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"Je le savais, mais je n’avais pas fait attention", ou la conversion connaissance/savoir

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Academic year: 2022

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"Je le savais, mais je n'avais pas fait attention", ou la conversion connaissance/savoir

DEL NOTARO, Christine

Abstract

Cet article se propose de soumettre à la réflexion du lecteur la question de la confusion comme indice de la mise en place de connaissances, d'une part, et de l'autre, comme marque de l'élaboration, par l'élève, de relations entre des notions mathématiques voisines.

DEL NOTARO, Christine. "Je le savais, mais je n'avais pas fait attention", ou la conversion connaissance/savoir. Educateur , 2005, no. 7, p. 18-19

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:31006

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Educateur 07.05

«Je le savais,

mais je n’avais pas fait attention»

ou la conversion connaissance/savoir

Cet article se propose de soumettre à la réflexion du lecteur la question de la confusion comme indi- ce de la mise en place de connaissances, d’une part, et de l’autre, comme marque de l’élaboration, par l’élève, de relations entre des notions mathématiques voisines.

C

ette affirmation d’un élève de 6e primaire, que j’ai reprise dans le titre, est intéressante à divers titres, car elle vient étayer l’hypothèse d’une nécessaire mise en place de liens, de relations à faire dans l’enseigne- ment du nombre à travers un milieu a-didactique riche et varié, et montre que cette mise en place se fait lentement, avec des retours en arrière et des anticipations.

En agissant sur le milieu de l’élève – ce qui consiste, entre autres, à reprendre ses affirmations et à les mettre en contra- diction avec celles de ses camarades ou les miennes, à faire se confronter leurs connaissances, à mettre en jeu un nouvel élément, etc., en d’autres termes, à jouer avec le jeu de l’élè- ve – je tente de mettre en évidence la nécessité de faire faire et refaire les mêmes choses aux élèves. Le processus de la connaissance, comme on le sait, n’est pas linéaire mais dit en spirale.

Le contexte: je travaille régulièrement avec des élèves de 6e primaire que je vois une fois par semaine par petits groupes et explore les différents milieux dans le domaine de la théo- rie du nombre; plus particulièrement, les critères de divisi- bilité. L’extrait que je présente vient après plusieurs semaines de travail sur les critères, entre autres, de 3, 6 et 9. Je propo- se des suites de tâches qui me permettent de comprendre comment les connaissances se construisent, quels liens ces connaissances entretiennent avec le nombre.

Le fait: tout à fait spontanément, l’élève M. demande si 11'111'111'112 est un multiple de 6.

Cet exemple arrive à point nommé car il permet de mettre en évidence une confusion et la dynamique qui se crée autour, et d’observer comment elle peut amener à la conver- sion d’une connaissance en savoir. Les élèves appliquent la règle de la divisibilité par 6, qu’ils ont apprise auparavant. Ils en font une interprétation erronée1: ils calculent la somme des chiffres, ce qui fait 12 (1+1+1+1+1+1+1+1+1+1+2), qu’ils réduisent encore à 3 (1+2), qui est la racine numé- rique2. Ils déclarent ensuite ce nombre non multiple de 6, puisque 3 n’est pas un multiple de 6.

La confusion est présente dans les derniers termes: ce nombre est bien un multiple de 6, puisque la racine numé- rique est multiple de 3 (et non pas multiple de 6, comme ils le disent).

Cet événement, qui arrive en fin de séance, révèle une confu- sion identique à celle observée lors de la séance précédente, à propos d’une tâche similaire (dans un tableau de nombres de 1 à 500 désordonné, rechercher les multiples de 6). De la même manière, les élèves cherchaient dans le nombre obte- nu par addition des chiffres, un multiple de 6, alors que le critère est: le nombre obtenu est un multiple de 3. La consé- quence était que l’on obtenait des différences de diagnostic selon que l’on additionnait jusqu’à obtenir un nombre de deux chiffres ou n’obtenir qu’un seul chiffre (par exemple:

444 12 3; 12 est un multiple de 6 mais 3 ne l’est pas).

En appliquant le critère de manière correcte, cela ne change rien puisque 12 et 3 sont des multiples de 3.

Cette confusion a permis aux élèves d’ajuster leurs repré- sentations3mathématiques quant au critère de divisibilité par 6 et leur a permis paradoxalement d’entrer enfin dans une phase de formulation.

Je ne décrirai pas ici la suite de la séance dans le détail, mais quelques échanges plus tard, l’autre élève, C., dit ceci:En somme c’est le 3 qui commande tout.

Un multiple de 6 doit être multiple de 6; accepter de dire qu’il est multiple de 3, c’est effectivement comprendre l’in- clusion de l’ensemble des multiples de 6 dans l’ensemble des multiples de 3 et que l’inverse n’est pas vrai; c’est encore dif- férencier ses propres représentations mathématiques des ensembles de multiples et de leurs corrélations. Ainsi la remarque de C.:En somme c’est le 3 qui commande tout,lais- se-t-elle supposer un début de différenciation.

