniforme.

Soit E = CCCC([a, b], K). À la norme uniforme induite s’ajoutent les deux normes usuelles : || f ||1 =

ab f(x).dx : norme de la (convergence en) moyenne,

|| f ||2 =

ab f(x)².dx : norme de la (convergence en) moyenne quadratique, qui sont l’analogue intégral des normes discrètes vues en 1).

Ce sont des semi-normes sur l’espace des fonctions réglées ou Riemann-intégrables [a, b] → K.

7) Espaces normés de suites.

Notons c00 l’espace des suites nulles à partir d’un certain rang, b l’espace des suites bornées, c l’espace des suites convergentes, c0 l’espace des suites tendant vers 0.

(6)

Exercice 15 : 1) Quelles inclusions a-t-on entre ces espaces ?

2) Si l’on munit b de la norme uniforme ||u|| = supn |un| , b est un Banach en vertu de la prop de 6).

3) Montrer que c et c0 sont fermés, et que c0 l’est l’adhérence de c00 dans b.

On rencontre d’autres espaces normés de suites : les espaces l1 et l2 des suites sommables, resp. de carré sommable. Le premier est étudié dans le pb 7, le second dans le chap sur les préhilbertiens.

8) Espaces préhilbertiens, hilbertiens et euclidiens.

Ils constituent une classe très importante d’espaces vectoriels semi-normés, normés et de Banach, qui sera étudiée plus tard. Limitons-nous ici aux R-espaces vectoriels, et donnons par anticipation les définitions correspondantes.

Définition : Soit E un R-esp. vect. Une forme bilinéaire symétrique (x, y)∈E2→ (x | y)∈R est dite positive si (∀x∈E) (x | x) ≥ 0, et définie positive, ou produit scalaire, si de plus (x | x) = 0 ⇒ x = 0.

− si (x | y) est une forme positive sur E, x → ||x|| = ( xx )est une semi-norme sur E, et (E, ||x||) est appelé espace préhilbertien.

− si (x | y) est un produit scalaire sur E, x → ||x|| = ( xx )est une norme sur E, et (E, ||x||) est appelé espace préhilbertien séparé.

un espace préhilbertien séparé et complet est appelé espace de Hilbert. S’il est de dimension finie, il est appelé espace euclidien.

Les normes || ||2 introduites dans les exemples 1, 2, 3, 4, 5 et 6 sont toutes issues d’un produit scalaire. On prendra garde que l’intuition géométrique valable dans les espaces euclidiens ne s’étend pas toujours aux espaces normés quelconques : voir exercice 1, en fin de chapitre.

2. Applications linéaires continues.

Théorème 1 : Soient E et F deux espaces vectoriels normés, u une application linéaire de E dans F.

Les propriétés suivantes sont équivalentes : i) u est uniformément continue ; ii) u est continue ;

iii) u est continue en 0 ;

iv) u est bornée dans un voisinage de 0 ; v) (∃α ≥ 0) (∀x ∈ E) || u(x) ||F ≤ α.|| x ||E (*)

En pratique, pour montrer qu’une application linéaire est continue, on montre v).

Preuve : i) ⇒ ii) ⇒ iii) ⇒ iv) coulent de source. v) implique que u est α-lipschitzienne, donc uniformément continue. Reste donc iv) ⇒ v), que nous allons établir par deux méthodes.

• Méthode directe. Supposons u bornée au V(0) : ∃M ≥ 0 ∃r > 0 || x || ≤ r ⇒ || u(x) || ≤ M.

Je dis que (∀x∈E) || u(x) || ≤α.||x||, où α = r

M . En effet, si x∈E et x ≠ 0, x = y r

x. , avec y = r.

x x . On a ||y|| = r, donc || u(y) || ≤ M, etc.

• Par absurde. Si ∀α > 0 ∃x ∈ E || u(x) ||F > α.|| x ||E , alors x ≠ 0. Pour tout entier n, soit xn ∈ E tel que || u(xn) ||F > n.|| xn ||E. Alors yn =

n n

x n

x

. vérifie || yn || = n

1 et || u(yn) || > n. Par suite, u n’est bornée dans aucun voisinage de 0.

Exercice 1 : Montrer que la même conclusion subsiste si u est continue en un point a, ou seulement bornée sur un ensemble d’intérieur ≠ ∅. Il en résulte qu’une application linéaire discontinue est discontinue en tout point, et n’est bornée dans aucun ensemble d’intérieur ≠ ∅.

(7)

Exercice 2 : Montrer que le théorème subsiste si E et F sont semi-normés.

Proposition 2 : Soit u une application linéaire continue de E dans F.

D = { α ≥ 0 ; (∀x ∈ E) || u(x) ||F ≤ α.|| x ||E } est une demi-droite fermée de R+. Si l’on note ||| u ||| = inf D = min D la constante optimale dans la majoration (*), on a :

||| u ||| = sup x 0 x

x u )(

= sup ||x|| =1 || u(x) || = sup ||x||1 || u(x) || .

