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Journal des débats politiques
et littéraires
Journal des débats politiques et littéraires. 02/05/1896.
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'=.
SOMMAIRE
BÔIXÉfm. Pourle suffrage universel.La. séanced'hieb. F. C.
Kv iODB
le
jour.Le
mois de Marie et lesen-fantsdeMarie.
tîuy
Tomel.L'Exposition nationale suisse.
Philippe
Godet.
A t'ÉTBANGEK. L* Angleterreet le
Transvaal.-Les SALONS de 1896. Les dessins de Puvis de
Chavannes.
André
Michel.BULLETIN
POUR
LE SUFFRAGE UNIVERSELM. Bourgeois et ses amis, ayant été batj,us à
la Chambre aussi bien qu'auSénat, essayent
de
persuader aux âmes naïves que c'est le suffrage
universelqui a subicet affront. Les200 à 250 députés qui ont voté
hier
contre
le ministèreontdécidéqu'ils étaient la propre incarnation
du
suffrageuniversel et qu'en conséquenceleurs griefsétaient-ceuxdu suffrage universel
lui-même.- Dans leurbouche les mots
prennent
un sens tout à
fait
nouvaule
suffrageuniver-sel;
c'estja
minorité..
Avantla séance
et
les scrutins d'hier, lesra-dicaux et les socialistesn'avaientaffaire qu'au Sénat. Ils tiraient parti de cette circonstance,
<fue
le
Sénat est élu par lesuffrageuniverselàdeux
degrés, pouropposerles volontésdu
suf-frage
universelaux
prétentions du suffrage restreint. Cetteantithèse n'était pas trèsjuste, la thèse des radicaux et des socialistes péchaitpar la base; mais, enfin, c'était leurmanière de
raisonner.Le suffrage universel d'un côté, le
suffrage restreint de l'autre, un conflit
entre
les deux. C'est -ce qui servaitde prétexte à M.
Bourgeois
et
à son parti pourcrier que lesuf-frageuniversel était en péril, méconnu,insulté etmenacé, etqu'il n'étaitque temps de se por-ter à son secours.
Les radicaux et les socialistes avaient juré
hier, avant' laséance,de combattre pourle
suf-frageuniversel jusqu'à la mort. Les bureaux
de leursgroupes s'étaient réunispour affirmer qu'en cas de dissolution tous les partisansde
M. Bourgeois se présenteraientdevant le pays
étroitement unis, comme jadis les 363, et
comme les champions du suffrage universel.
Après
la
séance et les votes d'hier, ilsau-raient
dû s'apercevoir qu'ils avaienttrop
tôtpris l'alarme, que le suffrage universel n'était nullementmenacé
et
que, n'étant pas attaqué, il n'avait pas besoind'être
défendu. Hier, laChambre,le Sénat,
le
gouvernement se sonttrouvés d'accord;
Le
suffrage universel direct,-comme le suffrage universelsous
une autreforme,s'est prononcé contre M. Bourgeois
et
contre son parti. M. Bourgeois,les radicaux
et
lês,sociaustesont été
battus;
maisle
suffrage universel se porte fortbien.Il
semble que les socialistes et les radicaux,après cette épreuve, auraient dû changer de
thème. Ilne pouvait plus être question pour
euxdesoutenirsérieusementque.leurcause se
confondait avec celle
du
suffrage universel. Ilsn'avaientqu'à se résignerau rôle qui
convient
|à uneminoritéetà continuer, dans l'opposition,
la lutte pour leurs idées et leur programme. Cependant,ilspersistent,endépitdes scrutins, à déclarer qu'ilssontla majorité et même qu'ils sont le suffrage universel. Ils ont imaginé de
former une Ligue permanente,un comité de
défenseoù les groupes socialistes et radicaux du Sénatseront représentés,tout cela pour
pro-téger
le suffrageuniversel contre des dangersimaginaires.
C'est aussi, au nom
du
suffrage universel menacé, quele groupe socialistedelà
Chambrea.rédigé hier, aussitôt aprèsla séance, une pro-clamation enflammée.Ces députés socialistes
appellent les citoyensàvenger le suffrage uni-versel de « l'humiliation et de la
défaite
qui
viennent, parait-il,
de
lui être infligées. «Ré-solus, disent-ils,à tout tenter pour obtenir la
solutionpacifique du grand problème
social,
I nous vous convions à défendrela
RépubliqueFEUILLETON DU JOURNAL DES DEBATS
du 2
mai
1896LES
vSALONS
vDE
1896
LE8 DESSINS DE PUVIS DE CHAVANNES
T
Les Salons qui ont
fait
tant de mal à l'art, suscité tant de « genres » faux, provoquétant
d'inutilitésencombrantes, exaspéré
tant
deva-nités, dévoyé oudébauché
tant
d'artistes,servi enfin dé prétexte àtant de vaine littérature de-vraient .pourtant nous être d'un grandensei-gnement.
Pournous d'abord,quifaisons
pro-fession de raisonner sur
l'art et
d'en étudierl'histoire, ils
mettent
chaque année sous nosyeuxdes œuvres qui, si nous savions les voir,
auraient à nous révéler beaucoup de choses dont l'histoire de l'art feraun jour son profit
car c'est
ici,
après tout,dans laconfusionetl'in-évitable banalité du
grand
déballagepériodi-que,qu'elle s'élabore an par an, cette histoire,
st qu'elle ira chercher plus tard, étonnée sans doutede notre ignoranceet de notre aveugle-ment, des documents quenous n'auronspas su
interpréter au
passage.
