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"CM
Mathieu, Adolphe Charles Ghislain
Roland de Lattre
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ofOttawa
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ROLAND DE LATTRE.
ROLAND DE LATTRE,
ADOLPHE MATHIEU.
MONS,
IMPRIMERIE DE
I'IÉRART,LIBRAIRE, RUE d'HAVRÉ.
1838.
.ML
Ldïl2
,
7
/ou
055/
ttx(Ssi.tfnf ois.
Roland De Lattre, connu sous
les di-vers noms de Roland Lassus, Roland Lassé
,
Orlando
T)iLasso,
etc., etc. et,plus géné- ralement, sous
celuid'ORLAND De Lassus,
qu'il prit très
jeune
et qu'ilporta jusqu'à
samort, naquit
àMous, en llainaut, en 1520,
(i)d'un faux monnoycur, qui comme
(i) «
Rue
dicteGerlande(Guirlande, maintenantdes Capucins),à l'issuede lamaisonportant l'enseignedelaNoire Teste. »
François Vinchant.
Ann. du
llainaut,Ms. autographe.
Cettemaison,quisetrouve dansla
Grand'Ruc
etqui avait issuedanslaruedela Grande-Guirlande oudesCa- pucins, entrelesmaisonsportant aujourd'huilesN
os.57 et 5i),a pourenseigneun heaume.
C'estprobablementceheaume
qu'onappelaitla?\oire Teste.— 6 —
tel, fut
par sentence
judicicllecontraint de porter en son
colun pendant de fausses mon- noies
etavec
iceluy faire troispourmaines (promenades ou tours) publiquement à
Ven- tour d'un hour (échafaud) Roland De
Lattre changea de nom
etsurnom
etainsy quitta
lepays
ets'en allaen
Italieavec Fer- dinand de Gonzague qui
suivoit leparty du Roy de
Sicile (1)On raconte
qu'ilfréquenta
trèsjeune
lesécoles,
etque, parvenu
à saseptième année,
il
reçut une éducation musicale soignée. Ses progrès furent rapides,
etsa voix pure
etmélodieuse
(2)charmait
sesauditeurs. Cette impression,
àce qu'on
dit, futmême
si fortechez
l'un d'entreeux
, qu'ilenleva secrètement
l'enfantde son école jusqu'à
troisreprises
différentes.Les deux premières
fois, sespa- rents auraient
étéassez heureux pour
leretrouver;
enfin latroisième
foisqu'on
leur auraitenlevé leur
fils, ilsauraient consenti
(1) Vinchant.
(•2)
Ce
fut un sopranojusqu'àl'âgede puberté; ensuite un ténor, puisunebasse.à
ce
qu'ilpût séjourner à S'.-Didier, auprès de Ferdinand de Gonzague.... —
« N'est-ilpas
plus"simple,» ajoute Delmotte
(1), «de penser, d'après
lestermes de Vinchant
,que rougissant du supplice infamant subi par son père
, ilchangea de nom
etde prénom
, (ce qui
feraitcroire
qu'ilportaitlemême prénom que ce dernier),
et qu'ilne chercha qu'une occasion favorable de
fuirune
villeoù tout
luirappelait
lecrime de
l'auteurde
sesjours?
»Quoi
qu'ilen
soit, il futd'abord enfant de chœur, comme
lerapporte Vinchant
, àl'églisede S
1.-Nicolas en Havre (Havrecq),
et partitde Mons, âgé de moins de
seizeans, avec Ferdinand de Gonzague
,qui commandait en Belgique un corps d'armée sous
lesordres de Charles-Quint
, etqui
, lacampagne
ter-minée
, serendit en
Italie.A dix -huit ans,
il quittaFerdinand De Gonzague
, et suivitConstantin Castriotto qui
(i) Henri -Florent Delmotte, né à
Mons,
le 20 juin 1798,y
décédéle 7 mars i83G.—
Notice biographique surRoland De
Lattre.— 8 —
le
conduisit
àNaples
,où
ildemeura deux ans
etplus
,chez
lemarquis de
laTcrza.
A vingt
etun ans environ
, il alla àRome où l'archevêque de Florence
luifit l'accueil leplus
bienveillant. Ildemeura chez ce nouveau protecteur
àpeu près
sixmois
, etau bout de ce temps
ilobtint
laplace de maître de
lachapelle de St.-Jean-de-Latran.
Deux ans après
il revintà Mons
,rappelé par
ledanger que couraient
sesparents
atta-qués d'une maladie grave
;mais
lorsqu'il revit le toitpaternel,
les êtresauxquels
ildevait
l'existence, l'avaientquittépour toujours.
Il partit
de Mons avec Jules-César Bran- caccio
,d'une naissance noble
, etamateur
éclairédes beaux-arts
; ilparcourut avec
luil'Angleterre
et laFrance.
Ces voyages terminés
,il vint se fixerpen- dant deux années
àAnvers
,dont
leséjour
lui plaisait, et s'yrendit cher
àtous ceux qui l'approchaient
, tantpar
ses talentsmu-
sicaux
et la diversitéde
sesconnaissances,
que par l'aménité de son caractère franc
et ouvert.Choyé,
fêtépartout,
il passaiLtoutes
—
3—
ses
journées avec
lespersonnes
lesplus
dis-tinguées par
leurinstruction,
leurscience,
leur espritou
leurnaissance.
Il
prenait surtout
àtâche de répandre
etde propager
legoût de
lamusique. Bientôt
saréputation
s'étenditau
loin etparvint
jus-qu'aux
têtescouronnées.
Albert V,
ditlegénéreux, duc de Bavière,
l'invita,en 1557,
àserendre à sa cour.
Il lui litdes propositions
trèsfavorables
et l'enga-gea à amener avec
lui àMunich plusieurs musiciens distingués des Pays-Bas,
afinde rehausser
lelustre etd'accroîtrelarenommée de sa chapelle.
De Lattre désirant
justifierdans
cette ville laréputation qui
l'y avaitprécédé,
se fitremarquer par son érudition
, sesbons mots
,
son
esprit, sa gaîté, saconduite irrépro- chable
, etsurtout par
labeauté de
sescom- positions musicales. Le duc Albert, rendant pleine
justice àson mérite
età
ses qualitéspersonnelles
,conçut pour
luiune
vive affec- tion.Il
épousa en 1558
(un an après son arrivée à
Munich), Regina Weckinger,
filled'honneur
— 10 —
de
lamaison ducale. Ni
l'unni l'autren'eurent à
serepentir de
cethymen.