Preuve : 1) D est non vide et tel que [ α ∈ D et β ≥ α ] ⇒ β ∈ D. D est donc une demi-droite de la forme (m, +∞[. De plus, D est fermée, car si αn→β, avec αn ∈ D, alors

(∀x ∈ E) (∀n) ||u(x)||F≤αn.||x||E donne à la limite, ||u(x)||F≤β.||x||E ; donc β ∈ D, et D est de la forme [m, +∞[.

2) Notons ||| u ||| = m. On a α≥ m ⇔ α∈ D ⇔ ∀x ≠ 0 x

x u )(

≤α ⇔ supx0 x

x u )(

≤ α .

On en déduit aussitôt que m = supx 0 x

x u )(

. La 2ème égalité découle d’un argument d’homo- généité : supx ≠ 0

x x u )(

= supx ≠ 0 ( ) x

u x . Or, lorsque x décrit E = E−{0}, x

x décrit la sphère unité. Enfin, il est clair que m = sup||x|| =1 || u(x) || ≤ sup||x||1 || u(x) || ≤ m.

Proposition 3 : L’ensemble LLLLc(E, F) des applications linéaires continues de E dans F est un espace vectoriel et u ∈ LLLLc(E, F) → ||| u ||| est une norme, dite associée ou subordonnée aux normes de E et F ; on l’appelle aussi norme triple. De plus ||| idE ||| = 1 et si v ∈LLLLc(F, G) ||| v o u ||| ≤ ||| v |||.||| u |||.

Preuve : LLLLc(E, F) = LLLL(E, F) CCCC(E, F) est intersection de sous-espaces vectoriels de F(E, F).

Le reste est facile.

Remarque : Soit (un) une suite d’éléments de LLLLc(E, F) convergeant vers u ∈ LLLLc(E, F) pour la norme triple |||.|||. Alors, pour tout x ∈ E, un(x) → u(x).

Corollaire : L’ensemble LLLLc(E) des endomorphismes continus de E est une algèbre normée pour

|||u|||.

Proposition 4 : Si F est un espace de Banach, il en est de même de LLLLc(E, F).

Preuve longue et fastidieuse. La voici :

Soit (un) une suite de Cauchy d’applications linéaires continues : ∀ε > 0 ∃n0 ∀p, q ≥ n0 ||| up− uq ||| ≤ε

c’est-à-dire ∀ε > 0 ∃n0 ∀p, q ≥ n0 ∀x ∈ E || up(x) − uq(x) || ≤ε.||x|| (*) .

Fixons x. La suite (un(x)) est de Cauchy dans F complet, donc converge ; sa limite est notée u(x).

u est linéaire : un(λ.x + y) = λ.un(x) + un(y) donne, à la limite, u(λ.x + y) = λ.u(x) + u(y).

Reste à montrer que u est continue, et que (un) tend vers u pour la norme triple.

Pour le premier point, prenons ε = 1 : ∃n0 ∀p ≥ n0 ∀x ∈ E ∀q ≥ n0 || up(x) − uq(x) || ≤ ||x||.

Prenons p = n0, fixons x et faisons tendre q vers +∞. Il vient || un0(x) − u(x) || ≤ ||x||.

On en déduit aussitôt que || u(x) || ≤ || un0(x) || + ||x|| ≤

[

||| un0 ||| + 1

]

.||x|| ; u est continue Revenons enfin à (*), qui s’écrit aussi

∀ε > 0 ∃n0 ∀p ≥ n0 ∀x ∈ E ∀q ≥ n0 || up(x) − uq(x) || ≤ε.||x||.

Fixons x et faisons tendre q vers +∞. Il vient || up(x) − u(x) || ≤ ε.||x|| . Ainsi ∀ε > 0 ∃n0 ∀p ≥ n0 ||| up− u ||| ≤ε . cqfd.

(8)

Remarque : Variante. Notons B la boule unité fermée de E, fn la restriction de un à B.

De la continuité des un il découle aussitôt que (fn) est une suite de fonctions bornées sur B.

De (*) il découle que cette suite obéit au critère de Cauchy uniforme sur B. Comme

B B B B

(B, F) est complet (§ 1), elle converge uniformément vers une fonction f bornée de B dans F.

Par homogénéité, un converge simplement vers u dans E. u est linéaire comme limite simple de fonctions linéaires ; u est continue car sa restriction f à B est bornée.

Enfin ||| un− u ||| = supxB || up(x) − u(x) || = supxB || fp(x) − f(x) || tend vers 0.

Définition : On appelle dual topologique de l’espace normé E, l’espace vectoriel normé des formes linéaires continues sur E.

On le note parfois E'. C’est un sous-espace du dual algébrique E*. Il est complet.

Exemples d’applications linéaires continues et de normes triples.

Exercice 3 : Soit E = Kn muni de chacune des trois normes ||x||, ||x||1 et ||x||2, et u la forme linéaire x = (x1, ..., xn) →

ai.xi. Montrer que u est continue et calculer ||| u |||, ||| u |||1 et ||| u |||2.