Pour les artistes,pour ceuxdu moins quicherchent autre chose que la satisfactionde leur petite vanité et
l'oc-casion d'une réclame, ilsdevraient être
le
mo-ment d'unexamen de.conscienceet d'un retour
sévèresur soi-même. Essayons,
les
uns etlesau-tres, d!en retirer tout ce qu'ils peuvent nous apporter d'utile
II
convient, cette année, de consacrerà Pu-vis deChavannes notrepremièrevisite
auxSa-lons.On trouve réunis(au«Champ-de-Mars
»),
à côté des Panneaux destinésà
la bibliothèquedeBoston, un résumé deson œuvre entier; des
centainesde dessins yracontent à leur manière
comment s'est élaborée dans la pensée du maître, depuis l'Ave Picàrdia nutrix jusqu'à
ses
dernières
œuvres,cette suite depèlntu-Reproductiçninterdite.
compromise
et
le suffrage universel menacé. Guerre au Sénat et honte auxtraîtres
1 VivelaRépubliquesocialiste
»
Lestraîtres
ce sont lespropres
élus du suffrage universel. Lessocia-listes
et les radicauxcrient commed'habitude« Guerre au
Sénat
» Maismaintenant il leurfaut ajouter « Guerre à
la
Chambre!»
C'est
Jesuffrage universel qu'ils attaquent
et
qu'ilsin-jurient,
sous
prétexte de le défendre. Ils ont contre eux tous les pouvoirs publics émanés dusuffrage universel. Il peut leur être pénible
d'en convenir. Mais qu'ils en conviennent ou
non, tout le monde s'en aperçoit.
.»
La
manifestation
dedimanche.
Lapre-mière partiede la journée du 1" mai s'est écoulée
sansincidents et toutfait croirequ'aucunnuagen'en
troublera la fin. Ne nous hâtons pas trop cepen-dant de féliciter les socialistes de leur attitude.Ce n'est que partie remise. Si les meneursdu parti ou-vrieront laissé passer lajournéedu 1ermai sans
ma-nifester, c'est qu'ils se réservent pour dimanche pro-chain. Ils ont compris que c'était une cause de
fai-blesse pour leurcause de célébrer lafête du travail
un jour dela semaineet ils ontfinipar se ranger à Tavis desouvriers anglais qui, eux. plus pratiques,
ont
toujours reporté au dimanche la manifestationdite du 1erMai.' Donc, dimanche prochain, tous les.
comités socialistes et intransigeantssont convoqués
pour organiserune manifestation« ,gr,andiosè et
énergique »,commele ditM.Eugène Baudin. Il pa-raît quelè lion populaire « est seulement endormi
et qu'il va se réveiller etqu'il va -rugir ». La
méta-phore n'esfpasnouvelle;. mais M. Baudin ne sepique
pas de suivre la
mode.
Ce qui est plus nouveau, c'est que la fête du tra-vailchange deplus en plus de caractère.A l'origine,
elle étaitou elle était censée être une fête purenfent pacifique, sans couleur politique.-Seules,les ques-tions touchant au travail étaient agitées. Aujour-d'hui, il n'estmême plus faitallusionnià la journée
de huit -heures, ni à la grève générale il s'agit
uniquement de protester en faveur du ministère
Bourgeois-Cavaignac, qui vient de tomber, et de conspuer vigoureusementle Sénat. Quant aux ques-tions sociales,on s'en occuperaplus tard.
Mais, si la manifestationdu 1er Mai est devenue
beaucoup plus politique que socialiste, elle a gardé
son caractère résolument internationaliste.« Aujour-d'hui, écrit
M.
Vandervelde, député belge, à sesfrèresde Paris, l'Internationale estreconstituée plus grande etplusforte.,» De son côté, M. Liebknecht
déclare que « le 1er Mai sera célébré par toute
l'Al-lemagne ouvrière et socialiste qui ne faitqu'une-avec
lessocialistes de tousles autres paysdu monde. Vive
le socialismeinternational!
»
.LA SÉANCE
D'HIER
La séanced'hier a été excellentepourle
mi-nistère. Malgré
la
confusion qui existe encoredans
quelques esprits, malgréles
menaces des radicaux et des socialistes, malgré le discourspresquerévolutionnaire prononcé parM: Léon
Bourgeois,
le
nouveauCabineta euunemajo-rité de 34 voix. Peut-être avons-nous tort de
direque cette majoritéa été obtenuemalgré le
discours de M. Bourgeois ce discours a cer-tainement contribuéà laformer.
C'est lapremière
fois,
depuis bien longtemps,qu'au lendemain même de sa chute le président
du Conseil de la veille monte
à
la tribune pour déclarer la guerreà ses successeurs. M.Bour-geoisl'a fait; ce n'est pas
ce
que nous luire-prochons. Les circonstances sont changées. Il y a désormais deux partis tranchés dans la République:d'un côté,les radicaux socialistes de l'autre,
les
modérés. Entreeux, laconcilia-tion, la concentration est devenue impossible, et nous n'yavonsnul regret. Bon gré, mal gré,
on se trouve obligé, de part et d'autre, à faire
des gouvernementshomogènes. Il est donc
naturel qu'un ministre renversé entre tout de
suite et de plain-pied dans l'opposition. A
ce point de
vue,
M.