Les
liensqui attachaient De Lattre à sa nouvelle
patrie età son auguste protecteur
,
se
resserrèrent encore plus étroitement par
cetteunion, qui,
loinde
ralentirson
zèlepour
le serviceou de
distraireson imagi- nation
,ne
fitau contraire que redoubler
lepremier
, etrendre
laseconde plus
fraîche etplus
brillante.De ce mariage naquirent plusieurs enfants
;entre autres Ferdinand
,Rodolphe
,Jean
,Ernest
,Anne
etRegina.
(i)(i) Ferdinand (DeLassus) :ilépousaJudith Schloglin, d'une famille bourgeoisede
Munich
;ilfutd'abord ténor à lacbapelleducale en150,3, eten 1602, maîtredechapelledu
duc Maximilien I er. Ilse livra à la composition et concourut avec sonfrère Rodolphe,àla publicationdu Magnum
opusmusicum
de son père.[Munich,
1604, 6vol. in-f°.) Ilmourut
àMunich
,le27 août 1609.Rodolphe:en1588,ils'étaitdéjàfaitconnaître,
comme
musicien,àlacourdeBavière;en 15Q3,ilétaitténor de lachapelleducale;en1609, organiste delacour.Ilacquit,comme
compositeur, unerenommée
telleque Gustave- Adolphe,leLion du
Nord, pendant le séjourqu'il lit àMunich,
eni632, vintlui faire visitechezluiet lechargea—
11—
Le
chicAlbert
lenomma, en 1562, maître de
sachapelle,
l'unedes meilleures de lepo- que. Elle
secomposait de 92 musiciens. On
voit
parmi
leschanteurs
:15
ténors,12 basses, 13 contralto, 16 élèves de
lachapelle
et6 sopranistes.
de la composition de divers
morceaux
de musique. Il publia plusieurs ouvragesde sonpèreetmourut
en iG35.Jean : il fut musicien de la cour et haute-contre de
la chapelle.
Ehkest: ilétait,en iSgS,instrumentisteàlachapelle ducale.
Anne
: elleépousaN Mundpraden.
Uegika:elleépousa
un
certainseigneurd'Ach qui,en iGi3, fondaun
bénéfice.Anne
etRegina
vivaientencore toutesdeuxeu i6i4- FerdinandDe
Lassus,dont nous avonsparléd'abord, laissa entre autres enfants:i°. Gaspard.
2°. Ferdinand:ilsuccédaàson père
comme
maîtrede chapelleau servicedu
ducMaxirnilien.Ce
ne futcepen- dantqu'en îGiGqu'il entraenfonctionscomme
maîtrede chapelle effectif.En
162g, il futnommé
juge dedistrict et caissier à Reispach. Il fut marié à Marie N.... (qui épousa eu secondes nocesun nommé
Yogel),etilmourut
en i63G.Guillaume
:il reçut une éducation toute musicale etcommença
sacarrièrecomme
enfant dechœur
delacha- pelleducale. Il fut ensuitenommé
valet dechambre
de42
De
Lattre,dans
sajeunesse,
avaitdéjà composé beaucoup d'ouvrages qui
luiavaient
attiréune haute considération, mais
c'estl'électeurMaximilien. Après neufansdeserviceencette qualité', il sollicita
un
autreemploi, celuidecaissier, àRosenheim
;ensuiteildemanda
celuidechefdouanier, àBrunnau
;puis enliuilcherchaàobtenirlaplacedecom- missaire de comptesprès lachambre
aulkpieélectorale, à Munich. Ilfutnommé
à cesdernières fonctionsle i3novembre
1614•
On
citeencorecomme
descendants deDe
Lattre:i°. Ferdinand, qu'on présumefilsde Ferdinand,petit- filsdeFerdinandetarrière-petit-tilsd'Orland.
2°.Georges-Guillaume(qu'oncroitfilsdeGuillaume):
ilfut admis, en 1628,
comme
chanteur de dessusdans la chapelle de la cour électorale, puisnommé
valet dechambre
del'électeur,le10novembre
i63ç). Plus tard,il futpromu
auxfonctionsdecaissierou payeurdelacour, et mourut, dans l'exercice de ces fonctions, en i652, laissantquatre enfantsenbasâge.L'électriceMarie-Anne
qui, aprèsledécès de sonépoux,tintles rênes duGou-
vernementaunom
de sonfilsmineur,Ferdinand-Marie, prince héréditaire, prit en affection une des filles de Georges-Guillaume,appeléecomme
elleMarie-Anne
(elleenétaitprobablement la marraine), et elleluiaccorda, jusqu'à sonétablissement, une
somme
de quatre-vingts florinsparanpoursanourriture.3°.
Guillaume
: ilfutdouanier à Itegensberg, auser- vicedu
gouvernement bavarois. Il eut troisfemmes
:— 13 —
surtout
àMunich que son
talent pritun essor immense. Premier maître de chapelle
,encou- ragé par
leséloges du duc
,par
l'excellencedes musiciens
qu'ildirigeait,par
lenombre
toujours croissant des personnes qui s'em- pressaient de
serendre auprès de
luipour
profiter
de
sesleçons ou de
sesconseils,
ilsentit
s'enflammer sa verve,
ettoutes ces causes, agissant fortement sur son imagina-
tion, firent naîtreen
lui tantd'enthousiasme que
sescompositions en acquirent une
fac-ture
,une
vie etune vigueur extraordinaires.
Sa renommée dès
lorsenvahit l'Europe
Marie -Catherine Gottfrieden, Marguerite-Catherine Schiitzingerinet Marie Khernin.
—
Ilvivait encore en 1^36; c'était probablementun
des quatre enfants de Georges-Guillaume.—
Regina
Weckinger
,épouse deDe
Lattre,ne lui sur- vécutque quelques années.Son
tombeaufutplacé auprès decelui de son mari,maisiladisparulorsdelasuppres- siondu
monastère des Franciscains.Il portait cette épitaphe :
L'an de grâce 1600, le5 juin, décédala noble et ver- tueuse
dame
ReginaDe
Lassin(sic),veuve defeuOrlandDe
Lassus,en son vivantmaîtrede chapelle au service des princessérénissimes de Bavière. R. I. P.Amen.
— 14 —
entière;
on
lesurnomma partout
leprince des musiciens.
