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Gestion du littoral, regarder le passé pour mieux prévenir

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Academic year: 2021

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otes & Mer

L

e littoral est en perpétuel mouvement car il résulte d’un ajustement permanent entre un contexte géologique, un niveau marin, et des conditions météo-marines. Ces facteurs sont eux mêmes changeants à plusieurs échelles de temps, allant du phénomène instantané qu’est la tempête, aux variations historiques, voire géologiques des

conditions climatiques et du niveau moyen de la mer (voir Côtes et mer n°7). Ainsi, garder la mémoire de ces évolutions, autrement dit connaitre le passé, permet de comprendre le présent, voire de prévoir l’avenir. L’approche historique est donc essentielle.

Elle permet de replacer les aléas actuels dans un contexte temporel plus large mettant en évidence l’aspect exceptionnel

(ou pas !) de l’ampleur ou de la fréquence d’un phénomène.

N’entendons nous pas à chaque événement fort l’opinion publique ou les médias évoquer « on n’a jamais vu cela » alors que l’histoire récente nous montre la récurrence de ces

événements, ainsi que leur répartition spatiale.

Connaitre le passé et les chroniques permet d’anticiper les impacts potentiels d’événements futurs comparables et, a priori, de mieux concevoir les moyens de s’en prémunir par

la connaissance des impacts déjà inventoriés. En matière de gestion des risques environnementaux, la connaissance de l’histoire d’un territoire contribue à élaborer une « culture du risque » qui se doit d’être partagée par les experts, les

populations côtières et l’ensemble des acteurs du territoire.

C’est dans ce sens que les trois régions normandes et picarde se sont associées pour que le ROLNP fasse un état de l’art de la connaissance des dynamiques et des risques côtiers, puis

se constitue en outil de diffusion.

« Si nous voulons être les acteurs responsables de notre propre avenir, nous avons d’abord un devoir d’histoire » (Antoine Prost).

Laurent Beauvais, Président de la Région Basse-Normandie Claude Gewerc, Président de la Région Picardie Nicolas Mayer-Rossignol, Président de la Région Haute-Normandie

> Perception

La mémoire du risque p. 2

La lettre du R éseau d’Obs ervation du Litt oral Normand et Pic ard

> Gestion des risques

Une histoire par à-coups p. 3

> PPR

Dimension historique dans les outils

réglementaires p. 4

Juin 2015

n°8

Gestion

du littoral, regarder

le passé pour

mieux prévenir

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Les différents usagers du littoral (habitants, gestionnaires, professionnels, touristes…) ont tous une vision des risques côtiers qui leur est propre. Cette représentation se construit en fonction de l’expérience personnelle (liée au vécu, à l’histoire…) et sociale de chacun.

L’enquête menée auprès de 894 habitants de cinq communes littorales bretonnes, réalisée dans le cadre du projet de recherche COCORISCO1 met en évidence qu’il existe de grands écarts entre l’appréciation des risques par les experts et la perception de ceux-ci par les usagers. Ainsi, selon cette étude, la plupart des habitants de communes littorales considèrent que :

1) les risques littoraux ne sont pas une priorité.

2) vivre au sein d’une commune littorale est d’abord perçu comme un « privilège », défini par la beauté du paysage et de la vue, la proximité de la plage et de la mer. Cette représentation explique la forte volonté de rester dans cette position privilégiée en rejetant des stratégies qui impliquent des changements (démolition et recul des propriétés) et en acceptant celles qui pourraient renforcer leur position.

Ainsi, plus qu’une question de « mémoire » ou de « déni » du risque, il s’agit de représentations divergentes entre des habitants et des gestionnaires qui prônent la relocalisation des enjeux. L’étude de ces représentations permet de mieux comprendre les différents modes d’approche du risque, ainsi que les conflits, les freins ou les incompréhensions qui peuvent y être liés. Cette notion de « vulnérabilité perçue », apparaît aujourd’hui essentielle pour éclairer les politiques publiques de gestion de ces risques.

