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Décision n° 2021 – 826 DC

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Décision n° 2021 – 826 DC

Loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique

Liste des contributions extérieures

Services du Conseil constitutionnel - 2021

Plusieurs auteurs peuvent rédiger une contribution commune

Contributions Date de

réception

Auteur(s)

1 05/10/2021 Pr. Denys de Béchillon pour Canal Plus 2

3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

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1 0 9 , AV. D E MO N T A R D O N 6 4 0 0 0 , PA U TÉ L. 0 5 5 9 9 2 0 2 0 6 / 0 6 1 5 0 4 6 8 0 6

Pau, le 3 octobre 2021

M. Jean Maïa Secrétaire général du Conseil constitutionnel

2, rue de Montpensier 75001 ― Paris

Monsieur le Secrétaire général,

Sollicité à cet effet par la société Canal Plus, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance les observations que suscitent à mon sens les dis- positions de l’article 25 de la loi « relative à la régulation et à la protec- tion de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » portant sur l’assiette des sanctions susceptibles d’être prononcées par l’ARCOM en cas de manquement à l’obligation de contribution des éditeurs de ser- vices audiovisuels.

Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir partager les réflexions qui suivent avec les membres du Conseil Constitutionnel au titre de la

« contribution extérieure ».

Vous remerciant vivement de l’attention que vous prêterez à ce qui suit, je vous prie de croire, Monsieur le Secrétaire général, en l’assu- rance de ma haute considération.

Denys de Béchillon

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E X PO S É D E LA Q UE S TI ON

1. L’article 25 de la loi « relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » dispose :

Après le premier alinéa de l’article 42-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 pré- citée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de manquement à l’obligation de contribution au développement de la produc- tion mentionnée au 3° de l’article 27, au 6° de l’article 33, au 3° de l’article 33-2 ou aux II à IV de l’article 43-7 et par dérogation au premier alinéa du présent article, le montant maximal de cette sanction ne peut excéder le double du montant de l’obligation qui doit être annuelle- ment consacrée à la production, ou le triple en cas de récidive » 1.

2. Ces dispositions, qui reprennent en substance la rédaction initiale du projet de loi, diffèrent significativement de celles que le Sénat avait adoptées à l’initiative de MM.

les sénateurs Marseille, Bonnecarrère et autres 2, et dont il résultait que :

« En cas de manquement à l’obligation de contribution au développement de la produc- tion mentionnée au 3° de l’article 27, au 6° de l’article 33, au 3° de l’article 33-2 ou aux II à IV de l’article 43-7 et par dérogation au premier alinéa du présent article, le montant maximal de cette sanction ne peut excéder deux fois le montant du manquement à l’obligation qui doit être annuellement consacrée à la production, et trois fois en cas de récidive ».

L’abandon en Commission mixte paritaire – et sans grand débat – de la formule du Sénat a pour conséquence d’aggraver dans des proportions considérables les sanctions encourues.

3. On se souvient que l’obligation de contribution des éditeurs de services audiovisuels vise à contribuer — dans de très larges proportions 3 — au financement de la produc- tion cinématographique et à celui de la production audiovisuelle. Elle est notamment tirée du 3° de l’article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard), selon lequel :

« Compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre, des décrets en Conseil d'État fixent les principes généraux définissant les obligations concernant :

[...] 3° La contribution des éditeurs de services au développement de la production, en tout ou partie indépendante à leur égard, d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, ainsi que la part de cette contribution ou le montant affectés à l'acquisition des droits de diffu- sion de ces œuvres sur les services qu'ils éditent, en fixant, le cas échéant, des règles différentes pour les œuvres cinématographiques et pour les œuvres audiovisuelles et en fonction de la nature des œuvres diffusées et des conditions d'exclusivité de leur diffusion. Cette contribution peut tenir compte de l'adaptation de l'œuvre aux personnes aveugles ou malvoyantes, et, en matière cinématographique, comporter une part destinée à la distribution. Dans des condi- tions fixées par les conventions et les cahiers des charges, elle peut être définie globalement,

1. Sauf indication contraire, les soulignés sont de nous.

2. http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-523.html

3 Selon les types d’opérateurs, l’obligation de contribution à la production cinématographique peut atteindre, comme c’est le cas de Canal Plus, 26 % des ressources totales issues de l’exploitation du service de télévision.