Bourgeois a presquedonné un bon exemple il a dissipé la fiction
de camaraderie politique qui obligeait les mi-nistres tombés à desménagements apparents envers
leurs
successeurs, et qui leurinterdi-sait la tribunepour
ne leur
laisser que lesin-triguesde couloir. En prenantdès
le
premierjour l'attitude d'un adversaire, M. Bourgeois a
faitjustice d'une équivoque; mais ce n'est
pas
res murales dont
on
peut bien dire à présentqu'elles formerontun des grandschapitres de
l'histoire de
l'art
français au dix-neuvièmesiècle..
Les dessins d'un artiste, et l'ancienne
or-thographe avaitbien raison d'écrire dessein, ce sont ses confidences, ses intentions révélées,
une à une. Depuis les premiers crayonnages oij la pensée commence à prendre corps et la
vision à se fixer jusqu'au carton définitif qui
n'attend plus que
la
couleur et déjà la suppose, vous pouvez suivrelà l'histoire intime de cha-cune de ses œuvres, voir comment il ainter-rogé la nature et ce qu'il a voulu choisir dans le répertoire infini, qu'elle mettait à son
ser-vice. Il est seulementregrettable que l'onn'ait pas
facilité,
en groupant plus méthodique-mentces dessins, l'enseignement qu'ilscon-tiennent.
Rien
n'est
mains compliquéqu'uneœuvre dePuvis de Chavannes la conception sort
tou-jours directe
et
franche de lanature
même dusujet; la part
de l'invention littéraire est aussi réduite que possible. L'invention et laconstruction plastiques, dès la première
heure,
sollicitent et commandent l'effort de sa
pen-sée. La vision s'ordonne, elle s'adapte aux
formes architecturales dontle cadre inflexible, sans cesse présent aux yeux du peintre, régie
et déterminele jeudeslignesencoreincertaines
et
l'équilibredesmassesà
peine indiquées, où:le motif prend corps. Bientôt des formes plus précises, une distribution plus claire des en-sembles, despartispris plus nets apparaissent,
et, pardes tâtonnementssuccessifs, unrythme général se dégage, les éléments de la création future prennent, en larges traits volontaires et
appuyés, chacun son allure et savaleur
pro-pre, dans
la
synthèse quis'élabore.
Voyez, parexemple, la série de croquispour l'hémicycle de la Sorbonne,
l'Eté
de l'Hôtelde Ville de Paris ou
la
Paixet
le Travail du muséede-Picardie. Pour TEté, en particulier,la recherchede l'équilibredes grandesmasses, qui sont comme les assises de la construction plastique, a passé
par
plusieursétats. Les bois épais du fond, la charrettechargée de foin quiinspiraà M. de Vogiié une si belle page, ont
été successivement rapprochées, puis éloignées,
jusqu'à ce que le rythme le plus ample ait été trouvé
pour
le plus grandcontentementdel'es-prit
fermeet
clair
quil'avait
entrevu. Pour la Sorbonne,le
groupe des jeunes gens quiprêtent
serment à la science ou qui cueillentla seule qu'il ait fait évariouir.H a dévoilé, dé-masqué le fond de
sa
propre politique. Après en avoir soigneusementcaché,
dissimuléle
caractère pendant sixmois
de gouvernement,il
l'a
enfin franchement découvert. On a pureconnaître, en l'écoutant, l'étendue du
dan-ger
auquelil
avaitexposé nos institutions dont ila
entrepris, aux applaudissements desbou-langistes,
la
critique
amèreet perfide. Tout enprotestantde son respect pour le Sénat, il s'est
fait l'avocat d'une révision qui avait pour objet
de lui enlever ses droits essentiels.C'est tout
juste s'il lui laisserait, comme aux anciens
Parlements, celui de faire des remontrances, mais des remontrancesdont la Chambre et le
ministère ne tiendraient aucun compte. On a
vingt-quatre heures pour maudire ses juges
M. Bourgeois a la malédiction tenace et
per-sistante très au délà de cedélai.Sous la
con-traintequ'il s'efforçait d'imposer à ses paroles, onsentaitquelque chosedeplus profond que la rancune excusable chezun ministre
au
lende-main d'un échec.Soit
1 Onsaura
désormais queM. Bourgeois, homme de gouvernement,a
inscrit en tête de son programmela
re-vision delaConstitution,dirigée contre, leSé-nat. S'il
revient
au pouvoir, ce serapour
lafaire- Il
n'aura
plus le droit de se dérober,comme dans son dernier ministère,
à
l'exécu^ tion pleineet
entière des revendications radi-cales.Il
nepourraplus tromperlaChambre,ni
le
pays.
Mais où M. Bourgeois a dépassé toute
me-sure, c'est lorsqu'il a adresséau Cabinet qui
le
remplaçait une
sorte
de sommationd'avoiràprendre à son compte le conflit si
maladroi-tement, ouvert par lui-même, et d'aller la.
dénouer à Versailles dans unCongrès
révision-niste. Pourquoi donc M. Bourgeois est-il tombé,
si ce n'estparce qu'il avaitprovoqué ceconflit? Pourquoi a-t-il donné
sa'
démission, si ce n'est parce qu'il ne pouvait pas leprolongerplus longtemps? S'il était partisan de la revisionet
s'illa croyait réalisable, d'où vient qu'il ne l'ait pas proposéeîllauraitétédans
son rôle. Ilauraitpousséjusqu'auboutlalogiquedumalqu'ilavait,
déjàaccompli-Il aurait été fidèle à lui-même.