Exercice 4 : Soient E = Kp, F = Kn, u l’application linéaire de matrice canonique A = (aij) ∈ MK(n, p). Démontrer que A est continue lorsqu’on munit E et F des normes ||x||et ||x||1, et que l’on a : ||| A ||| = max1≤i≤n

= p

j

aij 1

, ||| A |||1 = max1≤j≤p

= n

i

aij 1

et ||| A |||2

∑∑

i j

a ²ij . Exercice 5 : Soit A = 

 − 55 , 0 55 , 0

55 , 0 55 ,

0 .

A est-elle contractante pour la norme ||x||? pour la norme ||x||1 ? pour la norme ||x||2 ?

¶ Exercice 6 : Soient E un espace euclidien de dimension n, u un endomorphisme de E.

a) Calculer ||| u ||| si u est : autoajoint positif, autoadjoint, puis quelconque ;

b) Montrer que ||| u ||| = sup{ | (u(x) | y) | ; ||x|| ≤ 1 et ||y|| ≤ 1 }, et en déduire que ||| u ||| = ||| u* |||.

Exercice 7 : On munit Cn d’une norme, et l’on munit Mn(C) = LLLL(Cn) de la norme subordonnée.

Soit A ∈ Mn(C), ρ(A) = sup{ |λ| ; λ ∈ Sp A } son rayon spectral.

a) Montrer que ρ(A) ≤ ||| A ||| , et que (∀k ≥ 1) ρ(A) ≤ ||| Ak |||1/k. b) Montrer que ρ(A) = lim ||| Ak |||1/k = inf ||| Ak |||1/k .

Exercice 8 : Soient I = [a, b], E = CCCC0(I, R) muni de la norme uniforme, F = { g ∈CCCC1(I, R) ; g(a) = 0 } muni de la norme N(g) = || g || + || g' || .

1) Montrer que F est un espace de Banach.

2) À f ∈ E on associe g ∈ F définie par g(x) =

axf ).(t dt.

Montrer que T : f g est une bijection linéaire continue ainsi que sa réciproque.

Exercice 9 : Exemples de formes linéaires continues sur E = CCCC([a, b], R) muni de la norme uniforme.

a) Montrer que µ : f

abf ).(t dt est une forme linéaire continue sur E ; norme triple ?

b) Soit g ∈ E fixée ; montrer que µg : f

abf(t).g(t).dtest linéaire continue sur E ; norme triple ? c) Soient (a1, a2, ..., an) n points distincts de [a, b] ; montrer que λ : f

= n

i

i i f a

1

) (

α . est une forme linéaire continue ; norme triple ?

d) Soit (an)n≥1 une suite de points de [a, b] ; montrer que µ : f

+∞

=1 ² ) (

n n

n a

f est une forme linéaire continue ; norme triple ?

(9)

e) Montrer que toute forme linéaire positive sur E, i.e. telle que f ≥ 0 ⇒µ(f) ≥ 0, est continue.

Exercice 10 : Soit E = CCCC([a, b], R), c ∈ [a, b]. La forme linéaire εc : f f(c) est-elle continue sur E pour chacune des trois normes || f || , || f ||1 , || f ||2 ?

3. Produits d'espaces vectoriels normés, applications multilinéaires continues.

Définition : Soient (E1, N1) et (E2, N2) deux espaces normés.

N : x = (x1, x2) → || x || = sup(N1(x1) , N2(x2)) est une norme sur l’espace vectoriel E = E1×E2. E est appelé espace normé produit. Généralisation immédiate à un nombre fini d’evn.

Proposition 1 : E est complet ssi chacun des espaces Ei l’est.

Proposition 2 : Soient (E1, N1), (E2, N2) et (F, N) trois espaces normés, u une application bilinéaire E = E1×E2 → F. Pour que u soit continue, il faut et il suffit qu’il existe une constante α≥ 0 telle que

∀(x1, x2) ∈ E1×E2 || u(x1, x2) || ≤ α.N1(x1).N2(x2).

Généralisation immédiate aux applications multilinéaires.

Exemple 1 : Si E, F, G sont trois evn, l’application (v, u) ∈ LLLLc(F, G)×LLLLc(E, F) → v o u ∈LLLLc(E, G) est bilinéaire continue pour les normes triples.

Exemples 2 : Soit E un espace euclidien pour le produit scalaire (x | y) et la norme ||x||.

a) Le produit scalaire (x | y) est une forme bilinéaire symétrique continue en vertu de l’inégalité de Cauchy-Schwarz | (x | y) | ≤ ||x||.||y||.

b) Si E est de dim. 3 et orienté, le produit vectoriel (x, y) → x ∧∧∧∧ y est une application bilinéaire alternée et continue en vertu de || x ∧∧∧∧ y || ≤ ||x||.||y||.

c) Si E est de dimension n, le déterminant ou produit mixte est une forme n-linéaire alternée et continue, en vertu de l’inégalité d’Hadamard | det(x1, ..., xn) | ≤ ||x1|| ... ||xn||.

