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Management de l'innovation et erreurs de représentation

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Management de l’innovation et erreurs de représentation

Philippe Bertheau, Gilles Garel

To cite this version:

Philippe Bertheau, Gilles Garel. Management de l’innovation et erreurs de représentation. L’erreur humaine: Modèles et représentations. Sous la direction de Nicolas Dufour, Max-Pierre Moulin et Gilles Teneau, Editions L’Harmattan, 2014, Collection Perspectives organisationnelles, 978-2343047133.

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Philippe Bertheau & Gilles Garel

Management de l’innovation et erreurs de représentation

L‟innovation n‟a, jusqu‟ici et à notre connaissance, jamais été le terrain d‟études portant explicitement sur les erreurs de représentation. Ce chapitre constitue donc un premier effort, essentiellement descriptif, pour explorer les fertilisations croisées possibles entre deux courants de recherche – le management de l‟innovation et la psychologie cognitive. Les deux approches ont en commun de remettre en cause certains aspects importants de la vision dominante de la firme, en particulier les mythes rationnels

1

liés aux processus de choix dans les organisations. Notre réflexion est ici fondée sur deux piliers :

Les situations concrètes de l‟innovation en train de se faire forment un terrain privilégié pour l‟observation des erreurs de représentation.

Pourquoi ? Parce que l‟innovation, qui comporte toujours une part de transgression, interroge en profondeur les pratiques et les dispositifs de gestion. Ce faisant, elle éclaire les erreurs de représentation (autrement dit l‟application inappropriée de grilles de lectures antécédentes) d‟un jour souvent cru. L‟analyse des cas d‟innovation, qu‟elle soit technologique, organisationnelle ou sociale, est donc un remarquable révélateur de la banalité des erreurs de représentation dans le fonctionnement des organisations et, peut-être, l‟occasion de nouveaux développements théoriques.

1Introduit par Hatchuel et Molet (1986) le mythe rationnel désigne les “utopies possédant à la fois les propriétés mobilisatrices du mythe et les propriétés opératoires de la raison” (David, 2001).

(3)

Il y a une convergence de résultats entre les recherches menées depuis une quarantaine d‟années sur les erreurs de représentation et certaines hypothèses fortes du management de l‟innovation. Les deux courants, en particulier, insistent sur le caractère insuffisant des théories classiques de la décision.

Dans ce chapitre, au travers l‟étude de deux cas, Alpha et Beta, nous mettrons en lumière l‟existence des erreurs de représentations au sein des processus d‟innovation, et chercherons à expliquer les mécanismes cognitifs à l‟œuvre. Nous chercherons ensuite à montrer en quoi ces résultats sont cohérents avec l‟état de la recherche sur le management de l‟innovation et proposerons quelques pistes d‟approfondissement.

Innovation, erreur de représentation : de quoi parle-t-on ?

L’erreur de représentation, telle que nous la définissons dans le cadre de cette analyse, c’est l’erreur de jugement qui découle de l’application d’une grille de lecture inadaptée. Cette grille de lecture est en général largement implicite, issue de l’expérience et prompte à se manifester dans les volets les plus intuitifs de la décision.

Innovation est un terme ambigüe, en ce qu’il désigne à la fois un processus (d’idéation, de conception, de développement, etc.) et le produit final de ce processus (lorsqu’il aboutit). C’est uniquement la première acception qui nous intéresse ici, puisqu’elle forme le cadre dans lequel s’exprime l’erreur de représentation : l’innovation, telle qu’on l’entend dans ce chapitre, est cette suite souvent désordonnée mais volontaire d’activités cognitives et sociales, où des acteurs et des réseaux interagissent avec des organisations et leurs routines, où des idées et des connaissances sont mobilisés pour – parfois- amener au marché de nouveaux produits et de nouveaux services, inscrits dans des business models adapté, et, ainsi, emporter l’adhésion du client.

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Introduction : l’innovation comme une aventure

Affronter la nouveauté, créer, transformer, c‟est par définition prendre ses distances par rapport aux règles établies, aux solutions éprouvées. Victime d‟une erreur de représentation manifeste, l‟innovation est encore souvent réduite à des problématiques de gestion de projet, d‟optimisation des activités de R&D ou résolution de problèmes techniques, alors qu‟elle relève en réalité d‟un processus complexe et aventureux. Il faut aux innovateurs prendre position sur des sujets multiples, à une fréquence très élevée, souvent en situation de quasi ignorance ou d‟ambigüité (Garel & Mock, 2012). Par définition, l‟innovation porte donc en elle le changement : la plupart des choix, importants ou non, s‟y font sans que leurs conséquences soient prévisibles.

Malgré les efforts et les méthodes mis en œuvre par les entreprises, les chances de succès d‟un projet innovant restent souvent proches de celles des jeux de hasard.

C'est là un fait démontré clairement et à de nombreuses reprises par l'analyse quantitative, qu'elle porte sur les brevets ou sur les publications scientifiques (Hall

& Harhoff., 2004; Harhoff, Scherer, & Vopel, 1997). Un pourcentage relativement faible de projets innovants, de l‟ordre de 20% à 30%, ont un retour sur investissement positif, et plus de la moitié des revenus générés (certaines études allant jusqu‟à 90%) sont le fait de 10% des projets. La question n‟est donc pas de savoir si les erreurs (les choix inappropriés) y sont plus nombreuses que dans des activités plus stables et plus réglées : depuis longtemps, la cause est entendue et l‟analyse quantitative confirme le bon sens.

En revanche, la logique voudrait que la difficulté qui pèse sur les processus d‟innovation, parce qu‟elle est bien connue, suscite un sursaut de rigueur et d‟analyse critique. Autrement dit, on pourrait espérer –des individus comme des organisations- un effort observable de rationalité et, partant, une occurrence plus limitée des erreurs de représentation.

La réalité, telle que nous l‟observons, c‟est qu‟il n‟en est souvent rien et que

l‟application de grilles mentales antécédentes est omniprésente : l‟erreur de

représentation est plus la règle que l‟exception, et elle se manifeste dans les

concepts, les objets et les méthodes de l‟innovation !

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Très logiquement, l‟étude des situations d‟innovation s‟avère donc un terrain fructueux pour la recherche sur les erreurs de représentation.