Ilsurpassait
, etde beaucoup
, lespremières réputations musicales de l'époque
,
si
ce
n'est cellede
Paleslrina,qui
luidisputait l'empire du monde chantant
etrégnait sur
lemidi comme
luisur
leseptentrion. Sa prépon- dérance
étaittrop grande pour qu'on pût espérer de
l'affaibliren
l'égalant;aussi ses productions
étaient-ellesdisputées
,enlevées par tous
lesamateurs de musique qui
se lesarrachaient à
l'envi.Du Verdier parle de De Lattre en ces
«
termes
: C'était leplus excellent musicien qui
ait (sic) étéavant
lui; et ilsemble avoir
seuldérobé l'harmonie des cieux pour nous réjouir sur
la terre,surpassant
lesanciens
etse montrant en son
état lamerveille de son temps.
»Adrien Leroy
(1) faitde
lui l'élogesuivant
:«
Ce grand maître
etsuprême ouvrier
, l'ex- cellenteetdocte veine duquel pourroit seule
servirde
loi et reigle à lamusique
,attendu
(i) Traité demusique,préface. (1583.)
— 15 —
que
lesadmirables inventions, ingénieuses dispositions, douceur agréable, propreté navre
,nayveté propre
,traitssignalés,libertéhardie,
etplaisante harmonie de sa compo-
sition
fournissent assés de
sujetpour recevoir sa musique, comme patron
etexemplaire, sur lequel on
sepeut seurement
arrêter. »On
liten
têtedes Meslanges de
lamusique d'Orlande Lassus, que Ballard imprima
àParis en 1619,
in-8°. :Bruta Orpheus, Saxa
Amphyon,
DelphinusArion
Traxit;atOrlanduspostseterramquefretuuique,Post se traxit item
molem
totius Olyaipi.Quanto
igitur major, quantoque potentior unus Orlandustribushis,Arnphyone, ArioueetOrpheu!
Un poétereau inconnu
luia composé
cetteépitaphe
:Etant enfant j'ai chanté le dessus;
Adolescent, j'ai fait la contre-taille;
Homme
parfait, j'ai raisonné la taille ,Mais maintenant je suis mis au bassus.
Priez, passant, que l'esprit soit là-sus.
Jean Daurat
(xVuratus
)a trouvé dans Or-
landus de Lassus
cetteanagramme
:Laurca
— 16 —
donandus
es.—
Il qualifienotre Orland de prœstantissimus numerorum auctor.
Les souverains eux-mêmes, partageant
l'en-thousiasme général
, lecomblèrent des mar- ques de
distinction lesplus
flatteuses :En 1570
,à
ladiètede l'Empire
,l'empereur Maximilien, de son propre mouvement, donna à De Lattre
età
sesenfants légitimes
, ainsiqu'à
leursdescendants des deux sexes, des
lettresde noblesse
(1).Ces
lettressont des plus honorables pour
celuiqui
lesreçut
, et trèsremarquables surtout
si l'on réfléchit qu'ellesont
étédélivrées par un prince absolu, dans un pays où
lepouvoir
n'ajamais
rienperdu de
ses droits,etdans un de ces
siècles qu'iln'y apas bien long-temps encore on désignait dédai- gneusement sous
lenom de
sièclesde barbarie.
Le pape Grégoire XIII
, ausside son propre mouvement
,lecréa
,le6
avril1574
,chevalier de S
1.-Pierre
àl'éperon d'or (de numéro participantium), en
le faisant revêtirpar
lesnobles chevaliers
etseigneurs Onorato Caje- tano
etAngelo Mazzatosta
,dans
lachapelle
(i) Ceslettres sont datéesdeSpire,le7décembre.
— 17 —
papale de
lacour, do l'éperon d'or
etdu
glaive; et
ce avec tout
lecérémonial
usitéen
pareil cas.Philippe Bosquier, notre compatriote,
ditque
« leroy de France
l'annoblitde
lacroi-sade de Malthe.
»En 1571
,De Lattre
partitde Munich
etse rendit de nouveau en France
; il allapour
lapremière
fois àParis
, etlogea chez Adrien Leroy
,dont nous avons déjà parlé
,musicien distingué de son temps
,plus fameux encore
comme imprimeur
etmarchand de musique.
Ce
futAdrien Leroy qui
leprésenta
àlacour, où Charles IX
lereçut avec
lesplus grands honneurs
,l'admità
luibaiser
lamain
et lui fitde
trèsriches présents.
Au mois de novembre 1570, ce monarque accorda à Jean-Antoine de Baif
et àJoacliim Thibaut de Courville des
lettrespatentes pour
l'érection
d'une académie de musique.
Il estprobable que
larenommée de De Lattre
avaitengagé Charles IX
à l'appelerauprès de
lui,
pour
profiterde
ses conseils lorsde
lacréation de
cetteacadémie, ou bien que
lafondation de
cetétablissement musical
avait— 18 —
décidé
l'artiste à serendre
àParis
, villeque depuis long-temps
il brûlaitde
visiter,cujus urbis invisendœ
incredibilicupiditate diù
fla-grarcm
(1), afind'examiner sur quelles bases on
allait lefonder.
Charles IX garda un profond souvenir de
cetteentrevue avec De Lattre
, lephénix mu-
sical
de
l'époque,comme on
l'appelait alors;aussi,
lorsque bourrelé de remords
àcause du sang huguenot
qu'ilavaitfaitcouler
à silarges
flots, ilchercha vainement
lesommeil qui
fuyait sacouche, l'impression que
luiavaient
faite lesSept psaumes de
lapénitence,
l'unedes compositions de De Lattre
lesplus célèbres,
— qui
avait été écritepar ordre du prince Albert, long-temps avant
laS'.-Barthélémy,
—
se
présenta à son
esprittroublé. Dès
lors ilvoulut que De Lattre lui-même,
àla têtedes musiciens de
lacour de France,
lui fitentendre
lesaccents
plaintifs etlamentables d'un
roipénitent,
etce désir
s'accroissantde toute
laforce de son repentir,
il lui offrit,pour
ledécider
à serendre
auprès.(i)
De
Lattre.— 19 —
de
lui, lamaîtrise de
sachapelle avec un traitement considérable. La musique seule pouvait apporter quelque soulagement aux tortures morales de ce souverain.
De Lattre répugnait cependant
à quitterMunich, où son existence
était siheureuse
; lareconnaissance seule
lui faisaitmême consi- dérer comme un devoir sacré,
lerefus de
laisserAlbert qui
l'honoraitde
sa bienveil-lance
etde son
amitié.Mais
celui-ci,quoiqu'il vit àregret
ledépart de son
favori,de
celui qu'il se plaisait àdésigner sous
le titrede perle de sa chapelle, l'engagea avec générosité à ne pas
luisacrifierdes avantages plus grands que ceux
qu'ilpouvait
luiprocurer à
sacour
,
et
à
serendre à
l'invitationdu
roide France.