Cette inégalité s’interprète géométriquement ainsi : le volume du parallélépipède construit sur les xi est inférieur au produit des normes. En dim 3, elle découle de ce que det(x, y, z) = ( x ∧∧∧∧ y | z ). En dimension n, elle sera démontrée en géométrie euclidienne.

Du reste, produit scalaire, vectoriel et déterminant sont continues comme fonctions polynômiales.

4. Sous-espaces, familles totales.

Définition 1 : Soit E un evn, F un sous-espace de E. La restriction à F de la norme de E est une norme sur F, dite norme induite.

Proposition 1 : Si F est un sous-espace vectoriel de E, son adhérence F l’est aussi.

Proposition 2 : i) Si E est un evn, tout sous-espace complet de E est fermé.

ii) Si E est un espace de Banach, les sous-espaces de Banach de E sont les sous-espaces fermés de E.

Définition 2 : Soit E un evn. Une famille (ai)i∈I de vecteurs de E est dite totale si A = Vect(ai)i∈I est dense dans E.

Proposition 3 : Soient E et F deux espaces normés, et (ai)i∈I une famille totale de vecteurs de E.

Pour que deux applications linéaires continues u et v : E → F soient égales, il faut et il suffit que ( ∀i ∈ I ) u(ai) = v(ai).

La notion de famille totale correspond à la notion de famille " topologiquement génératrice ".

Exemples de sous-espaces normés, de familles totales :

1) Considérons l’espace de Banach b = L(N, K) des suites bornées muni de la norme uniforme.

L’ensemble c0 des suites tendant vers 0 est un sous-espace vectoriel fermé de L, c’est l’adhérence de l’espace c00 des suites à support fini, et les suites canoniques en = (0, ..., 0, 1, 0, ...) forment une

(10)

famille totale dans c0. L’ensemble c des suites convergentes est également un sous-espace fermé, car une limite uniforme de suites convergentes est convergente, et u → lim un est une forme linéaire continue sur c.

2) Soit X un espace métrique ; l’espace CCCCb(X, K) des fonctions continues bornées X → K est un sous-espace de Banach de BBBB(X, K), pour la norme uniforme. Il est en effet fermé, car toute limite uniforme de fonctions continues est continue.

Si X est compact, l’espace CCCC(X, K) des fonctions continues X K, muni de la norme uniforme, est un espace de Banach, car c’est CCCCb(X, K).

Si X = [a, b], toute fonction continue est limite uniforme d’une suite de polynômes (th. de Weierstrass), donc les monômes xn forment une famille totale dans CCCC([a, b], K) pour la norme uniforme, et, par suite aussi pour les normes || f ||1 et || f ||2.

3) L’espace RRRR([a, b], K) des fonctions réglées de I = [a, b] dans K est un espace de Banach, en tant qu’adhérence de l’espace Esc(I, K) des fonctions en escaliers dans l’espace de Banach B(I, K) des fonctions bornées muni de la norme uniforme. Les fonctions caractéristiques 1J, où J est un sous-intervalle de I, forment une famille totale de RRRR(I, K). On peut se limiter aux seules 1[a,x]. 4) L’espace CCCC(R, C) des fonctions continues 2π-périodiques R → C est un Banach pour la norme uniforme || f || = supxR | f(x) |. Toute fonction continue 2π-périodique est limite uniforme de polynômes trigonométriques (th. de Weierstrass trigonométrique), donc les fonctions exp(inx), n

∈ Z, forment une famille totale de CCCC2π(R, C). Du coup, elle forment aussi une famille totale pour la norme de la convergence en moyenne quadratique.

Exercice 1 : l’alternative des hyperplans.

Soient E un evn, H un hyperplan de E, noyau de la forme linéaire non nulle f. On a l’alternative : • soit f est continue ; alors H est fermé, et, pour tout a ∈ E , d(a, H) =

f a f )(

(Ascoli) ; de plus, E − H a deux composantes connexes par arcs.

soit f est discontinue ; alors H est dense dans E, et E − H est connexe par arcs.

[ Indication : Si f est discontinue, construire une suite (xn) de vecteurs telle que f(xn) = 1 et ||xn|| ≤ 1/n ; considérer la suite x − f(x).xn . Montrer que { x ; f(x) > 0 } est dense par absurde, et en déduire qu’on peut joindre tout x tel que f(x) > 0 à tout y tel que f(y) < 0 par un chemin continu. ]

Exercice 2 : Soit E = C([0, 1], R), H = { f ∈ E ; f(0) = 0 }. Trouver une norme sur E relativement à laquelle H est dense, et une norme sur E pour laquelle H est fermé.

Exercice 3 : Soit E un espace normé. Démontrer qu’il est de type dénombrable si et seulement s’il admet une suite totale et libre.

