R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
J. D EBIESSE
L’enseignement nucléaire en France en Novembre 1960
Revue de statistique appliquée, tome 9, n
o2 (1961), p. 103-108
<
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L’ENSEIGNEMENT NUCLÉAIRE EN FRANCE EN NOVEMBRE 1960
J. DEBIESSE
Directeur
du
Centred’Études nucléaires de Saclay
La
stattsttque mathémattque
et le calcul desprobabitités
ontdeputs longtemps conquts
leurplace
aans laphystque théortque,
matsleur
tmportance
s’estconsidérablement
accrue avec lesdéveloppements
de la
phystque nucléatre.
Dans la note
ct-après,
MonsieurJ.Debtesse,
Dtrecteur du Centre d’EtudesNucléaires
deSaclay
et Dtrecteur de t’Institut des Scten-ces et
Techntques
nucléatresfait
lepoint
dudéveloppement rapide
des
enseignements nécessités
par cette sctencenouvelle,
les tech-ntques qut
endécoulent
et leurs nombreusesapplications.
I - INTRODUCTION -
En remarque
liminaire,
il est bon desouligner
avecquelle rapidité, l’énergie
nucléaire aquitté
laphase
de la recherche pure pour aborder celle de lacompétition économique.
Découverte en1939,
la fission de l’uranium adéjà
à son actif dans lemonde,
21 ansaprès,
lapropulsion
desnavires,
une
production
de 500mégawatts
d’électricité. Des résultatspareils,
obtenusen
quatre lustres,
sont lefait,
certes d’un effortscientifique, technique
etfinancier
massif,
mais aussi d’un effort considérable pour créerrapidement
les
spécialistes
nécessaires.C’est l’effort
enseignant
dans le domaine nucléaire de laFrance,
4èmepays
atomique
dumonde,
queje
me propose de traiter.II - L’EFFORT UNIVERSITAIRE -
En
1945,
l’UniversitéFranÇaise, (j’inclus
sous ce vocable :facultés, grandes écoles ...)
durementéprouvée
par la guerre 1939-1945 rassembleprofesseurs
et étudiants franchement démobilisés.Sur le
plan qualitatif,
l’Université est difficilementcapable
de fournirrapidement
lesspécialistes
nucléaires que réclamel’énergie
nouvelle.Depuis
six ans, la
France, occupée,
n’a pu travailler les sciences nucléaires quenos Savants avaient
pourtant
trèslargement
contribué à créerjusqu’en
1939.Sur le
plan quantitatif,
l’Université doitpallier
à une foule de demandesd’ingénieurs
et descientifiques
pour parer aux besoins de la reconstruction et d’industries nombreusesqui
veulent se renouveler.104
Le Ministère de l’Education Nationale réalise un effort
quantitatif
con-sidérable et
développe l’enseignement scientifique
dans leslycées
etcollèges.
Aussi,
le nombre des bacheliers demathématiques
élémentaires reçus cha- queannée,
passeprogressivement
de 6 500 à 15 000. Dans le mêmetemps,
les sciences nucléaires s’introduisent dans
l’enseignement classique.
Plu-sieurs
lycées
ouvrent des classes dites"atomiques"
oùs’enseignent
lessciences nouvelles tandis que des concours
spéciaux
pour les élèves de cesclasses donnent accès dans les
grandes
écolesd’ingénieurs.
Lesprofes-
seurs de
lycées,
d’écolesnormales,
decollèges techniques
viennent suivredes
stages
dans le Centre d’Etudes Nucléaires deSaclay.
Par suite de
l’augmentation
des effectifs dans les facultés dessciences,
dans les écolesd’ingénieurs,
le nombre deslicenciés,
desingénieurs,
for-més
chaque
année passeprogressivement
de 4 000 à 5800.
Dans le même
temps
des écolesd’ingénieurs allongent
leur scolaritéd’un an, les facultés des sciences créent un 3ème
cycle
d’études. La forma-tion
classique
devient meilleure à tous les niveaux.C’est à
partir
de ces éléments favorablesqu’a
pu sedévelopper
l’ensei-gnement
nucléairesupérieur
dansl’Université.
