Didier HONNART
Département de Médecine d’Urgence, SAMU21-SMUR-SRAU-UHCD CHU de Dijon, France
DH 2015
Prise en charge du traumatisé grave en SMUR et à l’accueil des urgences.
Orientation et filières de soins.
Définition du traumatisé grave
Blessé qui présente une ou plusieurs lésions traumatiques graves, périphériques, viscérales ou
complexes,
• entraînant une répercussion respiratoire ou circulatoire
• susceptible(s) de mettre en jeu le pronostic vital à court ou moyen terme
Blessé ayant subi un traumatisme à cinétique élevée
(lésions initiales pas toujours apparentes)
L L é é sions concern sions concern é é es es
• Crâne : coma
• Face : fracas
• Thorax : volet, épanchement, contusion pulmonaire ou myocardique, rupture aortique
• Abdomen : hémorragie ou rupture d'organe creux
• Rachis : atteinte neurologique
• Bassin : hématome rétro-péritonéal
• Membres : polyfractures ou fractures fémorales
• Rupture vasculaire, syndrome d'écrasement, blast
• La gravité des lésions ne s’additionne pas mais se multiplie
• La sous-estimation de la gravité augmente la morbi-mortalité (morts évitables)
• Le temps perdu ne se rattrape pas
• Options thérapeutiques parfois contradictoires : faire des choix
Gravité du traumatisme
• Traumatismes graves moins fréquents en France, impact important de la sécurité routière
• Bilan 2013
– 56 468 accidents corporels
– 3 250 morts (à J30) contre 8 079 morts en 2000 – 70 821 blessés dont 25 876 hospitalisés
• Le traumatisme grave est donc devenu une
pathologie rare. Or la compétence est directement liée au niveau d’activité des équipes…
Nathens A.B.et al JAMA 2000
Epidémiologie
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
Décès %
Cause
Trauma crânien Hémorragie
TC+hémorragie SDMV
Autres
Epidémiologie des décès d’origine traumatique
Sauaia
Sauaia et al -et al - J Trauma 1995; 38 : 185 –J Trauma 1995; 38 : 185 – 9393
Evaluation initiale et
diagnostic primaire
Admission en SAUV
• Accueil préparé sur appel du SAMU
• Transmissions détaillées avec l’équipe SMUR
– cinétique de l’accident – lésions apparentes
– réponse au traitement
• Jusqu’à résultat de l’imagerie, blessé suspect d’une lésion rachidienne
• Monitorage
– complété au plus vite par un monitorage invasif de la pression artérielle
– en sus ECG, SpO2 et EtCO2 si intubé
– réglage personnalisé des alarmes
Admission en SAUV
• Equipe multidisciplinaire avec « team leader »
– lien entre les différents intervenants
– stratégie diagnostique et thérapeutique – anesthésiste-réanimateur ou urgentiste
– reco : 3 IDE, 2 juniors, 1 senior, 1 trauma leader
• Evaluation initiale
– fonctions vitales
– éventuelles mesures conservatoires d’urgence – bilan biologique d’urgence + ECG
Édouard A. EMC - Médecine d'urgence 2007
SAUV
Equipement SAUV
A l’arrivée en SAUV (1)
• Evaluation rapide des fonctions vitales
– Conscience – Ventilation – Circulation
• Mesures conservatoires d'urgence
• Mise en route du monitorage
A l’arrivée en SAUV (2)
• Bilan biologique d'urgence
• Ouverture du dossier
• Antécédents majeurs (cardiopathie, AVK, aspirine)
• Patient disposé sur plan dur (Rx) en gardant minerve
• Déshabillage complet
Insuffisance circulatoire aiguë
Objectif : restaurer PA suffisante (PAM 70 mm Hg) pour assurer perfusion tissulaire
• Hypovolémie
– vraie : hémorragie interne ou externe – relative : atteinte médullaire, sédatifs
• Pneumothorax compressif
• Contusion pulmonaire
• Contusion myocardique
Type de lésion Volume des pertes sanguines
Fracture de côte 125 ml
