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Vol. 4 • été – automne 2009
Pour réduire les risques de carambolage sur la route, on a coutume de dire qu’il convient de maintenir un délai de 2 secondes entre le moment où la voiture qui nous précède passe devant un repère et celui où notre propre voiture passe devant ce même repère. Est-ce suffisant ? Ce temps corres-pond-il à la distance nécessaire pour freiner ?
Pour décrire le freinage en situation de danger, considérons la courbe ci-contre qui représente, en fonction du temps, la vitesse d’une voiture qui doit s’arrêter de toute urgence.
Temps et distance de réaction
Entre le moment où le danger est perceptible devant la voiture en mouvement (au temps
t = 0 en A), et le moment où son conducteur
applique les freins (en B), il faut d’abord compter
un certain délai.
Ce délai correspond au temps mis par le conducteur pour percevoir le danger, prendre la décision de freiner et coordonner le mouvement néces-saire à cette fin. Pour simplifier, appelons cela le temps de réaction, que nous noterons tr . Dans le meilleur des cas, le temps de réaction est d’environ une seconde, mais un état de fatigue, une consommation d’alcool, un manque de concentration ou une réaction de panique qui amène à figer (plus fréquente chez les conducteurs de peu d’expérience) fait facilement doubler ce temps. Durant ce temps, la voiture « ignore » tout du danger qui la menace et continue de circuler à la vitesse initiale vi qu’elle avait juste avant que le danger ne se présente. Elle parcourt alors une distance de réaction
dr = vi × tr1. Cette distance correspond à l’aire
du rectangle de la zone I du graphique.
France Caron Université de Montréal
D
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Garder ses distances | France Caron • Université de Montréal
Au volant d’une voiture, quelle
distance devrions-nous maintenir avec le
véhicule qui nous précède sur la route?
La « règle des 2 secondes » est-elle fiable?
1. Cette relation, comme celles qui suivent, tient à la condition de maintenir une cohé-rence entre les unités. Si l’on veut évaluer la distance en mètres à partir d’une vitesse en km/h, on transformera cette dernière en m/s en divisant par 3,6, car cela équivaut à multiplier par 1 000 m/km et à diviser par 3 600 secondes/heure.
Temps et distance
de freinage
En B, lorsque les freins sont appliqués, la
voiture est alors soumise à une décélération que nous supposerons constante, c’est-à-dire à un taux de variation a sur la vitesse qui demeure
constant et négatif, pour tout le temps tf que dure le freinage, c’est-à-dire, jusqu’à ce que le véhicule s’immobilise en C. En considérant les
points B(tr , vi) et C(tr + tf, 0) , on peut écrire :
et en déduire que le temps de freinage
tf vaut –vi /a. Ce temps est bien positif car a < 0.
Quelle distance l’auto parcourt-elle durant ce temps de freinage tf ? Le problème peut paraître plus complexe ici car la vitesse change cons-tamment. L’« astuce », à la base du calcul intégral, consiste alors à la
considérer constante sur de très petits inter- valles de temps, à évaluer la distance parcourue sur chacun de ces petits inter-valles et à additionner ces distances.
Pour chacun de ces intervalles, la distance parcourue correspond à l’aire d’un rectangle de très petite largeur (c’est-à-dire chacun des
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Temps Vitesse A tr vi tf B II I C11
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rectangles jaunes du graphique). Comme la distance de freinage équivaut à la somme de ces distances, on peut montrer, en faisant tendre vers zéro la durée de ces intervalles de temps, que la distance de freinage corres-pond bien à l’aire sous la courbe de la vitesse durant la période de freinage, et donc à l’aire du triangle rectangle de la zone II sur le graphique initial. La distance de freinage peut alors être exprimée ainsi :
Une distance sécuritaire
En somme, la distance totale dT parcourue entre le moment où le danger est perceptible et le moment où le véhicule est immobilisé est constituée de deux composantes : la distance de réaction, linéaire par rapport à la vitesse initiale, et la distance de freinage, qui elle est quadratique par rapport à cette même vitesse initiale.
L’heuristique des deux secondes, qui évalue la distance parcourue durant 2 secondes à une vitesse constante de vi , ne couvrira que la stricte distance de réaction, si le temps de réac-tion (tr) est lui aussi de deux secondes. Pour que l’incident se termine bien, il faudra que le conducteur du véhicule qui précède dispose lui-même d’une distance de freinage suffisante et que la capacité de freiner du second véhicule soit au moins aussi bonne que celle du premier. Or, la décélération possible (le paramètre a)
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dépend à la fois de la charge du véhicule, de l’état des freins, des conditions de la route et de l’adéquation des pneus (type, qualité, état) à ces conditions. Pour des routes sèches, mouillées et glacées, on peut compter avec des décéléra-tions moyennes (en valeur absolue) de 8 m/s2,
4 m/s2 et 2 m/s2 respectivement.
Peut-on alors se doter d’une heuristique simple qui permette d’évaluer une distance plus sécuritaire en incluant la distance de freinage ? Le graphique ci-dessous, qui illustre la distance totale parcourue en fonction de la vitesse, et ce pour différentes conditions routières et un temps de réaction d’une seconde, suggère d’opter pour un délai de 3 secondes entre deux voitures sur une route sèche (suffisant jusqu’à 115 km/h), 4 secondes sur une route mouillée (suffisant jusqu’à 86 km/h) et 6 secondes sur une route glacée (suffisant jusqu’à 72 km/h). Est-ce envisageable avec la densité de circula-tion sur nos routes ?
Garder ses distances
Vitesse en km/h Di stance par courue en m 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 50 72 86 100 115 150 Route sèche Route mouillée Route glacée Délai de 2 s Délai de 3 s Délai de 5 s Délai de 4 s Délai de 6 s