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Ischémie intestinale aiguë : aspects radiologiques

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Academic year: 2022

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26 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier-février 2016

CAS CLINIQUE

Figure 1. Ischémie mésentérique aiguë veineuse avec signes scanographiques de nécrose intestinale.

Scanner abdominopelvien, coupe frontale, temps portal. Thrombose porto- mésentérique complète (flèches) associée à un épaississement et à un défaut de rehaussement pariétal du jéjunum proximal (têtes de flèches blanches) en comparaison aux anses iléales normales (têtes de flèches noires).

Ischémie intestinale aiguë : aspects radiologiques

Acute intestinal ischemia

Olivier Corcos*, Alexandre Nuzzo*

* Service de gastro-entérologie, MICI et assistance nutritive ; SURVI (structure d’urgence vasculaire intestinale), département hospitalo-universitaire UNITY, hôpital Beaujon (AP-HP), université Paris VII-Diderot, Paris.

O b s e r v a t i o n

Madame X., âgée de 40 ans, se présente aux urgences pour une douleur abdominale aiguë. Cette douleur inhabituelle, péri - om bilicale, sans irradiation, non spasmodique, s’est installée brutalement, et a atteint son paroxysme en quelques heures.

Cette patiente fumeuse ne prend aucun médicament. Dans ses antécédents, on retrouve une thrombophlébite cérébrale pendant sa première grossesse, traitée par anticoagulants oraux pendant 6 mois, avec une paralysie faciale centrale gauche séquellaire. L’interrogatoire ne rapporte pas de manifestations digestives préexistantes, mais un syndrome pseudo-grippal sans fièvre depuis 10 jours. À l’admission, l’examen clinique trouve une tachycardie (118 bpm) sans signe de choc, une apyrexie, un électrocardiogramme (ECG) normal. L’abdomen est douloureux en épigastre, sans signe d’irritation péritonéale ni masse palpable. Le bilan biologique montre :

leucocytes : 16,3 g/l ;

protéine C réactive (CRP) : 156 mg/l ;

lactates : 6,2 mmol/l ;

créatinine :154 μmol/l ;

tests hépatiques et lipase normaux.

L’angioscanner abdominopelvien (figure 1) révèle une thrombose veineuse portomésentérique supérieure étendue associée à un épaississement du jéjunum proximal avec défaut de rehaussement pariétal, sans ascite, ni perforation, ni pneumatose pariétale. Un traitement curatif par héparine non fractionnée, repos digestif, antibiothérapie entérale et remplissage hémodynamique est débuté en urgence. Une laparotomie est également décidée en raison des signes biologiques (lactates) et scanographiques (défaut de rehaus- sement) évocateurs de nécrose intestinale. La laparotomie

Mots-clés

Ischémie – Infarctus intestinal – Insuffisance intestinale aiguë

Keywords

Ischemia – Intestinal ischemia – Acute intestinale failure

0026_LGA 26 22/02/2016 16:24:47

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La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier-février 2016 | 27

CAS CLINIQUE

▲ Figure 2. Ischémie mésentérique aiguë artérielle.

Scanner abdominopelvien, temps artériel, coupe sagittale centrée sur l’artère mésentérique supérieure (AMS). A. AMS sténosée à 90 % par un thrombus aigu (têtes de flèches noires). B. Désobstruction complète après thrombolyse intra-artérielle par abord fémoral, scanner à J7.

constate un aspect de nécrose jéjunale proximale et étendue sans perforation. Sa résection laisse en place 10 cm de grêle en jéjunostomie, 110 cm d’iléon d’aval et le côlon. Devant cette situation d’insuffi- sance intestinale aiguë, une nutrition parentérale est débutée. Les suites opératoires sont simples, sans récidive ischémique, ni épisode hémorragique, ni dénutrition. Alors que la veine portomésentérique s’est reperméabilisée, un rétablissement de la continuité est réalisé après 6 semaines permettant un sevrage complet de la nutrition parentérale et un retour à domicile. Le bilan étiologique a retrouvé une primo-infection à cytomégalovirus, sans autre cofacteur throm- bophilique ou hépatologique sous-jacent.

