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l’instar de notre ancien ministre de la Santé, votre serviteur jouira prochainement du temps retrouvé car son mandat s’achève cette année. C’est l’occasion de vous livrer quelques réflexions quant à la dermatologie.Les dermatoses sont relativement fréquentes. 20% de la population en souffrent et nécessitent une prise en charge thérapeutique. 7% de toutes les prescriptions médicales relèvent du domaine de la dermatologie. Notre spécialité comprend plus de 2000 diagnostics différents qui concernent non seulement les affections somatiques mais aussi psychosomatiques, psychosociales et psychosexuelles. De fait, la dermatologie est très inter
disciplinaire et la prise en charge optimale du patient nécessite une bonne collaboration avec un grand nombre de spécialités médicales.
La Suisse compte quelque 400 spé
cialistes en dermatologie. Notre spé
cialité a pour buts de promouvoir la dermatologie et la vénéréologie sous leurs aspects cliniques et scientifi
ques, de stimuler la relève, y compris académique, et d’assurer un contrôle de qualité. Nous nous occupons également des questions liées à la politique professionnelle, démontrant ainsi que nous sommes bien intégrés dans un réseau national et interna
tional garantissant à toute la population un accès aux dermatologues. Ce
pendant, la question de la maîtrise des coûts des soins, parfois au détriment de leur qualité, demeure un problème récurrent. L’installation comme spé
cialiste est freinée par la clause du besoin avec pour conséquence para
doxale que certains dermatologues ouvriront quand même leur cabinet mais offriront des prestations payables comptant. Ceci n’est probablement pas la volonté de nos autorités ni de la société. Pourquoi interdire à un dermatologue de s’installer au centre d’une agglomération alors que c’est en ville que se rendent les gens pour travailler ou se divertir ?
En milieu hospitalier, nous nous préparons au «Diagnosis Related Groups» (DRG). Le danger, lié à cette manie de vouloir à tout prix maîtriser les coûts de la santé, est que tant la qualité de nos prestations que celle de la prise en charge optimale de nos patients se perdent. En milieu hos
pitalier toujours, la relève académique est un problème majeur car, en dépit de la clause du besoin, la plupart de nos jeunes collègues ont pour ambition de s’installer dès leur formation achevée. Il faut dire que pour obtenir un grade académique, le médecin ne devra pas ménager sa peine et faire preuve d’une activité de recherche musclée et ce même en recher
che clinique. Le chemin pour y parvenir est en effet complexe, long et souvent onéreux. Le travail administratif et formel est énorme et les obsta
cles nombreux : commissions d’éthique, exigences en matière de sécurité et règlementations très strictes en matière de responsabilité civile. Très souvent, les médecins ne peuvent pas assumer la double charge que re
présentent la pratique médicale et la recherche. Leurs perspectives de carrière sont dès lors moins bonnes que s’ils se consacraient uniquement
L’union fait la force
«… certains dermatologues ouvriront quand même leur cabinet mais offriront des prestations payables comp- tant …»
éditorial
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 avril 2010 851
Editorial
R. G. Panizzon
Renato G. Panizzon
Médecin-chef du service de dermatologie et vénéréologie CHUV, Lausanne
Articles publiés
sous la direction du professeur
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à la recherche. En comparaison avec d’autres pays, les sciences de la santé ou la recherche psychosociale sont sousreprésentées dans les universités suisses alors que la recherche clinique, orientée patients, est un élément essentiel d’une prise en charge optimale. La recherche clinique en derma
tologie mérite des investissements à la hauteur d’une discipline moderne.
La Société suisse de dermatologie et vénéréologie (SSDV) a créé une base de données pour le suivi des patients, souffrant par exemple de psoriasis, le «Swiss Dermatology Network of Therapeutics», instrument capital non seu
lement pour les patients mais également pour les dermatologues afin de justifier l’im
portance de notre spécialité aux yeux des autorités sanitaires et de l’industrie pharma
ceutique. Si les cliniques universitaires ne s’unissent pas et n’offrent pas de services communs, les entreprises phar
maceutiques iront voir ailleurs…
Comme je l’ai mentionné dans un précédent numéro de la Revue médi- cale suisse, la dermatologie esthétique doit entrer dans les services univer
sitaires. Cette activité est indubitablement liée à la peau et doit être en
seignée dans nos centres académiques car les conséquences de derma
toses sévères au visage ont de grandes répercussions psychosociales et socioéconomiques. Ce domaine fait partie intégrante de notre activité, doit être renforcé et obtenir droit de cité. Il serait dangereux que les praticiens se forment de manière inadéquate, n’importe où et auprès de n’importe qui.
Enfin, voici qui illustre qu’il est de notre devoir d’instruire avec compé
tence nos patients : une dame m’a récemment demandé si la syphilis exis
tait encore ! Bien que les médias rapportent en détail des faits insignifiants, la population ignore que certaines maladies n’ont pas disparu et baisse son niveau de vigilance. Nous relevons en effet que depuis début 2000 la syphilis est en progression. Il est donc de notre devoir d’intensifier nos campagnes d information auprès des groupes à risques, à savoir les hommes homosexuels et hétérosexuels. L’ère des antiprotéases ne justifie pas une levée de la crainte du VIH ni un relâchement des comportements de pré
vention envers les infections sexuellement transmissibles.
Finalement, pourquoi avoir renoncé à la collaboration VaudGenève par le biais de son Département hospitalouniversitaire romand de der
matologie et vénéréologie (DHURDV) qui a fort bien débuté en 1996, alors que l’on constate (plus de dix ans plus tard) que les services de Berne, Bâle et Zurich collaborent ? Nos patients, les médecins installés et hospitaliers ne pourraient que profiter de cette synergie. L’union fait la force !
852 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 avril 2010
«… la population ignore que certaines maladies n’ont pas disparu et baisse son niveau de vigilance …»
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