[ Indication : Si (an)n∈N est une suite totale et libre, montrer que l’ensemble D des combi-naisons linéaires des an à coefficients dans Q est une partie dénombrable dense. Si D est une partie dénombrable dense, Vect(D) est a fortiori dense ; montrer qu’on peut extraire de D une partie libre D' telle que Vect(D) = Vect(D'). ]

Remarque : comment démontrer qu’un espace normé est complet ?

1) La méthode la plus simple est de montrer que E est un sous-espace fermé d’un espace complet.

2) Dans les autres cas, on peut le faire directement, en montrant que toute suite de Cauchy converge, ou en exhibant une suite de Cauchy qui ne converge pas dans E.

3) On peut aussi utiliser le critère suivant, laissé en exercice :

Exercice 4 : Soit E un evn. Montrer l’équivalence des propriétés suivantes : i) E est complet ;

ii) Toute série absolument convergente est convergente ;

(11)

iii) Toute série ∑un telle que (∀n) || un || ≤ 1/2n est convergente.

Exercice 5 : Montrer que E = CCCC([a, b], K), muni de l’une ou l’autre des deux normes

|| f ||1 =

ab f(x).dx et || f ||2 =

ab f(x)².dx , n’est pas complet. [ Considérer la suite fn de fonctions continues affines par morceaux définies par fn(a) = fn(c –

n 1) = 0, f

n(c) = fn(b) = 1, où c = 2 a+b. ]

5. Théorème de prolongement.

S’il est permis de donner ici un avis personnel, j’ai toujours eu une prédilection pour ce théorème, en raison de son vaste pouvoir d’intelligibilité, et je l’ai toujours enseigné avec un vif plaisir. Eh oui, il y a des théorèmes que j’aimais, et d’autres que je n’aimais pas. Ceux que je n’aimais pas étaient en général ceux que des bureaucrates du savoir avaient mis au programme pour saturer la mémoire des élèves, et qui auraient avantageusement pu être remplacés par des méthodes.

Théorème : Soient E un espace vectoriel normé, F un espace de Banach, A un sous-espace vectoriel de E, A son adhérence. Toute application linéaire continue f : A → F se prolonge de manière unique en une application linéaire continue f : A → F. De plus f et f ont même norme : ||| f ||| = ||| f |||.

Preuve : f est linéaire continue, donc uniformément continue. Le théorème de prolongement des applications uniformément continues à valeurs dans un métrique complet (Espaces métriques, § D.

4) s’applique, et montre l’existence d’une unique application continue f : A → F prolongeant f.

La linéarité de f est facile à montrer. Il est clair que ||| f ||| ≥ ||| f |||.

De plus, si x ∈A est limite de la suite (xn) de points de A, || f(xn) || ≤ ||| f |||.||xn|| donne à la limite

||| f (x) ||| ≤ ||| f |||.||x||, donc ||| f ||| ≤ ||| f |||.

Remarque : Ce théorème est beaucoup moins général que le théorème de Hahn-Banach, que nous verrons au § 12. Il a cependant des applications non négligeables :

Application aux théories élémentaires de l’intégration :

− Soient I = [a, b] un segment, F un espace de Banach, l’espace de Banach E =

B B B B

(I, F) des fonctions bornées sur I muni de la norme uniforme, A = Esc(I, F) le sous-espace vectoriel des fonctions en escaliers. L’application µ : ϕ∈ Esc(I, F) →

ab

ϕ

(x).dx qui à une fonction en escaliers associe son intégrale, est linéaire continue, et telle que ||| µ ||| = b − a. En vertu du théorème ci- dessus, elle se prolonge de manière unique à l’adhérence de Esc(I, F) dans

B B B B

(I, F), c’est-à-dire à l’espace des fonctions réglées, en une application linéaire continue, appelée intégrale des fonctions réglées (ou intégrale de Cauchy-Dini).

− L’intégrale de Riemann, qui est un peu plus générale que l’intégrale des fonctions réglées, relève elle aussi d’une légère extension de ce théorème, en munissant E =

B B B B

(I, F), non plus de la norme uniforme, mais de la semi-norme p( f ) = inf {

ab

ϕ

(x).dx ; ϕ Esc(I, R+) , || f || ≤ϕ}.

Nous reviendrons sur ces sujets dans le chapitre consacré à l’intégration sur un segment.

6. Comparaison des normes, normes équivalentes.

« Une norme, en jargon mathématique, c’est une règle que l’on se donne pour mesurer la taille d’une quantité qui nous intéresse. Si vous comparez la pluviométrie à Brest et à Bordeaux, faut-il comparer les précipitations maximales sur une journée, ou bien intégrer sur toute l’année ? Si l’on compare le maximum, c’est la norme du sup, répondant au doux nom de norme L. Si l’on compare

(12)

les quantités intégrées, c’est une autre norme, qui se fait appeler L1. Et il y en a tant d’autres. » écrit Cédric Villani ( Théorème vivant, p. 48 ). Tâchons d’expliquer cela.