Monsieur Y., âgé de 62 ans, consulte son médecin traitant pour une douleur abdominale hypogastrique apparue brutalement 8 heures plus tôt, d’emblée intense sans répit et non soulagée par les antalgiques de palier II. Il n’existe pas de trouble du transit, ni de vomissements.

Régulièrement suivi pour une hypertension artérielle (HTA) et un diabète de type 2, il a arrêté de fumer depuis quelques jours. L’examen clinique est peu contributif : la tension artérielle est à 180/90 mmHg, le pouls à 79 bpm, la température à 37,4 °C, l’examen cardiovasculaire et l’ECG sont normaux. La palpation abdominale est rassurante, sans défense, ni masse, ni syndrome occlusif. L’intensité douloureuse fait néanmoins réaliser une injection de 5 mg de morphine sous-cutanée et un angioscanner abdominopelvien en urgence. Celui-ci retrouve des calcifications aortiques et de l’origine des artères digestives ainsi qu’une thrombose quasi complète de l’artère mésentérique supérieure (AMS) [figure 2], associée à un épaississement iléal terminal et colique droit, sans défaut de rehaussement. Le patient, admis dans notre centre spécialisé, reçoit un protocole médical associant un jeûne strict, des anti agrégants plaquettaires/anticoagulants, une antibiothérapie entérale et un remplissage vasculaire. La biologie à l’entrée montre :

leucocytes : 12,1 g/l ;

CRP : 210 mg/l ;

lactates : 1,6 mmol/l ;

créatinine : 94 μmol/l ;

tests hépatiques et lipase normaux.

Après une concertation pluridisciplinaire entre gastroentérologues, radiologues interventionnels et chirurgiens digestifs et vasculaires, une thrombolyse intra-artérielle par abord fémoral sous anesthésie locale est immédiatement décidée. Cette intervention permet une sédation immédiate de la douleur et une reperméabilisation à 50 % de l’AMS en fin de procédure. Après 72 heures de traitement médical, une réalimentation orale progressive est autorisée, sans récidive algique, sans nécessité de résection intestinale, ni complication hémorragique. Le scanner à J5 montre une reperméabilisation totale de l’AMS (figure 2), et le patient rentre à domicile à J7 avec un traitement par antiagrégant plaquettaire et anticoagulation curative.

D i s c u s s i o n

Ces 2 observations d’ischémie mésentérique aiguë (IMA) vont à l’encontre de plusieurs idées reçues :

la normalité des lactates n’élimine pas le diagnostic d’IMA, mais leur élévation doit faire suspecter une nécrose intestinale ;

une nécrose intestinale peut être présente en l’absence initiale d’état de choc ou de signe clinique de péritonite, alors suggérée par certains signes scanographiques ;

un traitement précoce multimodal et multidisciplinaire ciblant la viabilité intestinale peut éviter le décès et une résection intestinale.

0027_LGA 27 22/02/2016 16:24:48

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28 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier-février 2016