Il est bon de
rappeler
queParis,
avec son Muséum deBecquerel,
sonInstitut du Radium de
Marie-Curie, possède
lesplus
anciens établissementsd’enseignement
nucléaire du monde.C’est en ces lieux vénérables que sont nées les sciences nucléaires.
En
1956,
la Sorbonne crée le nouveau Centred’Orsay qui,
avec ses accélé-rateurs,
est devenu un trèsgrand
centre de recherches etd’enseignement.
Actuellement,
sur les 17 Facultés des Sciencesfrançaises,
11 d’entreelles :
Paris, Grenoble, Lyon, Poitiers, Toulouse, Strasbourg, Alger, Caen, Nancy,
Marseille etBordeaux, possèdent
desenseignements
nucléairesmagistraux.
Il en est de même pour les Facultés de Médecine deParis, Marseille,
pour la Faculté de Pharmacie de Paris.En
fait,
le CommissariatFrançais
àl’Energie Atomique
fournit sou-vent aux Facultés :
conférenciers, professeurs
et matériels divers.Enfin, parmi
lesgrands
établissementspara-universitaires,
leCollège
de
France,
l’EcolePolytechnique, ont,
l’un dans les sciencesnucléaires,
l’autre pour les rayonscosmiques,
des laboratoires trèsimportants.
L’ensemble des installations nucléaires universitaires
actuelles,
con-sacrées aux sciences
nucléaires, comporte
un investissement de l’ordre de 150 millions de nouveaux francs etcorrespond
àl’appareillage suivant,
uti-lisé ou en cours de réalisation :
- 3 Cockcroft
Walton,
- 3 Van de
Graaff,
- 3
Cyclotrons
ousynchrocyclotrons,
- 10 Accélérateurs
Félici,
- 1 Accélérateur linéaire à électrons de 500
MeV,
- 5
Montages
souscritique d’Uranium,
- 1 réacteur.
Par
ailleurs,
laplupart
desgrandes
écolesd’ingénieurs françaises,
Revue de Statistique Appliquée. 1961 - Vol. IX - N’ 2
105
ont maintenant inclus dans leurs programmes les sciences nucléaires
qui
sont étudiées dans des
cycles
de cours et de travauxpratiques plus
ou moinsdéveloppés.
On
peut
admettrequ’actuellement, plus
de 3 000 étudiants deplus
de18 ans,
dont un nombreimportant d’étrangers,
étudient en France les scien-ces nucléaires de
façon plus
ou moinsapprofondie.
Ces
magnifiques
résultats obtenus dans nos établissements universitai-res furent
souhaités,
réclamés dès1945,
par le CommissariatFrançais
àl’Energie Atomique.
Celui-ci,
dès sonorigine,
faisant l’inventaire des besoins en person-nel,
en fonction d’unplan
rationnel dedéveloppement
del’Energie atomique
en France avait dressé un
plan
de formation de lajeunesse qu’il s’efforça
de réaliser ou de faire réaliser.
III - L’EFFORT ENSEIGNANT DU
C.E.A. -
Il fut considérable car le
rythme
dedéveloppement
du Commissariat àl’Energie Atomique
fut sirapide
que l’Université neput
pas fournir lesspé-
cialistes nécessaires.
C’est le Commissariat à
l’Energie Atomique qui
donna à cesagents
laspécialisation
nucléaire.Dans tous les
services,
des séminairesgénéralement hebdomadaires,
furent montés afin depermettre
laparticipation
de tous aux travaux etpréoc- cupations
du moment. Des cours furentdonnés,
ceux-ci se transformant peu à peu en de véritablesenseignements
faits par nosspécialistes
ou par desprofesseurs
d’Universités.A -
Ens eignement
de niveau élevé.Ces
enseignements
furentprogressivement
ouverts à desingénieurs,
àdes
scientifiques étrangers
auC. E. A. Finalement,
lesrapports
du C. E. A .et de l’Université furent
précisés
par une série de décréts et d’arrêtés créant :-
"L’Institut
National des Sciences etTechniques
Nucléaires deSaclay.