Définition 1 : Soient N1 et N2 deux normes sur le K-espace vectoriel E. N1 est dite plus fine que N2 si l’une des propriétés équivalentes suivantes est vérifiée :

i) idE est uniformément continue : (E, N1) → (E, N2) ; ii) idE est continue : (E, N1) → (E, N2) ;

iii) (∃α > 0) (∀x ∈ E) N2(x) ≤α.N1(x) .

Définition 2 : Les normes N1 et N2 sont dites équivalentes si chacune est plus fine que l’autre, autrement dit si : (∃α, β > 0) (∀x ∈ E) β.N1(x) ≤ N2(x) ≤ α.N1(x).

Les topologies de (E, N1) et (E, N2) sont alors identiques.

Exercice 1 : Montrer que les trois normes usuelles sur Kn sont équivalentes, et trouver les constantes optimales α et β correspondantes.

Exercice 2 : On munit E = K[X] des 3 normes || P || = max |ai| , || P ||1 =

|ai| et || P ||2 =

ai ² ,

où P =

ai Xi. Montrer qu’elles sont équivalentes dans Kn[X] ; sont-elles équivalentes dans E ? Exercice 3 : Dans CCCC([a, b], R), comparer les 3 normes || f ||, || f ||1, || f ||2. Sont-elles équivalentes ? Exercice 4 : Pour tout α ∈ [0, 1], montrer que Nα(f) =

0α f( dtt). + supx∈[α, 1] | f(x) | est une norme sur E = CCCC([0, 1], R). Comparer entre elles les normes Nα.

Exercice 5 : Soit E = CCCC1([0, 1], R). Montrer que N(f) = | f(0) | + || f' || est une norme sur E ; la comparer à la norme || f ||.

Exercice 6 : Soit E = { f ∈CCCC2([0, π], R) ; f(0) = f'(0) = 0 }. Montrer que :

N( f ) = sup[0, π] | f(x) + f"(x) | et n( f ) = sup[0,π] | f(x) | + sup[0,π] | f"(x) | . sont deux normes équivalentes sur E.

Exercice 7 : Soit E = CCCC([0, 1], R) muni de la norme uniforme, F = { f ∈ E ; f est dérivable en 0}.

1) F est-il dense dans E ? Est-il complet ? 2) Montrer que N : f → | f(0) | + sup]0, 1]

|

x f x

f( )− (0)

|

est une norme sur F ; la comparer à ||f||. 3) Montrer que (F, N) est complet.

Exercice 8 : Soit E = Lip([0, 1], R) l’espace vectoriel des fonctions lipschitziennes de [0, 1] dans R.

1) Montrer que N(f) = | f(0) | + supxy

|

y x

y f x f( )−− ( )

|

est une norme sur E, non équivalente à || f ||. (E, N) est-il complet ?

2) Montrer que || f || = | f(0) | + sup t | f’(t) |est une norme sur F = C1([0, 1], R), et que (∀f ∈ F) || f || = N(f).

7. Espaces vectoriels normés de dimension finie.

Théorème : Dans un K-espace vectoriel de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes.

Preuve : Rapportons E à une base BBBB = (ε1 , ... , εn), et munissons-le de la norme : x =

xi.εi || x || = max |xi| .

Rappelons que, si E est équipé de cette norme, les fermés bornés de E sont les compacts.

(13)

Soit N une norme sur E. Il suffit de montrer N est équivalente à cette norme, c’est-à-dire qu’il existe des constantes α et β > 0 telles que (∀x) α.||x||≤ N(x) ≤ β.||x||.

• Tout d’abord N(x) = N(

xi.εi)

|xi|.N(εi) β.||x|| , où β =

N(εi).

• Reste à montrer (∃α > 0) (∀x) α.||x||≤ N(x) , c’est-à-dire (∃α > 0) (∀x ≠ 0) α≤ N(

x

x ) , ou encore (∃α > 0) ||y|| = 1 ⇒ α ≤ N(y) .

• Soit S la sphère unité de (E, ||x||) ; on sait qu’elle est compacte. La fonction N : (E, ||x||) → R+ est continue car lipschitzienne : | N(x) − N(y) | ≤ N(x − y) ≤β.|| x − y ||

Elle est donc minorée et atteint sa borne inférieure α en un point y0 ; α > 0 car ||y0|| = 1 ⇒ N(y0)

> 0. qed

Conséquences :

1) Sur un K-espace vectoriel E de dimension finie, il y a une seule topologie d’espace vectoriel normé ; on l’appelle la topologie usuelle de E. C’est la topologie de la convergence coordonnée par coordonnée dans n’importe quelle base.

2) En pratique, on choisira la norme géométriquement ou analytiquement la plus adaptée au problème.

Corollaire 1 : Dans un evn de dimension finie, les parties compactes sont les fermés bornés.

Preuve : Cela est vrai si E est muni de la norme ||x|| relativement à une base BBBB (Cours sur les espaces métriques). Cela reste vrai pour toute norme en vertu de leur équivalence : les parties fermées, resp. bornées, resp. compactes, sont les mêmes.