De Lattre
étaitbon, compatissant,
etiln'hé- sitapas à
semettre en route
, lorsqu'Albert
,
qui
avait prisCharles IX en
pitié, luieut persuadé que son
talentpourrait
seuladoucir
les
tourments de ce malheureux prince.
Il partitdonc
,mais
àpeine parvenu à
lamoitié de son voyage
, ilreçut
lanouvelle
positivede
lamort de Charles IX
,qui expira
le50
niai
K>7i. Sans perdre une seconde,
il re-— 20 —
broussa chemin
, et revinten hâte
àMunich
,
au
seinde
sa famille.Le duc
lereçut à bras ouverts,
leréintégra immédiatement dans
seshonorables fonctions
, lecombla de nou- veaux
bienfaits etde nouvelles
faveurs. Illuiassura
le25
avril1579, en considération de
sesbons
etloyaux
services, sesappointe- ments (qui
étaientde quatre cents
florins,somme considérable pour ce temps
),pen- dant tout
lerestede son règne
,sans aucune déduction.
Orland eut bientôt
àdéplorer
laperte de son protecteur, on
doitmême
direde son ami
(î), leduc Albert, qui mourut
le24 octobre
suivant.II
ne pouvait
quitterce prince, suivant Bianconi
,parce que
,disait-il,avec
cetamour de
l'artinné chez tous
lesgrands
talents,« je
préfère un maître qui
estconnaisseur à tous ceux qui ne sont qu'amateurs.
»Le duc Guillaume V,
dit lepieux
,professa
(i) Entre autres marques d'amitié qu'il
donna
à son maîtrede chapelle,ilcomposaun
panégyriqueen sonhon- neur, lorsqu'ilrevint àMunich
,à lamortde Charles IX.— 21 —
pour
luiautant d'estime que son prédéces- seur
, etDe Lattre n'éprourva
,par ce chan- gement de souverain
,aucune différence dans
saposition
,soitsous
lerapport des procédés
etdes égards,
soitsous
celuides appoin- tements. Guillaume
luiassura
lacontinuation de son traitement de quatre cents
florinspar an, traitement qui
avaitcessé de droit
lorsdu décès d'Albert.
Grâces à
seséconomies, De Lattre
avaitamassé peu-à-peu une somme de 4,400
florins, et l'avaitplacée successivement, en quatre
fois,dans
la caissedu trésor, au taux de cinq pour cent
d'intérêt,taux déjà en usage
alors. L'église à cetteépoque
,comme de nos jours,
usaitde son influence pour défendre aux
particulierslaïques de
retirerde sem- blables bénéfices de
leursépargnes,
lorsmême que
lespuissances séculières y don- naient
leurassentiment. De
Lattre,après avoir perçu pendant plusieurs années
les intérêtsde
sesfonds, s'alarma,
et sesscrupules religieux
lui firentconsidérer
saconscience
comme blessée par
cette action.Il pritaus-
sitôt sarésolution,
etrenvoya au duc
le22
montant de tons
les intérêts qu'ilavaitreçus, en déclarant que
sa piéténe
luipermettait pas de jouir d'un bien que
l'église s'était ré- servé, etqu'ildevait ce
sacrificeà cettebonne mère qui
,par
sadoctrine divine
, luiprodi- guait
tantde consolations pour son bonheur,
soittemporel
, soit spirituel.Le duc
feignitd'accepter
lasomme ren- voyée
,mais
il fitdélivrer àDe Lattre un
acte,
en date du 6 mars 1580, par lequel une somme
équivalente
lui futdonnée en propriété
, afinde ramener par ce moyen
lecalme dans sa conscience
,sans préjudicier à son
avoir.—
Je plains ceux,
ditDelmotte, qui ne trou- veront dans
cetteanecdote qu'un
sujetde sarcasmes.
Le 17 janvier 1587
, le.duc Guillaume
lui fitprésent de
lapropriété du jardin de Meising, sur l'Amber,
juridictionde Stareberg
(i), et le6 novembre de
lamême année,
il lui(a)
Ce
jardin avait /joaunes de long sur 60delarge.Iltenait par derrière à lagrand'route de Furstcnfeld et aboutissaitdu devant auvieuxbourg deDraexls.Saclô-
turee'taitenplanches.
— 23 —
accorda que son épouse,
si elle survivait àson mari, pourrait toucher pendant tout
le restede
sa vie,une pension annuelle de cent
florins,payable sur
lachambre des domaines du prince.
Indépendamment de
cettepropriété de Meising, De Latttre en possédait une à Putz- burnn
,dans
le districtde WolfarthsHausen.
Les travaux quotidiens de
lamaîtrise, ab- sorbant tout son temps,
lui firentdésirer d'autant plus
d'être délivréde ce
servicetrop rigoureux
,qu'il voulaitconsacrer
àlacompo-
sition les instants
que
luienlevaient
sesfonc-
tions. Ils'adressa donc
à cet effet,en 1587, au duc Guillaume, qui
accueillit sademande
et lui
permit,
le6 décembre, de
serendre chaque année quelque temps dans
le seinde
sa famille, àMeising
,ou dans
toutautre
lieudu duché
(î),en
luidiminuant
toutefoisson
(i) Après enavoirtoutefois
demande
l'autorisation.—
Le
duc Guillaumeaccordait àDe
Lattreladémissionqu'il avait sollicitée de maîtrede chapelledela cour,maisce dernier ne cessait pas cependant entièrement ses fonc- tions;ilétaittoujours tenu deserendre àchaqueinstant— 24 —
traitement de moitié
(200
florins),mais à dater seulement de 1590
(i).Quoique
leduc accordât en même temps,
par
cetacte,une grande faveur
àdeux des
filsde De Lattre, Ferdinand
etRodolphe
(a), laperte de 200
florinspar an parut
trèspénible à leur père.
Ilrenonça en conséquence à son projet de passer une
partiede l'année à
lacampagne
, et ilcontinua de
s'acquitter,avec tout
le zèlepossible, de
sesfonctions de
àl'invitation
du
duc,lorsquecelui-cijugeraitconvenable delefaire rappeler.La facultéluiétaitlaisséedevisiter la chapelle
quand bon
luisemblerait.(î) Par suitede Tordresévèreétabli danslesdépenses del'Etat etdelacourde Bavière,onvoulut aprèsledécès d'Orlandmettre à exécutionles dispositionsdecetacte, relativesàladiminutiondesontraitement.