C. expose une règle qui permet de décider si c’est 3 ou 12 qui doit être pris comme racine numérique. Mais sa règle n’est pas précise: 3 commande sur quoi? Les deux tests, pari- té et multiple de 3, sont deux actes dissociés, que l’on ne peut pratiquer en même temps, mais il faut que les deux soient positifs pour conclure. Il n’est dès lors pas étonnant que la confusion s’installe à la faveur du but premier de son test: chercher à savoir si un nombre est multiple de 6. Pour énoncer correctement la règle de C., on pourrait dire:En somme, quand on teste si un nombre est multiple de 3 on teste ceci et seulement ceci. Et l’on pourrait rajouter:Si on veut savoir s’il est aussi multiple de 6, on teste la parité et seulement ceci.

Le problème rencontré dans 11'111'111'112 est que l’addi- Christine Del Notaro (FPSE – didactique des mathématiques)

Dans la didacthèque...

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tion des chiffres du nombre est à la fois multiple de 6 et de 3 si l’on s’en tient, comme les élèves, à deux chiffres (12). La déstabilisation des élèves provient du fait que la règle qui permet d’additionner jusqu’à n’obtenir plus qu’un chiffre – racine numérique – contredit celle qu’ils utilisent, à savoir: la somme des chiffres doit être un multiple de 6 (ce qui n’est pas la racine numérique, puisqu’il faut continuer la réduc- tion). Après vérification à la calculette, les élèves constatent que ce nombre est bien un multiple de 6. Ils sont perplexes de ne pas parvenir au même constat avec leur règle:voir si la somme des chiffres est multiple de 6, lorsqu’ils considèrent la racine numérique qui est 3, mais que cela joue s’ils considè- rent le 12 (somme des chiffres). A un moment, l’élève C.

propose de quitter l’ensemble des N et d’aller dans Q pour pouvoir affirmer que 3 est bien un multiple de 6, tant la connaissance (ça doit être un multiple de 6) est résistante; il propose en effet tu fais 6 fois 1/2 et ça fait 3.

Dans l’expérience que les élèves ont des relations entre les nombres et plus particulièrement ici des relations entre les multiples de 3, 6, 9, on pointe que les représentations sont souvent indifférenciées. Le fait de pouvoir faire des expéri- mentations en groupes restreints permet de voir où elles sont indifférenciées, comme dans l’exemple qui précède. L’expé- rimentation constituée d’un jeu de tâches en rapport les unes avec les autres, permet aux élèves de faire d’autres expé- riences autour des liens entre les nombres, de se confronter à des contradictions, d’éprouver la confusion qui en décou- le, de pouvoir mettre ensuite de l’ordre dans leurs connais- sances pour peu à peu différencier leurs représentations (inclusion des multiples de 6 dans les multiples de 3 et non l’inverse).

Ce qui vient d’être évoqué se situe principalement au niveau de l’action4, avec des incursions au niveau de la formulation5. En effet, les élèves commencent tout juste à formuler des règles de divisibilité par 3, 6 ou 9, qui demanderont à être à nouveau mises en action pour être peut-être formulées à nouveau.

El.: Donc, il n’y a aucun multiple de 6 qui n’est pas multiple de 3!

Exp.: Mais tu le savais ça?

El.: je le savais, mais je n’avais pas fait attention…

Les connaissances sont en passe de se convertir en savoirs.

Je le savais:ce sont des connaissances autour des multiples et des diviseurs et mais je n’avais pas fait attention: montre qu’elles ne s’étaient pas révélées utiles, donc qu’elles n’étaient pas encore à l’état de savoir. Elles ont été remises en question profondément lors de ces séances et chez cet élève, elles sem- blent s’être reconstruites solidement, ce qui a permis une formulation de sa part.

1Critère de divisibilité par 6: le nombre est pair et sa racine numérique est mul- tiple de 3.

2Racine numérique: nombre à un chiffre, obtenu en additionnant les chiffres du nombre, puis, si le résultat est un nombre à plusieurs chiffres, en réitérant le pro- cédé jusqu’à cette réduction finale.

3Représentation: interface entre connaissance et situation, selon J. Brun, discus- sion privée.

4/5Cf. la Théorie des situations de G. Brousseau, pour les dialectiques d’action, de formulation, de validation.

G. Brousseau, (1998). Théorie des situations didactiques. Didac- tique des mathématiques 1970-1990. Grenoble: La Pensée Sau- vage.

F. Conne, (1992). Savoir et connaissance dans la perspective de la transposition didactique. Didactique des mathématiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne Paris 1996.

A. Rouchier, (1991). Etude de la conceptualisation dans le systè- me didactique en mathématiques et informatique élémentaires:

proportionnalité, structures itérativo-récursives, institutionnali- sation. Thèse de doctorat. Université d’Orléans.

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