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respectivement pour les œuvres cinématographiques et pour les œuvres audiovisuelles, pour plusieurs services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande d'un même éditeur, d'un éditeur et de ses filiales, ou d'un éditeur et des filiales de la société qui le contrôle au sens du 2° de l'article 41-3.

En matière audiovisuelle, cette contribution porte, entièrement ou de manière significa- tive, sur la production d'œuvres de fiction, d'animation, de documentaires de création, y com- pris de ceux qui sont insérés au sein d'une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement, de vidéo-musiques et de captation ou de recréation de spectacles vivants ; elle peut inclure des dépenses de formation des auteurs et de promotion des œuvres » 4.

4. Jusqu’ici, l’article 42-2 de ladite loi Léotard prévoyait manière générale que :

« Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manque- ments commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3

% du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une pé- riode de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation »

5. L’exposé des motifs du projet de loi justifiant en son principe l’opportunité d’aggra- ver les sanctions ainsi construites est succinct. L’étude d’impact est un peu plus nour- rie 5. On comprend à sa lecture qu’il s’agit surtout de rendre « plus effective » la sanc- tion du manquement des éditeurs (2.2.1.) pour deux raisons.

D’une part, la temporalité propre au mécanisme préexistant est présentée comme un facteur péjoratif :

« En effet, l'exigence d'une mise en demeure préalable, ne permettant de sanctionner que « des faits distincts ou (...) une période distincte de ceux ayant déjà fait l'objet d'une mise en demeure », conduit, en pratique, à ce qu'une contribution insuffisante à la production ne puisse faire l'objet d'une sanction qu'à l'issue de deux exercices complets dès lors, d'une part, que la sanction ne peut porter sur le même exercice que celui ayant fait l'objet de la mise en demeure et, d'autre part, que les éditeurs ne déclarent au Conseil le montant de leur contribu- tion au titre de l'année n qu'au cours de l'année n+1. Compte-tenu des délais dont disposent les éditeurs pour effectuer cette déclaration (parfois jusqu'au 31 mai de l'année n+1) et des éven- tuel retards dans l'accomplissement de cette formalité, le Conseil n'est en mesure de prononcer une mise en demeure qu'au cours du second semestre de l'année n+1 » (2.2.1).

D’autre part, il est conçu que :

« S'agissant des obligations en matière de contribution à la production audiovisuelle ou cinématographique, le plafonnement de la sanction en proportion du chiffre d'affaires de l'édi- teur peut conduire à ce que le montant de la sanction maximale infligée soit inférieur ou à peine supérieur au bénéfice que l'éditeur est susceptible de retirer du non-respect de son obli- gation en matière de contribution à la production audiovisuelle ou cinématographique [...] ».

(2.2.2).

6. On pourrait sérieusement débattre des vices et mérites de ce double raisonnement, mais tel ne sera pas l’objet de la présente discussion, qui sera consacrée au seul point de savoir si l’élévation majeure du niveau des sanctions encourues en conséquence de ce changement d’assiette reste contenue dans les limites de l’acceptabilité proprement

4. Le Décret précisant ces obligations est essentiellement le décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.

5. http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl20-523-ei/pjl20-523-ei.html

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constitutionnelle.

D I S C US SI ON

7. Si l’on en juge à la dynamique du projet de loi, le législateur a ici fait fond sur une logique tout à fait brutale — laquelle, soit dit par parenthèse, n’épouse absolument pas la tendance dominante des autres grands pays européens (Italie, Espagne, Allemagne, etc.). Comme le montre l’étude d’impact, l’indexation de la sanction sur le montant même de l’obligation de contribuer à la production cinématographique poursuit un ob- jectif de dissuasion pur et simple — on verra plus avant que les sommes engagées peu- vent se compter en centaines de millions d’Euro 6.

