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Submitted on 1 Jan 1955
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Le principe de continuité et la théorie des quanta
Alfred Landé
To cite this version:
Alfred Landé. Le principe de continuité et la théorie des quanta. J. Phys. Radium, 1955, 16 (5),
pp.353-357. �10.1051/jphysrad:01955001605035300�. �jpa-00235163�
LE JOURNAL DE PHYSIQUE
ET
LE RADIUM
LE PRINCIPE DE CONTINUITÉ ET LA THÉORIE DES QUANTA
Par ALFRED LANDÉ,
Professeur de Physique, Ohio State University, Columbus, Ohio (1).
Sommaire.
-L’ancienne théorie des quanta a eu pour origine l’effort de Max Planck pour surmonter le paradoxe de discontinuité inhérent au théorème classique de l’équipartition de l’énergie. La théorie quantique moderne peut être déduite d’un postulat de continuité pour l’entropie permettant de tourner
le paradoxe de discontinuité de Gibbs. La superposition des amplitudes de probabilités est la conséquence
naturelle d’un postulat relatif à la loi de corrélation existant entre les diverses probabilités, postulat
suivant lequel cette loi de corrélation est générale, ne favorise aucun état particulier et, par conséquent,
est symétrique par rapport à tous les états.
Le sujet de cette Conférence est une déduction
systématique des concepts et des règles formelles
de la théorie quantique, à partir de postulats phy- siques simples, en attachant une importance parti-
culière à la probabilité considérée comme un élément irréductible de la physique moderne. Aussi longtemps
que les règles quantiques de probabilité sont basées
sur un résultat expérimental négatif, sur notre incapacité à traduire des résultats exactement prévisibles dans les expériences de microphysique,
on peut toujours garder l’espoir qu’une investigation plus serrée permettrait de déceler un déterminisme caché derrière ces mécanismes atomiques appa- remment incontrôlables. En revanche, tout espoir
de restaurer le déterminisme serait perdu si l’on pouvait montrer que la théorie quantique avec ses
lois de probabilité est une conséquence naturelle
et positive de principes empiriques d’un caractère
général et presque évident. Dans ce qui suit, nous essayons de montrer que les concepts et les règles
formelles de la physique quantique peuvent être déduits du principe de continuité pour les relations déterministes de cause à effet, principe qui s’énonce
ainsi : « la grandeur de l’effet varie de façon continue
avec la grandeur de la cause », et qui est appliqué
(1) Conférence faite devant la Société française de Physique,
à la Sorbonne, le 3 juin 1954, pendant la 5 I e Exposition
d’Instruments et Matériel Scientifiques.
au domaine de la thermodynamique, en particulier
à l’entropie de diffusion de deux substances.
On peut se rappeler, à ce sujet, que la première
théorie quantique de Max Planck en 1900 avait été édifiée pour surmonter un paradoxe de discon-
tinuité inacceptable, inhérent à la thermodynamique statistique classique. En accord avec le théorème de l’équipartition, l’énergie thermique d’une par- ticule dans un bain calorifique de température T a
la valeur 3kT, que la particule soit liée étroitement à sa position d’équilibre ou que la liaison soit lache, c’est-à-dire que la période de vibration T de la par- ticule soit courte ou longue. D’autre part, lorsque
la particule est fixe avec une période de vibration
z = o, son énergie thermique ne peut être que o. Il faudrait donc s’attendre à un changement brusque
de l’énergie thermique, de o à 3kT, produit par une
cause infiniment petite : la libération, à un degré
aussi petit que l’on veut, d’une particule primiti-
vement fixe. Évidemment l’alternative aiguë :
« ou bien fixe, ou bien libre » doit être remplacée
en thermodynamique statistique par l’introduction de différents degrés de fixité et c’est précisément
ce qu’a fait Max Planck avec sa fameuse hypothèse quantique : ,E
=nhv. Cette hypothèse était, cepen- dant, l’intuition d’un génie; elle n’était pas une
conséquence nécessaire du postulat de continuité pour l’énergie thermique d’une particule considérée
comme une fonction de sa période de vibration.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:01955001605035300
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En revanche, nous verrons qu’un postulat de
continuité pour l’entropie, fondé sur le deuxième principe de la thermodynamique, plutôt que sur le
premier, conduit directement à la structure fonda- mentale de la théorie quantique au moyen d’un raisonnement simple, sans faire appel à beaucoup
d’intuition. Considérons une autre discontinuité de la thermodynamique statistique classique : le paradoxe de Gibbs relatif à la discontinuité de
l’entropie. Lorsque deux gaz A et B diffusent, à partir
de volumes V séparés, dans le volume commun 2 V,
ce processus produit une augmentation définie M
de l’entropie S, égale à 8 S
=R In 2 par molécule- gramme. En accord avec les idées classiques, ceci est supposé valable lorsque les deux gaz sont différents,
sans que la question se pose de savoir à quel degré
ils sont différents. Par ailleurs, lorsque les deux gaz sont égaux (c’est-à-dire identiques), leur diffusion produit 0 S
=o. Considérons maintenant deux gaz de la même espèce de particules mais dans deux états différents A et B. Le terme « état » est utilisé ici dans sa signification la plus générale et n’a pas besoin d’être spécifié à ce point de notre discussion.
Supposons par exemple que A et B soient deux états d’orientation de nos particules, faisant entre
eux un angle y. Aussi longtemps que la différence
angulaire y entre les particules du gaz A et celle du gaz B est finie, même lorsque y est aussi petit que l’on veut, la diffusion des gaz A et B produit 8 S = Rln 2.
Cependant, lorsque y a décru de cette valeur aussi
petite que l’on veut jusqu’à o exactement les deux.
gaz sont identiques et ô S devient o. Ce résultat de la thermodynamique statistique est physiquement inacceptable puisqu’il est en contradiction avec le
postulat de continuité pour les relations de cause
à effet. Au lieu de faire une distinction brutale entre
l’égalité A = B et l’inégalité A # B avec respecti-
vement les deux valeurs 6S = R In 2 et o, il faudra introduire entre deux états A et B d’une particule
différents degrés d’« égalité fractionnaire » qui
conduiraient à diverses valeurs intermédiaires de 6S.
La valeur classique 8S = R In 2 considérée plus haut correspond à la séparabilité physique (à l’aide de diaphragmes sélèctifs ou autres filtres, au sens le plus général) des gaz A et B dans le cas A # B,
alors que la valeur 6 S = o dans le cas A
=B exprime simplement leur inséparabilité au moyen de méthodes
physiques, c’est-à-dire en utilisant un filtre. Par
conséquent, l’égalité fractionnaire A N B doit signi- fier une sorte de séparabilité fractionnaire. La manifestation physique de cette séparabilité frac-
tionnaire conduira directement aux fondations de la théorie quantique.
.