H OËNÉ DE W RONSKI
Introduction à la philosophie des mathématiques
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 2 (1811-1812), p. 65-68
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65
INTRODUCTION
A la Philosophie des Mathématiques ;
Par M. HOËNÉ
DEWRONSKI , -ci-devant officier supérieur
d’artillerie
auservice de la Russie (*).
ANNONCE ;
Par
LESRÉDACTEURS
DESANNALES.
INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE DES MATHÉM.
L’ABONDANCE
des matériauxqui nous sont parvenus pour la com-
position
desAnnales ,
ne nous a paspermis jusqu-ici
et neparaît guère
devoir nouspermettre davantage ,
pourl’avenir, d’y présenter
à*1 nos
lecteurs,
ainsi que nous nous Fêtionspromis ,
l’analise des ou- vrages nouveaux relatifs aux sciences exactes ;mais ,
loin que nous croyons devoir nousjustifier
de cette sorted’omission ,
nous pensons , aucontraire,
que le motifqui
la nécessite nepeut
que la. faire tourner à l’a-vantage
du recueil. Eneffet,
outre queplusieurs
écritspériodiques
sup-pléent,
à cetégard ,
à. cequi
manque àcelui-ci y
des analisesd’ouvrages
nouveaux,
quelque
soinqu’on
y metted’ailleurs ,
n’ont au fondqu’un
intérêt
éphémère ,
et demeurent à peuprès
sansobjet ,
dèsqu’une
foisces ouvrages sont
répandus,
oulorsque , frappés
parl’opinion ,
ils sonttombés dans
l’oubli ;
àquoi
l’onpeut ajouter
que , leplus
souvent , laréputation acquise
des auteursfixe,
àl’avance,
d’une manière à peuprès certaine ,
ledegré
de confiance et d’estime que doivent mériter leurs pro-(*) Volume in-4.o de
près
de 30o pages; àParis,
çhezCourcier,
libraire pour lesmathématiques , quai
desAugustins
n,o57.
Tom. II. 9
66
INTRODUCTION
ductions. En
composant,
aucontraire ,
notre recueil de mémoiresinédits,
sur les diverses branches desmathématiques 3
nous en formonsun corps
d’ouvrage
d’un intérêtdurable,
tetqui
pourra être utilement consulté dans tous lestemps.
Il est néanmoins certains écrits
qui
semblent réclamer de nous uneexception :
ce sont ceuxqui ,
par la nouveauté des vuesqu’ils pré-
sentent
tendent à produire quelque
révolution dans les sciences exactes ;et telle est, en
particulier,
l’Introduction à laphilosophie
des mathé-matiques,
par M. DE WRONSKI:aussi,
avant même quel’ouvrage
eûtparu,
avions-nous déjà
conçu le dessein d’enprésenter
l’analise dans cerecueil ;
mais un coup d’miljeté rapidement
sur cetteproduction
vrai-ment
originale,
tout en nous montrantl’utilité,
nouspourrions
pres- que direl’indispensable
nécessité du travail que nous avionsprojeté
nous a presque ôté le courage de
l’entreprendre.
Nous ne sommes
point,
eneffet,
initiés dans la doctrine du Trans-cendantalisme ;
nous enignorons jusqu’aux premiers élémens,
et la lan-gue même
qu’il lui
aplu
de se créer nous est tout à faitétrangère. Cepen-
dant ,
une connaissanceparfaite
de cette nouvellescolastique,
sembleêtre une condition presque
indispensable
pour bien saisir les idées de M. de Wronski. Onpeut
enjuger
par le début de son livrequi,
bienqu’il
n’en soit pas l’endroit le moinsintelligible , paraîtra
sans douteaussi obscur à la
plupart
de noslecteurs a qu’il
nou;., l’a paru à nous- mêmes ; le voici :« Le monde
physique présente ,
dans la causalité nonintelligente ,
» dans la nature , deux
objets
distincts :l’un, qui
estla forme,
la ma-» nicre
d’être ;
l’autrequi
est le contenu, l’essence même de l’action»
physique.
» La déduction de cette dualité de la nature,
appartient
àla. phi-
»
losophie :
nous nous contenterons ici d’enindiquer l’origine
transcendan-)) tale. -Elle consiste dans la dualité des lois de notre
savoir,
et nom-» moment dans la diversité
qui
se trouve entre les lois transcendantales» de la sensibilité
(
de laréceptivité
de notresavoir ) ,
et les lois trans-jj cendantales de
l’entendement (
de laspontanéité
ou de l’activité de67
A LA PHILOSOPHIE DES
MATHÉMATIQUES.