On demanda
doncàRegina de restituerau trésorcequilui avait été payéde trop, prétendait-on; maiselleréponditque son défuntépouxavait prié lui-mêmele ducdechanger cet article del'acte. Ilest probable que sajusteréclamation auraété accueillie; lesactesexistantencoresetaisentsili-ce point.
(2)
Ferdinand
était alorsauservicede Frédéric,comte àZollcrn.Le duc,en acceptantladémissionde sqn père,— 25 —
maître de chapelle
,consacrant
lesurplus de son temps
à lacomposition.
Dans une note qu'a
écrite safemme Regina, on remarque
cettephrase
: «Et
ila toujours
ditque Dieu
luiayant donné
lasanté,
ilne
luiétaitpas permis de
resterà rien
faire. »En s'adonnant avec plus d'ardeur à
lacom- position,
ilvoulut témoigner à Guillaume, qui aimait passionnément
lamusique
,sagra-
titudepour
lafaveur accordée à
sesfils.Ce
travailopiniâtre
,dans un moment où
lerepos
lui était sinécessaire, eut des
suitesfunestes pour
sa santé.Sa
vieavait été laplus
luiaccordait, àconditionde quitterleservicedu comte, une place dans sa chapelle avec 200 llorins d'appoin- tements et ledroitd'êtreadmisàlatabledesofficiersde
lacour,s'ilnepréféraitqu'onlui pay.ilson ordinaire.Il étaitobligéde remplir, lorsquesonpèreseraitabsent,les fonctionsde ce dernier,oucellesdu sous-maîtredecha- pelle,JeanàTosta.
Rodolphe
,parlemême
acte, obtenaitdu duc la per- mission, qu'il lui avait demandée,desemarier, et une place d'organiste au traitementde200florins, àcondition d'apprendreàchanterauxjeunes gensfaisant partiedela chapelledelacour,etdelesinstruiredanslacomposition musicaleou entouteautrechose quilui seraitordonnée.— 20 —
laborieuse qu'on puisse
se figurer etson ima- gination féconde, toujours en
activité, avaitenfanté une multitude de compositions
telleque
leurnombre nous
effraie (1), etque nous nous refusons presque
àcroire
qu'ellespuis- sent
êtrel'œuvre d'un
.seulhomme. Cette tension continuelle
d'esprit exigeaitimpérieu- sement de
ladistraction,du repos
;au
lieude
s'arrêter, ilredoubla
sestravaux
; aussilana- ture épuisée
lui refusa-t-elleun secours dont
il avait
abusé. Ses
facultésmentales
,assure- t-on, l'abandonnèrent tout -à- coup. Regina, un jour
qu'ellerevenait de Meising
, letrouva dans un
état trèsprécaire
; il avait, ajonte- t-on,tout-à-fait perdu
l'esprit, et ilne
lareconnut
plus.Dans
safrayeur
, ellefutaussi- tôt avertir laprincesse Maximilienne, sœur du duc Guillaume, qui envoya
à l'instantmême son médecin
, ledocteur Thomas Mer- mann
,auprès du malade.
Par
ses soins, lasanté de De Lattre s'amé-
liora,
mais,
s'il fauten croire Delmotte,
saraison ne
revint point.Toujours
est-ilque dès
(i) il excède2,000.
— 27 —
cet instant,ilFut triste,
rêveur, absorbe
clansdes pensées mélancoliques
etqu'ilparlaittou-jours de
lamort.
Le duc
luifitannoncer
,par Mermann
,qu'ilcontinuerait
,malgré son
état, àjouir de son traitement
entier;mais
cettenouvelle ne put
le
ranimer.
Son extérieur calme
n'eûtpas
laissédeviner
l'agitationintérieure qui
leminait
;une
lutte violente avait lieudans
ses facultésmorales.
Abattu, énervé par ces pénibles combats,
ilécrivit
au duc dans un moment d'accablement,
« qu'ilavait l'intention
de
quitterentièrement
leservice,s'ilvoulaitlui
donner
les400
florinsque déjà son
illustrepère
, leduc Albert V,
lui avaitpromis
,en y ajoutant encore une somme quelconque
àsa volonté.
»Sa femme
,craignant
les résultatsde
cette folledémarche, eut encore recours, pour y parer,
àladuchesse Maximilienne, qui
trans-mit
àson
frèreune requête de
lamalheureuse Regina, où entre autres choses
elle disait :«
Que son
altessesérénissime ne
veuillepas
rejettersur
lapauvre famille d'Orland
lestortsque
se faità lui-môme
cemalheureux père
— 28 —
par
ses fantaisiesbizarres,
suitesde
trop d'efforts d'espritpour son art
etd'un
travailtrop
assidu.Mais que
leduc daigne
lui fairecontinuer son traitement comme
il l'a faitjusqu'à présent
,car
, ajoute-t-elledouloureu- sement,
ce serait le fairemourir que de
lemettre hors du
servicede
la chapelle. »Guillaume
fitsavoir à De Lattre que tout
resteraitpour
luicomme de coutume; que
s'il faisaitune nouvelle demande,
ellene
seraitpas
accueillie, et qu'ilpourrait
alors, s'il le voulait,s'en alleravec congé.
De Lattre ne vécut pas long-temps dans
cet état,espèce de mort anticipée
;bientôt
ilexpira.
Peu de temps auparavant,
illégua une distribution d'aumônes
,à perpétuité
,à
fairechaque année aux pauvres
,dans
l'hôpitaldu S
1.-Esprit à Munich. Elle
avait lieu le di-manche après
la S'.-Michel.Ilfonda
, aussià perpétuité
,un anniversaire
àcélébrer
lejour de
laS
l.-Jean-Baptiste
,dans
l'églisede Mei-
sing.Cet anniversaire
consistaiten deux messes
etun requiem en musique.
Il
mourut
àMunich
le5
juin1595. Ses
restes— 29 —
y
furent déposés dans
lecimetière de
l'églisedos Franciscains
,où on
luiéleva un superbe tombeau en marbre rouge, haut de
troispalmes
etdemie,
etlargede
sept.Ce tombeau,
divisédans
salongueur en deux parties, con-
tientdans
lecentre de
la partiesupérieure, un
bas-reliefreprésentant l'ensevelissement du Christ; on compte sur ce
bas-reliefsept
figures;dans
lefond
,sur
ladroite
,on
dis-tingue Jérusalem
; à lagauche
le Calvaire.Sur
latombe du Christ
estsculptée
ladate
MDXCV. Aux deux côtés du
bas-reliefsont deux cartouches sculptés sur lesquels
se lit l'épitaphesuivante, composée par Sébastien Baner
,de Haidenkaim
:Orlandi cineres, eheu!
modo
dulce loquentesNunc
mutos, eheu! flebilis urua premit.Lassre sunt flendo charités funera Lasse, Principibus
multum,
charcquecœsaribus.Belgica
quem
tellusgenitrixdédit ingenioruin, Ingeiiiorum altrix Boja fovithumus.
