FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
année 1896-1897 M0 104
IDES
HDICÀTIOIS EE L'ÀIPDTÀTION
DANS LA
Gangrène des membres chez les Diabétiques
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 81 Juillet 1897
PAR
François-Louis BARAILLAUD
Né àDoix(Vendée),le 19 octobre 1869.
/ MM. demons professeur.... Président.
. , . ,
\
boursiep> professeur....i Examinateurs dela These: princeteau agrégé Juges.moure agrégé.
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur
les
diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1897
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS
Professeui\s ho11oraives.
MM.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecine légale MORAGHE.
Physique...
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Chimie BLAREZ.
Histoire naturelle ... GU1LLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
Matièremédicale.... de NABIAS.
Médecine expérimen¬
tale FERRÉ.
Clinique ophtalmolo¬
gique.. BADAL.
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants P1ÉCHAUD.
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AGRÉGÉS EA' EXERCICE :
section demédecine (Pathologie interneet Médecine légale.)
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Physique
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peutique
générales.' YERGELV.
Thérapeutique
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Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOLS.
Anatomie pathologi¬
que
COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
Pathologie externe
Par délibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les
Thesesquiluisontprésentéesdoivent êtreconsidérées comme propres
à leurs
auteurs,et
qu'ellen'entend leurdonnerniapprobation ni
improbation.
Amon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR DEMONS
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
INTRODUCTION
Dansle cours de nos
études médicales, nous avons eu l'oc¬
casion de voir opérer
deux malades diabétiques atteints de
gangrène des membres. Les résultats heureux de l'interven¬
tion,jadispeu
espérés, nous ont donné l'idée de traiter le
sujet qui va nous
servir de thèse inaugurale.
L'opinion est
encoreadmise, que les diabétiques sont des
malades
inopérables,
queles gangrènes diabétiques sont
inévitablement suivies de
complications redoutables, de réci¬
dive dans la plaie.
Notre but est de montrer que la gangrène
des membres chez les
diabétiques, quelque sombre qu'en
soit le
pronostic, doit bénéficier des progrès de la chirurgie.
Avec le secours de
l'antisepsie, le chirurgien, devant un cas
de
gangrène diabétique, ne doit pas rester inactif, et abandon¬
ner à la nature lesoin
d'une guérison qu'il n'espère pas.
Dans un
premier chapitre, nous ferons une esquisse rapide
del'histoire de
l'intervention chirurgicale dans la gangrène
chez les diabétiques.
Nous
verronscomment la découverte
de
l'antisepsie
amodifié, du tout au tout, la thérapeutique
chez ces malades.
Un second chapitre sera
consacré à la pathogénie et à
l'étiologie de
la gangrène des membres chez les diabé¬
tiques.
Dans le troisième
chapitre,
noustraiterons de la sympto-
matologie, de
la marche et du pronostic de cette gangrène,
abandonnéeà elle-même.
Deux observations
recueillies dans les services de M. le
professeur
Démons et de M. le Dr Dubourg, auxquelles nous
— 8 —
ajouterons quelques cas publiés dans les journaux de mé¬
decine, constitueront un quatrième chapitre.
Enfin,dans
lecinquième
etdernierchapitre,
nousparlerons du traitement des gangrènes des membres chez les maladesdiabétiques,
traitement que nous avons vu donner de bons résultats et que nous savons suivi par deschirurgiens
qui ont autorité dans la matière.Nous n'avons pas la prétention, dans notretravail, de tran¬
cher une question encore discutée. Notre prétention, plus modeste, estde réunir quelques faits,
quelques
idées. Nousserons heureux si nous avons pu, parnosraisons, entraîner quelques timides, hésitant encore à suivre une voie que nous croyons plus avantageuse etplus profitable à de mal¬
heureux maladeset que nosdevancierssecroyaientcontraints d'abandonner.
Au moment de quitter la Faculté pour aborder une car¬
rière de nosjours si pénible, mais qui a su conserver son
prestige d'honorabilité et de haute valeur
scientifique,
qu'ilnous soit permis de
témoigner
notre reconnaissance à ceuxqui ont bien voulu nous en faciliter l'accès.