Pourquoi invoquer l’erreur de représentation ?

Avant toute chose, interrogeons-nous sur le bien-fondé d‟un chapitre consacré à l‟innovation dans un ouvrage dédié aux erreurs de représentation. Pourquoi se limiter à ce type d‟errements ? N‟est-il pas plus simple, donc probablement meilleur, d‟adopter une focale plus large et de se contenter de la notion plus globale « d‟erreur » ?

En effet, comme en atteste la parole des praticiens d‟entreprise, qu‟ils soient gestionnaires ou consultants, l‟innovation est associée au « risques » et à

« l‟incertitude », il est donc normal que la « décision » y soit plus difficile et partant que les « erreurs » soient fréquentes (Caraballo & McLaughlin, 2012). On peut ainsi résumer à peu de mots le raisonnement, parfois implicite, qui justifie en quatre étapes la fréquence de ces choix inappropriés qui affligent l‟innovation :

Une information moindre et moins qualifiée

Implique

Des enjeux souvent mal maitrisés

Implique

Une décision « à risque »

Implique

Un taux d‟erreur élevé

Kline et Rosenberg résument bien l‟opinion dominante des chercheurs : « By definition, innovation implies creating the new, and the new contains elements that we do not comprehend at the beginning and about which we are uncertain. » (Kline

& Rosenberg, 1986).

On pourrait donc considérer, en première approximation, que les situations

d‟innovation offrent un cas d‟application extrême mais finalement peu spécifique

aux théories classiques de la décision. La question de l‟erreur de représentation,

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dans ce contexte, perdrait singulièrement de sa pertinence, simple goutte d‟eau dans un océan d‟incertitude.

Nous tenons qu‟il n‟en est rien et nous efforcerons d‟en apporter ici une preuve convaincante. En particulier, nous montrerons :

que le cadre des théories classiques de la décision est mal adapté pour se saisir des questions d‟innovation ;

que l‟approche par les erreurs de représentation apporte un éclairage complémentaire valable.

Les limites d’une approche par les théories classiques de la décision Il nous faut brièvement revenir aux fondamentaux.

Même limitée, la rationalité est le principe irréductible des théories modernes de la décision : 1/ le choix n‟a de sens que s‟il est fait dans l‟intérêt du décideur ou de ce(ux) qu‟il défend et 2/ il appelle un effort de collecte et surtout de traitement rationnel de l‟information.

Savage a résumé avec clarté cette position en posant que, bien que les probabilités subjectives soient généralement vagues, ce qui est vague n‟a aucun rôle à jouer dans une théorie rationnelle de la décision (Savage, 1954, in Fox & Tversky, 1995).

C‟est dans cette lignée que se situent la grande majorité des travaux. Herbert Simon lui-même, bien qu‟il ait réintroduit dans l‟équation la contrainte posée par les limites de la rationalité, poursuit le même but, comme en atteste sa méthode universelle de résolution de problème (Hatchuel & Le Masson, 2002).

Pourtant, pour le théoricien comme pour le praticien, la compréhension des choix

faits en situation d‟ambigüité ou d‟ignorance (autrement dit lorsqu‟il est impossible

de fixer par avance des probabilités, ou de les évaluer sur la base de l‟existant)

reste un problème majeur. La question avait déjà été soulevée par Keynes, lorsqu‟il

demandait si, confrontés à deux options de même probabilité, nous devrions opter

pour celle qui est supportée par la plus grande abondance de preuve [weight of

evidence] (Keynes, 1921). La même année, Knight, dans un texte resté classique,

tirait une frontière entre ce qui peut être représenté par des probabilités précises

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[risk ou

measurable uncertainty] et ce qui ne peut l‟être [unmeasurable uncertainty] (Knight, 1921). Ce dernier cas, bien qu‟il représente la quasi-totalité

des situations réalistes de choix, sera longtemps le parent pauvre de la réflexion sur la décision.

Lorsque Ellsberg (1961) apporte une preuve expérimentale de la très nette propension de l‟être humain à préférer des paris portant sur des éléments connus (probabilisés, et non pas

plus probables) plutôt qu‟inconnus (non-probabilisés, et

non pas

moins probables), il affiche les limites de la théorie de l‟utilité : en

quelques expériences, il montre que l‟espérance de gain rationnelle ne dicte pas toujours le choix.

Plus important pour notre propos : Ellsberg pose que la motivation du choix dépend non seulement de la probabilité perçue que ce choix soit le meilleur – ce qui est parfaitement logique - mais également du caractère vague ou ambigüe

2

de la situation (Ellsberg, 1961). Or, dans la vie quotidienne du décideur, il n‟est de probabilités connues que dans les jeux de hasard et, dans une mesure limitée, les mondes des assurances et de la finance. L‟immense majorité des choix sont donc, au sens d‟Ellsberg, ambigus.

Depuis, de nombreux travaux (pour une synthèse, voir Camerer & Weber, 1992) ont confirmé l‟insuffisance de la théorie de l‟utilité comme modèle prédictif et la réalité d‟une « aversion à l‟ambigüité » qui, cela doit être souligné, est distincte de l‟aversion au risque.

2

Ellsberg définit l‟ambigüité comme une qualité dépendant des facteurs suivants

«amount, type and „unanimity‟ of information » et affectant le niveau de confiance

du décideur dans son estimation de probabilités relatives (Ellsberg, 1961, p.657)

(8)

Au cours des années 90, dans la lignée des travaux initiés par Tversky et Khaneman sur les écarts entre théorie de l‟utilité et réalité des choix, plusieurs études franchiront un pas important en montrant qu‟en situation d‟ambigüité, notre comportement est largement déterminé par le sentiment qu‟a le décideur de sa propre compétence (Fox & Tversky, 1995, 1998):

S‟il se sent incompétent, son aversion à l‟ambigüité sera plus marquée ;

S‟il se sent compétent, son aversion à l‟ambigüité sera plus faible et l‟incitera à des choix non pas plus risqués, mais plus ouverts à l‟exploration.

