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Ecologie microbienne du tractus digestif et immunisation orale
C. Moreau
To cite this version:
C. Moreau. Ecologie microbienne du tractus digestif et immunisation orale. Veterinary Research,
BioMed Central, 1995, 26 (3), pp.237-239. �hal-02701188�
tect
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Écologie microbienne du tractus diges-
tif et immunisation orale. MC Moreau MC Moreau
(INRA-UEPSD, Fonctions des bactéries intestinales, Bât 440, 78352 Jouy-en-Josas Cedex, France)
Les progrès dans la connaissance de l’im- munité intestinale et dans les biotechnolo-
gies ont permis d’envisager de nouvelles
stratégies vaccinales par voie orale per- mettant d’agir directement contre des micro-
organismes entéropathogènes. Le but est
d’obtenir une protection immunitaire locale à IgA, associée parfois à une protection sys-
témique. Cependant, l’utilisation de la voie orale pose des problèmes liés aux fonctions
de digestion exercées par le tube digestif, à
la présence de la flore intestinale colique
et à une caractéristique fondamentale de l’immunité intestinale qui est sa capacité à développer une suppression des réponses
immunitaires systémiques envers un anti- gène donné par voie orale, phénomène appelé «tolérance induite par voie orale»
(Moreau et Coste, 1993).
Pour résoudre le problème de la résis- tance de la protéine vaccinale à la diges-
tion protéolytique, il
aété imaginé de l’en- velopper dans des microparticules ou
d’insérer le gène codant pour sa synthèse
dans l’ADN chromosomique ou plasmidique
d’une bactérie recombinante. Du fait de la
présence dans le tube digestif d’une flore
intestinale importante, cette dernière solution semble intéressante, car on peut penser que la bactérie recombinante va persister plus longtemps dans le tube digestif qu’une simple microparticule. En fait, ce n’est pas si
simple !
La flore intestinale
On estime à environ 1 O 14 le nombre de bac- téries présentes dans le tube digestif alors
que l’homme n’est formé que de 10 13 cel- lules (Luckey et Floch, 1972). Cette flore intestinale est essentiellement présente
dans le côlon ou sa densité atteint près de 10
11 bactéries/g de contenu (Raibaud, 1992 ; Ducluzeau, 1994). À l’inverse, la flore intes- tinale est quasi absente de l’estomac chez l’homme où l’acidité gastrique est forte (alors
que, chez les rongeurs où le pH est plus élevé,
ontrouve
uneflore lactique abon- dante) et dans les portions proximales de
l’intestin grêle, surtout au niveau du duodé- num, ce qui semble être une exigence phy- siologique. Un développement bactérien
dans le duodénum peut avoir comme ori- gine un défaut de motilité intestinale (stase)
ou la présence de bactéries pathogènes possédant des facteurs d’attachement qui
leur permettent cette colonisation (Esche-
richia coli K99 chez le veau, K88 chez le porc, Vibrio chloerae chez l’homme...). ).
On estime à 300 à 400 le nombre des
espèces bactériennes qui coexistent dans le tube digestif selon un équilibre résultant de nombreuses interactions dues à l’hôte, l’ali- ment et les bactéries elles-mêmes. Quanti- tativement, le seuil de 10! bactéries/g de
contenu permet de distinguer la flore domi- nante (> 10!) qui
vaexercer différents effets favorables et parfois défavorables sur l’hôte, de la flore sous-dominante (< 10!) dont on
pense qu’elle ne joue aucun rôle sur l’hôte et qui peut contenir des bactéries pathogènes
mais inoffensives du fait de leur faible
nombre (portage sain). Un profil bactérien
quantitatif et qualitatif caractérise chaque espèce animale et varie selon l’âge. En plus
de certains genres bactériens trouvés com- munément dans beaucoup d’espèces ani-
males comme Bacteroides, Clostridium, Eubacterium, Peptostreptococcus, d’autres
sont caractéristiques d’espèces. Ainsi, le genre Lactobacillus qui est dans la flore dominante des Rongeurs rats et souris et
chez le porc ne se trouve que très occa- sionnellement dans la flore intestinale domi- nante et résidente de l’homme. Cependant,
c’est une bactérie souvent utilisée comme
bactérie recombinante car elle résiste à l’aci- dité gastrique. Inversement le genre Bifido- bacterium ne se trouve que chez l’homme et pas chez les Rongeurs. On ne connaît pas
encore les raisons de cette différence. À la naissance, le tube digestif stérile du nou-
veau-né va se peupler progressivement
avec quelques souches bactériennes sélec- tionnées par l’hôte et qui sont également
fonction de l’aliment lacté (Moreau et al, 1986 ; Ducluzeau et Raibaud, 1990). Cette
flore va progressivement se diversifier et se
compliquer pour devenir la flore de l’adulte.
Chez l’homme les bactéries de la flore domi- nante colique sont anaérobies strictes. Cer- taines d’entres elles, qui sont les plus abon- dantes, sont même extrêmement sensibles à l’oxygène et actuellement difficiles à cul- tiver et à caractériser (Raibaud, 1992).