Nous sommesheureux de trouver ici l'occasion d'affirmer à nos amis M. Leps et G. Thinault, avocats au barreau de Poitiers, que jamais nous n'oublierons les
témoignages
consolants de sincère et affectueuse amitié dont ils n'ont cessé de nous entourer.
QueM.le professeuragrégé LeDantec, qui pendantlecours de nos études etmême à des moments plus malheureux ne nousa pasménagél'appui desaconstante
sollicitude,
reçoive ici l'assurance de notre profonde gratitude.Nous remercions égalementM. le Chefde
Clinique Bégouin,
auquel nousdevons l'idée de notre thèseinaugurale,
pour les conseilsqu'il nousa prodiguésavec uneinfatigable bien¬veillance.
M.leprofesseurDémonsabien vouluaccepter la présidence de notre thèse. Nous le remercions de l'honneur qu'il nous fait etnousl'assuronsde notre respectueusereconnaissance.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Sans en connaître la pathogénie, les Anciens avaient déjà
été frappés cle certaines formes spécialement funestes de
gangrènes.
Il nous est permis de croire que souvent ils eurent affaire à des gangrènes chez des diabétiques. Aussi trouve-t-on chez eux, nettement formulées, les règles de l'intervention. Hippocrate, dans les gangrènes des membres, conseille d'amputer au-dessous du sillon d'élimination.Celse,au contraire, veutque l'on coupedans les tissussains.
Fabrice de Helden rejette absolument toute intervention dans les parties mortes. Quesnay ne recommande que les scarifications ayant pour résultat,
ajoute-t-il
: « Defaciliter
la
séparation
des parties mortes d'avec les parties vives, si la gangrèneest limitée; amputer, dansle
cas contraire, oùellea envahi tout un membre. »
Les relations de la gnngrène avecle diabète et les accidents chirurgicaux dont cette diathèse peut être la cause, ne furent guère connus avant 1852. A cette époque, dans un rapport documenté, Marchai de Cnlvi les signala à l'Acadé¬
mie. En 1864, il compléta son œuvre par ses Recherches sur
les accidents
diabétiques
etEssai d'une théorie générale
sur le diabète. Avant lui, Franck, Carmicliaël, Ilogdkin avaient noté la coïncidence de la gangrène et du diabète sans y voir— 10 —
davantage
qu'une coïncidence malheureuse. On confondait généralement les gangrènesdiabétiques
avec la gangrène sénile, dont elles offrent beaucoup de caractères. Musset (deSainte-Terre),
un despremiers, confirma les idées de Mar¬chai. Un de ses malades, dont l'observation est reproduite plus loin,
opéré
par lui pour gangrène, fut atteint l'annéesuivante d'accidents identiques dans l'autre membre.Musset
avait eu connaissance du rapport de Marchai de Calvi. Cette récidive éveilla en lui l'idée de l'existence possible du diabète
chez son malade. L'analyse des urines confirma ses soup¬
çons.
Marchai, qui appelait le diabète « diathèse phlogoso-gan- gréneuse », disait que le sucre, en circulant dans les tissus, créeun état,unedisposition spécialede l'organisme avecdes
manifestations ou affections locales toujours empreintes du
même cachet. Le sucre est une cause de diminution de la réaction telle, que des accidents, bénins par eux-mêmes, prennent chez les diabétiques une intensitéparticulièrement aggravante.
Depuis lors, la gangrène diabétique fut étudiée et connue.