Application au champ de l’innovation

On l‟aura compris, ces travaux trouvent un écho direct avec nos préoccupations : le processus d‟innovation, même si certains manuels de management souhaitent l‟inscrire dans des structures réifiées par des perspectives d‟optimisation (Cooper, Edgett, & Kleinschmidt, 2002; Cooper & Edgett, 2007), est de bout en bout immergé dans l‟ambigüité, le vague et l‟inconnu :

L‟innovation relève pour une part significative de l‟exploration (Garel &

Rosier, 2006, 2008a)

L‟innovation est génératrice de connaissances nouvelles et ne se limite pas à des situations de résolution de problème (Brown, 2013; Hatchuel &

Masson, 2002; Le Masson, Weil, & Hatchuel, 2006).

L‟innovation est aussi un processus social, où le succès passe par la construction progressive d‟un réseau de soutien (Akrich, M., Callon, M. et Latour, 1988; Callon, 1994).

Méconnaître ces trois éléments, comme le font nombre d‟organisations, c‟est s‟exposer à de profondes erreurs de représentations et à leurs conséquences.

Chacun mériterait un développement, mais nous contenterons ici d‟examiner en

détail le premier de ces points.

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L’innovation relève pour une part significative de l’exploration.

Cette notion a été introduite par James G. March (1991) pour désigner l‟expérimentation d‟alternatives nouvelles et incertaines. March oppose l‟exploration à l‟exploitation, mouvement qui dans les organisations vise à l‟optimisation, au perfectionnent et à l‟extension des compétences et des routines existantes (March, 1991).

Même si l‟innovation, lorsqu‟elle est incrémentale, peut relever de l‟exploitation, même si la conception réglée de nouveaux produits et la conduite de projets organisés sont une réalité patente, encore qu‟il ne soit pas certain que la R&D soit faite pour explorer ou pour innover (Le Masson et al., 2006), il apparaît que de nombreux processus de conception innovante relèvent clairement de l‟exploration.

On pourrait argumenter que le renouvellement des gammes et des offres, croissant depuis les années 90, relève d‟une logique d‟exploitation. Mais depuis une quinzaine d‟année, ce mouvement :

s‟est encore accéléré - l‟obsolescence programmée des gammes ne cesse de raccourcir (Beaume, 2012; Midler, Maniak, & Beaume, 2012) ;

s‟est amplifié - la plupart des secteurs industriels sont maintenant touchés (Lenfle & Midler, 2003) ;

et s‟est approfondi - l‟innovation portant sur l‟identité même du produit tend à supplanter une innovation purement paramétrique (Garel & Rosier, 2006, 2008a; Le Masson & Garel, 2008; Le Masson et al., 2006), amenant des bouleversements plus profonds des business models, des organisations et des compétences mobilisées (Chanal, 2007), ainsi que des relations avec les partenaires de la firme (Johnson et al., 2006; Segrestin, 2008).

Dans ce contexte, où l‟innovation paramétrique ne suffit plus, l‟exploration est une

dimension essentielle, à défaut d‟être unique, des stratégies d‟obsolescences. Or,

comme le dit Segrestin (2003) : «l‟exploration concerne un problème mal posé, un

concept pour lequel aucune concrétisation n‟existe et sur lequel les connaissances

disponibles sont très réduites ou peu exploitables directement». La combinaison de

hauts niveaux d‟incertitude et la complexité de l‟innovation rendent donc illusoires

les stratégies classiques de gestion du risque. L‟exploration condamne ici à des

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stratégies d‟essai-erreur ou à la poursuite simultanée de plusieurs scenarios (S C Sommer & Loch, 2004; Svenja C Sommer, Loch, & Dong, 2009).

Ainsi, nous posons que l‟innovation :

relève largement et fréquemment de l‟exploration, (même si celle-ci se fait parfois de manière semi-occulte, en parallèle et doublon de dispositifs de gestion « officiels » qui sont presque systématiquement sous-tendus par une logique d‟exploitation) ;

se situe pour cette raison dans un contexte décisionnel où l‟ambigüité domine ;

n‟est donc que partiellement supportée par les théories classiques de la décision, dont le champ de pertinence est trop restreint.

Dans ce contexte, les apports de la psychologie cognitive méritent d‟être examinés.

L’apport possible d’une approche par les erreurs de représentation

La force de l‟habitude et le poids des automatismes dans la décision individuelle ont été largement mis en évidence par la psychologie expérimentale au cours des 30 dernières années (Evans & Over, 1997)

3

. Les organisations, malgré la formalisation croissante des processus, obéissent largement aux mêmes règles : les routines, les déterminants culturels du collectif viennent s‟ajouter aux limites de la rationalité individuelle (Hammond, Keeney, & Raiffa, 1998a). Le refus de l‟ambigüité, telle qu‟on l‟a définie précédemment, doit donc y être au moins aussi fort que pour l‟individu observé isolément. Dans ces conditions, l‟existence d‟erreurs de représentation est extrêmement probable.

3

La liste des biais cognitifs est longue, en partie parce qu‟encore en cours d‟étude.

Nous avons choisi de retenir une grille de lecture simplifiée, adaptée de l‟article

classique de Daniel Kahneman (Kahneman, 2003).

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De nombreux types d‟erreurs de représentation ont été mis en évidence par la recherche, sans qu‟émerge pour autant une cartographie organisée. Des redondances, des imprécisions ont également été mises en évidence. Notre but n‟étant pas ici de une analyse exhaustive, nous nous contenterons d‟illustrer tout d‟abord l‟existence de types d‟erreurs de représentation à travers l‟analyse de deux projets innovants, chacun illustratif d‟un biais cognitif– en précisant dès maintenant que ces deux exemples ont abouti à la conception d‟une offre. Le propos n‟est pas ici d‟expliquer l‟échec des projets par des erreurs de représentation, mais bien de montrer que celles-ci peuvent exister même lorsque le projet progresse de façon satisfaisante.

1

er

exemple : Le projet Alpha et le biais en faveur de la confirmation

Le biais de confirmation d'hypothèse est cette tendance qui nous incite à préférer les éléments qui confirment plutôt que ceux qui infirment une hypothèse, a fortiori une croyance. Au plan individuel, il a été montré qu‟un tel biais est en relation étroite avec l‟excès de confiance et qu‟il peut entrainer des comportements allant jusqu‟à une négation de l‟évidence (Gale & Ball, 2002; MacCoun, 1998; Wason, 1960).