Mais nonl M. Bourgeois commencepar donner
sadémission puis
il
seretourneverssonsucces-seur, M. Méline, et il lui dit C'està vous
de
faire ce queje
n'ai pas osé faire. Poursuivezla
politique dontje suis mort.Aggravez lamésin-telligence que j'ai artificiellement créée
entre
les deux Chambres.Exaspérezcontre le
Sénat/
et, au besoin, contre la Présidence de
la
-Répu-blique, les passions révolutionnaires,les
ins-tincts factieux, auxquels j'ai donné l'éveil.
Je
vous ai cédé la place pour cela. Jen'ai
pasvoulu
faire
personnellementcette besognej'avoue qu'elle me répugnait
et
quele
cœurm'a manqué. Mais je l'ai laissée dans mon
héritage et vous ne pouvez pas la répudier.. La dignité du
suffrage
universel
y est inté-ressée.Tel
a
été lesens du discours de M.Bourgeois.M. Méline, dans un langage très simple,
très
ferme, empreintde la plus haute honnêteté
po-litique, a répondu
qu'il
nesujvrait passon
in-terlocuteursur
le
terrain où il l'appelait. Lenouveau Cabinetest venupour terminerle con-flit et non pas pour l'aigrir encore davantage et pour l'éterniser.Son but,sa raison d'être est de rétablir entreles pouvoirs publics l'harmonie
sans laquelle tout
est
impossible. Lepays veutl'apaisement.Il est fatigué, écœuré des
agita-tionsstériles. Il attenddes réformes pratiques,
et
on lui proposela
distraction d'uneespècedeguerre
civile. Legouvernement ne s'y prêterapas. Mise en demeure de choisir entre'ces
deux politiques, si nettement indiquées d'un
côté comme de l'autre,la Chambre pouvait-elle
hésiter?
Les radicauxsocialistes avaient tout
l'air
decroire qu'ellen'hésiteraitpas en effet,et qu'elle
pencheraitde leur côté. M. Bourgeoisa laissé percer cetespoirpar la manière même dont
il
a brûlé ses vaisseaux. Ils'est
placédans
unetelle situationque, s'il ne reprenait pas le pou-voir tout.de suite, il se mettaitdans
l'impossi-bilité de l'exercerde très longtemps.
Il
a jouédes palmesa été de même cherchéetdisposéen
plusieurs arrangements successifs. Tous les
bras se levaient d'abord dans
un
mouvementunanime d'enthousiasme sacré mais c'étaient
trop de verticales juxtaposées un seul geste
a suffi pour résumer dans sa ligne expressive la commune ferveur et les attitudes se sont
diversifiées, ajoutant à l'harmonie du groupe
sans rienlui enlever de sa forte éloquence.
On peut suivre ainsi tous les états de toutes
les œuvres; ony verratoujoursles choix déter-minés par le bon sens
le
plus clair, lalogique
la plus simple, lesentimentetlebesoin de
l'har-moniele plus impérieux. Les détails, n'existent:que pourl'ensemble tout est subordonné;
il
n'estpas de
curiosité
ou d'incident, siamu-santpuisse-t-il être, qui ait
le droit
des'-impo-;ser à la pensée directrice qui compose,
qui
règle, qui veut; chacun vient prendre place,disciplinéetsoumis,dans
un
ensembleordonné;pour
la
plus grande valeurde la synthèseplas-tique.
Mais il ne .s'agit pas seulementd'équili-brer
des masses il fauty disposer des formes:expressives adaptées à la pensée dontl'édifice^
où elles doivent vivre est comme la manifesta-; tîon. C'est icique le peintre se rapprochera; de
la
nature et
lui demandera assistance et conseil. Regardez ces études de gestes,voyez; ces dessins au fusain, à la sanguine ou1 quelquefois au crayon relevé àla
pointed'ar-gent.
Parce qu'il luiest
arrivé de synthétiseren abréviations excessives, et
parfois
unpeu gauches, des formes et des mouvements, on
a dit surtous les tons quePuvisdeChavannesné savait pas dessiner,
et
les professeurspatentésde dessin, les calligraphes d'a'cadémieont répété le mot célèbre « Le dessin est la probité de
l'art.» Certes!voyezplutôt cette femmeoccupée
à
traire une chèvre, qui devait trouver placeavec des modifications dans le groupe de
là
Paix
au musée de Picardie comparezlapre-mière étude au crayon de la figure isolée avec l'admirable sanguineoù elle revient dans l'en-semble définitif dont elle occupe le centre. Si ce n'estpas dessiner que souligner avec cette
évidence expressive le double geste de la main qui presse le pis de
la
bêteet
de cellequi tend l'écuelle au lait blanc
qui
jaillit,
sice n'estpas dessiner que puiser à la source
même de la nature les mouvements, les
attitudes qui rythment et- expriment la vie pourenévoquera nos yeuxdes imagesà
la
foissivraieset
si
grandes,jeme demandeen
véritéfroidementle toutpour letout, et il
a
perdula
partie.
Il
se faisait évidemment-de
sincères,mais d'étranges illusionssur la soliditédesa
ma-jorité
delaveiIle, lorsque,s'adr.essantà l'amour-propredetous ceux qui naguère encore votaient pour lui, il lesmettaitpresque au
défi del'a-bandonner. Pour un chef de parti, c'étaitmal connaître
les
hommes.Au surplus,beaucoupdemembres de
la
Chambre, parmiceux qui ontsoutenu autrefois le ministèreradical, l'ont fait pour échapper au reproche, soit
d'a-voir.voulu empêcher la lumière
sur
certainesaffaires, soit d'avoir voulu empêcher les
réfor-mes démocratiques. M. Paul Desehanel
lui-mêmen'a-t-il pas votéau début pour M.