C’est précisément ce qui était apparu disproportionné aux sénateurs. À l’appui de leur volonté de tenir le maximum de la sanction possible dans la limite de deux (ou trois) fois le montant des sommes constitutives du manquement reproché et non plus de la contribution dans son ensemble, ils faisaient valoir les arguments suivants (exposé des motifs de l’amendement précité) :

« L’ampleur de cette modification par rapport au plafond actuellement en vigueur abou- tirait à des montants de sanction totalement déconnectés, d’une part, des bénéfices éventuels résultant du manquement, puisque la sanction serait désormais calculée non plus sur la part non réalisée des obligations mais sur leur assiette totale ; d’autre part, des niveaux de sanction maximale auxquels peuvent recourir les autres autorités administratives indépendantes com- parables au CSA, basées sur un pourcentage de chiffre d’affaires ; enfin, de la jurisprudence du CSA en matière de sanctions, par rapport à laquelle ce changement introduit une rupture radicale.

Il en ressort un caractère manifestement disproportionné au regard de la nature du manquement, rendant cette disposition potentiellement confiscatoire pour des éditeurs natio- naux dont la situation financière est sans commune mesure avec des acteurs mondialisés (pla- teformes étrangères) certes soumis au même cadre depuis l’ordonnance du 20 décembre 2020, mais pour lesquels l’impact économique de ce nouveau régime de sanction serait infiniment moindre. Au manque de proportionnalité s’ajoute donc un risque également manifeste de rup- ture du principe d’égalité.

Pourtant, l’objectif exprimé par les pouvoirs publics, dans ce projet de loi comme dans les autres ajustements normatifs en cours dans le secteur, vise précisément à lever les asymé- tries entre les acteurs étrangers et les éditeurs audiovisuels domestiques en renforçant le ca- ractère équitable de l’environnement national. L’article 13 dans sa rédaction actuelle va à l’en- contre de cet objectif.

Aussi, afin de préserver la logique d’équité et de proportionnalité revendiquée par le projet de loi, il est proposé d’aménager la rédaction de ce nouveau régime en renvoyant expli- citement la sanction pécuniaire qui lui est rattachée, ainsi que le relèvement du plafond y af- férent, au manquement constaté par rapport aux obligations visées et non au montant total de ces mêmes obligations.

Cette nouvelle rédaction permettrait ainsi d’uniformiser cette sanction particulière pour l’ensemble des éditeurs qui y sont soumis (éditeurs TNT, cab-sat, SMAD) dans des proportions non confiscatoires pour les acteurs nationaux puisqu’ajustées à l’ampleur du manquement.

6. Texte précité, point 2.2.2. « Il apparait [...] nécessaire de définir, à l'égard de ces obligations, le montant de la sanction applicable en proportion du montant de l'obligation financière incombant à l'éditeur, en sorte que la sanction soit proportionnée et puisse avoir un réel effet dissuasif à l'encontre de manquements à ce type d'obligations ».

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Elle s’inscrirait en conformité avec l’exigence de crédibilité et de proportionnalité de la sanc- tion, conférant à cette dernière un effet réellement dissuasif à l'encontre des manquements à ce type d'obligations ».

8. On peine à mieux dire, si ce n’est pour insister sur la nécessité juridique de ce rai- sonnement au-delà de sa sagesse en opportunité. La jurisprudence du Conseil consti- tutionnel invite en tout cas à cette conclusion.

9. Les amendes prononcées par les autorités de régulation pour sanctionner un man- quement présentent par essence « le caractère d’une punition » 7. Le Conseil juge en outre — et encore très récemment — que :

« Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue » 8.

10. Aucun doute ne règne donc sur le fait que le législateur n’est jamais autorisé à per- mettre à une autorité administrative indépendante de prononcer des amendes qui ne seraient pas « strictement et évidemment nécessaires », au sens de l’article 8 de la Dé- claration des droits de l’Homme. Il lui est interdit de se faire l’agent d’une sanction disproportionnée.

11. Qu’en est-il plus précisément lorsque le législateur, pour fixer le maximum de la peine encourue par une personne morale, se réfère à une assiette de référence consti- tuée d’un chiffre d’affaires — ou ici d’une contribution dont le montant varie d’un opé- rateur à l’autre — plutôt que de fixer dans l’absolu le chiffre d’un plafond ?

Le Conseil constitutionnel a posé en pareil cas que la loi doit faire dépendre le montant de l’amende d’un « lien » entre l’infraction constatée et l’assiette de sanction retenue 9. Cela signifie non seulement que le montant de l’amende doit être rendu adéquat à la surface financière de l’entreprise, mais aussi et surtout qu’il doit être articulé au profit qu’elle a illégalement retiré de son acte. C’est bien entre « l’infraction » et l’assiette de

7. La décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, Établissements Darty et Fils a fixé cet état du droit qui, au demeurant, se lisait déjà sous une forme plus ou moins explicite dans de nombreuses déci- sions depuis les années quatre-vingt.