A ce trait individuel, les organisations ajoutent leur propre tendance à contrecarrer les efforts d‟exploration et les déviances par rapport aux pratiques acceptées (March, Garel, & Weill, 1999; March, 1991), mais aussi à refuser de voir les signes qui invalident leur systèmes de croyances (Hammond, Keeney, & Raiffa, 1998b).

Le biais en faveur de la confirmation est également fortement renforcé par

l‟existence d‟une aversion à l‟ambigüité : plus les éléments d‟appréciation d‟une

situation sont vagues, plus est marquée la tendance à ignorer les informations

déviantes.

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Dans le cas de l‟innovation, le biais en faveur de la confirmation peut notamment s‟exprimer :

A travers des décisions prises en contradiction avec des expertises ou des analyses préparatoires ;

Par la poursuite de concepts insuffisamment validés – les « signaux faibles » pesant peu face à une décision prise antérieurement ;

Par la difficulté à abandonner des projets (ou des hypothèses), même lorsque les évidences s‟accumulent ;

En empêchant l‟éclosion de projets en rupture, par des manques de créativité ou par des « rejets de greffe ».

Des exemples de biais en faveur de la confirmation peuvent être trouvés dans des travaux déjà publiés : ils touchent notamment aux effets de

dominant design

(Abernathy & Utterback, 1978), étudiés par exemple dans l‟industrie automobile (Midler et al., 2012) : lorsqu‟un système ou une approche technique s‟est imposée dans un secteur, il pénètre progressivement la culture d‟ingénierie, devient une tradition. Lorsqu‟une solution nouvelle apparait, elle doit non seulement faire la preuve de ses qualités objectives face au système technico-économique en place, mais également affronter un système de pensée et de croyance extrêmement fort qui irrigue toute l‟industrie.

L‟effet de ce biais collectif en faveur de la confirmation est tel qu‟on a parfois avancé que les innovations de rupture ne pouvaient venir que de nouveaux entrants ou d‟outsiders (Christensen, Kaufman, & Al., 2008).

Nous illustrerons pour notre part la réalité du biais de confirmation à travers

l‟analyse d‟un cas réel, le projet Alpha.

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Dans le cas du projet Alpha, le biais en faveur de la confirmation a pu être observé à plusieurs niveaux :

Refus de l’évidence Aversion à l’ambigüité Au sein

de l’équipe projet

Une difficulté répétée à abandonner des projets ou

des hypothèses.

Des manques de créativité.

Dans l’environnement du projet

Des décisions prises en contradiction avec les expertises et les analyses

préparatoires.

Une pression constante à l‟abandon de l‟approche

exploratoire

Projet Alpha

Le projet Alpha porte sur un robot destiné à l’inspection extérieure des équipements de transport, et en particulier les aéronefs. De taille et de poids réduits, il est muni d’un ensemble sophistiqué de ventouses pour assurer sa mobilité, de capteurs et de dispositifs d’enregistrement, il est radiocommandé ou préprogrammé. Alpha mobilise des technologies multiples et n’a pas d’équivalent sur le marché. Ce projet est mené en marge des dispositifs très structurés de développement qui sont habituels à l’entreprise où il émerge.

Sans être réellement mené en perruque, il progresse dans une réelle logique

d’exploration – sans phase de spécification technique ou commerciale

poussée. Le coût de ce projet est faible, comparé aux développements

habituels de l’entreprise et il ne s’adresse pas aux clients habituels, ce qui

explique peut-être qu’il progresse rapidement mais plutôt discrètement.

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Symptôme : difficulté répétée à abandonner des hypothèses.

Au sein de l‟équipe projet, on observe à plusieurs reprises une difficulté à abandonner des composantes du projet ou des hypothèses de départ

4

: sur le plan technique, la simulation montre très rapidement qu‟on ne pourra pas construire un robot d‟inspection volant. L‟utilisation en extérieur suppose de construire un appareil tous-temps, ce qui obligerait à doter le robot d‟une puissance importante – en pratique, un tel drone serait massif, encombrant et se verrait interdit d‟utilisation par les autorités aéroportuaires pour des raisons de sécurité. Pourtant, cette piste sera poursuivie plusieurs mois par une partie de l‟équipe, mobilisant des ressources significatives. L‟explication donnée par le chef de projet est éclairante : « c‟est dommage, sur le papier, ça avait vraiment du style ». L‟équipe projet rejouera le même scénario en ce qui concerne le système de télécommande, investiguant en profondeur une solution dont il avait été montré qu‟elle n‟était pas conforme à la réglementation.

Signalons que la mise en évidence d‟un biais de confirmation peut être parfois problématique. Il peut arriver que des innovateurs, consciemment, rejettent une idée reçue ou même l‟expression initiale du besoin client, et s‟obstinent dans la poursuite d‟une validation de leur hypothèse : la difficulté à abandonner des hypothèses, dans un tel cas, ne relève pas d‟erreurs de représentation mais d‟un effort pour dépasser des grilles de lecture dominantes.

Symptôme : manques de créativité.

De la même manière, cette équipe jeune et très qualifiée fera parfois preuve de manques de créativité assez surprenants, en particulier en ce qui concerne l‟installation et la gestion des capteurs au sein du dispositif. Après coup, les concepteurs reconnaitront qu‟ils auraient pu faire beaucoup mieux, mais

4

Qu‟on ne s‟y trompe pas : nous ne critiquons pas l‟obstination des innovateurs,

car il a été amplement prouvé que la persévérance est une qualité requise à qui veut

faire aboutir un projet nouveau. Rappelons que notre seul but ici est de mettre en

lumière la réalité des biais de représentation.

(15)

préciseront qu‟ils se sentaient « moins légitimes et moins à l‟aise sur cette partie ».

Comme prédit par Tversky et Fox (1995), le sentiment de compétence influence le rapport à l‟ambigüité.

Symptôme : décisions prises en contradiction avec les expertises et les analyses préparatoires.