Fonctions de la flore intestinale
La flore intestinale exerce de nombreuses fonctions sur l’hôte mais on peut considérer qu’elle joue un rôle fondamental pour la pro- tection de l’individu qui l’héberge (Raibaud, 1992 ; Ducluzeau, 1994). Ce rôle est essen-
tiellement dû aux effets antagonistes, ou
effets de barrière, que la flore exerce envers
les bactéries exogènes qui arrivent dans le tube digestif et à son action sur le dévelop- pement du système immunitaire intestinal et systémique (Moreau et Coste, 1993).
Actuellement de nombreuses expé-
riences montrent qu’une bactérie exogène,
introduite par voie orale, est éliminée par les bactéries qui composent la flore intesti- nale autochtone et dominante. Cette élimi- nation est soit complète (effet de barrière
drastique) et dans ce cas la bactérie ne fait
que transiter, soit partielle (effet de barrière permissif) et dans ce cas la bactérie per- siste mais à des niveaux trop faibles pour
exercer un effet quelconque sur l’hôte. Ce phénomène très important physiologique-
ment (car il nous protège de la colonisation hasardeuse par n’importe quelle bactérie présente dans l’environnement) est un obs-
tacle à l’implantation de bactéries recombi- nantes dans le tube digestif. Certains cher- cheurs ont envisagé, en introduisant des
gènes codants pour des facteurs d’adhé- sion, de permettre l’implantation ou d’aug-
menter le temps de présence de la bactérie dans l’écosystème intestinal. Il n’est pas certain que cette solution soit la meilleure et il semblerait même au contraire qu’elle
soit potentiellement dangereuse ; il est
nécessaire de la considérer avec beaucoup
de prudence. En effet, la plupart des bac-
téries intestinales vivent en étroite associa- tion avec le mucus, qui constitue la pre- mière ligne de défense des muqueuses, et ne sont pas attachées directement à l’épi-
thélium intestinal.
Cependant, même si une bactérie ne peut s’implanter durablement dans le tube
digestif, il est de plus en plus admis qu’elle puisse exercer un effet sur l’hôte durant son
temps de transit à condition qu’il y ait un nombre suffisant de bactéries arrivant dans l’intestin (entre 10! et 10 $ bactéries/g). Ces
bactéries sont alors appelées «probio- tiques». Il faut donc envisager que les bac- téries recombinantes, qui ne peuvent s’im- planter dans le tube digestif du fait de ces
effets antagonistes dûs à la flore intestinale autochtone, au mieux transitent seulement dans le tube digestif. D’un point de vue pra-
tique, cela oblige à envisager une stratégie
vaccinale nécessitant, par exemple, de mul- tiples ingestions des bactéries recombi- nantes pour espérer
uneffet
surl’hôte.
Un deuxième problème des bactéries recombinantes concerne l’expression du gène recombinant. Il n’est pas toujours cer-
tain que, dans le tube digestif, le gène
recombinant persiste longtemps lorsqu’il est intégré dans un plasmide. Il a été montré expérimentalement et in vivo que des bac- téries intestinales dépourvues de plasmide
éliminaient rapidement des souches isogé- niques porteuses de plasmides (Duval-Yflah
et al, 1981 Il serait donc plus profitable d’intégrer le gène recombinant dans le chro-
mosome bactérien, mais qu’en est-il alors de
son expression ? Des expériences ont mon-
tré que la synthèse d’une entérotoxine par
un gène chromosomique de Clostridium dif- ficile est soumise à des régulations prove- nant de l’environnement intestinal et qu’elle peut être réprimée par certaines bactéries
ou par certaines protéines alimentaires
(Mahé et al, 1987).
Ainsi, chaque modèle de bactérie recom-
binante doit être considéré selon des cri- tères concernant la biologie moléculaire mais aussi l’écosystème bactérien intestinal.
Conclusion
Un dernier point à considérer, et non des moindres, est de se demander quelle sorte
de réponse immunitaire la présence d’une protéine étrangère dans le tube digestif est capable de générer. On sait que l’ingestion
d’une protéine peut induire une suppres- sion de la réponse immunitaire spécifique
au niveau systémique (Moreau et Coste, 1993). Ce phénomène appelé «tolérance
orale» est physiologiquement important pour éviter les hypersensibilités digestives aux protéines alimentaires, mais non souhai- table dans la perspective d’une vaccination orale. Cependant, il a été montré que l’in-
gestion simultanée de l’antigène avec la
toxine cholérique (TC) empêche l’établis-
sement de cette tolérance (Elson et Eal- ding, 1984), et au contraire conduit à une
réponse locale à IgA et une réponse sys-
témique envers l’antigène. La TC est ainsi
considérée comme un adjuvant de l’immu-
nisation orale. Récemment, nous avons montré que cet effet adjuvant est de courte
durée et qu’avec le temps une suppression
des réponses immunitaires se rétablit vis- à-vis de l’antigène (Gaboriau et Moreau,
soumis pour publication).
La compréhension des lois qui régissent l’écosystème complexe que représente la
flore intestinale et la connaissance des mécanismes impliqués dans l’immunité intes- tinale sont ainsi indispensables à acquérir
pour parvenir à une efficacité optimale des
vaccins donnés par voie orale sans pour cela devenir des «apprentis sorciers».
Références
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