1 Projet de recherche COCORISCO (COnnaissance et COmpréhension des Risques CÔtiers) - ANR 2010-CEPL-001-01

D’après Catherine Meur-Ferec (meurferec@univ-brest.fr) et Elisabeth Michel-Guillou (elisabeth.michel-guillou@univ-brest.fr), Université de Bretagne occidentale

www.cocorisco.fr

> Malgré de nombreuses catastrophes liées aux phénomènes littoraux (érosion, submersion) survenues par le passé (voir Côtes et mer n°7), l’appropriation de la frange côtière est toujours plus grande.

Y a-t-il un déni du risque ou l’attrait du paysage est-il plus fort que la peur ? Comment cultiver la mémoire du risque pour limiter les vulnérabilités ?

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Risque littoraux : déni ou représentations divergentes ?

Risques littoraux : déni ou représentations divergentes ?

La mémoire du risque au cœur de la prévention

Pose de repères de crues*, expositions commémoratives, colloques sur des événements majeurs... autant de moyens pour faire prendre conscience aux populations concernées et aux élus que le risque existe. Cet entretien de la mémoire des catastrophes passées permet d’améliorer la capacité de réaction et de diminuer la vulnérabilité aux événements extrêmes. Les phénomènes naturels savent se faire oublier et on constate régulièrement que les catastrophes, quelle que soit leur importance, disparaissent ou s’estompent rapidement de la mémoire collective. Cinq ans après la tempête Xynthia, le souvenir de cet événement tragique commence déjà à s’effacer car considéré par d’aucun - à tort - comme un événement extrêmement rare. Les conséquences en terme de choix d’aménagement (urbanisation et travaux de protection), d’information des populations, et donc de sécurité en sont souvent désastreuses.

* Depuis 2003, Les communes ont pour obligation légale (loi n°2003-699 du 30 juillet 2003) d’informer les citoyens sur le risque d’inondation, notamment la pose de repères de crue.

Le littoral d’hier à aujourd’hui sur www.rolnp.fr

L’atlas du ROLNP, à travers une approche historique, remet en perspective l’évolution du littoral : cartes postales anciennes, photographies aériennes, évolution de l’urbanisation depuis 1900, traits de côte historiques, recensement des submersions… autant d’éléments qui participent à alimenter la mémoire collective.

Retrouvez toutes ces données sur www.rolnp.fr, rubrique

« Approche historique ».

Manifestation des habitants de Boucholeurs (avril 2010) après le passage de la tempête Xynthia

Source : Pierre Andrieu / AFP - LaDepeche.fr

La mémoire du risque

Perception

D’après Catherine Meur-Ferec (meurferec@univ-brest.fr) et Elisabeth Michel-Guillou (elisabeth.michel-guillou@univ-brest.fr), Université de Bretagne occidentale www.cocorisco.fr

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À l’exception des ports qui exigent une plus grande exposition des habitations, bourgs et villages des communes littorales des sociétés anciennes se construisent à l’abri des foudres de Poséidon, sur les falaises mortes au-delà de la cote d’élévation 10 m. La mise en place de règlements visant à préserver le cordon dunaire, comme sur la côte ouest du département de la Manche complète cette précaution ancestrale.

Au XVII-XVIIIe, dans le Cotentin et le Bessin, de nouvelles modalités de valorisation des marais, tournées vers une agriculture plus intensive favorisent la multiplication d’infrastructures d’assèchement onéreuses et incompatibles avec l’érosion du rivage ou la répétition de coups de mer lors d’hivers tempétueux.

La politique du tout endiguement semble être la seule issue. C’est cependant un leurre, le durcissement du rivage favorise à moyen terme une accélération de l’érosion.