Dans l‟entourage du projet, d‟autres biais en faveur de la confirmation se manifestent. L‟exemple le plus flagrant est l‟obligation faite à l‟équipe projet, pendant plusieurs mois, de travailler sur l‟hypothèse, dès la phase de prototypes, d‟une fabrication dans une usine asiatique. Les premiers contacts avec des utilisateurs potentiels montraient pourtant que de nombreux allers-retours seraient nécessaires avant de disposer d‟un modèle utilisable. De même, l‟expertise demandée à un conseil extérieur recommandait sans équivoque une logique de proximité pour le développement et la mise au point.

Ces arguments ont été balayés par le décideur, qui confirme à deux reprises sa décision d‟une fabrication délocalisée des prototypes : « pas question de payer des ingénieurs à jouer au meccano. » Il ne changera finalement d‟avis que lorsque le fabricant asiatique contacté jugera lui aussi qu‟un assemblage délocalisé est prématuré.

On observe à travers cet exemple la force que peut avoir une représentation (« ce que font – ou devraient faire – les ingénieurs ») confrontée à un argumentaire raisonné et chiffré.

Symptôme : pression constante à l’abandon de l’approche exploratoire

Nous terminerons cet examen du projet Alpha par un dernier exemple de biais manifesté par l‟entreprise vis à vis du projet : malgré l‟efficacité manifeste de l‟équipe, qui franchissait à marche forcée les différentes étapes du développement tout en assurant un très bon contrôle de ses coûts et engagements, des pressions constantes seront exercées pour que soit abandonnée une approche exploratoire.

Chaque semaine, des rappels à la règle, aux procédures officielles, des

préconisations pour revenir à un mode classique de conception seront adressés au

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chef de projet – par ceux-là même qui le félicitaient pour ses réalisations. Lorsque le premier prototype sera présenté, il sera applaudi, mais au milieu des félicitations, le sponsor du projet glissa : « quel dommage que vous n‟ayez pas réussi à respecter les règles maison. »

Avec le recul, il est patent que ces rappels à l‟ordre sont l‟expression largement inconsciente et collective d‟une réelle aversion à l‟ambigüité. Peut-être faut-il y voir une des causes de la rareté de ces organisations ambidextres (Duncan, 1976) qui sont capables de gérer l‟existant et de simultanément créer de la nouveauté.

Alpha n’est en aucune façon un cas isolé

D‟une certaine façon, chaque innovation suppose le dépassement d‟un biais de confirmation. A titre d‟illustration, mentionnons la Logan et la Swatch:

« L‟épopée Logan » (Jullien, Lung, & Midler, 2012), conte, entre autres

choses, les difficultés de l‟appareil Renault – et plus largement de

l‟industrie automobile – à reconnaitre le bien fondé d‟une stratégie de

rupture. Car la première innovation de Logan, c‟est de rompre avec la

culture du « Premium » et la course au « toujours plus », pour des véhicules

qui ne cessent de monter en gamme. Qu‟on en s‟y trompe pas : la culture

du « Premium » n‟est pas un hasard, elle a des justifications économiques

et historiques, elle a fait la preuve de son efficacité en occident. Mais ce

qui était au départ une stratégie économique est largement devenu un

système de croyance dans lequel Logan n‟a a priori pas sa place : « les

marchés se développent vers le haut ». Le biais de confirmation se

manifeste à de multiples reprises : depuis les analyses de marché initiales

qui montrent l‟inutilité du projet jusqu‟aux commentaires à la machine à

café : « Tu va travailler sur Logan ? Mais qu‟est ce que tu as pu faire de

mal ? » (Schweitzer, 2012), les positions les plus fréquentes au début du

projet sont le reflet d‟un système de pensée dominant, de représentations

antécédentes et partagées.

(17)

Bien que le contexte industriel et technologique soit très différent, des similitudes frappantes existent entre Logan et la Swatch : alors même que les cartels horlogers suisses sont en déroute, les bureaux d‟étude restent englués dans une représentation du produit, un dominant design, qui valorise la complexité, l‟excellence et un positionnement haut de gamme.

Bien qu‟il ait formulé la demande explicitement à ses bureaux d‟étude, Ernst Thomke ne se voit pas proposer de concept de montre bas de gamme.

Comme Louis Schweitzer, le patron d‟ETA voit que les systèmes anciens sont caduques : l‟industrie helvétique n‟est elle pas passée en dix ans de 85% de parts du marché mondial à 22% ? la précision chronométrique n‟est elle pas, grâce à la montre à quartz, à la portée de tous ? Comme dans le cas de Logan, seul un petit nombre de convaincus soutient à l‟origine le projet qui deviendra la Swatch : le biais de confirmation se manifeste aussi bien chez les ingénieurs qui dénigrent la plasturgie que chez les distributeurs, qui imaginent difficilement une montre non réparable. (Garel

& Mock, 2012).

La tendance en faveur de la confirmation existe donc bien en situation

d‟innovation. D‟autres biais cognitifs ont été observés, tel que l‟effet de Halo

(Rosenzweig, 2009; Thorndike, 1920), qui fait que notre jugement des actes et

capacités d‟une personne (ou d‟un produit, ou d‟un projet) est influencé par

l‟impression globale que nous en avons, où souvent domine une caractéristique

saillante. Au sein de processus innovants, nous avons ainsi observé des décisions

prises au « coup de cœur » pour une idée ou un chef de projet, ou des assimilations

abusives entre un projet et une de ses composantes. Mais le biais le plus

remarquable est peut-être induit par l‟effet WYSIATI : “ What You see Is all There

Is”, que nous allons maintenant illustrer.

(18)

2

nd

exemple : le projet Beta et le WYSIATI

5

Lors de nos choix, nous nous attachons spontanément à traiter les informations en notre possession (Known Knowns), au détriment des phénomènes qu‟on sait importants mais pour lesquels l‟information manque (Known Unknowns) ou a fortiori des facteurs réellement inconnus (Unknown Unknowns). C‟est une conséquence directe de l‟aversion à l‟ambigüité : sous l‟influence de l‟effet Wysiati, la décision se base principalement sur les données immédiatement disponibles, sans qu‟on cherche à en acquérir de nouvelles concernant la situation.

