MT241. Cours no 2, vendredi 27 septembre 2002.
Formule de Taylor avec reste int´egral et application aux s´eries
On suppose que I est un intervalle ouvert de R, contenant le point 0, et que f est une fonction ind´efiniment d´erivable sur I; si x est un point quelconque de I, on a pour tout entier n≥0
f(x) =f(0) +x f0(0) + x2
2! f00(0) +· · ·+ xn
n! f(n)(0) + Z x
0
(x−t)n
n! f(n+1)(t)dt.
Cette formule a ´et´e ´etablie par int´egrations par parties successives `a partir de la formule f(x) =f(0) +Rx
0 f0(t)dt.
Cette formule est particuli`erement sympathique quand les fonctions d´eriv´ees suc- cessives de f sont faciles `a calculer; `a cet ´egard le meilleur de tous les cas est celui de la fonction t →et, ´egale `a toutes ses d´eriv´ees. On obtient
ex = 1 +x+ x2
2! +· · ·+ xn n! +
Z x
0
(x−t)n n! et dt.
On montre que Rn(x) = Rx
0
(x−t)n
n! et dt tend vers 0 quand n → +∞. Pour x > 0, on
´ecrit la majoration 0≤
Z x
0
(x−t)n
n! et dt≤ Z x
0
(x−t)n
n! ex dt= xn+1 (n+ 1)! ex
qui tend vers z´ero quand n→ ∞ (on rappelle que an/(n!) tend vers 0; voir plus loin).
Pour x < 0 le r´esultat est le mˆeme mais il faut faire attention aux signes (non pr´esent´e `a l’amphi). Finalement, pour tout x r´eel on a
ex = lim
n→∞
³
1 +x+ x2
2! +· · ·+ xn n!
´
ou encore
ex = 1 +x+ x2
2! +· · ·+ xn
n! +· · ·=
+∞X
n=0
xn n!. On peut traiter de fa¸con analogue les fonctions sin et cos.
1.3. S´eries `a termes r´eels positifs On dit que P
un est une s´erie `a termes r´eels positifs si un ≥ 0 pour tout n ≥ 0.
Dans ce cas il est clair que la suite (Un) des sommes partielles est croissante. On sait qu’une suite croissante de nombres r´eels converge (vers une limite finie) si et seulement si elle est born´ee; on peut dire par cons´equent :
Th´eor`eme 1.3.1. Une s´erie P
un `a termes positifs est convergente si et seulement si la suite(Un) des sommes partielles est major´ee. Lorsque P
un converge, on a pour tout entier n≥0 l’in´egalit´e
Un ≤
+∞X
m=0
um.
Remarque. Une s´erie `a termes positifs diverge si et seulement si Un → +∞. On ´ecrit parfois P
un = +∞ pour dire qu’une telle s´erie diverge, et inversement on peut ´ecrire Pun <+∞ pour exprimer qu’une s´erie `a termes positifs est convergente.
Th´eor`eme de comparaison 1.3.2. Supposons que 0≤un ≤vn pour tout n≥0.
a. Si P
vn converge, alors P
un converge et X∞
n=0
un ≤ X∞
n=0
vn.
b. Si P
un diverge, alors P
vn diverge.
Dans le cas o`u les hypoth`eses 0 ≤ un ≤ vn ne sont v´erifi´ees que pour n ≥ n0, on obtient encore les r´esultats de comparaison pour la nature des deux s´eries (qui n’est pas modifi´ee quand on change un nombre fini de termes) mais bien entendu l’in´egalit´e entre les sommes des deux s´eries n’est plus n´ecessairement vraie.
Exemples.
1. La s´erie P
(1/n2)n≥1 converge ; on peut la comparer `a la s´erie convergente d´ej`a
´etudi´ee plus haut, P
(1/n(n+ 1))n≥1. On v´erifie en effet que pour tout entiern≥1 on a 0≤un= 1
n2 ≤ 2
n(n+ 1) =vn. 2. La s´erie P
(1/√
n)n≥1 diverge: son terme g´en´eral est plus grand que celui de la s´erie divergente P
(1/n)n≥1.
3. Pour toute suite (kn) d’entiers ´egaux `a 0,1, . . . ,9, la s´erieP
kn/10n converge. En effet, son terme g´en´eral est major´e par celui de la s´erie convergente P
9.10−n, dont la somme est
(I)
+∞X
n=0
9
10n+1 = 9 10 + 9
100 + 9
1000 +· · ·= 1.