8. Décision n° 2021-908 QPC du 26 mai 2021, Sté KF3 Plus [Pénalités pour défaut de délivrance d’une facture].

9. Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière : « 10. Considérant qu’en prévoyant que, pour tout crime ou délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement commis par une personne morale, dès lors que l’infraction a procuré un profit direct ou indirect, le maximum de la peine est établi en proportion du chiffre d’af- faires de la personne morale prévenue ou accusée, le législateur a retenu un critère de fixation du montant maximum de la peine encourue qui ne dépend pas du lien entre l’infraction à laquelle il s’ap- plique et le chiffre d’affaires et est susceptible de revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de l’infraction constatée ; que, par suite, les dispositions de l’article 3 méconnaissent les exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution »

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référence de la sanction que ce fameux « lien » doit être tissé.

12. Tel n’est pas le cas ici, au vu des termes de la loi. L’ARCOM serait mise en situation virtuelle de pouvoir prononcer une amende colossale – cf. Infra, point n° 14 – et ce alors même que, comme on l’imagine sans peine, les manquements à ce type d’obliga- tions sont toujours et forcément partiels, en plus que fondés sur des divergences d’ap- préciation ou de calcul dont la légitimité ne saurait être récusée a priori.

13. On se rapproche par-là, mutatis mutandis, d’une autre contrainte. Le Conseil cons- titutionnel est en effet attentif à ce que, dans la dynamique de la punition, une large place soit laissée à la nécessaire prise en compte de la bonne foi du contrevenant, c’est- à-dire au caractère possiblement non intentionnel de certaines infractions 10. Or ce type de paramètre est susceptible de jouer un rôle déterminant dans le cas qui nous occupe. Le calcul de la contribution des éditeurs de services à la production cinémato- graphique et à la production audiovisuelle est objectivement compliqué, voire très compliqué, comme le montrent en tant que de besoin les incertitudes qu’il fait naître et les litiges qui s’ensuivent 11. La pratique montre qu’il faut tenir pour acquise la pers- pective de désaccords entre l’administration et les redevables sur l’exacte portée de ce qui est dû. La probabilité est donc très forte de voir l’ARCOM sanctionner en première intention un « manquement » portant sur une fraction de contribution que l’éditeur a des raisons sérieuses de n’avoir pas pensé dues.

Il serait donc extrêmement inquiétant que, dans un contexte de cet ordre, l’éditeur soit exposé au risque de voir l’ARCOM mise en situation de pouvoir prononcer une sanction monstrueuse — puisqu’indexée sur le montant multiplié de toute l’obligation — là où désaccord — et donc le « manquement » allégué ne porte que sur une part, le cas échéant très mineure, de cette même obligation. Il en va ainsi en valeur absolue, mais aussi en valeur relative parce que ces allégations de manquement sont difficilement évitables.

Il n’est pas acceptable qu’un « manquement » allégué de quelques centaines de milliers d’Euro puisse, même virtuellement, donner lieu à une sanction chiffrée en dizaines voire en centaines de millions d’Euro. Or, en l’état final du texte de la loi, ce n’est pas

10. Cf. not. la décision n° 2018-739 QPC du 12 octobre 2018, Sté Dom Com Invest : « 5. Les dispositions contestées sanctionnent la délivrance irrégulière de documents permettant à un contri- buable d'obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposable, un crédit ou une réduction d'im- pôt. Le montant de cette amende correspond à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces docu- ments ou, à défaut d'une telle mention, au montant de l'avantage fiscal indûment obtenu par un tiers.

L'amende est appliquée sans considération de la bonne foi de l'auteur du manquement sanctionné.

6. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu lutter contre la délivrance abusive ou frauduleuse d'attestations ouvrant droit à un avantage fiscal. Il a ainsi poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. 7. Toutefois, en sanctionnant d'une amende d'un montant égal à l'avantage fiscal indûment obtenu par un tiers ou à 25 % des sommes indûment mentionnées sur le document sans que soit établi le caractère intentionnel du manquement réprimé, le législateur a institué une amende revêtant un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de ce manquement. 8. Par conséquent, le premier alinéa de l'article 1740 A du code général des impôts, qui méconnaît le principe de proportionnalité des peines, doit être déclaré con- traire à la Constitution, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief ».