Bour-geois,parce qu'ilvoulaitlevoirà l'œuvre ? Cela
luidonnait du moins le droit de caractériser l'œuvre accomplie,et il en
a
usé. La lumière promisen'est pas venue: on s'est contenté de la promettre et d'exercer par là un véritable « chantage moral» surla Chambre. Aucune desréformes annoncées
n'a
été faite, eton s'estmisdans,l'impossibilitéd'en faire
aucune.
Lemi-nistère
a
même oublié de présenterles
rareslois qui figuraient dans sa Déclaration initiale,
parexemple la loi sur lesAssociations.
Il a
pré-senté, à; la vérité,
le
projet d'impôt sur le re-venu mais, au momentduvote,pressentantlé.jugementde
la
Chambre,il s'est réfugié dans •unsubterfuge qui a pris la forme d'un ajour-nement. Etainsi
pour le restel ainsi pourtout! Il fallait
entendre
M. Deschanel fairecette dissection du ministère défunt. Jamais
iln'avait été plus éloquent, parcequejamais
il
n'avait été plus courageux. Cette banqueroute,
non pas partielle, mais totale et irrémédiable
du Cabinet radical,
ne
rendait-elle pas touteleur libertéà ceux qui avaient pu avoirà son
égardun moment d'illusion? La majoritéadéjà changé plus d'une. foisdans la Chambre
ac-tuelle mais jamais elle ne l'a fait plus légiti-mement que hier. Qù l'avait conduitele
minis-tère radical ? Au. conflit.A quoi M. Bourgeois voulait-il la condamner encore,
et.
toujours?Au conflit. Triste et désolante politique!L'hon-neur du ministère actuel sera d'y avoir mis fin.
L'accordestdésormais rétabli entre les deux Chambres. L'instrument du progrès est
res-tauré, et redevient- utilisable. On croit sortir d'unmauvaisrêve il n'a que trop duré.
-AU
JOUR
LE
JOUR
LE MOISDE MARIE ET LES ENFANTS 'DE MARIE
Depuishier, dans toutes les, églises de France,
a commencé
la
célébration du mois de Marie: c'est le printempsdes chapelles, et nous sommessi
habituésen; pays latins àle
voir refleurircha-que année qu'ilnoussemble que l'originede cette
dévotiondoit se perdre déjà dans lanuitdesâges. 'Il n'en est rien, cependant. L'institution,venue d'Italie, date chez
nous
de moins d'un siècleetn'est point née d'uneimpulsion de l'Église
la
ferveur des fidèles
a
tout fait d'elle-mêmeau-icunebullepontificale,"aucune loi canonique ne
réglementela célébration du mois de Marie qui
est
entièrementfacultative et ne bénéficie que dequelquesindulgences spéciales.
L'affectationdes mois de l'année à des cultes
particuliersest d'ailleurs, d'unemanière générale, d'invention toute moderne c'est sous
Louis-Philippe' que
le
mois- de juin fut consacré au Sacré-Cœur,et
c'est sous l'actuel Pontificat deLéon XIII que
le
mois d'octobre fut réservé auculte du Rosaire. Depuis dix ans, ce dernier"se célèbre par ordre papal. La Sainte Vierge a donc
dansla catholicitédeux' mois où on l'honore
da-vantage,l'un par prescription officielle, l'autre par consentement
spontané.-Quoi
qu'ilen soit de ses origines, la dévotiondu mois déMarie, à peinenée, serépanditcomme
parenchantement.Elle franchitles Alpes sous la Restauration et prit, en France,
un
développe-ment considérable. Dès son début,les cérémonies qui l'accompagnèrent furent marquées par une grandeprofusion de chantsqui
nécessitèrent lacréation d'une poésieet d'une musique ad hoc.A
la première heure, on
se
trouva un peupris
auce
qu'on entend par le dessin.Vous vousrap-pelez
au
Panthéon la petitesainte
Genevièveagenouillée devant un arbre. Vous avez ici
quelques-unes des études qui ont servi pour
cette figure; c'est d'abordune fillette nue qui embrasse de se? deux bras serrésle tronc même
de l'arbre; elle est reprise à plusieurs fois,
vêtue ou dévêtue,
et
c'est enfin les mainsjointes, en une ardente oraison, où a passé, dans un geste plus approprié, toute la ferveur
du mouvement d'abord essayé, qu'elle est
en-trée dans lacomposition définitive.
Qu'il s'agisse du Charles Martel (pour Poi-tiers), des forgerons, pour
le
Travail d'Amiens,des lanceursdejavelotpourle Luduspro patria,
deséphèbes cueillant
des
palmes pourla
Sor-bonne oule-Boissacré cheraux
ArtsetauxMuses,partout,pour toutes les figures
qui
peuplentcette œuvre immense, vous constaterez la
même observation naïve, non pas
du
modèle académique posésur
la
planche en attitudesconventionnelles et apprises, mais de
la
na-ture
et
dela
vie elles-mêmes, consultéesd'abord dansleurs indications lesplus précises, interprétéesensuite pour les besoins d'une
œu-vre oùelles doivents'accommoderaux exigences
supérieures
d'un ensemblevoulu.