"Celui-ci, placé
sous l’autorité du Président du Conseil et du Ministre"de
l’EducationNationale,
a pour mission :"
1/ d’assurer,
en liaison étroite avec les Universités desenseignements
"de
hautespécialisation, portant
sur les sciences et lestechniques
nucléaires"et
destinés àcompléter
la formation desingénieurs
et destechniciens ;
"
2/
de réaliser en cequi
concerne cesenseignements,
une collabora-"tion permanente
entre les Facultés desSciences,
les Facultés deMédecine,
"les
Facultés dePharmacie,
les Grandes Ecolesd’Ingénieurs
et les autres"grands
établissementsscientifiques
d’unepart,
et le Commissariat à l’Ener-"gie Atomique
d’autrepart ;
"
3/
de faciliter dans le domaine del’enseignement
et de la recherche"les
relations avec lesorganismes
de recherches etl’industrie".
a) Enseignement
du TroisièmeCycle :
En accord avec les Facul- tés des Sciences deParis,
Grenoble etPoitiers,
certainsenseignements
endeux ans pour la formation des chercheurs à
partir
de licenciésès- sciences ,
sont
organisés
àSaclay
dans les domaines de :106
- la
radiobiologie,
- la
thermique
des réacteursnucléaires,
- la
métallurgie spéciale,
- des accélérateurs de
particules.
Le
diplôme
délivré parl’Institut,
à l’issue de lapremière
annéed’études,
aéquivalence
de certificat de licence pour lapréparation
du doc-torat de troisième
cycle.
Celui-ci est soutenu devant desjurys
mixtes com-prenant
desprofesseurs
d’Universités et desprofesseurs
de l’Institut National des Sciences etTechniques
Nucléaires.b)
Formationd’ingénieurs
engénie atomique : S’adressant
à desingénieurs
del’industrie,
détachés pour un an àSaclay,
cetenseignement comporte
des cours de travauxpratiques,
desstages auprès
des réacteursfrançais.
Unprojet
de réacteur est étudié par les candidatsqui
subissentfinalement un examen. Le titre obtenu doit être renouvelé par un
stage
au Centre deSaclay, après
un délai decinq
ans.Deux autres
Ecoles,
travaillent ensymbiose plus
ou moins étroite avecl’Institut National des Sciences et
Techniques
Nucléaires deSaclay.
Ce sont :- l’Ecole Nationale
Supérieure d’Electrotechnique
de Grenoble.- Et l’Ecole
d’Application
Maritime del’Energie Atomique
deCherbourg.
Dans ces
établissements,
lesprofesseurs
deSaclay participent
aux en-seignements
donnés et aux examens finaux.Les élèves de ces Ecoles font des
stages
de 4 à 6 semaines à l’Insti- tut National des Sciences etTechniques
Nucléaires deSaclay.
Au
total,
lesenseignements
donnés dans les trois établissements sontvoisins,
àquelques spécialisations près.
c) Enseignements
de haute diffusion : Ils sont donnés au coursde
stages
de 2 à 6 semaines et s’adressent selon les cas à :- des médecins et
pharmaciens,
- des
ingénieurs,
- des
professeurs.
Deux fois par an, un
stage
de 6semaines, organisé
pourapprendre
les
techniques d’emploi
desradioéléments,
connaît ungrand
succès.Deux fois par an, un
stage
decinq
semaines estégalement organisé
pour
enseigner
la conduite des réacteurs nucléaires.Au
total,
l’Institut National des Sciences etTechniques
Nucléairescompte,
outre des auditeurs duC. E. A.,
environ 350 étudiants ouingénieurs
extérieurs à l’établissement. Parmi ceux-ci se
dénombrent,
selon les an-nées,
de 60 à 80 auditeursétrangers.
Depuis
sacréation,
l’Institut National des Sciences etTechniques
Nu-cléaires a délivré :
- 296 titres
d’ingénieurs
engénie atomique,
- 30
diplômes
demétallurgi.e spéciale,
- 66
diplômes
d’accélérateurs departicules,
Revue de Statistique Appliquée. 1961 - Vol. IX - N’ 2
- 6
diplômes
dethermique
desfluides,
- 13
diplômes
deradiobiologie.
Plus de 3. 000 personnes ont
participé
auxstages
deSaclay.
Il est bon de
souligner
queSaclay
a reçu, etreçoit,
des étudiants des Etatsd’Amérique
du Sud(une
dizaine par an enmoyenne).