Corporis exuvias
eadem
quorpie Boja tcxit, Post lustra achyemcs
sena bis acta duas.Kobora
,saxa,ferasOrpheus
,athicOrphea
traxit,
Harmoniaeque duces perculit harmonià.
Nunc
quiacomplevittotum coucentihusorbem,
Victorcum
superis certut apùd superos.s.
— 50 —
Dans
la partie inférieuredu sarcophage
setrouvent, au
centre,lesarhioiriesde De Lattre
et cellesde
safemme. Sur
ladroite,on compte huit
figuresde femmes agenouillées;
lapre- mière
a vis-à-vis d'elleun enfant au maillot;
la
deuxième
,un écusson
écartelésur lequel on distingue
lesarmoiries d'Orland
(î)etpro- bablement
cellesdu seigneur d'Ach
,époux de Regina,
filleaînée de De Lattre
(2).La pre- mière de ces femmes
estRegina Weckinger
,
épouse du défunt
; laseconde
estRegina De
Lassus. Les
sixautres
,qui portent toutes
la coiffurede demoiselles, £ont
les filles et les petites-fillesd'Orland. Son épouse
et safilleRegina sont seules revêtues de vêtements de dames. Au côté opposé sont
aussireprésentés,
àgenoux, De Lattre lui-même
etneuf
filsou
petits-fils (0).
Ce tombeau
restadans
lecimetière de
l'église
des Franciscains jusqu'en 1800;
il fut(1) Lessignesdistinctifsde ces armoiries sont
un
dièze,un
bémoletun
bécarre.(2) Voirla note p. 10et s.
(3)
Un
inconnua faitgraveren taille-douce lesarmoi- riesdeDe
Lattre sculptées sur satombe,et lesadédiées—
51—
sauvé
, lorsde
ladestruction de ce
lieude sépulture, par M. Heigel
, artistedu théâtre de
lacour, grand admirateur de De
Lattre. Il ledéposa dans son jardin qui devint
lapro-
priétéde mademoiselle de Manntich,
etqui appartenait encore
à cettedemoiselle en 1850.
L'épouse de De Lattre fonda, deux ans après
lamort de son mari
(vers 1597
),pour
lui etpour
elle, ainsique pour tous
leursdescen- dants, un obit perpétuel chez
lesFrancis-
cains.Ce
servicefunèbre annuel
,qui devait
êtrecélébré dans
leurs cloître et église, la veilleou
lelendemain du jour de St.-Vieth
,
martyr
, consistaiten une messe
,des
vigiles etun
officepour
lesmorts.
àla
mémoire
de cegrand musicien enlesaccompagnant des vers suivants:Orlandi Lassi quicunque insignia iconis Siste
parum
; vigili singula mente nota.Ut
sol illustrât totum pulclierrimus orbem,Orlandum mundi
sicplaga qunequecanit.îlerculco cedunt animantia cunctaleoni, Cedft et Orlando musica turba lubens.
Crux
monslratveteris tibireligionis amicuni Casfera tu tanto pectorc volve, licet.H. L.
Tous
lesauteurs qui ont parlé de De Lattre sont d'accord sur ce point
qu'il futun des
hommes
lesplus distingués de son
siècle, età
cetteépoque
brillantede nos annales mu-
sicales
où
les artistesbelges
étaientconsi- dérés comme
lesplus célèbres de l'Europe
,
il fut
jugé digne
d'êtrecompté comme
lepremier
d'entreeux
,comme
leurprince
,
selon l'expression
d'alors.Ce glorieux sur-
nom
lui futdécerné aux applaudissements universels du monde musical. Tous
lesau- teurs du temps
lecélébrèrent
à l'envi.Les
rois, lesprinces,
lesgrands
l'accueillirentavec
distinction et seplurent
àaccepter
ladédicace de
sescompositions.
Il étaitnon- seulement musicien
etcompositeur excellent, mais encore un savant remarquable par
la variété,l'étendue
et laprofondeur de
sesconnaissances.
Ilcultivait la
poésie avec succès. On
ade
lui
des vers
françaisadressés au duc de Ba-
vière etune ode au
roiCharles IX.
Il se faisait
rechercher pour
lafinessede
son
esprit,l'aménité,
ladouceur de son
ca-ractère
et lescharmes de
saconversation.
M. Freneusc de
laVieuville ditqu'une messe de
lui à huit parties (Do minus Deus noster
),où
il n'ya que de grosses notes blanches, qui
filentsur
troisou quatre mesures,
futchantée au Concile de Trente. Enfin
, lemé- decin Samuel
àQuickelberg
,ami intime de De Lattre
,vante
labeauté de sa voix
, etassure
l'avoirentendu chanter à
lachapelle ducale avec un
plaisirextrême.
Il
ne se borna point
à exciter legoût de
la
musique par
le talent et l'originalité qu'ildéploya dans
sescompositions,
ilrendit à
l'artmusical des
servicesbeaucoup plus
réels.C'est lui,
à ce qu'affirme Burney, (A gênerai history of music
,from
the carliestâges
to theprésent period, Londres 1776-1789, 4
vol.in-4°.)
qui
introduisitdans
lamusique
lespremiers passages chromatiques
, etqui
,par
là,
parvint
àaméliorer grandement
lesmono- tonies dans
lamodulation. La mesure
luidoit
ausside
trèsgrands perfectionnements,
etWerkmeister
dit qu'il aréduit
le fatrasde
quatre-vingts
différentssignes de mesures
etde cadences, à deux seulement,
lamesure
paire
et lamesure impaire, en se servant
— 3A —
pour
fixer lemouvement, des mots
allegro,adagio
, etc.,encore
usitésaujourd'hui.
M. Fétis, notre savant compatriote, maître de chapelle du Roi des Belges
,auteur de
laBibliothèque
universelledes musiciens,
n'hésitepas, quoi qu'en
ait ditBurney, à
fairede De
Lattre
lechef de
l'écoleallemande, comme
Palestrina
est lechef de
l'école italienne.— On appelait Orlandes
seschansons
gail- lardes;ce qui donna
lieuà
cetteexpression
:quelle
orlande
!en parlant d'une
orgie.—
On
citeparmi
lesportraitsde De Lattre
:1°.
