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LES DITS DE MATHIEU
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Celui-ci e st de l'Ecole M ode rne
Nous $Ommes dans un monde de marchands à la petite semaine, où. nous ne savons plus retrouver la qualité. -Je ne parle pas de cette qualité de surface qui fait qu'une pêche est appétissante et veloutée et un boîtier de montre artistement présenté. C'est la saveur délicate de la pêche, cette vertu indéfinissable qui nous la rend comme essen- tielle, c'est tout le génie parfois mystérieux dont l'artisan a animé ses engrenages, qui nous importent et noU$ décident.
Mais comment mesurer ces qualités et établir des « normes » ? Si j'écoutais les auteurs de statistiques, je n'userais pas me$
jambes à monter avec mes bêtes vers les cimes, où l'herbe est rare, où l'on voit les. chèvres butiner d'une touffe à l'autre sans varvenir jamais à emplir leur panse. Je les laisserais dans les bas-fonds, là où la plante a les racines dans l'eau et dans le limon et où elle pousse, haut, verte et. drue ... Les bêtes n'auraient qu'à ouvrir la bouche. Mais voilà justement : elles ne veulent pas ouvrir la bouche!
Il leur faut la violette délicate qui naît au pU?d des glaciers et la feuille · rare qui semble porter en elle tout le parfum et toute la vie subtile de la montagne. .
Educateurs, soyez d'abord de bons bergers. Ne laissez pas croupir les enfants dans les marais. où l'herbe est grasse mais sans saveur. Ne mesurez pas le progrès de votre ensefgnement à la quantité de connaissances que vous entassez dans vos livres et que vous fauchez dans vos leçons formelles. Laissez l'enfant se nourrir de qualité, goûter du bout des lèvres, à la recherche de la nourriture qui lui est spécifique. Pensez qu'il est sans doute comme le chamois vivant de touffes rases dont l' 0n$emble ne constituerait même pas un dixiè~ de ce que vous croyez être une ration vitale et qui n'en est pas ·moins· la bête la plus agile et la plus endurante que nous puissions admirer. -
Je vois bien l'inconvénient qu'il y a à une telle prati'que : la quantité d'herbe que peut manger une bête, la quantité de connais- sances que vous pouvez « entonner » dans l'esprit d'un enfant, ça se mesure; ça se contrôle, ça se standardise, ça se vend, tandis que ces vertus cachées qui personnalisent l'être, même si elles sont vitales, qui, peut nous donner l'assurance que l'école a contribué à en enrichir nos élèves ?
Devrons-nous alors plier la vie à la mesure et au contrôle et produire, d'abord, des pêches calibrées selon les normes du com- merce, ou bien trouverons-nous un jour les normes nouvelles, peut- être même contrôlables, et qui magnifieraient la vie, ne serait-ce
q~ le poil brillant et lustré, la façon sûre et fière de porter la tête, de lever les yeux avec as$urance, le: biais original et intelligent par lequel on aborde les problèmes·, cet appétit de savoir et ce souci de choisir qui sont complémentaires. l'un de l'autre et qui font dire aux examinateursi face à nos candidats :
- Celui-d est.de [.'Ecole Moderne.