On peut donc consid´erer le nombre x= k1
10 + k2
100 + k3
1000 +· · ·
S’il existe une infinit´e d’indices n tels que kn soit diff´erent de 9, on peut v´erifier que kn
est la ni`eme d´ecimale de x,
kn= [10nx] mod 10.
On dit qu’un d´eveloppement d´ecimal est impropre si toutes les d´ecimales `a partir d’un certain rang sont ´egales `a 9. C’est ce qui se passe dans le cas de la s´erie (I), ce qui peut se traduire par le d´eveloppement curieux
1 = 0,9999. . .
Tout nombre d´ecimal poss`ede un d´eveloppement propre et un d´eveloppement impropre.
Point de langage On dit que
“la propri´et´e P(n) est vraie pourn assez grand”
ou bien
“la propri´et´e P(n) est vraie `a partir d’un certain rang”
pour traduire la phrase math´ematique plus longue: il existe un entier n0 tel que, pour tout n≥n0, la propri´et´e P(n) soit vraie
∃n0, ∀n, ¡
n≥n0 ⇒P(n)¢ .
Exemples.
1. Si une suite r´eelle (xn) tend vers` et si b > `, alors on a xn < bpour nassez grand.
(v´erif: dans la d´efinition de la convergence de xn vers `, on choisit ε =b−` >0; il existe un rang n0 tel que n≥ n0 implique |xn−`|< ε, donc xn−` < b−` c’est `a dire xn < b)
2. Si une suite r´eelle (xn) tend vers une limite ` et si xn ≥a pour n assez grand, alors
`≥a.
(sinon on aurait ` < a et xn < a pour n assez grand d’apr`es l’exemple 1, ce qui est contradictoire avec l’hypoth`ese pr´esente (micro-v´erification `a faire)).
Petite application du point 1; soit a >0; posons xn=an/(n!) et yn=xn+1/xn; on voit que yn=a/(n+ 1) tend vers 0, on a doncyn <1/2 pournassez grand. Il en r´esulte que pour n assez grand, xn+1 est plus petit que la moiti´e du pr´ec´edent xn, et on en d´eduit facilement que limnxn = 0.
Il est tr`es utile d’assouplir l’´enonc´e du principe de comparaison.
Th´eor`eme de comparaison bis. Supposons que 0≤ un ≤vn pour n assez grand. Si Pvn converge, alors P
un converge.
Proposition. On consid`ere deux s´eries P
un et P
vn `a termes r´eels, positifs `a partir d’un certain rang.
(a). Si un ≥ 0, vn > 0 pour n assez grand et si un/vn tend vers une limite finie, alors: si P
vn converge, la s´erie P
un converge aussi.
(b).Si un >0,vn >0pour nassez grand et si un/vn tend vers une limite finienon nulle, alors les deux s´eries sont de mˆeme nature.
D´emonstration. Supposons que ` = limnun/vn et choisissons un nombre M > `. Pour n assez grand on aura un/vn <M, donc pour nassez grand 0≤un ≤Mvn ce qui permet d’appliquer le th´eor`eme de comparaison bis: si P
vn converge, alors P
Mvn converge aussi, et par comparaison P
un converge.
Pour le point b il suffit de remarquer que si ` 6= 0, le quotient inverse vn/un tend vers la limite finie 1/`, ce qui permet d’inverser les rˆoles.
On dit que deux suites r´eelles ou complexes (xn) et (yn) sont ´equivalentes, et on note xn ∼yn si pour nassez grand xn et yn sont non nuls et si limnxn/yn = 1.
Corollaire 1.3.1.Siun∼vn et P
un `a termes positifs, les deux s´eriesP
un etP vn sont de mˆeme nature.
Exemple. La s´erie P
(1−cos(1/n))n≥1 est de mˆeme nature que la s´erie P
1/n2, elle est donc convergente.
ATTENTION ! Le corollaire pr´ec´edent est FAUX pour les s´eries dont les termes changent de signe.
MT241. Cours no 3, lundi 30 septembre 2002.
Les bons vieux crit`eres (Cours d’Analyse de Cauchy ∼1820)
Mentionnons deux crit`eres de comparaison avec la s´erie g´eom´etrique, que nous ap- pellerons A et B (on les nomme en g´en´eral Cauchy et d’Alembert). On suppose ici un ≥0 pour tout entiern assez grand.
Crit`ere A. S’il existe x < 1 tel que u1/nn ≤ x pour tout entier n assez grand, la s´erie Pun converge. Si u1/nn ≥1pour une infinit´e d’entiers n, la s´erie P
un diverge.