11 . Cf. à ce sujet l’avis du Conseil d’État, Section de l’Intérieur, n° 398698 du 22 octobre 2019.

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objectivement impossible.

Ajoutons que la disproportion vient ici du montant nominal de la sanction encourue, mais pas seulement. Le cadre dans lequel elle serait prononcée ajoute à l’équation. Il n’est donc pas inutile de se souvenir que ni l’intimidation ni la mise en situation d’in- sécurité juridique massive ne constituent des outils constitutionnellement admissibles pour sanctionner des manquements techniques de cet ordre, a fortiori dans le chef de personnes morales.

14. L’échelle purement quantitative mérite enfin qu’on s’y arrête pour elle-même.

Puisque l’on craint la disproportion, il n’est pas aberrant de regarder les chiffres. D’au- tant qu’ils sont très parlants.

Le droit encore applicable conduit à ce que le montant de la sanction soit fixé, comme on l’a vu, à 3 % du chiffre d’affaires de l’éditeur. La loi nouvelle prévoit de l’indexer sur des obligations de contribution qui sont fixées par décret et varient en fonction des caractéristiques des éditeurs en question : services gratuits ou services payants, ser- vices de cinéma ou autres que de cinéma.

Le fait est que l’application de ce système aboutirait à des augmentations proprement vertigineuses dans tous les cas de figure. Cela se mesure très facilement en prenant les exemples suivants :

 Si l’on prend la situation d’un service de télévision gratuit et ses obligations en matière de production audiovisuelle et que l’on fait l’hypothèse d’un chiffre d’af- faires de référence de 1 Md€, l’obligation audiovisuelle de référence est de 150 m€ (cor- respondant à 15% du CA en application de l’article 9 du décret 2010-747 du 2 juillet 2010). Il s’ensuit que, dans le cadre encore en vigueur, la sanction financière maximale possible est la suivante (en millions d’Euro) :

Sanction En cas de réci- dive

Sanction max

(%) 3% du CA 5% du CA

Sanction max

(m€) 30 50

En application du mode de calcul désormais retenu par le législateur, les chiffres enga- gés s’établissent comme suit :

Sanction En cas de réci- dive

Sanction max 2 x obligation 3 x obligation Sanction max

(m€) 300 450

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 Si l’on prend l’exemple d’un service de cinéma de 1ère diffusion de télévision payante et ses obligations en matière de production cinématographique et que l’on forme l’hypothèse d’un chiffre d’affaires de référence de 500 M€, l’obligation de réfé- rence est de 130 m€ (correspondant à 26% du CA en application de l’article 35 du dé- cret 2010-747 précité). Dans le cadre encore en vigueur, le plafond de la sanction fi- nancière est le suivant :

Sanction En cas de réci- dive

Sanction max

(%) 3% du CA 5% du CA

Sanction max

(m€) 15 25

En appliquant le nouveau mode de calcul, les chiffres engagés s’établissent comme suit :

Sanction En cas de réci- dive

Sanction max 2 x obligation 3 x obligations Sanction max

(m€) 260 390

15. Par où que l’on prenne le problème, on voit donc bien, à la synthèse de l’ensemble des éléments qui précèdent, pourquoi il est indispensable que le niveau des sanctions ici encourues ne puisse pas — par principe — s’élever jusqu’aux hauteurs stratosphé- riques que fixe la loi. La latitude dont dispose naturellement l’ARCOM pour individua- liser les peines qu’elle prononcera ne saurait, à elle seule, apporter à l’exigence de non disproportion une garantie objectivement suffisante. Le simple fait que des sanctions aussi démesurées soient encourues entre – et doit pouvoir entrer – de plano dans le champ de la discussion juridique la plus effective, sauf à faire perdre le plus gros de sa signification même à l’injonction constitutionnelle avant tout faite au législateur de ne pas excéder les limites du raisonnable et du nécessaire.

16. À la lumière de ce qui précède, le soussigné est donc d’avis que l’article 25 de la loi

« relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère nu- mérique » est contraire à la Constitution.

Fait à Pau le 3 octobre 2021

Denys de Béchillon

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