Dionis des Carrières, Dupuy de Fronsac, Favrot, Leudet
publièrent
des faits*de plus en plus confirmants. Mais, en même temps, on remarquait le pronostic spécialement som¬bre de cette affection etl'insuccès habituel de l'intervention chirurgicale. Persuadés de leur impuissance, frappés de ces tristes résultats, les chirurgiens accentuèrent deplusenplus
leurs tendances à une thérapeutique d'expectation, laissant
à la nature, àl'organisme reconstitué, le soin de tout répa¬
rer. Quelques-uns même se
prononcèrent
contre toute inter¬vention armée. La récidive des accidents, l'aggravation de l'état général, le réveil possible de
la diathèse après
l'opéra¬tion autorisaient en effet cette conduite. Ne voyait-on pas, presque
fatalement,
un phlegmon, unanthrax, chez
undiabétique, progressermalgré les incisions, les débridements
et les cautérisations. Les exemples n'étaient pas rares de malades opérés pour une
gangrène
d'unorteil, auxquels
il— il —
fallait successivement enlever un métatarsien, faire un
Choppart, amputer
la jambe et enfin la cuisse. En 1862. Lan-
clouzyQ) citait le
casde trois hommes vigoureux, morts
après de simplesécorchures.
«Lesdiabétiques, disait-il, sont
de véritables noli me
tangere\ il faut attacher chez
euxla
plus grande importanceà la plus insignifiante écorchure.
» En 1866, Verneuil(2), à l'Académie de chirurgie, signalait
la fréquence et la
gravité des anthrax, furoncles et phleg¬
monschez les diabétiques. Il
ajoutait
: «J'ai refusé d'amputer
les malades où cette indication était posée. J'ai, en
effet,
re¬marqué queles
incisions
quej'ai pratiquées ont toujours
été suivies d'une perte de sang
relativement énorme, et
que, toujoursaussi, l'état du malade avait été fâcheusement
aggravé à
la suite de cette spoliation involontaire
».Il se
rappelleavoir amputé dans trois
cas,qu'il prit
pourde la
pourriture
d'hôpital et qu'aujourd'hui il croit être des gan¬
grènes diabétiques. Ses
malades sont morts, il
accusele
diabète.
Quelques
chirurgiens cependant
serefusèrent à cette
méthode trop
absolue. Tout
enreconnaissant la gravité apportée
parla présence du
sucreà tous les accidents
inflammatoires, ilsne voulurent pas se
reconnaître désar¬
més. Legouest
(3) conseille les incisions et les débridements
sur les escharres. Trélat
(4) reconnaît
quele
sucreapporte
une indication nouvelle, celle du traitement
antidiabétique,
maisnedoitpas
contre-indiquer toute intervention. LarreyQ)
va plus loin et
admet l'amputation, mais seulement dans le
casde gangrène
limitée.
Néanmoins, ces chirurgiens,
si éminents, demeuraient
timides et n'auraient osé fairesupporter
à
undiabétique le
choc d'une
opération sérieuse. Mais ils firent école. En 1869,
i1) Landouzy, Union médicale,
1862.
(s) Verneuil, Gazette des hôpitaux,
1866.
(3)Legouest, Gazette deshôpitaux, 1866.
6) Trélat, Gazette des hôpitaux,
1866.
(5) Larrey, Gazette des hôpitaux,
1866.
— 12 -
Demarquay
publie un cas de phimosisdiabétique
opéré et guéri. Perrin apporte de nombreuxcas de cataractes diabéti¬ques extraites avec succès et sans complication. EnfinLéoty,
en1873, dans sathèsede l'«Influencedudiabètesurlesplaies»,
montre lesavantages de l'intervention sur
l'expectation
chez lesdiabétiques.
Ladécouverte de
l'antisepsie,
l'heureuse influence de la méthode listerienne sur la chirurgie en général, modifièrentencore les idées. Verneuil
(Q
lui-même écrit,en 1879: «Depuis l'introduction des pansementsantiseptiques,
les blessures chezlesdiabétiques
ont certainement perdu de leurgravité,etje ne porte plus sur elles
l'effrayant
pronostic que je for¬mulais en 1870. Les opérés
diabétiques
doivent, comme tous lesautres, des actions degrâce à la méthodeantiseptique.
» Maisl'antisepsie
était alors dans son enfance. Il y eut des insuccès, certainementimputables
à uneobservation impar¬faite des règles et des préceptes de Lister. Quelques-uns, timides ou incrédules, ne voulurent pas voir les heureux résultats. Denosjours, des
chirurgiens
même de valeur se montrent hésitants devant des cas d'accidents inflamma¬toires chez des
diabétiques.