(Kahneman & Tversky, 1996). Une démarche structurée et rationnelle permettant de lutter contre cette tendance, les organisations ont conçus et déployé de nombreux dispositifs promouvant un effort systématique de collecte et de traitement rationnels de l‟information. Ces dispositifs trouvent leurs limites dans le cas des processus d‟innovation.

Dans le cas de projets innovants, le WYSIATI peut notamment se manifester sous les formes suivantes :

Des décisions qui surpondèrent les éléments connus au détriment des éléments manquants - des business cases tronqués.

Une sous-estimation de la concurrence.

Une tendance à « réinventer la roue ».

Considérons maintenant le projet Beta, notre second exemple, qui illustrera l‟effet Wysiati.

What You See Is All There Is

(19)

Dans le cas du projet Beta, l‟effet Wysiati a pu être mis en évidence de manière expérimentale. Le chef de projet et son sponsor, souhaitant tester les livrables disponibles et faire connaitre en interne le travail réalisé, saisissent l‟opportunité d‟un séminaire réunissant des membres de la communauté du développement (designers, cadres marketing, développeurs et chefs de projets informatiques). Au cours de ce séminaire, un atelier doit être consacré à Beta, permettant de mobiliser les 150 professionnels présents.

Lors du travail de terrain qui précédait ce séminaire, nous avions été frappés par l‟importance du Scénario d‟Usage pour construire une vision commune de Beta.

Plus que les spécifications techniques, et autant que les maquettes, le Scénario d‟Usage (sous sa forme de diaporama puis dans sa version vidéo) s‟était avéré un point d‟ancrage tangible aux débats, focalisant progressivement les choix au sein d‟un discours structuré. A la fois visuel et oral, mettant en scène un utilisateur imaginaire mais dont l‟histoire est assez universelle, le Scénario d‟Usage fournissait un cadre cohérent à la conception innovante collective par l‟équipe projet, évoluant sans ruptures au cours des séances. Nous avions donc avancé l‟hypothèse que l‟existence d‟un Scénario d‟Usage améliorerait de manière

Projet Beta

Le projet Beta est une application internet pour les mobiles qui vise à améliorer l’expérience des clients d’événement culturels. C’est une intégration complexe de fonctions de sollicitation du visiteur potentiel (propositions de visite à partir d’une géo localisation et d’un profil marketing, billets coupe-files, audio-guide, constitution d’une galerie personnelle des œuvres rencontrées à partir de photographies officielles, aide à la curation de la collection ainsi créée, mise en contact avec des visiteurs au profil similaire… Beta repose sur la collaboration de l’éditeur du service, des organisateurs d’événements culturels, ainsi que des éditeurs.

Au moment où nous l’étudions, Beta n’a pas de concurrent sur le marché.

Bien que l’entreprise dispose d’un parcours très structuré pour tous ses

projets, Beta sera mené par l’équipe projet dans une logique d’exploration,

à la limite d’une rébellion ouverte contre les pratiques établies.

(20)

mesurable et significative la perception et l‟intelligence de l‟offre nouvelle par les personnes extérieures au projet, leur permettant de s‟approprier plus facilement l‟innovation.

Le séminaire est l‟occasion de valider cette hypothèse. Si elle est vérifiée, les personnes découvrant Beta au travers d‟un Scénario d‟Usage attribueront spontanément plus de valeur à cette offre : ils en auront une opinion plus positive que d‟autres personnes de même profil mais exposées à cette innovation au travers de présentations plus classiques – même si ces dernières sont plus complètes.

Dispositif expérimental mis en œuvre :

Trois populations similaires en taille et en profil ont été mobilisées dans le cadre de cette expérience.

Etape 1, découverte de Beta :

 présentation de Beta à 49 professionnels du développement sous une forme classique (PowerPoint centré sur les enjeux, le projet, les réalisations), 30’ avec questions réponses

 présentation à 52 personnes sous une forme classique (PowerPoint centré sur les enjeux, le projet, les réalisations), plus vidéo de 5 minutes pour le Scénario d’Usage, 30’

avec questions réponses

 présentation à 53 personnes sous la forme d’une vidéo de 5 minutes pour le Scénario d’Usage , 5’ de questions réponses

Etape 2, interrogation à chaud de ces personnes par le biais d’un questionnaire fermé

L‟expérience, dont les résultats sont résumés ci-dessous, valide l‟hypothèse :

l‟attrait qu‟exerce Alpha sur ces professionnels du développement de nouveaux

produits est beaucoup plus fort lorsque le produit est présenté en situation

d‟utilisation (même virtuelle), avec un contenu beaucoup moins riche en

information.

(21)

Si on les considère en tant qu‟utilisateurs potentiels (Question 1), les répondants sont beaucoup plus convaincus par le scénario d‟usage que par les autres modes de présentation.

Si Beta était disponible, je m’en servirais déjà : "Oui" ou "plutôt oui"

présentation classique 21%

présentation : Scénario d’Usage 73%

double présentation : classique + Scénario d’Usage 65%

Si on les considère en tant que membres de la communauté K (Question 2), les répondants sont également beaucoup plus convaincus de l‟intérêt d‟Alpha par le scénario d‟usage que par les autres modes de présentation.

Beta, c'est un projet important pour K,

vraiment créateur de valeur : "Oui" ou "plutôt oui"

présentation classique 26%

présentation : Scénario d’Usage 53%

double présentation : classique + Scénario d’Usage 48%

Si on les considère en tant que professionnels exerçant leur activité dans un secteur proche de celui visé par Beta (Question 3), les répondants sont également plus convaincus du niveau d‟ambition d‟Alpha par le scénario d‟usage que par les autres modes de présentation.

Beta est un projet ambitieux : "Oui" ou "plutôt oui"

présentation classique 21%

présentation : Scénario d’Usage 45%

double présentation : classique + Scénario d’Usage 48%

En revanche la perception du risque (Question 4) est moins influencée par le mode de présentation, même si les présentations plus riches en information semblent avoir un effet plus « rassurant ».