B -
Dans
le domaine de la PromotionSupérieure
duTravail,
il a étécréé à
Saclay :
- Un Centre Associé du Conservatoire National des Arts & Métiers.
Des cours, des travaux
pratiques,
sontorganisés
àl’usage
desagents techniques,
dessinateurs etc. enmathématique, physique, chimie, langues vivantes, mécanique quantique
et ondulatoire.Normalement,
unagent peut
suivre 14 heures de cours parsemaine,
sur ce
laps
detemps :
- 5 heures sont
prises
surl’horaire
dutravail,
- 9 heures sur le
temps
libre del’agent.
Chaque année,
les auditeurspassent
les examens du Conservatoire Na- tional des Arts & Métiers.Après
deux ansd’études,
unagent
biendoué, ayant
réussi à tous cesexamens,
peut
être détaché pour un an àplein
traitement au Conservatoire pour terminer ses étudesgénérales.
Rentré auC. E. A.,
l’annéesuivante,
et
ayant,
en un an, effectué unerecherche, l’agent technique peut
alorsrecevoir le titre
d’ingénieur.
Cette formationparticulière
demande doncquatre
ans.Le
Centre
Associé a deux ans d’existence. n a délivré :- 185
diplômes
lapremière année,
- 250 la deuxième.
Dans un autre
domaine,
il fautsignaler
l’effort fait par la Direction des Recherches Minièresqui
aorganisé depuis
10 ans, une école de pros-pecteurs ayant
fourniplusieurs
centaines despécialistes (dont
unecinquan-
taine
d’étrangers).
Par
ailleurs,
une mention toutespéciale
doit être faite à la collabo- rationentreprise depuis
deux ans entre l’Institut National des Sciences etTechniques Nucléaires,
et l’Association pour le PerfectionnementPratique
des Cadres des
Entreprises
Industrielles.Cette
dernière,
fondée en1956,
a orienté son action vers trois butsprincipaux,
dont l’un est lapréparation
desapplications pratiques
de l’Ener-gie
Nucléaire(P.R.A.I.E.N.).
Le but duP.R.A.I.E.N.
estd’apporter
auxIngénieurs déjà
dans l’industrie lecomplément
de formationqui
leur per- mettra des’adapter
auxapplications
industrielles del’énergie
nucléaire.L’enseignement
est assuré par lesplus grands praticiens
de l’industrie nu-cléaire,
etcomporte
74 conférences d’une heuretrente,
données lesoir, après
lajournée
de travail. Des visites de laboratoires et d’installations nu-cléaires,
ainsi que des séances de travauxpratiques
faites àl’I.N.S.T.N.
de
Saclay, complètent
lecycle
des études. Les sessions annuelles ont en-registré
successivement des nombres d’auditeurs de 56 - 57 et 60. La pro- motion de cette annéecomprend
desingénieurs
d’industries issus :108
- pour 14 d’entre eux de l’Ecole de
Polytechnique,
- pour 20 de l’Ecole Centrale de
Paris,
- pour
10,
des Ecoles des Arts & Métiers.Ainsi,
le P.R.A.I.E.N.complète
utilement l’oeuvreentreprise
par l’I. N. S. T. N. par un éventail depossibilités
offertes auxingénieurs
del’Industrie,
désireux de sespécialiser
en sciences nucléaires.CONCLUSIONS -
Si l’on
reprend
l’histoire del’enseignement
des sciences nucléaires enFrance,
on constate quecelui-ci,
né à l’Institut duRadium, permit
decréer le Commissariat à
l’Energie Atomique.
CeC. E. A.,
par unepolitique
de collaboration étroite avec
l’Université,
à réussi à monter enFrance,
en 15 ans, unenseignement
dequalité,
trèscomplet, qui pourvoit
aux besoinsactuels de la recherche fondamentale et
appliquée
dans le domainenucléaire ,
et
permet d’envisager
l’avenir avec confiance.Le nombre et la
qualité
des étudiantsétrangers qui
suivent maintenant lesenseignements
nucléairesfrançais
attestent de leur valeur.Revue de Statistique Appliquée. 1961 - Vol. IX - N’ 2