Images en Dermatologie • Vol. X - n° 1 • janvier-février 2017 12
Le coup d’œil
Cas clinique
Eczéma dyshidrosique • Immunoglobulines • Syn- drome ASMAN.
Eczematous reactions • Immunoglobulin • ASMAN.
Eczéma dyshidrosique
et immunoglobulines polyvalentes
Eczematous reactions associated with
intravenous or subcutaneous immunoglobulin
J. Chanal (Service de dermatologie, hôpital Cochin - Centre Tarnier, Paris)
Un homme de 29 ans est suivi dans le service de neurologie pour tétraparésie dans le cadre d’un syndrome ASMAN (Acute Sensory-Motor Axonal Neuropathy) . Un traitement
par des immunoglobulines polyvalentes intraveineuses est débuté à la dose de 0,5 g/j, 5 jours de suite. Quarante-huit heures après la première injection, le patient voit apparaître un prurit de la plante des pieds , suivi de lésions vésiculeuses. Traité par son neurologue avec des émollients, il est adressé en consultation de dermatologie pour avis.
Observation
L’examen retrouvait des lésions dyshidrosiformes des plantes et de la face dorsale des pieds, avec une kératodermie (fi gures 1 et 2). Le délai et la clinique était compatible avec une mise en cause des immunoglobulines. Un traitement par corticoïde topique très fort par − du clobétasol − était instauré, avec une bonne effi cacité, sans nécessité d’arrêter les perfusions.
Discussion
Les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses ou sous-cutanées ont des indica- tions variées dans différentes pathologies. En France, elles ont l’autorisation de mise sur le marché pour différentes pathologies dans un rôle substitutif (défi cit immunitaire) ou d’immunomodulation (myasthénie, purpura thrombopénique idiopathique, etc.).
Les effets indésirables sont fréquents (de 30 à 40 % dans la littérature médicale), à type de myalgies et d’arthralgies, frissons, céphalées, douleurs dorsales, épisodes fébriles. De manière plus rare, des effets indésirables graves (anémie hémolytique, insuffi sance rénale aiguë, événements anaphylactiques et thromboemboliques) ont été rapportés. Un effet indésirable peu connu mais probablement sous-évalué est la survenue d’un eczéma dyshidrosique (ou pompholyx) secondaire aux immuno- globulines polyvalentes.
Soixante-huit cas de réactions eczématiformes ont été décrits dans la littérature, en grande partie dans des indications neurologiques − plus de 85 % des cas dans une revue de la littérature de M.R. Gerstenblith et al. (1). Cette sur-représentation des pathologies neurologiques pourrait s’expliquer par une utilisation plus importante et à plus forte dose du produit .
La physiopathologie de cette réaction n’est pas connue. E. Sarmiento et al. (2) ont décrit une consommation du complément que J. Miyamoto et al. (3) rapprochent d’un effet superantigène des immunoglobulines sur les lymphocytes B, avec production d’anticorps dirigés contre l’épiderme (mais qui seraient à un taux trop faible pour
être mesurés). J. Chanal déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.
Légende
Figures 1 et 2. Lésions dyshidrosiformes des plantes et de la face dorsale des pieds.
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Images en Dermatologie • Vol. X - n° 1 • janvier-février 2017 13
Le coup d’œil
Cas clinique
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Références bibliographiques
1. Gerstenblith MR, Antony AK, Junkins-Hopkins JM, Abuav R. Pompholyx and eczematous reactions asso- ciated with intravenous immunoglobulin therapy. J Am Acad Dermatol 2012 Feb;66(2):312-6.
2. Sarmiento E, Micheloud D, Carbone J. Complement consumption associated with eczematous cutaneous reaction during infusions of high doses of intravenous immunoglobulin. Br J Dermatol 2004;151(3):721.
3. Miyamoto J, Böckle BC, Zillikens D, Schmidt E, Schmuth M. Eczematous reaction to intravenous immuno- globulin: an alternative cause of eczema. JAMA Dermatol 2014;150(10):1120-2.
Conclusion
Un traitement par des dermocorticoïdes de classe forte ou très forte est souvent suffi- sant pour contrôler la maladie induite sans arrêter le traitement par immunoglobulines, qui est indispensable dans la prise en charge du malade. II
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