Corollaire 2 : Soit E un evn de dim finie, F un evn quelconque. Toute application linéaire u : E → F est continue, et sa norme triple est atteinte. De plus, soit (un) une suite d’éléments de LLLL(E, F) ; (un) converge vers u ∈LLLL(E, F) pour la norme triple ||| . ||| ssi, pour tout x ∈ E, un(x) → u(x).

Preuve : 1) Soit BBBB = (ε1 , ... , εn) une base de E, u : E → F linéaire.

|| u(x) || =

||

u(

xi.εi)

||

|xi|.||u(εi)|| β.||x|| , où β =

|| u(εi) ||.

où ||x|| désigne la norme infinie relativement à la base B .

Or cette norme est équivalente à la norme de E : (∃α > 0) (∀x ∈ E) ||x||≤.α.||x||.

D’où (∀x ∈ E) || u(x) || ≤ αβ.||x|| ; u est donc continue.

2) La norme triple ||| u ||| = supx 0 x

x u )(

= sup||x|| =1 ||u(x)|| = sup||x||1 ||u(x)|| est atteinte en vertu de la compacité de la boule unité de E.

Corollaire 3 : Dans un evn E, tout sous-espace F de dimension finie est fermé.

Preuve : F est un evn de dimension finie, donc est complet ; or tout complet est fermé.

Remarque : Les énoncés précédents caractérisent les espaces normés de dimension finie, comme le montrent les exercices 1 et 2 suivants :

Exercice 1 : Soit E un evn de dimension infinie.

1) Démontrer qu’il existe une famille libre (xn)n∈N telle que lim xn = 0.

2) Démontrer qu’il existe des formes linéaires discontinues sur E.

Exercice 2 : Soit E un K-espace vectoriel. Démontrer que, si toutes les normes sur E sont équivalentes, E est de dimension finie.

[Ind. : noter que si || . || est une norme sur E et f une forme linéaire, x ||x|| + | f(x) | est une norme.]

(14)

Exercice 3 : (« Banach-Steinhaus du pauvre ») Soient E un K-evn de dimension finie, F un K-evn, L

L L

L(E, F) l’espace des applications linéaires de E dans F muni de la norme subordonnée |||u||| . Soit A une partie de LLLLc(E, F). Démontrer l’équivalence des propriétés :

sup u∈A ||| u ||| < + ∞ ⇔ (∀x ∈ E) sup u∈A || u(x) || < + ∞ .

Les deux exercices suivants soulignent d’autres différences entre evn de dimension finie ou non : Exercice 4 : 1) Soit E un evn de dim finie, (un) une suite de formes linéaires sur E, u une forme linéaire sur E. Montrer que (un) tend vers u pour la norme triple ||| . ||| ssi, pour tout x ∈ E, un(x) → u(x).

2)On munit E = C([0, 1], R) de la norme || f || . On considère les formes linéaires Tn : f →

= n

k n

f k n 1 ( )

1 et µ : f →

01f(x).dx.

Montrer que (∀n) ||| Tn ||| = ||| µ ||| = 1 , ||| Tn − µ ||| = 2, et que (∀f) Tn(f) → µ(f).

Ceci résultat contredit-il celui de la question précédente ?

Exercice 5 : 1) Soit E un evn de dimension finie, u linéaire continue de E dans F.

Montrer que la norme triple ||| u ||| = sup{ ||u(x)|| ; ||x|| = 1 } = sup{ ||u(x)|| ; ||x|| ≤ 1 } est toujours atteinte.

Les questions suivantes montrent que si E est de dimension infinie, cette norme est encore souvent atteinte, mais pas toujours.

2) Soit L(N, K) l’espace de Banach des suites bornées pour la norme uniforme ||u|| = supn|un|.

Montrer que l’opérateur de Cesàro C : u → v, où vn = n

u u1+...+ n

laisse stable L(N, K) et induit un endomorphisme continu et bijectif de L(N, K) ; quelle est sa norme triple ?

3) Soit c0 l’espace de Banach des suites réelles tendant vers 0 muni de la norme uniforme. Montrer que x → u(x) =

+∞

=12

n n

xn est une forme linéaire continue sur c0. Norme triple de u ? Est-elle atteinte ? 4) Soit E = CCCC([−1, 1], R) muni de la norme uniforme.

a) Montrer que u : f →

01f( dtt).

01f( dtt). est une forme linéaire continue sur E.

b) Que vaut ||| u ||| ? Est-elle atteinte ?

NB : l’explication de ces phénomènes sera donnée au § 9 : la boule unité fermée d’un evn de dimension infinie n’est jamais compacte.

8. Théorème de la meilleure approximation.

Pour les nécessités des applications, nous formulerons ce théorème sous des hypothèses générales : Théorème : Soit E un espace vectoriel semi-normé, F un sous-espace de dimension finie et séparé, i.e. tel que la semi-norme de E induise une vraie norme dans F. Alors, pour tout x ∈ E, il existe au moins un « meilleur approximant » y de x dans F :

(∀x ∈ E) (∃y ∈ F) || x − y || = d(x, F).

