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Submitted on 1 Jan 1970
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LA THERMOMÉTRIE AUX TRÈS BASSES TEMPÉRATURES
D. Thoulouze
To cite this version:
D. Thoulouze. LA THERMOMÉTRIE AUX TRÈS BASSES TEMPÉRATURES. Journal de Physique
Colloques, 1970, 31 (C3), pp.C3-119-C3-128. �10.1051/jphyscol:1970311�. �jpa-00213854�
JOURNAL DE PHYSIQUE Colloque C 3, supplément au n° 10, Tome 31, Octobre 1970, page C 3 - 119
LA THERMOMÉTRIE AUX TRÈS BASSES TEMPÉRATURES
par D. THOULOUZE
Centre de Recherches sur les Très Basses Températures, C. N. R. S., Cedex n° 166, 38, Grenoble-Gare
Résumé Nous décrivons rapidement les différentes méthodes de thermométrie employées pour établir l'échelle internationale de température dans le domaine de l'hélium liquide, ainsi que certaines autres méthodes récemment proposées. Nous insistons plus longuement sur la définition des températures inférieures au Kelvin et sur les problèmes de mesure qui se posent alors. Nous donnons enfin les principales caractéristiques des thermomètres secondaires les plus couramment utilisés dans ce domaine de température.
Abstract. •— We describe briefly the different methods of thermometry used to establish the international temperature scale in the liquid helium range and some other methods which have been recently proposed. We particularly emphasise the definition of the temperature scale below 1 °K and the problems of measurement which arise in that region. Finally, we give the principal characteristics of the secondary thermometers commonly used over the whole temperature range.
Les progrès réalisés ces dernières années par les nouvelles techniques de réfrigération aux très basses températures, dilution d'-He 3 dans l'He 4 , effet Pome- ranchuk, désaimantation nucléaire, témoignent de l'importance de plus en plus grande de ce domaine dans la recherche actuelle, en physique du solide par- ticulièrement. La systématisation des mesures dans cette gamme de températures suppose une connaissance de plus en plus précise des divers paramètres, transferts de chaleur, propriétés diverses des matériaux utilisés et avant tout de la température, tous ces paramètres étant d'ailleurs fortement liés.
En principe, toute loi physique dont on est assuré de la validité peut convenir pour déterminer la tempé- rature ; il suffit qu'elle mette en jeu un paramètre dont la variation permette une mesure précise et aisée. Mais on ne peut parler de température de façon absolue qu'en se ramenant à l'échelle thermodynamique de Kelvin : le rapport de deux températures est égal au
rapport des quantités de chaleur absorbées et rejetées respectivement par une machine de Carnot opérant entre deux réservoirs à ces températures. Seuls peuvent donc être utilisés en thermométrie les phénomènes suffisamment bien connus ou bien ceux avec lesquels on peut décrire un cycle, qui ne donneront avec préci- sion qu'un rapport de températures. Les lois physiques présupposent que les paramètres thermodynamiques y figurant soient mesurés dans l'échelle thermodyna- mique de température, sinon elles ne sont pas valables.
En pratique, ces propriétés sont mesurées dans une échelle approchée qui est ensuite corrigée en tenant compte de toutes les données disponibles.
Les thermomètres primaires permettent d'établir une telle échelle de température. D'un usage parfois malaisé, ils servent à étalonner des thermomètres secondaires plus sensibles dont on représente empiri- quement la loi de variation mal connue par ailleurs en fonction de la température.
THERMOMÈTRES PRIMAIRES
A partir d'une température prise pour origine, celle du point triple de l'eau, déterminée comme étant 273,16 °K, diverses échelles de températures équiva- lentes à l'échelle thermodynamique sont successive- ment utilisées :
— Echelle du thermomètre à gaz à volume cons- tant basée sur les lois des gaz parfaits, de 300 °K à 4,2 °K.
— Echelle du thermomètre à tension de vapeur saturante, utilisant la relation entre température et pression de vapeur statistique thermodynamique, de 5,4 °K à 0,3 °K.
— Celle du thermomètre acoustique basée sur la vitesse du son dans un gaz parfait, de 20 °K à 2 °K.
— Celle du thermomètre magnétique utilisant le fait que les paramagnétiques électroniques ou nucléai- res suivent une loi de Curie, pour les températures inférieures.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1970311
Les trois dernières méthodes sont utilisées dans l'établissement de la gamme des températures consi- dérées ici, celles de l'hélium liquide et inférieures.