Les portraits en pied
eten buste, de Jean Mielich, qui
setrouvent dans
lema- nuscrit des Psaumes de
lapénitence,
etc., etc.,4
vol. in-f°., faisantpartie de
la bi-bliothèque royale de Munich.
(Dans
lepor-
traiten pied
,De Lattre
estreprésenté tenant dans
lamain
droiteun rouleau de papier,
etde
lamain gauche son bonnet
et sesgants.
Ilporte au cou, en sautoir, une médaille en or suspendue à un
étroitruban
blanc.Au
haut
se lit cette devise : «Loyal jusqu'à
lamort.
»Le portrait en
busteporte
cetteautre
devise:— 35 —
««
In corde prudentis
requiescitsapientia
etindoctos quoque
erudit. »)
-1°.
Le portrait que renferme
l'éditiondes Lagrime
diS.Pietro
,imprimé
àMunich en 1595,
in-f».5°.
Celui qni
faitpartie des Portraits des compositeurs de musique
lesplus distingués
,
de Kreamer.
4°.
Celui qu'a publié Ameling, graveur de
la
cour de Munich
, et qu'il a faitsuivre des deux vers que nous prendrons
tout-à-1'heurepour épigraphe.
5°.
Celui gravé par Jean Sadeler, portant
lesdeux mêmes
vers.Etc.
, etc., etc....
Il figureaussi
en médaille dans
laGalerie numismatique des hommes
célèbresdes Pays- Bas
,qu'a exécutée
lechevalier Simon. —
Delmottc,
àqui j'emprunte ce qui précède
et
que
j'aipresque toujours copié
textuel-lement
(î),combat victorieusement
l'assertion(i) Je
me
suis borné à classer les faits, a rectifier quelques chiffres, à fairedisparaîtrequelques fautesde langueet de phraséologie.— 56 —
do De Boussu
,qui assure
(1)sur
la foide Philippe Brasseur
(2),que
lesmagistrats de Mons élevèrent à De Lattre
,dans
l'églisede St.-Nicolas
,vers
lejubé
,une
statueportant son nom sur
lepiédestal
et cetteinscription
:s. P. Q. M.
« MONTIGENTE ORLANDO, QCOD EO NASCENTE RENATA EST MUSICA, MONTENSENS HOC POSUÊRE DECCS. ))
et
que
cettestatue
a étédétruite vers*lG80.
Delmotte
citeun passage de Vinchant, au- teur presque contemporain de De
Lattre,d'où
il résulte
que Philippe lîosquier ayant
vai-nement engagé
lemagistrat de Mons
àériger
àOrland une statue en bronze,
fitpeindre son
portrait ety mit ces vers
:Ut Mons Orlandum
Lysippi fingeret œre Bosquierhanc tabulam finx.itApcllis ope.Il est
donc avéré qu'aucun monument
n'a(1) Histoire de
Mons,
pp. 180 et 181.— Lemaycur commet
lamême
erreur dans les notes de sonpoème Les
Belges, p. 209.—
Pacpiot a aussirapporte cefait d'aprèsDe
Boussu.(2) Syderaillustrium
Ilannoniœ
scriptorum.Mons,
iG3y, in-12, p. 8/j.— 57 —
ne
lui aencore
étéélevé dans
sa villenatale.Delmotte,
s'associantau vœu déjà exprimé par Bosquier, termine son ouvrage en enga- geant
lesmagistrats de notre
ville àélever une
statue àleur
illustreconcitoyen. Le Gou- vernement,
dit-il, lesy
aiderait,puisque, par arrêté en date du 7 janvier 1855,
il adécidé que
les statuesde nos grands hommes
seraient exécutées par des sculpteurs belges.
D'ailleurs, ajoute-t-il, «
un appel
faitaux Monlois pour honorer un des
leursqui
s'est illustrépar
ses talents etson génie, ne
lestrouvera pas sourds.
»Il
y a deux ans que ce dernier vœu
a étéémis
et rienencore
n'a étéfaitpour payer
àDe Lattre l'hommage qui
lui estdû. Puisse
sareproduction
,dans
les faiblesvers qui vont
suivre
,obtenir plus de succès.
ROLAND DE LATTRE.
Hicille est Lassus lassumqui recréât orbe Discordenujue suâ copulat liarmoui.i.
A
peine il était né que la fouleempressée L'avait pris dans sesbras, pauvreàme
délaissée, Et regardait l'enfant riant dans sou sommeil;Tantsurses traits, empreints degrâceetd'harmonie, Brillait d'un
doux
éclat l'éveil desongénie....
Tant rayonnait sonfrontvermeil!
Etl'enfant grandissait,
comme
auseind'unemère
Bercé parla Cité dans ce calmeéphémère Qui
présage toujoursun
oragelointain;Et sur sou front déjà quelque chose de sombre Passait,
— comme
l'on voitlalumièreavecl'ombreLutter sous
un
ciel incertain.—
L'église, (encetemps-là puissante etmaternelle), L'avaitsauvé desflots etcouvé sousson aile, Pauvreenfant que le
monde
ennaissantexilait;Ilétait de ceux-là qui sousles saintsportiques
Du
Seigneur tout lejour répètent lescantiques, Et que laFoi nourritdu
plus pur de sonlait.— 40 —
Quand
savoix, emplissant lavaste basilique, Sous leslarges arceaux de la nefcatholiqueEn
flots harmonieux montait avec l'encens, Plus bellesduSeigneur paraissaientleslouanges, Etl'oncroyaitentendre, en haut,lavoix desangesQui
répondait enchœur
à ses divins accents.A
peinedans sabouche expirait l'hymnesainte,Que
lepeuple, ausortir de lapieuseenceinte, Suivait lejeune enfant et luitendait la main;Comme
pourconsoler d'un malheurqu'elleignore Cetteâme
aimante etdouce, et quinefait encore Qu'essayer l'existence etchercherson chemin.Maislui,
comme un
beaujourqu'unfroidnuageefface, Hâtait ses pas dans l'ombreetde'tournait la face Loin des regardsamis, pourcacherun
long pleur;Ettous, avecamour, s'écriaient:« Qu'ilprospère!