CAS CLINIQUE

Ces dernières années, les progrès de l’imagerie médicale ont permis une amélioration de la reconnaissance des formes précoces d’IMA, l’infarctus mésentérique en représentant la forme tardive classiquement reconnue. Cependant, le pronostic de l’IMA reste intimement lié à la précocité du diagnostic qui, en l’absence de signe clinique ou de biomarqueur assez sensible et spécifique de la souffrance intestinale ischémique (dont les lactates), doit reposer sur l’angioscanner abdominal (1). L’artériographie conventionnelle, gold standard pendant de nombreuses années, a laissé aujourd’hui la place à l’angioscanner avec reconstruction vasculaire des vaisseaux mésentériques recommandé en première intention devant toute douleur abdominale suspecte d’IMA, en raison de sa haute sensibilité (96 %) et spécificité (94 %), de son caractère non invasif et de sa disponibilité en urgence. Il permet un dia gnostic positif et étiologique en mettant en évidence des signes de souffrance intestinale associés à une insuffisance vasculaire, occlusive le plus souvent. Les signes de souffrance intestinale incluent un épaississement pariétal, un défaut de rehaussement ou un retard d’élimination du produit de contraste, un hématome et/ou une pneumatose intramuraux, pouvant être associés à une aéroportie, un iléus avec dilatation des anses digestives et/ou une ascite (2). Les signes vasculaires peuvent correspondre à une sténose athéromateuse, un embole, une thrombose, une dissection artérielle et/ou une thrombose veineuse mésentérique.

L’angioscanner permet par ailleurs d’écarter les diagnostics diffé- rentiels, d’évaluer l’état du réseau vasculaire et des complications digestives, et ainsi de guider la thérapeutique sans la retarder.

Devant une douleur abdominale intense, brutale, inhabituelle et persistante, contrastant avec un examen clinique peu contributif, l’angioscanner abdominal est ainsi le seul examen recommandé, y compris en cas d’insuffisance rénale aiguë, pour (3) :

le diagnostic positif précoce d’IMA ;

l’évaluation indispensable des lésions vasculaires guidant le geste de revascularisation, pierre angulaire du traitement ;

l’évaluation de la viabilité intestinale et de l’indication opératoire.

Au-delà d’un intérêt diagnostique, certains signes scanographiques semblent avoir une valeur pronostique prédictive de l’apparition d’une nécrose intestinale. La reconnaissance précoce de la nécrose intestinale pourrait améliorer la sélection des malades à opérer, avant la survenue des complications (péritonite et multidéfaillance d’organes). Dans cet objectif, à partir de notre cohorte de 221 patients ayant survécu à une IMA, nous avons comparé les patients n’ayant pas subi de résection (17 %) aux patients chez lesquels une résection de nécrose intestinale avait été nécessaire (83 %), à la recherche de tels signes radiologiques. En analyse multivariée, 3 facteurs scanographiques associés à la résection de nécrose intestinale ont été identifiés : l’origine artérielle de l’IMA, une dilatation intestinale et un défaut de rehaussement pariétal.

C o n c l u s i o n

Toute douleur abdominale brutale et inhabituelle doit faire rechercher une IMA par la réalisation d’un angioscanner qui, outre un diagnostic positif précoce, permet une évaluation vasculaire et digestive guidant son traitement moderne centré sur la viabilité intestinale. L’origine artérielle ou non occlusive de l’IMA, la présence d’une dilatation intestinale et le défaut de rehaussement pariétal sont 3 signes scanographiques indépendamment associés à la nécessité d’une résection de nécrose intestinale. Une stratégie thérapeutique incluant l’évaluation stricte de tels signes pourrait permettre d’éviter ou de limiter la résection intestinale dans l’IMA, de sélectionner les malades à opérer et d’améliorer le pronostic

vital et fonctionnel de l’IMA.

O. Corcos déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

1. Oliva IB, Davarpanah AH, Rybicki FJ, Desjardins B, Flamm SD, Francois CJ, et al. ACR Appropriateness Criteria® imaging of mesenteric ischemia. Abdom Imaging 2013;38(4):714-9.

2. Nuzzo A, Corcos O. Acute mesenteric ischemia in 2013: a multimodal and multidisciplinary management coordinated by the gastroenterologist. Hepato Gastro Oncol Digestive 2013;20(6):452-61.

3. Corcos O, Nuzzo A. Gastro-intestinal vascular emergencies. Best Pract Res Clin Gastro enterol 2013;27(5):709-25.

Références bibliographiques

0028_LGA 28 22/02/2016 16:24:49

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