Mais
si la préoccupation des généralisationsnécessaires est sensible dans le plusgrand
nom-bre
des dessins qui nous sont montrés,ce n'est;pasà dire que
le
détail de la. forme soit sans intérêt pour l'œilHupeintre;
à ceux quivou-draient
le soutenir, on pourrait opposer centétudes de pieds, de
mains,
de chevelurestres-sées
ou dénouées de femmes, qui, par leur va-leur de recherches analytiques etdocumen-taires, peuvent satisfaire les plus exigeants. Mais il va de soi que,dansl'œuvre
monumen-taleà laquelle elles ont servi, ces notes ne pou-vaienttrouverplace etilseraitplus que naïf de s'étonnerdene plus les y voir.
Onsait assez, et nous avons dittrop souvent
pour
y
insister
encore, le rôle que M. Puvis de Chavannesa donnéau paysage dans la dé-coration murale,et
l'on s'étonnera peut-êtrede ne pas trouverdans la collection de ses
des-sins un plus grand nombre d'études
pitto-resques.' On y remarque, en effet, trèspeu de vues de pays ça et là, seulement, quelques dessins très poussés de feuilles et de
bran-ches
mais,
deux ou trois sépiaset
quel-ques aquarelles exceptées,les paysages qui
doivent servir de support et de fond
à
sesfigures* sont seulement indiqués dans
ses
P. C.
dépourvu. Sile texte des cantiques s'improvisait
du soir au lendemain, sans grands efforts de
lyrisme, force-était d'emprunter la musique aux
airs populairesles plus profanes. Le plusancien manuel de piété, paru sous le titre Mots de
Marie, celui du P; Lalomia, missionnaire,
con-tientles indications,suivantes
Cantique tiré du Regina Cœli,sur l'air:Ah
t
vousdirai-je,maman Oraisonjaculatoire pourdire le matin en se réveillant, sur l'air Réveillez-vous,belle endormie. Pour invoquerDieu dans
latentation, sur l'air Ne v'Iâ-t-ilpas etc.
Il faut croire que cet air« Ne v'là-t-il pas » était
tout spécialement répandu et estimé à l'épo-que,car une douzaine au moins des compositions du missionnaireseréclamentde ses accents.
Evidemment ce mélange du sacré et du
pro-fane n'allait pas -sans quelques inconvénients. Aussi l'obligation de l'inédit incita-t-elle deux
jésuites,les Pères Lambillottèet Alexis Lefebvre,
à "se mettre résolument à la tâche. Le Père
Alexis Lefebvre, surnommé la Souris blanche, parce que sescheveux devinrent d'un blanc
im-maculé dès qu'il eut dix-neufans, futle parolier.
Ses productions n'ont rien de.particulièrement
remarquable mais "son collaborateur, le- Père Lambillottè,étaitunmusicien devaleur dont
nom-bre de mélodiessont devenues rapidementpopu-laireset sont restées au. répertoirexles églises.. ~ïl
nous suffirade rappeler sa traductiondu Memorare;
« Souvenez-vous,ô tendre mère», le cantique qui
débute par cesvers
C'est le moisdé Marie C'est'Ie ftoisle plus beau. et cetautre
De Marie,
Qu'on publie,
Et la gloireetles grandeurs.
pour évoquerles notes qui les accompagnent à
toutes les oreilles. On ne reprocherapas au Père Lambillotte d'avoirabusé de la gloire. Bien rares
sont, je
crois,
parmi les centaines de milliers depersonnes qui chantent, sa-musique^celles, qui
soupçonnent sonnom.
Si la célébrationdu mois de Marie est, comme
onle voit, quasi contemporaine,l'institutiondes enfants de Marie, qu'on en croit volontiers le
complément,est au contrairefort
antérieure.
Qui dit « enfants de Marie », de nos jours,éveille l'idée'd'une théoried'adolescentes,la taille ceinted'un rubanbleu, et groupées au pied d'un
autel dontleurferveur spéciale leura mérité
d'ê-tre
les servantes. Pourtant, pendant de longues années les enfants de. Marie furent exclusive-ment des hommes."Lacréationenest
due auxPères jésuitesqui, dès les premiers temps où
fonctionnèrentleurscollèges,eurent l'idéede
re-cruter parmi leurs élèves
les
plus zélés unecohortespéciale, une sorte d'état-major dontles membres
se
lieraientpar desvœux'plusétroits
et
contracteraientvolontairementdes engagementsplus précis. Lapremière« congrégation» fut éri-géeà Rome, sous le titre del'Annonciationde la
Sainte Vierge, environ
l'an
1568, pour servir demodèle à toutes les autres. Cette doyenne porte
le nom dePrimaPrimaria elle est restée l'archi-confrérie dont dépendent,très nominalementil
est vrai, toutes les autres confréries de la Vierge qui existent dans la chrétienté.
Ce n'est pointici le lieu de rappeler comment la Congrégation sortit desétablissements scolaires
pour-se répandredans le monde,
et le
rôle poli-tique qu'elle joua à certaines époques. Aujour-d'hui,les confrérieslaïques-d'hommesn'existentplusguère,que. dans les tiers-ordresdontles
jé-suitesn'ontpointle monopole. Parcontre,depuis une trentaine d'années, les confréries de jeunes
filles, dites enfants de Marie, E. D. M., se sont multipliées dans toutes les paroisses de France.