Beta est un projet risqué :"Oui" ou "plutôt oui"

présentation classique 40%

présentation : Scénario d’Usage 43%

double présentation : classique + Scénario d’Usage 46%

(22)

Que retenir de cette expérience ? Que la présentation d‟un Scénario d‟Usage aide à l‟appréhension d‟un produit nouveau et éloigné des offres habituelles de l‟entreprise ? Certes, mais pourquoi ? L‟histoire qu‟il décrit est simple et crédible, mais il est probable que la réalité éventuelle de son utilisation sera bien différente (Garel & Rosier, 2008b)– les créateurs de Beta en sont d‟ailleurs conscients. Des fonctions ont été développées lors de la conception qui, bien entendu, convoquait un ou plutôt des utilisateurs rêvés : sans aucun doute, l‟équipe a cherché à créer une valeur d‟usage, celle-ci a même souvent servi de boussole dans la démarche exploratoire, mais en aucune façon la création Beta n‟a relevé du processus déductif, de la conception réglée. L‟écriture – longue et itérative - du Scénario d‟Usage a d‟abord servi à l‟équipe pour construire sa propre convergence et, progressivement, donner une cohérence identitaire à Beta. Lorsque ce même scénario, dans sa version finale, est présenté lors du séminaire, il remplit approximativement le même rôle.

C‟est là qu‟intervient l‟effet de Wysiati : il nous est très difficile de prendre en compte l‟information que nous n‟avons pas, et nous avons tendance à donner aux éléments qui nous sont accessibles un poids et une validité excessifs. Qui plus est, notre appétit pour des explications causales du monde qui nous entoure favorise l‟intégration des informations en notre possession au sein d‟histoires aussi simples et concrètes que possible (Taleb, Goldstein, & Spitznagel, 2009; Taleb, 2005). Or, le Scénario d‟Usage est une histoire forte : simple, articulée autour d‟un acteur clé (l‟utilisateur) et de ses « aventures » quotidiennes, elle véhicule également une

« morale » immédiatement accessible (en améliorant « l‟expérience d‟utilisation », Alpha crée une valeur d‟usage… donc Alpha doit être un succès).

Le Scénario d‟Usage permet ici aux participants de dépasser une des difficultés

fondamentales que génère tout premier contact avec une innovation significative :

en l‟absence d‟un vécu antérieur, nous ne savons quoi penser d‟une offre nouvelle,

et notre opinion est largement déterminée par des assimilations avec des situations

ou produits plus ou moins comparables. Nous avons besoin de points de référence,

de comparaison, et c‟est précisément ce que nous offre un bon Scénario d‟Usage.

(23)

La bonne nouvelle, Beta nous en fournit un exemple convaincant, c‟est que nous disposons ainsi d‟un dispositif assez puissant pour promouvoir et valoriser une innovation en train de se faire. La mauvaise, c‟est que l‟imprévisibilité fondamentale du succès demeure : un bon Scénario d‟Usage, quel que soit le soin apporté à sa création, reste l‟expression d‟une intention, une projection. Il peut donc faire autant de mal que de bien.

C‟est la nature même de l‟effet Wysiaty. Nous construisons la meilleure histoire possible à partir des éléments en notre possession – considérant implicitement qu‟il n‟y a rien d‟autre à prendre en compte – et nous commençons à y croire. Le piège, c‟est qu‟il est plus facile de construire une histoire cohérente à partir d‟un nombre limité de composantes, et que dans une certaine mesure, l‟ignorance facilite ce travail : il est plus facile d‟assembler un puzzle de 25 pièces qu‟un autre de 1000 éléments. Ignorant l‟étendue de notre ignorance, nous ne cherchons pas à vérifier le nombre de pièces que devrait contenir la boite : avec 25 pièces, le puzzle sera complet.

L’illusion de comprendre

La lecture du cas Beta illustre bien notre appétit pour un monde qui soit plus simple, cohérent et prévisible que celui qu‟il nous est donné d‟arpenter.

L‟ambigüité et l‟imprévisibilité nous sont inconfortables et nous accueillons avec bienveillance les dispositifs narratifs qui nous donnent l‟illusion que nous pouvons comprendre le monde, prévoir et maîtriser notre avenir. Le Scénario d‟Usage est performant car, dans une certaine mesure, l‟innovation est anxiogène. Elle est une menace potentielle pour l‟ordre établi, un rappel malvenu de l‟impermanence des choses.

Et c‟est précisément ce qu‟annonçait le cas Alpha examiné au début de ce

chapitre : les organisations stabilisent leur mode de fonctionnement par la

construction progressive de routines, et le progrès est majoritairement recherché

dans la logique d‟exploitation que nous avons déjà présentée. Fondées sur des

compromis, dotées d‟une effectivité, ces routines sont également une relecture du

passé (Cohendet & Llerena, 2003).

(24)

Elles sont, dans une certaine mesure, fondées sur l‟illusion que nous comprenons notre passé et que, par conséquent, nous pouvons anticiper notre futur. Ainsi, une partie des résistances internes que rencontre systématiquement le développement d‟une innovation peut s‟expliquer par une chaine logique :

1. Les organisations réorganisent, réinterprètent le passé et le mettent en cohérence au sein d‟histoires qui expliquent les raisons du succès passé (Taleb, 2005). Que de telles structures narratives soient partiellement erronées est sans importance ;

2. Les organisations légitiment le fonctionnement présent au travers de ces histoires parfois implicites ;

3. Ces histoires sont également mobilisées pour légitimer une résistance aux remises en causes -pratiques mais aussi relationnelles et identitaires- qu‟apporte généralement le processus d‟innovation.

Car l‟innovation est ambivalente : bien qu‟elle possède dans la littérature managériale une indiscutable connotation positive, elle est aussi source de changement et comme telle source d‟inquiétude. On ne peut négliger ce facteur, par nature émotionnel, parce qu‟il est avéré que l‟immense majorité des personnes sont beaucoup plus sensibles au risque de perte qu‟à la possibilité d‟un gain, généralement dans un rapport de l‟ordre de 1 à 3 (Kahneman & Tversky, 1979) et que c‟est la situation présente qui sert de point de référence immédiat à l‟évaluation des gains et des pertes potentielles (Kahneman & Tversky, 1996).

On trouvera ci-après, à titre illustratif, la position d‟un praticien sur ce sujet.