» notre
savoir). C’est ,
eneffet,
dans la diversitéqui
résulte del’ap-
»
plication
de ces lois auxphénomènes
donnés àpostériori ,
que con-» siste la dualité de
l’aspect
souslequel
seprésente
la nature ; dua-» lité que nous rangeons , conduits de nouveau par des lois trans-
3)
celldantales,
sous lesconceptions de forme
et de contenu dumonde
))
physique
»).Ce n’est certainement pas dans ce
style
que Leibnitz et Euler ont traité dessujets
dephilosophie ; mais,
si lestyle
de M. de nironskiest
obscur,
son livre n’est pascependant
du nombre de ceuxqu’il
soit
permis
denégliger.
On nesaurait ,
eneffet,
contester à l’Auteurd’être très-versé dans toutes les branches des sciences exactes ; de con- naître
parfaitement
tout cequ’on
en aécrit ;
et d’avoirlui-même,
surla
philosophie
de cessciences,
des vues non moinsprofondes
et nonmoins
générales qu’elles
sont nouvelles.Nous ferons donc tous nos efforts pour tenter de traduire
enfrançais,
pour notre usage, l’INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE DES MATHÉMA- TIQUES , et nous destinerons ensuite
plusieurs
articles des Annales àen faire connaitre la
substance ;
sitoutefois,
dans la tàchepénible
quenous allons
entreprendre ,
nous obtenonsquelques
succès.Cet
ouvrage
n’étant pas , ausurplus,
le seul que M. deWronski
se propose de
publier,
nous croyons convenable deplacer
iciquelques
réflexions que , pour l’interêt même de sa
gloire,
nous désirons vi-vement que l’auteur veuille bien
prendre
en considération.M. de
Wronski,
dans l’une des notes de sonlivre ,
observe quel’application
que Condillac et Limmer ont voulu faire aux sciencesmathématiques l’un 3
dusystème
de sensualisme deLocke,
etl’autre,
du
système
d’Intellectualisme deLeibnitz,
a été d’une nullité absolue pour leprogrès
de cessciences,
et cette remarque nousparaît
d’uneexactitude
parfaite ;
mais nous pensonsqu’elle
doit être indistincte-ment étendue à tous les
systèmes philosophiques qu’il
aplu
ouqu’il
pourra
plaire
encore àl’esprit
humaind’imaginer.
Nosopinions spécula-
tives,
eneffet n’ont guère plus
d’influence sur notre entendement que surnotre
volonté
sur notre savoir que sur notreconduite;
etquoi qu’en
68
INTRODUCTION
A LAPHILOSOPHIE
DESMATHÉM.
veuille
prétendre
la modestie de M. deWronski ,
s’il a fait des dé-couvertes dans les sciences exactes, s’il en a reculé les
limites,
c’esta son
génie
et à son rare savoirqu’il
en estredevable)
bienplus qu’aux dogmes métaphysiques qu’il
aadoptés.
Nous osons dire
plus
encore, et nous pensons que, si M. de Wronski eûtuniquement dirigé
l’activité de sonesprit
vers ces mêmessciences,
que s’il fût né et
qu’il
eût vécujusqu’ici
enFrance,
il seraitdéjà, très -probl ablement ,
enpossession
d’uneréputation qu’il
travaille seu-lement à
acquérir ;
nouspensons qu’alors,
donnant à ses idées unplus
libre essor , il ne lui serait pas
échappé quelques
erreursévidentes, quelques
divisions et distinctionségalement
forcées etinutiles ,
quesa raison désavoue
peut-être
à soninsçu ,
etqui
ne se sontglissées
dansson livre que sous l’influence
despotique
desprincipes
de lascolastique
du Nord : nous pensons
qu’alors
enfin son ouvrage, à la foisplus
clair etplus concis ,
n’eût pas étédéparé
par unnéologisme fatigant
et parune
métaphysique
arduequi,
nous lerépétons,
ne saurait aucunementcontribuer à l’avancement des sciences
positives.
Sans donc
prétendre
que M. de Wronski doive abandonner dessystèmes philosophiques auxquels
ilparaît
sincèrement et fortementattaché,
nous pensons que , pour son intérêt et celui dupublic,
il feraitbien de rendre à l’avenir moins
dépendans
de ces mêmessystèmes
les ou-vrages
qu’il
se. propose de nous donner encore. S’il veut , eneffet,
que cesouvrages soient lus et
appréciés
par no$re nation: et il le veut sansdoute, puisque
c’est au milieu de nousqu’il
lespublie ;
il fautqu’il
ap- prenne d’abord à bien nousconnaître ;
il fautqu’il
sache bien quenous n’estimons vrai que ce
qui peut
être clairementexprimé
en lan-gue
vulgaire;
que nous n’aimons pasd’acheter
l’instruction partrop
dede
peine;
que nous voulons que les idées même lesplus
abstraites soient revêtues de formesagréables ; qu’enfin,
nous sommes une nation un peulégère
chezlaquelle
le livre leplus profondément pensé
ne se sauve pas dudiscrédit,
s’ilexige,
pour êtrecompris ,
une contentiond’esprit
dont notre caractère et nos