A Paris, on compte environ 30,000 enfants de Marie qui gardent leur titre depuis la première communion jusqu'aumariage,époqueoù l'Œuvre
des mères chrétiennes lesprend et leur continue son assistancemorale. La Congrégation
de
la Sainte Vierge est donc une sorte de caté-chisme de persévéranceprolongé,
dont les sectatrices ont pour insigne un ruban bleu avec une médaille dela
Vierge qu'ellesne
portent, d'une manière apparente, que dans
leurs réunions hebdomadaires ou mensuelles.
cartons par de larges crayonnages. C'est que, cespaysages, il les a dans la tête. Il a emma
gasiné en de longues contemplations et il va renouveler par de fréquents tête-à-tête les
imagesles plus expressives de la nature. Il lui suffira,ensuite d'en résumeren quelques traits
essentielsles aspects permanentset les harmo-nies éternelles.Tous les matins d'ailleurs et tous
les soirs, en suivant la routeplantée de grands
arbresqui conduit à son atelier solitaire, il
ra-jeunit etil entretientcesentiment de la nature
si présente dans son œuvre, et il lui suffirade
la visiond'un soleil couchant reflété dans une
flaque d'eau de l'avenue de Neuilly pour
pein-dre le grand ciel d'or et le lac immobile du Bois sacré cher axixArtsetauxMuses.
Où a-t-il pris, sinon dans ses souvenirs, les
cinqpaysages
si
simples dans leurs éléments,si
grands dans leuraspect,si beaux dans leurèffet.si doucementpersuasifsdans leur expres-sion qu'ila évoqués dans lespanneauxdestinés
àla bibliothèquedeBoston?Tout l'accidentelen
estbanni (c'est ici le contraire de
l'impression-nisme).Ce qui passen'existe pas, c'est le
défini-tif qui importe il suffira pour évoquer
à la
pensée
tour à tour la profondeur desespaces infinisqui effrayait Pascal, la douceur d'idyllede l'églogue virgilienne, la splendeur sereine de l'épopée antique, de" trois états du
ciel.Les Chaldéens, dans la transparenced'une
nuitlimpide, observent la voûte céleste
d'un
seul ton bleu violacé où brillentlestaches
orangées des constellations. Ils s'appuient
sur
un rocher nu qui se teinte de reflets rosés
quelques
notes
de verts rabattus fontvi-brer ces premiers plans où se modèle lar-gement et s'enveloppe de douceur le geste
au-guste et simple des premiers astronomes.
Autour de Virgile, vêtu d'unerobe blanche et
drapé d'un manteau de mauve violacé, une
prairiepaisible où serpenteun ruisseau,
deux
masses lointainesd'arbresque sépare un champ
labouré évoqueront sous un. ciel matinal d'un
bleu cendré
très
doux toute la tendre et clairemélodie des Géorgiqiies et des Eglogues.
Au-dessus du chœurcharmant et douloureux des
Océanides qui monterrt et descendent sous
l'azur implacable autour du
roc
où souffreProméthée,la note ardente et soutenue du ciel, celle plus intense de la mer éclatante
ex-primeront à la fois
la
gloire du« divin
ether et les rires innombrables des flots
de la mer » qu'invoquait le vaincu
de
Zeus,l'impuissante compassion des belles vierges..
On
leur prescrit de donner le bon exemple, des'abstenirdu bal et dela lecture des mauvais ro-mans, de fréquenter l'église et les sacrements suivant les facilités deleur'état, de prendre part
envoile blancet précédées de leur guidon aux
grandes cérémoniesetprocessionsreligieuses, etc. Les avantages- de l'association sont limités aux
bénéfices moraux et spirituelset ne comportent
aucune assistancetemporelle.
Bien que n'étant point affectéespar destination aux services du mois de'mai, on nesaurait
s'éton-ner,que les enfants de Marie n'en soientles plus ardents zélateurs,et ce sontelles qui forment de-puishier la meilleurepart des fidèles accourusen foule aux piedsdes autels, si richementornés et
si délicatement fleuris que nombre de fiancés avisés
attendent
cette époque de l'année pour participer sans frais à la pompe printanièrequijonche
gratuitementdefleurs le premierjour de leur mariage.Guy Tomel.
A
L'ÉTRANGER
L'EXPOSITION NATIONALE
SUISSE
On nous écrit deGenève
Serait-ce un spectacleindigne de votre attention
que celui d'un petitpeuple laborieuxet pacifique, qui essaye de donner au monde une idée complète
de son activité intellectuelle et industrielle?
L'Expo-sition nationalequi va s'ouvrir àGenève,le 1"_mai,
attendde nombreux visiteurs étrangers,et j'ose dire que cespectacle mériterad'êtrevu.
Sans doute, .toutes les Expositions se ressemblent celle-ci ressemble aux autres
déjà par
le seul fait qu'elle n'est pas complètementprête pour le jour d« l'ouverture mais elle le seradans très peude jours.Elle
ne
prétendpasrivaliseravec ces manifestationsgrandioses que sont les Expositions «universelles». Notre modeste Plainpalaisne rappelle que de loin le Champ-de-Mars,et Parisa vu bien d'autres
splen-deurs.
>Au%|i bien ne vais-je pas tenter une description
détaillée et complètede l'Exposition helvétique. Mais
îil
me paraît intéressant demettre en relief ce qu'il ya de spécifiquementsuisse dans l'Exposition suisse,
etde dégager de la banalité cosmopolite que le
visi-teur retrouvera ici, comme dans
toutes
lesexhibi-tions analogues, le caractère local, seul vraiment significatif.