Pauvreenfant, orphelin
du
vivantde son père....Pauvrelis flétridanssa fleur! »
—
Un
jourpourtant,un
jour qu'à peinecommencée,
S'arrêtait la prière en rithmes cadencée Et qu'une voix manquait aucéleste concert,
D'un unanime
instinct toutela foule avide Se tourna tristement suruneplace vide....Et letempleparutdésert.
C'est qu'il n'était pluslà celuidequi leslarmes
Aux
psaumesconsacrés prêtaientde nouveaux charmes;On
fit à lechercher des efforts superflus;—
41—
Nul ne put deses pas retrouver levestige, Et,
comme
unbel oiseau qui s'échappeàla lige,L'auge envolénerevintplus.
II.
Et seul,la poitrine oppressée,
Lesyeuxrouges, lefront brûlant
,
Un
enfant,latètebaissée,Pensif, s'éloignait àpaslent.
Délaissant sajeune chimère,
Il
donne un
regret àsamère
,A
son berceau paréde Heurs;Et danssa tristesse fatale Jette sur sa ville natale
Un
long regard mouillé depleurs.Tristementilpoursuitsa route
En
s'arrètant àchaquepas,
Et son
âme
s'épanche touteDans
unsoupirqu'on n'entendpas.Abandonné,
seul,sans défense,Il songe à ses amis d'enfance,
A
leurs différentsavenirs,Etsentant brûlersa paupière S'étend,faible,surunepierre, Ecrasé parses souvenirs.
Puis lout-à-coup souteint s'enflarame Sonfrontsurelève, etsesyeux,
_ 42 —
Sesyeux oùresplenditson
àme
,Comme un
éclairpercentlescieux:A
lui leciel,à luilemonde!
A
lui cette extase fécondeQui
faitrêver lesyeuxouverts!A
lui les palmesdugénie,
Ettouslesdons del'harmonie! Ettouslesbiens del'univers!
A
luileshommages
sansnombre
!Les longues admirations! D'unpeuple abritésousson
ombre
Les bruyantes ovations!A
luid'unanimessuffrages!A
luipard'immortelsouvragesDes
jours sereins et fortunés!A
luilagloirequiconsole!A
lui lasublimeauréoleQuiluitaux fronts prédestinés!
—
Etdanslavisioncéleste
Qui
luirendsoumalheurléger, L'enfantaborded'un pasleste Lesrivages del'étranger.Toutentierà sa folle ivresse, Ilsent succéderl'allégresse
A
ladouleur quil'obsédait,
litsurcette terreinconnue
Il marche,suivantdanslanue
Son
étoilequi leguidait.45 —
III.
BeausoldeladouceItalie, Ouvre-luites
champs
bien -aimés, Prodigueàsa tête pâlieTes parfumslesplus
embaumés
;Au
filsdelaterreétrangèreQue
l'existence soit légèreDans
tespoétiques séjours, Etverse àsa lèvreendémence Un
peu decettegloireimmense, Qui
pourtoirajeunit toujours.France,quelesguerres civiles Voilentdeleurcrêpeodieux
,
Laisse-le passer partes villes
Ce
cygne auxchantsmélodieux!Quand
tonne lafoudreenflammée,L'oiseaucachésouslaramée Suspendsespaisiblesconcerts;
Ilfautpourqu'il lescontinue
Que
l'arc-en-cielfendantlanue Rassérèneetcalmelesairs.Maistoi,nobleet froideAngleterre, Offre
un
refugeà l'exilé,
Protège sous toncielaustère
Son
frontun moment
consolé.Comme
desclameurs triomphales Élèvetes vastesrafales_ u —
Pour
saluerl'hôtevainqueur,Etcouvre
du
bruitde tesondes Les tempêtesbien plusprofondesQui
grondent au fond de son cœur.Encor
battuparlatourmente,Pour y
couler des jours obscurs,
De
touslesarts fidèle amante, Anvers, reçois-le dans tes murs.Accordeàsonà
me
embrasée,Comme
une abondante rose'e, Le calme de tes longues nuits;Chantre qui se tait avant l'âge,
Que
ta retraite le soulageDe
sa gloire et de ses ennuis.Et toi, dont bientôt son génie
Va
payer l'hospitalité,
Munich,
ville àjamais bénie, Seul port àsonadversité,Comme un
naufragé surlagrèveQue
ton bras puissantlerelève Etfassetrêve àsesmalheurs;
Car
celui quelahonteexileNe
peut qu'en ce lointainasile Trouver l'oubli de ses douleurs.IV.
Avez-vous vu
quand
l'auroreDe
sespremiersfeuxnousluit?— 45 —
Ce
n'estpas lejour encore, Maisl'orient se colore,Ce
n'est déjà plus la nuit.La lumièreaveclabruine Lutte, lutte encore
un
peu, Puis enfinleciel s'allumeComme un
fer qui surl'enclume Jaillit en gerbes de feu.La
vapeur qui s'amoncelle Sorten fumantdu
gazon, Etpardegre'ssedécèleComme
une rouge étincelleLe
soleilà l'horizon.Déjà l'ombre moins hardie Disparaitde toutes parts, Et la lumière agrandie
Comme un immense
incendie Se déroule à nos regards.L'astre monte,
monte
etverseUn
feutoujoursplus brûlant,Et
dansl'éther qu'il traverse,Comme un
roi puissantseberce Sur son trône étincelant.Puis à son faîte
suprême
S'arrètant au haut desairs, Ceint son plusbeau diadème,— m —
Et semble l'œil de Dieu
même
Qui s'ouvre sur l'univers.V.
Ainsilong-temps obscuretlong-tempssolitaire, Grandit danslesilenceets'annonceàlaterre L'astrede son génie, à lui-même inconnu;
Dissipant par degrés les ombres
du
mystère Qui,jeune, à touslesyeux
lecachaient,pauvreetnu.Son
orientse lève, etde splendeurs sansnombre
S'illuminesonfront, toujours pensifetsombre;Etleciel, qui s'éveilleàsamolleclarté, Semble
un
flambeau divinquijettesursonombre Comme
une aube degloire etd'immortalité.Partoutilse faitjour autourdelui; qu'importe
Le
nuagequi passeetquelevent emporte,Quand
toutleciels'éclaire aux rayonsdu
matin,Et
quel'astrede feudontl'éclatnoustransporte Sedressecomme un
phareàl'horizon lointain!Laissez,
quand
déjà l'aube a blanchi la chaumière, Lesaveugles nierl'éclatdelalumière,Les méchantsla braver,lacraindre tour-à-tour;
Laissez,etbénissantcette lueurpremière,
Dn
soleil quila suitattendezleretour.Laissez,la nuits'efface et l'ombres'évapore;