1. Thermomètre à tension de vapeur saturante.
- La Conférence Internationale des Poids et Mesures de 1958 a recommandé l'emploi d'une échelle de Ten- sion de vapeur de l'He4 comme étalon international de thermométrie de 1 OK à 5,2 OK (T,,). Cette échelle a été établie en ajustant les résultats de toutes les mesures disponibles de tension de vapeur et son expression théorique déduite de la thermodynami- que statistique :
(2 7 ~ r n ) ~ I ~ k5I2 io = log -
h3
L,, chaleur latente de vaporisation de l'He4 liquide à O OK, SI et VI, entropie et volume molaire de l'He4 liquide, m, masse de l'atome d'He4, B et C, coefficients du viriel, ont été calculés à partir de données expéri- mentales. La tension de vapeur a été mesurée en fonc- tion de températures obtenues à l'aide de thermomè- tres à gaz et par extrapolation à densité nulle des isothermes de l'hélium. Entre ces points d'étalonnage, les températures ont été interpolées en utilisant des thermomètres à résistance de carbone ou paramagnéti- ques. Toutes ces données concordent et donnent une erreur maximale de 4 m OK.
En dessous de 2,17 OK, la superfluidité de l'He4 pré- sente des inconvénients pour une détermination pré- cise des tensions de vapeur car elle est, entre autre, à l'origine de courants de convection. Pour éviter ces difficultés et étendre la thermométrie pratique à de plus basses températures, de 3,2 OK à 0,3 OK on peut utiliser l'échelle de pression de vapeur de l'He3, recommandée par le Comité International des Poids et Mesures en 1962 (échelle T62). 11 est préférable d'utiliser les deux échelles, He3 et He4, dans la région de température où elles se recoupent.
En pratique, deux techniques sont communément utilisées pour la mesure de tension de vapeur :
- soit prendre la pression en un point quelconque au-dessus du niveau du bain, auquel cas il peut être nécessaire de faire une correction de pression hydro- statique pour les températures supérieures à celle du point 1 ;
- soit utiliser un bulbe contenant une faible quan- tité d'hélium, placé en contact avec le corps dont on veut mesurer la température. Aux basses pressions, il peut se produire des pertes de charge thermomolé- culaires délicates à corriger, qui rendent difficile la mesure des températures inférieures à 0,6 OK ( p - 0,5 mm Hg) avec un bulbe à He3.
2. Thermomètre acoustique. - En 1965 a été adop- tée provisoirement une échelle basée sur la thermo- métrie acoustique entre 2 OK et 20 OK [2], représentée par six thermomètres à résistance de Germanium.
La vitesse du son v dans un gaz s'exprime en fonction des coefficients du viriel :
Une utilisation précise de cette formule nécessite une très bonne connaissance de B. On peut diminuer l'importance des trois derniers termes en mesurant v à une température donnée pour plusieurs pressions p et en extrapolant à pression nulle, c'est-à-dire en se rapprochant des conditions du gaz parfait. Le thermo- mètre est essentiellement constitué d'un interféromètre acoustique. A fréquence fixe, à température constante et pour une série de valeurs de la pression, on déter- mine la position d'un piston réflecteur par rapport au quartz, position qui correspond à un nombre entier de demi-longueurs d'onde. La température ainsi obte- nue est systématiquement supérieure à celle donnée par l'échelle T5, [l], suggérant que la température d'ébullition de l'hélium est trop basse dans cette échelle T5, d'environ 8 (+ 3) m OK [3].
Contrairement à la thermométrie par tension de vapeur, le volume de l'appareillage mis en jeu la rend impraticable de façon courante.
3. Thermomètre à bruit thermique. - Un autre type de thermomètre susceptible de donner une échelle primaire de température a pour principe la mesure du bruit thermique d'une résistance R :
f est la largeur de bande du bruit auquel le système est sensible. Des techniques de corrélation efficaces [4]
permettent d'étendre les mesures aux températures inférieures à 1 OK avec une précision meilleure que 1 %.
11 semble cependant possible d'obtenir beaucoup
mieux avec une jonction Josephson 151. Si l'on main-
tient sur une telle jonction une tension de polarisation
V, elle émet à une fréquence f = 2 eV/h. Le bruit
thermique d'une faible résistance R branchée en
parallèle avec elle superpose à f une composante
fluctuante d'amplitude dépendant de la température.