Je suisheureuxde pouvoir l'affirmer hautement lespectacle auquel Genève vous convie est loin d'é
treune simple reproduction, affaiblie, rapetissée, de
ce
qui s'est vu ailleurs. Il a son originalité propre, je dirai même sa grandeur,tant on y devine lesquali-tés solides et le vaillant effortd'un peuple conscient
dece qu'il peut.
Dès l'arrivéesur la vaste plaine de Plainpalaie» que l'activité genevoise a, depuis quelques mois,
transforméecomme par magie,on est saisi parune;
'apparition vraimentimprévue.
C'est
le palais des Beaux-Arts qui se dresse aitfond
d'un parc élégant et parlequel on pénètredansl'enceinte
de l'Exposition. Cet édifice est d'une fan-taisie pittoresqueet brillante qu'on ne s'attendrait point à voir se déployer aussi librementdans une ville réputée triste et grise. Il faudrachanger désor-mais lesclichésmisà la modepar tant de touristes
superficiels. Genève triste? Allonsdonc
On
nesau-raitrien voir de plus jeune, de plus frais, de plus riant, que cette façade du palais des Beaux-Arts, où
s'est donné .carrière la verve endiablée d'un jeuns
architecte pleinde talent et d'audace, M. Paul
Bou-vier. Retenez,je vous prie, le nom de cet élèvetrès
émancipéde l'atelierCoquard.
I Les promoteursde l'Exposition,
en
genstrès
intel-ligents qu'ils sont, ont pensé que le mieux, lorsqu'on
a affaireà un vraitempérament d'artiste, c'estde lui laisser la bride- surle cou. Cela leur a réussi,audelà même de leur attente M.Bouvier sera pour une
bellepartdans le succès del'entreprise.
Persuadé qu'il y a, •–quoi qu'on eh ait dit, une
architecture suisse, d'où l'on pourraittirer un parti
décoratif applicable à l'architectured'exposition
pro-prement dite, il a tenté de dégager des éléments con-structifsépars dansnotre pays une synthèse qui ne
correspond à rien dans la réalité connue, et qui est néanmoinsprofondémentsuisse par l'espritetle ca-ractère.Pour rendre amusants à l'œil lesvastes toits vitrés du palais des Beaux-Arts, il a fait courir tout
le longde l'édifice un promenoirdécoré de cloche-tonsaux formes d'un archaïsmeétrange, et couverts
de vieilles tuilespolychromes
il
a dressé au centreunavant-corpsprofilant sur le cielsa silhouette
har-die et brisée;puis ila osé, dans ce pays où la cou-leur est plutôttimide et sobre, se livrer à une belle
oi-gie de couleur; et, chose plus surprenante,il a
qui l'assistent
et
son inutile protestation dansl'insensible etsplendidelumière.–Surles flancs dénudés d'une colline violacée inclinée sous un ciel qui verdit, les formes élémentaires de remparts primitifs et un panache de fumée
montant au bord de l'horizon suffiront à
rap-peler l'incendiedela villedePriam, tandisqu'au premierplan, assis dans la blancheur, Homère
appuierasonfrontélargi sur samainfatiguée,et,
sans voirsesdeuxfilles immortelles, l'Iliade cas-quée et vêtue de pourpre violacée, l'Odyssée, rame en main et drapée de vertbrouillé comme
la meringrate,qui lui tendentle laurier
d'or.–
Enfin,debout, au fiordd'unetranchée profonde
qiredominent des champsoùla vie éternelle se continue en vertes floraisons, l'Histoire, d'un
gestelent,impérieux
et
doux,fera sortircommed'un tombeau et ressusciterales forinôs
ense-velies du
passé.
Et tous ces grandsspecta-cles, toutes ces visionss'ordonneront dans
les
images les mieux faites pour éveiller le rôvedans nos âmes, émouvoir la pensée, reposer et
enchanterrlos yeux; toutyest tranquille,
harmo-nieux et
simple,-il
ne fautpas craindrederépé-ter le mot; les formesyapparaissentchargéesdu
moindrepoids'de matière, les couleurs posées pargrandes tonalitéségales s'y répandent
ets'y
complètent dans une harmonie faite de
trois
ou quatrenotes au plus. Parendroits, la toile à
peine couverte laisse voir son grain, ou bien elle areçu, étalée comme au couteau,une cou-che unie et Ijsse de pâte àpeinehumide
et
qui,par
l'homogénéité de sa compositioncommeparle
poli de sa surface, semble devoiréchap-perà toutes les causes de décomposition
in-terne oude salissureextérieurequi menacent la peinture
moderne.
J'étaisstupéfait l'autre jourd'entendre des peintres, et qui nesontpas des moindres de l'école, déplorer que tant d'admi-rables choses fussent compromises par les « complications, les surcharges et les
empâte-ments.
demétier ». Puvis de Chavannes, unmétier compliqué!Maisregardez donc:àmoins
de peindre à fresque, et certes ii eût été
souhaitable que
la
chose fût possible,je
neconçois pascommentonp-sut procéder plus
sim-plement.
Rassurons-nous: ces bellesimages
iront àla
postérité elles témoigneront pournous, elles diront que dans notre îetnps enfié-vré et troubléun homme se trouva pour rêvef unbeau rêve et faire apparaître aux yeux
fati-guésou souillésdes hommesde pures cortteru~
plations.