Preuve : Fixons x ∈ E. La fonction f : z ∈ F → f(z) = || x − z || ∈ R+ est continue, et même 1- lipschitzienne. Elle est minorée par 0 et a donc une borne inférieure d = d(x, F). On veut montrer qu’elle atteint son inf sur F. Hélas, F est non bornée, donc non compact (si F ≠ {0}).

Mais, soit K = { z ∈ F ; d ≤ f(z) ≤ d + 1 }. K est un compact convexe non vide de F.

En effet K = F ∩ B’(x, d + 1), donc K est un fermé de F ; K est borné, et ≠∅ par définition de d.

Donc K est compact de F. De plus, K est convexe comme intersection de convexes.

(15)

Du coup, f atteint son inf sur K : (∃y ∈ K) || x − y || = d(x, K).

On a aussitôt || x − y || = d(x, F), puisque infK f(z) = infF f(z) .

Remarque : Le meilleur approximant n’est pas unique en général, comme le montre l’exemple de R2 muni de l’une des normes ||x|| et ||x||1, et de F = R×{0}. Mais il y a unicité lorsque la norme vérifie une propriété géométrique supplémentaire, qui la rapproche des normes euclidiennes :

Définition : Une norme E est dite stricte si l’on a : ||x + y|| = ||x|| + ||y|| ⇒ x et y colinéaires.

Propriétés des normes strictes.

• || x + y || = || x || + || y || ⇒ x = 0 ou y = α.x, avec α≥ 0.

•••• Si a et b sont deux points de E, le segment [a, b] = { x ; || a − x || + || x − b || = || a − b || } et la droite (a, b) = { x ; ± || a − x || ± || x − b || = || a − b || }.

Proposition : Si la norme de E est stricte, alors le meilleur approximant y de x dans F est unique.

Lorsque E est un espace préhilbertien, nous donnerons de ces deux théorèmes une preuve plus

« géométrique », basée sur la théorie de la projection orthogonale.

Exercice 1 : 1) Parmi les normes usuelles sur Kn, sur C([a, b], R), lesquelles sont strictes ?

2) Montrer que si une norme est stricte, les points de la sphère unité sont points extrêmaux de la boule B'(O, 1).

[ Dans un ensemble convexe C, un point est c dit extrêmal si ∀(a, b) ∈ C2 c = 2

a+b c = a = b ]. Exercice 2 : Établir une réciproque de la proposition précédente, i.e. l’unicité du meilleur approximant implique que la norme est stricte.

Exercice 3 : Soient f , g : [a, b] → R deux fonctions bornées, m = || f || et m’ = || g ||. Montrer l’équivalence des propriétés :

i) || f + g || = || f || + || g ||.

ii) ∀α < m ∀β < m’ { x∈[a, b] ; α ≤ f(x) et β ≤ g(x) } contient au moins un intervalle de long. > 0.

Exercice 4 : Soient 4 points du plan euclidien M1 = (0, 2), M2 = (4, 4), M3 = (1, 0), M4 = (5, 2), formant rectangle. Trouver les droites y = f(x) = ax + b rendant minimum :

1≤i≤4 (yi − f(xi))2

1≤i≤4 | yi − f(xi) | et max1≤i≤4 | yi − f(xi) |.

Exercice 5 : Soit U = { z C ; |z| < 1 }. Montrer que µ : P → supz∈U |P(z)| est une norme sur C[X].

Soit Tn l’ensemble des polynômes unitaires de degré n.

Montrer l’existence de : µn = inf { µ(P) ; P∈Tn }. Montrer que µn > 0, et est atteinte.

9. Théorème de F. Riesz 4.

On a vu au § 7 que dans un evn de dimension finie, la boule unité fermée est toujours compacte. Le théorème de Riesz établit une réciproque de ce résultat : dans un espace normé de dimension infinie, la boule unité fermée n’est jamais compacte. L’explication heuristique de ce résultat est la suivante : pour recouvrir le segment [0, 1], il faut au moins 2 segments de longueur ½, pour recouvrir le carré

4 Frédéric (Frigyes) Riesz (Györ 1880 - Budapest 1956) fut un grand mathématicien hongrois. Après ses études aux universités de Zürich, Budapest et Göttingen, il fut nommé en 1914 professeur à l’université de Kolozsvar. Cette université fut transférée en 1920 à Szeged, où Riesz créa avec Alfred Haar (1885-1933) un centre mathématique réputé. Riesz quitta Szeged en 1946 pour l’université de Budapest. Ses principaux travaux portent sur les espaces fonctionnels et les équations intégrales, les espaces vectoriels réticulés (ou espaces de Riesz) et les intégrales de Lebesgue et de Stieltjes (dont il fut l’un des premiers à saisir l’importance), les fonctions analytiques et harmoniques. Le frère de Frédéric, Marcel Riesz (1886-1969), également mathé- maticien de talent − et bon buveur − , s’installa en Suède.

Références

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