La construction des nombreuses digues entre Réville et Sainte- Marie-du-Mont en est la parfaite illustration. Après, la submersion de Saint-Vaast-la-Hougue en 1724, pour la première fois dans l’histoire de France, l’État royal décide de financer une infrastructure de défense contre la mer : la digue de la « Longue Rive » qui s’étend de Saint-Vaast au pont de Saire. Cette politique d’endiguement s’étend à l’ensemble de la baie de la Hougue. Des dizaines de paroisses, parfois éloignées de plus de 20 km du rivage, sont mises à contribution, mais la Longue Rive et les digues favorisent une accélération de l’érosion à leur extrémité et au niveau de leur soubassement. Leur entretien et leur agrandissement au gré des assauts de la mer deviennent objets de plaintes croissantes dès le milieu du XVIIIe siècle. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, malgré la constitution de syndicats de défense contre la mer et l’aide technique des Ponts et Chaussées, les digues du Cotentin deviennent un héritage encombrant en raison des difficultés de l’élevage et d’un exode rural prononcé.

Après 1870, l’économie balnéaire connaît un véritable essor et modifie l’appréhension foncière du littoral. L’arrivée de nouvelles populations, vierges de toute mémoire du risque côtier, entraîne la construction d’infrastructures inadaptées sur et le long des vastes cordons dunaires qui protègent la côte de nacre ou la côte ouest du Cotentin. De 1807 à 1940, les services maritimes des Ponts et Chaussées rappellent à tous les investisseurs (petits et grands) que toute construction faite en limite ou bien sur le Domaine public maritime est réalisée à leurs «risques et périls» mais rien n’y fait.

La spéculation foncière poursuit son travail de sape mémorielle.

Le rythme des avaries et catastrophes s’accroît alors progressivement : 1869, 1909 1924, 1928, 1931, 1932.

> Au cours des trois derniers siècles, l’attrait croissant des espaces littoraux, tant pour l’agriculture, le commerce ou les bains de mer, a accru notre vulnérabilité. Nos nouveaux modes de développement n’ont pas toujours su inclure la capacité de sape de la mer ni le caractère mouvant du front de mer.

Des politiques de gestion du risque côtier ont été progressivement mises en places. Ces dernières privilégiaient toutefois la gestion de crise et post-crise à l’atténuation à long terme de la vulnérabilité côtière via des programmes d’aménagement durable.

L’exemple de la gestion du risque des côtes basses normandes, 1500 -1940

Xynthia, un électrochoc pour la gestion du risque de submersion

Plus récemment, la prise de conscience occasionnée par la tempête Xynthia de février 2010 - ainsi que par les inondations dans le Var en juin 2010 qui avaient causé la mort de 26 personnes - a conduit les pouvoirs publics à impulser une réflexion sur les moyens d’éviter la réitération de ces événements. Cette démarche a abouti à l’adoption en 2011 par les services de l’État d’un plan national de submersions rapides (PSR) pour faire face à ces risques.

Le PSR vise essentiellement :

la maîtrise de l’urbanisation et l’adaptation du bâti,

l’amélioration des systèmes de surveillance, de prévision, de vigilance et d’alerte, la fiabilité des ouvrages et des systèmes de protection,

l’amélioration de la résilience des populations (la culture du risque et les mesures de sauvegarde).

Ce plan national a notamment permis de déterminer les territoires prioritaires pour lesquels un Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) doit être prescrit.

Plus d’information sur : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Le_plan_submersion_rapide.pdf

Suzanne Noël (snoel.zhl@gmail.com), doctorante en histoire sous la direction d’Emmanuel GARNIER, Université de Caen Basse-Normandie Répartition des dotations budgétaires annuelles en Seine-Maritime

entre 1977 et 1993 (Costa, 1995)

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Une histoire par « à-coups »

Gestion des risques littoraux

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Directeur de la publication : Jean-Philippe Lacoste Coordination : Nathalie Pfeiffer (ROLNP) Mise en page & impression : Crédits photographiques :

Page 1 : Extrait d’échelle de crue de la Loire © DREAL Loire - Port en Bessin : Tempête du 21 février 1905 © Collection jfm.net Page 3 : Roz sur Couesnon

Page 4 : Jour de tempête à Ault © Delcampe.net

> Ce n’est que très récemment que les outils réglementaires, tels que les Plans de Préventions des Risques (PPR) prennent en compte les évènements passés. Le guide méthodologique des PPR littoraux, révisé après Xynthia et validé en 2014, a rendu cette phase obligatoire.