Fracture avant-bras ou corps vertébral 250 ml
Fracture humérus 500 ml
Fracture 2 os de jambe 1 000 ml
Fracture diaphyse fémorale 2 000 ml
Fracture du bassin 500 à 5 000 ml
Plaie du scalp > 10 cm 1 000 ml
Epanchement intrapéritonéal visible en écho > 250 ml Epanchement pleural visible en écho > 500 ml
Van Niekerke Clin. Intensive Care 1990
Déperditions sanguines
Contrôle de l’hypovolémie
• REMPLISSAGE
– cristalloïdes isotoniques (pertes ≤ 1000 mL)
– macromolécules : PLASMION ® ou VOLUVEN®
• VASOPRESSEURS
– éphédrine, dopamine, noradrénaline – introduction précoce (évite dilution)
• GESTES D'HEMOSTASE
– point de compression, garrot, clam page, suture … – chirurgie, embolisation
• AUTOTRANSFUSION des hémothorax
• CEINTURE PELVIENNE
Lutte contre l’hypothermie
Voie intra-osseuse
Détresse respiratoire
Conséquence
du TC (obstruction, inhalation, dépression centrale)
du trauma thoracique pariétal
d’une contusion avec hypoxémie sévère d’un épanchement pleural important
Indications larges de l'intubation trachéale et de la ventilation artificielle
à faire sous sédation et curarisation
PRECAUTIONS : pneumothorax
Indications de l’intubation trachéale
• Altération de la conscience (GCS < 8) par coma mais aussi en cas de nécessité de sédation (imagerie de qualité)
• Insuffisance respiratoire aiguë (tachypnée avec SpO
2< à 95 % sous O2)
• Obstruction des voies aériennes
supérieures liée au traumatisme
Assistance ventilatoire
• Pressions d’insufflation basses, PEP plutôt délétère
– retentissement hémodynamique – risque barotraumatique
– volume courant de 6 ml/kg avec une fréquence entre 12 et 16
– objectif PaCO
235-40 mm Hg et SpO2> 95%
• Pneumothorax nécessite drainage, surtout
si malade ventilé (risque de pneumothorax
compressif)
Détresse neurologique
Objectif : préserver la PPC ( PAM-PIC )
Eviter HTIC : toux, pneumothorax ou pressions d'insufflation élevées
– contrôle PaCO2 et PaO2 – sédation, osmothérapie
• Préserver PAM : vasopresseurs après
correction volémie, objectif PAM 90 mm Hg
• Proscrire solutés glucosés ou hypotoniques
• Evacuation urgente d'un HED
Bilan biologique d'urgence
Prélevé en SMUR, répété à l’entrée en SAUV et régulièrement au cours du déchocage (monitorage coagulation, lactates et gazométrie)
• Numération globulaire et plaquettes
• TP, TCA, fibrinogène
• Ionogramme sanguin complet, protidémie, urée-créatinine
• Calcémie ionisée
• Groupes sanguins et recherche d’agglutinines irrégulières
• Gaz du sang
• Lactates
• Bilan hépatique et pancréatique
• Alcoolémie (et toxiques illicites éventuels)
• Troponine
• CPK
• Bêta-HCG
Bilan d’imagerie primaire
• Réalisé en SAUV, recherche intervention très urgente devant une situation très instable malgré les soins
débutés dès la phase préhospitalière (catégorie 1)
• 3 examens simples réalisés sur brancard
– cliché thoracique : hémothorax important, pneumothorax sous tension à drainer de toute urgence (échographie++) – échographie abdominale (fast-écho) : une seule question,
simple, y-a-t-il un épanchement intra-péritonéal
conséquent justifiant une laparotomie d’urgence mais
indications élargies+++– cliché de bassin : fractures pelviennes responsables d’un hématome rétropéritonéal devant faire orienter vers
embolisation
Rx THORAX ECHO ABDOMINALE Rx BASSIN
Drainage thoracique Laparotomie Embolisation
Peytel et al. ICM 2001
100% 98% 62%
Décision pertinentes
RP-Echo-Bassin
Bilan d’imagerie secondaire
• Scanographie intégrale
– diagnostic lésionnel exhaustif en un temps réduit – temps de lecture plus long que l’examen lui-même