(25)

Thierry Curiale, Digital Education and MOOC Marketing Director, Orange

Thierry Curiale est un entrepreneur innovant. Lorsqu’on lui confie une mission, généralement perçue comme risquée, il pose ses conditions à l’acceptation de son rôle de chef de projet : liberté de méthode, liberté de choix des participants au groupe de travail qu’il souhaite créer, maîtrise d’un minimum de ressources. En contrepartie, il s’engage totalement – et sa capacité à délivrer des résultats est connue. La clé de sa méthode ? S’inscrire volontairement dans une logique de conception collective et innovante : il postule explicitement que le fonctionnement habituel de l’entreprise, ses règles concernant les processus de recherche et d’innovation l’empêcheront d’atteindre l’objectif. M. Curiale assume sa critique d’une « sur-organisation qui tue la créativité et surtout l’expression personnelle.

Et si on ne se mouille pas personnellement, si on reste caché derrière un rôle, on ne peut pas faire du neuf ! ».

En rupture avec la logique dominante de l’entreprise, son choix est donc toujours de guider le travail par un protocole d’échange et de travail plutôt que par une spécification des résultats. Lui-même s’installe dans un rôle de facilitateur, pour « utiliser sa raison plus que la rationalité, (il) n’a plus peur de l’incertain mais, au contraire y aspire ». Du coup, il aime constituer une équipe de « punk sheep » (sic), des marginaux sécants, sensibles à l’alternatif et ouverts à la différence, pour

« ne pas être freiné par le dominant design ».

L’hétérogénéité est professionnelle, parce que les participants appartiennent à divers corps de métiers, avec des expériences diverses et autant de grilles de lecture. L’homogénéité sera assurée par un partage de valeurs, un contrat collectif et par le fait que l’animateur est le garant du processus. Tout le reste sera discutable, la démarche est résolument exploratoire.

On l’aura compris, Thierry Curiale est particulièrement attentif aux erreurs de représentation : «toute organisation a sa logique propre, qui réduit l’individu.

Mon travail, c’est de lever des œillères, qu’elles soient collectives ou individuelles, lorsqu’elles empêchent d’embrasser le champ des possibles. C’est un combat difficile, de tous les instants, mais derrière chaque idée reçue –sur nous-mêmes, sur le client, sur la technologie- il y a potentiellement une innovation majeure. »

« A chaque moment, la ‘machine’ peut nous rattraper, et pour cette raison nous

devons aller à marche forcée. C’est fatigant, c’est risqué, mais c’est aussi la

source d’une liberté qui motive et soude les équipes. »

(26)

En guise de conclusion : limites et pistes de recherche ultérieures

Nous avons voulu montrer l‟intérêt d‟une réflexion croisée entre le management de l‟innovation et la psychologie cognitive. Dans ce travail essentiellement descriptif, nous avons mis en lumière l‟existence des erreurs de représentations et cherché à expliquer les mécanismes cognitifs à l‟œuvre au sein des situations innovantes :

Le biais de confirmation a été mis en évidence à de multiples reprises au travers du cas Alpha, au sein de l‟équipe projet ou dans son entourage ;

L‟effet Wysiati a été mis en évidence dans le cas Beta, où nous avons montré qu‟une information plus pauvre mais articulée au sein d‟une narration, le Scénario d‟Usage, était mieux accueillie qu‟une information plus complète. L‟attractivité, la valeur perçue ainsi que la perception du niveau d‟ambition de Beta s‟en trouvent significativement augmentés.

L‟information parcellaire, lorsqu‟elle semble avoir un sens, tend à satisfaire la curiosité et inhiber l‟esprit critique.

Il va de soi que ces premiers résultats obtenus sur le terrain n‟ont encore qu‟un caractère exploratoire :

Dans d‟autres circonstances, d‟autres entreprises, d‟autres situations d‟innovation, il est probable que nous pourrions observer d‟autres résultats, peut-être contradictoires avec nos observations ou nos interprétations.

Même si celles-ci sont cohérentes avec l‟état de l‟art du management de l‟innovation, et avec les principaux résultats de la recherche sur les biais cognitifs, il est certain que nous nous fondons encore sur des corpus limités.

Nous ne sous sommes intéressés qu‟à deux types d‟erreurs de

représentation : d‟autres travaux seront nécessaires pour évaluer la

présence d‟autres types lors des situations d‟innovation, et mettre en

évidence les éventuels mécanismes qui les sous-tendent.

(27)

Par ailleurs, notre propos concerne l‟innovation exploratoire – il n‟est pas certain que l‟innovation conduite dans une logique d‟exploitation (plus souvent incrémentale) obéisse au mêmes règles. D‟autres travaux de terrain seront donc nécessaires pour valider et enrichir nos propositions, qui ont encore pour nous un statut d‟hypothèses de travail.

En plus d‟une validation des premiers résultats présentés, les travaux à venir pourront viser à un changement de focale : nous avons jusqu‟ici traité du cas l‟innovation en train de se faire avec une perspective assez large. Une manière de progresser consistera à observer des aspects plus spécifiques des situations de conception innovante, pour vérifier que les hypothèses générales s‟appliquent bien à des cas particuliers. La question de la valeur de l‟innovation, de ce point de vue, nous semble particulièrement prometteuse et fait actuellement l‟objet de plusieurs études de cas. Nous espérons ainsi pouvoir prolonger des travaux antérieurs (Garel

& Rosier, 2007, 2008b) pour montrer que certains des biais qui obèrent la détermination de la valeur de l‟innovation en train de se faire peuvent être dépassés.

Des erreurs de représentation qui portent

sur le « Quoi ? »

Des erreurs de représentation qui portent sur le

« Comment ? » Première étape,

cas général :

l‟innovation en train de se faire

Assimiler le processus d‟innovation au résultat de

celui-ci.

Appliquer aux situations d‟exploration les démarches

développées dans une logique d‟exploitation

Deuxième étape,

cas particulier :

la valeur de l‟innovation en train de se faire.

Considérer que la valeur de l‟innovation en train de se

faire est une information, alors qu‟elle a toutes les

caractéristiques d‟une connaissance.

Appliquer à la valeur de l‟innovation en train de se

faire une stricte logique d‟évaluation, alors qu‟elle requiert également un effort

de valorisation.

(28)

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Références

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