LA THERMOMÉTRIE AUX TRÈS BASSES TEMPÉRATURES C 3 - 121
Une mesure de ces fluctuations est la largeur de raie La sensibilité augmente quand la température Gf du signal dû au bruit thermique : diminue, ce qui en fait un outil idéal aux très basses températures où son emploi est cependant limité par 16 ne2 kTR
df = les interactions internes entre ions paramagnétiques.
h D'origine dipolaire, d'échange ou autre, elles mènent à un ordre ferro-ou antiferromagnétique à une tempé- Une autre technique consiste à en mesurer la variance
rature caractéristique T, et provoquent d'impor- avec un fréquencemètre
8 e2 kTR tantes déviations à la loi de Curie à partir de tempéra-
<(f - < f >),>
>=, , tures de l'ordre de 3 fois T,. Vers les hautes tempéra- tures, la sensibilité est faible, et d'autres déviations à si est le temps d'ouverture du compteur de temps. la loi de Curie peuvent provenir de la proximité des Ces équations ne contiennent que des constantes états excités. Le paramagnétisme utilisé est soit Cori- fondamentales et des quantités faciles à mesurer avec gine électronique, dans la gamme du m K, soit d'ori- des méthodes automatiques, et permettent d'obtenir gine nucléaire pour les températures inférieures.
- . -
directement la température absolue des électrons de conduction d'uh métal normal. On peut espérer obser- ver l'ordre de grandeur du millikelvin (m OK).
4. Thermomètre à effet Tunnel. - On peut aussi utiliser directement l'effet Tunnel supraconducteur [6].
A basse température le courant Tunnel, pour des ten- sions de polarisation eV < 2 A(T), dépend du nombre de quasiparticules capables de franchir la barrière par effet Tunnel, c'est-à-dire qu'il varie comme exp(- AlkT). Il faut évaluer numériquement les expressions détaillées de la dépendance exacte du courant Tunnel en fonction de la température. La gamme de température que peut couvrir un tel ther- momètre dépend de la température critique Tc du supraconducteur employé : elle est effectivement comprise entre 0,2 Tc et Tc.
5. Thermomètre paramagnétique. - On peut donc obtenir avec une très bonne précision une échelle des températures supérieures à environ 0'5 K, la technique la plus utilisée est la mesure de tension de vapeur saturante. Pour les températures inférieures à 0,5 K, la thermométrie paramagnétique est la seule employée depuis de nombreuses années, mais elle est encore loin de fournir une échelle de température uni- versellement reconnue, particulièrement en ce qui
THERMOMETRE PARAMAGNÉTIQUE ÉLECTRONIQUE. -
De nombreux composés inorganiques ont été utilisés pour le refroidissement et la thermométrie : les ions paramagnétiques sont dilués dans un sel compor- tant en général de nombreuses molécules d'eau qui ont pour effet de diminuer les interactions.
Le tableau 1 donne la température d'ordre et la constante de Curie des sels les plus usuels.
L'emploi de nitrate double de Cérium Magnésium (CMN) s'est généralisé ces dernières années car sa faible température d'ordre permet de définir une échelle de température allant jusqu'à quelques m
OK.D'une façon générale, on peut définir une échelle de température T déduite de la loi de Curie = C/Tx .
Si He,, est le champ extérieur appliqué pour la mesure de X, le champ local vu par les ions paramagnétiques sera la somme de ce champ appliqué, d'un champ démagnétisant dépendant de la forme de l'échantillon et d'un champ d'interactions entre ions, fonction du type d'arrangement cristallin :
d'où
concerne la gamme du millikelvin.
Dans le cas idéal d'un sel de forme sphérique et de Cette méthode permet de déterminer T en mesurant
la susceptibilité x de substances qui obéissent à une structure cubique N = D = 4 7113, A = O et loi de curie ou de Curie-Weiss
-
X = C T ~ où C et A sont des constantes.
Pour une substance réelle, N est quelque peu diffé- rent de 4 7113 [7]. La température d'une sphère mono- cristalline sera alors Te = T - 8 où 0 représente TABLEAU 1
J To m OK C uemigramme
- - -
. . .
Nitrate de Cérium Magnésium.. 1 /2 3 4 IO-^
Alun de chrome potassium. . . . 312 1 O 3,7 IO-^
. . .
Alun de chrome méthylamine.. 312 120 3,8 x IO-?
. . .
Sulfate de manganèse ammonium. 512 110 11 x 1 ~ - 3
Alun de fer ammonium. . . . 512 30 8,7 x IO-"
Sulfate de Gadolinium . . . 712 300 2,l x IO-^
l'écart à l'arrangement cubique des dipôles. Pour le CMN [8] 8 = - 0,27 m K.