• Séquence des examens
– scanner crânien et cervical sans injection, sauf en cas de suspicion de lésions carotidiennes traumatiques
– scanner thoraco-abdomino-pelvien, acquisition sans et avec produit de contraste iodé, avec temps artériel et veineux
– imagerie complète du rachis avec reconstructions en 3D – on n’attend pas la créatinine+++
• Identification facile
– pneumomédiastin et pneumopéritoine
– ensemble des lésions viscérales et osseuses
– fuites de produit de contraste (caractère actif du saignement)
Scanographie int
Scanographie int é é grale grale
Hémopéritoine, HRP Organes pleins
PNO, PNOmédiastin Contusion pulmonaire Lésions aortiques
Fracture complexe bassin
AVEC INJECTION SANS INJECTION
Urgences Neurochir
Fractures Instables
THORAX
ABDO
PELVIEN CEREBRAL
RACHIS
Scanner abdominal et artério
Hématome rétropéritonéal droit sur fracture du rein droit avec fuite
active de contraste polaire
supérieure (flèche)
Place de l’échographie
• Le développement de l’échographie clinique en médecine d’urgence est en plein essor
• L’échographe de l’urgentiste vient à remplacer le stéthoscope et pourrait commencer en préhospitalier
• L’échographie faite par l’urgentiste peut être facilement répétée
• Applications nombreuses
– abdomen : fast-écho (épanchement intrapéritonéal)
– cœur : évaluation remplissage et fonction myocardique, détection lésions péricardiques
– poumon : épanchements liquidiens et aériques – aide aux abords vasculaires
– doppler transcrânien (DTC) : souffrance cérébrale
Edouard, EMC 2007
Echographie du TG
Fractures de membre
Fractures de membre
D D é é labrements de membre labrements de membre
Orientations thérapeutiques
• Chirurgie d’urgence d’un patient instable
– décidée sur bilan primaire– type « damage control »
• Indications chirurgicales portées sur bilan secondaire d’un blessé stabilisé
– chirurgie réparatrice en un temps
– tenir compte des lésions encéphaliques pour certaines techniques
• Artério-embolisation
– en première intention dans traumatismes pelviens graves – associée à une contention dans les disjonctions
Damage control Damage control
• • Contrôle de l’ Contrôle de l ’ h h é é mostase mostase – – laparotomie laparotomie é é court court ée é e – – fixateurs externes fixateurs externes
• • Reprise chirurgicale Reprise chirurgicale à à distance
distance
Rotondo 1997 Surg Clin North Am
Filière de soins
• Organisée par région, autour d’un centre pivot, CHU
• Règles de prise en charge définies, travail commun
anesthésistes-réanimateurs et urgentistes (golden hour)
• Coordinateur identifié dans le réseau
• Accueil téléphonique H24 dans le trauma center
• Procédures écrites disponibles à la SAUV et en régulation
• Registre d’analyse des décès évitables, des fiches de
dysfonctionnement : évaluation du réseau
Filière de soins
• Notion de masse critique pour optimiser la prise en charge
– décès évitables non neurologiques plus importants dans lespetites structures par rapport aux trauma centers (26,4 % versus 12,1 %)
– transport primaire vers trauma center réduit morbidité et
mortalité par rapport aux transferts secondaires (4,8 % versus 8,9 %)
• Admission en centre de proximité pour les patients instables malgré remplissage et amines
• Admission directe en centre de traumatologie privilégiée pour les patients stabilisés (intérêt héliSMUR)
• La prise en charge des traumatisés graves nécessite donc un réseau structuré, un plateau technique et des
procédures/protocoles écrits
Kreis et al J Trauma 1986 Sampalis. J Trauma 1997