PPR

Dimension historique

dans les outils réglementaires

L’approche historique dans les PPR : intérêt et limites

Tiphaine Brett, DDTM 50 (tiphaine.brett@manche.gouv.fr)

Un Plan de Prévention des Risques est un document réalisé par l’État qui réglemente l’utilisation des sols à l’échelle communale, en fonction des risques auxquels ils sont soumis. Pour les risques littoraux (PPRL), ce document se rédige en quatre étapes : analyse du fonctionnement littoral ; caractérisation et qualification de l’aléa de référence ; analyse des enjeux ; élaboration du dossier réglementaire (cartographie des zones de risques et règlement).

La première étape est un moment clé du PPRL. Elle s’appuie à la fois sur une description technique du site (type de côte, conditions climatiques, analyse des transits sédimentaires, ouvrages de protection...) mais également sur une approche historique qui consiste à recueillir le plus d’informations possibles sur le secteur d’étude.

Les sources de l’approche historique sont très variées : Cartes anciennes et photos aériennes, récits, articles de presse météorologiques.

Dans le département de la Manche, l’approche historique dans les PPRL en cours a permis de remonter jusqu’au 18ème siècle.

L’intérêt de ces approches est de mieux connaître le fonctionnement du territoire. L’approche historique permet d’affiner le fonctionnement hydro-sédimentaire, indispensable pour appréhender les mouvements du trait de côte. Les tempêtes historiques permettent également de choisir les scénarios de référence en les comparant à des hypothèses statistiques et en retenant les scénarii les plus défavorables.

Les limites sont la précision des données recueillies qui ne sont pas exhaustives à l’échelle du secteur d’étude, parfois subjectives. Par ailleurs, les dégâts observés doivent être relativisés en fonction du contexte géomorphologique et des aménagements conjoncturels. Par exemple, le déplacement des portes à flot de Carentan aura une incidence sur l’emplacement des zones inondées. Ces évolutions à venir seront prises en compte dans le cadre des révisions des PPRL mais montrent la vigilance à avoir lorsque l’on interprète un événement passé.

Qu’est-ce qu’un événement de référence ?

L’événement de référence est l’événement le plus pénalisant en terme d’effets sur la zone étudiée (et donc de dégâts). D’une manière très générale, il s’agit soit de l’événement historique majeur, soit de l’événement statistique de période de retour 100 ans (s’il est supérieur à tout événement historique connu). Dans le cadre de la submersion marine, l’aléa de référence est caractérisé à minima par un niveau d’eau et une hauteur de vague à la côte.

Le niveau marin de référence correspond au niveau marin centennal théorique déterminé en chaque point du littoral par le SHOM* augmenté de 20 cm afin de prendre en compte les hypothèses d’élévation du niveau marin liée au changement climatique.

Une projection à l’année 2100 complète cette première simulation en ajoutant 40 centimètres aux 20 premiers. Ainsi par exemple, sur le périmètre de la communauté urbaine de Cherbourg l’évènement de référence est la tempête de l’hiver 1846.

* cf note méthodologique du 22 janvier 2013 relative aux études « Statistiques des niveaux marins extrêmes des côtes de France » éditées en 2008 et 2012 par le SHOM.

Extension des inondations des bas-champs de cayeux entre 1972 et 1990 (Costa,1995)

Contact

Réseau d’Observation du Littoral Normand et Picard 1 bis, rue Pémagnie - 14000 Caen

Tél. 02 31 15 64 27

rolnp@conservatoire-du-littoral.fr www.rolnp.fr

Références

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