La deuxi`eme partie du crit`ere est ´evidente, puisque si u1/nn ≥ 1 pour une infinit´e d’entiers, on aun ≥1 pour une infinit´e d’entiers, etunne tend pas vers 0. La v´erification de la premi`ere partie du crit`ere Aest tr`es simple. Si u1/nn ≤x <1 pour tout n≥n0, on a directement un ≤xn pour n≥ n0, et xn est le terme g´en´eral d’une s´erie convergente puisque x < 1.
Crit`ere A’. Supposons que limnu1/nn existe. Si limnu1/nn < 1, la s´erie P
un converge.
Si limnu1/nn >1, la s´erie P
un diverge.
V´erification. Si ` = limnu1/nn < 1, on choisit un r´eel x tel que ` < x < 1; on aura u1/nn < x pour n assez grand, ce qui ram`ene au crit`ere A, premier cas. Si ` >1, on aura u1/nn >1 pour n assez grand, ce qui ram`ene au cas divergent du crit`ere A.
ATTENTION : si limnu1/nn = 1, on ne peut pas conclure. En effet, on a vu que la s´erie P(1/n)n≥1 diverge alors que P
(1/n2)n≥1 converge. Pourtant, on a limnu1/nn = 1 dans les deux cas (petit exercice de calcul de limite).
Exemple trait´e. La s´erieP
nn2−n2 est convergente.
Le second crit`ere utilise les quotientsun+1/un: on suppose donc ici, non seulement que un≥0 mais aussi que un >0 pour tout entiern assez grand.
Crit`ere B’. Supposons que limnun+1/un existe. Si limnun+1/un < 1, la s´erie P un
converge. Si limnun+1/un >1, la s´erie P
un diverge.
Ici encore la deuxi`eme partie du crit`ere est ´evidente, puisque si un+1/un ≥ 1 pour toutn≥n0, on auraun ≥un0 >0 qui ne tend pas vers 0. La v´erification de la premi`ere partie du crit`ere B’ est tr`es simple. Si un+1/un ≤ x < 1 pour n ≥ n0, on a en posant vn=xn que un+1/un ≤x=vn+1/vn pour n≥n0, donc on peut majorer P
un par une s´erie g´eom´etrique convergente.
On remarquera ici encore qu’il n’y a pas de conclusion possible dans le cas limite o`u lim u /u = 1 (pour la mˆeme raison que pour le crit`ereA’).
Exercices trait´es.
Applications des crit`eres. Retrouver la convergence pour tout a > 0 de la s´erie exponentielle P
an/(n!), ´etudier la convergence de la s´erie P
(n!)n−n. 1.4. Comparaison s´eries–int´egrales
Proposition 1.4.1.Soit f : [1,+∞[→[0,+∞[une fonction d´ecroissante et positive ; on a pour tous entiers p, q≥1, p < q
f(p+ 1) +f(p+ 2) +· · ·+f(q)≤ Z q
p
f(t)dt≤f(p) +f(p+ 1) +· · ·+f(q−1).
En cons´equence, la s´erie P
f(n) converge si et seulement si l’int´egrale R+∞
1 f(t)dt con- verge.
S´eries de Riemann : ´etude par comparaison `a une int´egrale Th´eor`eme 1.4.1. La s´erie de RiemannP
(1/nα)n≥1 est convergente si et seulement si α >1.
R`egle nαun
On suppose toujours ici que P
un est une s´erie `a termes positifs.
Crit`ere C’. S’il existe α > 1 tel que la suite (nαun) tende vers une limite finie, alors la s´erie P
un est convergente. Si la suite (nun) tend vers+∞ ou vers une limite >0, la s´erie P
un est divergente.
Exemple trait´e. Etudier la s´erie
X ³lnn n2
´
n≥1.
Exemple o`u le crit`ere C ne donne rien : les s´eries de Bertrand P 1
nlnn et P 1 n(lnn)2,
`a traiter par comparaison avec une int´egrale. On a vu que R∞
(tlnt)−1dt diverge alors que R∞
t−1(lnt)−2dt converge.
Exercice trait´e. Constante d’Euler : montrer l’existence de la limite γ = lim
n
³ 1 + 1
2 +· · ·+ 1
n −lnn
´ en ´etudiant la s´erie P
uk de terme g´en´eral uk = 1/k−ln(1 + 1/k) (d´efini pour k ≥1).
Retrouver la somme de la s´erieP+∞
n=1(−1)n+1/nen utilisant l’existence de la limite pr´ec´edente.