La loi de Curie, ou plutôt de Curie-Weiss avec 8, est suivie avec précision (1 %) jusqu'à environ 6 m OK.
Pour les températures inférieures, et jusqu'à T, - 3mOK,
une correspondance T@(T) a été établie par diverses méthodes qui concordent plus ou moins aux tempéra- tures les plus basses :
- Dans une méthode purement thermodynamijlue, on mesure la variation d'énergie interne dQ corres- pondant à une faible variation d'entropie dS, d'où
En pratique, on désaimante adiabatiquement le thermomètre à partir de conditions initiales connues, donc d'entropie connue, jusqu'à un champ nul, d'où une température T x = C/X où C est supposé connu.
Ensuite, on chauffe l'échantillon jusqu'à une tempéra- ture fixée. En variant les conditions initiales, on obtient les courbes S ( T x ) et Q(TX) d'où l'on peut dériver les relations S(T) et T x (T) [7] [9] [Io].
- Une autre méthode utilise l'orientation nucléaire [Il]. Elle va faire l'objet d'un paragraphe séparé en tant qu'étalon primaire de température. Elle a l'avantage d'une plus grande sensibilité que la pré- cédente à basse température.
La correspondance T@(T) obtenue pour le CMN par divers expérimentateurs est indiquée en figure 1.
3 0 0 - -
2 0 0 - -
O
I k n i t l s tt ol
O
Fronkt i t t al (11)
-
.- - Curie's law
1 J
O u 0 0 2 0 0 3 0 0 4 0 0 5 0 0 6 0 0 7 0 0 k " 8 0 0
La détermination de T@(T) a été remise en question par l'utilisation de thermomètres de CMN en poudres de différentes granulométries, de forme cylindrique (de hauteur égale au diamètre) [12]. Dans l'échelle T X d'un tel thermomètre, l'He3 se comporte comme un liquide de Fermi idéal jusqu'à 2 ou 3 m OK. Or, il a été vérifié que T représente bien T à hautes tempéra- tures, avec un A au plus égal à 0,5 m OK [13]. On peut donc penser déterminer la relation entre l'échelle Kelvin et l'échelle magnétique pour un tel thermomètre en reliant les températures magnétiques T X aux para- mètres mesurés d'un liquide de Fermi en contact thermique avec le CMN, tels que le coefficient d'auto- diffusion (Fig. 2a)
D = A T - 2
ou le coefficient d'atténuation du son zéro (Fig. 2b)
Une telle échelle paraît confirmée par comparaison des mesures de champ critique du tungstène supra-
conducteur avec la théorie de B. C. S. dont les para- mètres sont calculés à l'aide des valeurs mesurées entre 3 et 4,5 m OK [14] (Fig. 3).
La chaleur spécifique d'un cylindre de poudre expri- mée en fonction de T x s'accorde assez bien avec celle d'une sphère monocristalline en fonction de T, quoique laissant la possibilité d'un A de l'ordre du m OK [73 si l'on considère les deux premiers termes de son déve- loppement [15] en fonction de T, c'est-à-dire les termes en T-2 et T W 3 et non pas seulement le terme en T-', ce qui avait été à l'origine d'une controverse autour d'une valeur exagérée A - 1,7 m oK [16]
(Fig. 4).
Il est cependant inexplicable, surtout pour un sel
aussi anisotrope (g, - 40 g,,), qu'un cylindre de
CMN en poudre, ou plutôt en petits cristaux d'une
taille de 40 p, 400 p ou 1 mm, atteigne une température
finale de 1,8 m K et suive une loi de Curie jusqu'à
2 ou 3 m OK alors qu'une sphère monocristalline
n'atteint que 3,5 m OK et dévie de la loi de Curie
dès 6 ou 8 m OK. Il est vrai que toutes les mesures
LA THERMOMÉTRIE AUX TRÈS BASSES TEMPÉRATURES C 3 - 123
INVERSE SCUAi>E ROOT OF SELF-OIFFUMN
O 3 2 A T M
A N D A T
1 5 4 M i 8 455Yn. W. 6-
MYIPKTK: TEYPERATURE
10
- U 4
y r- 4 5 5 YHr
9
- E
5-
a - Y
9
V> 4 -- . -
3
-
-
4
- -
-
- -
25-
I I I 1 l O
0 1 2 3 4 5 6 7 1 9 D