Si tous reconnaissent à la mé¬thode
antiseptique
son absolue efficacité, si tous acceptent,souscette garantie, l'intervention chirurgicale chez les dia¬
bétiqueset pratiquentavecsuccèset confiance des incisions, des
débridements,
dans des cas condamnésjadis, quelques-uns encore s'abstiennent devant des indications plus im¬
portantes. La gangrène des membres, avec ses récidives si fréquentes, ses complications, a particulièrement le triste privilège de trouver des timides.
Ilnous a été permis, à deux reprises, de constater les heu¬
reux résultats de l'amputation pourgangrène
diabétique.
La lecture des journaux étrangers nous a, en outre, faitcon¬naître des faits indéniables
d'amputation
heureuse chez desdiabétiques.
Aussi espérons-nous, avecl'appui
des maîtres(9 Verneuil, Revue mensuelle, 1879.
— 13 —
français
et étrangers, arriver à démontrer que lagangrène
chez les diabétiques doit, comme les autres affections, béné¬
ficier de la thérapeutique chirurgicale et que l'amputation
du membre
gangréné
estl'intervention le plusspécialement
indiquée. C'est làle but
de notre travail.CHAPITRE II
Pathogénie
etétiologie de la gangrène
chez les
diabétiques.
Depuis longtemps,
ainsi
que nousl'avons dit,
onavait
constaté la susceptibilité
particulière des diabétiques
aux gangrènes. Parmi cesgangrènes, les gangrènes des extrémi¬
tés sont plus spécialement
fréquentes. Mais quel
estle
mécanismepar lequel se
produisent les lésions? Quelleest la
raison de cette
susceptibilité?
Lesthéories
sontnombreuses,
etlejourcomplet n'est pas encore fait sur
la question.
Le plan de notretravail ne nouspermet pas
d'envisager
le diabète dans toutes ses manifestations. Nous ne voulons, danscechapitre,étudier
quela gangrène des
membreschez
les diabétiques. C'est donc
l'affection locale
que nous allonsexaminer.
Kuchenmeister fait de la
gangrène
l'émonctoire du sucre.Schiff prétend que la
glycosurie
estl'effet
et non la cause dela gangrène, s'appuyant sur ce
fait, maintes fois
constaté,({ue laglycosuriea
disparu après l'amputation du membre
gangréné. Demarquay,Ladevèze, voient mieux,
en disantque l'imprégnation des
tissus
parle
sucreleur
est unecause de déchéance qui
les rend plus susceptibles
auxmoin¬
dres lésions.
Après
eux, enétendant la question,
on afait de
la gangrène la résultante
de la dyscrasie sanguine
et orga-nique dont la
glycosurie
est le symptôme. Les membresplus
exposés seraient plus souventfrappés.Récemment la question a été étudiée d'une façon plus pré¬
cise. Le microscope a permis de constater et d'édifier sur des bases plus solides. Auclié
(-1),
en 1892, a montré l'in¬fluence de la névrite périphérique dans
l'évolution
de la gangrène chez les diabétiques. Ses conclusions peuvent se résumer ainsi :1° Des névrites
périphériques
peuvent se développer dansle diabète sans l'intervention d'aucune autre cause;
2° Elles se traduisent par un ensemble de troubles intéres¬
sant la motilité, la sensibilité, la nutritionet le
système
vaso- moteur;3° Leur pathogénie ne doit pas être cherchée uniquement
dans la présence du sucredans les tissus sur les nerfs péri¬
phériques. Ces névrites sont probablement dues à plusieurs
causes: anhydrémie, acétonémie, troubles de nutrition géné¬
rale. Enfin, peut-être, action de substances chimiques mal définiesqui circulent dans le sangdes diabétiques.
Ces névrites périphériques peuvent donc expliquer la gan¬
grène. Leur cortègede troubles trophiques, d'anesthésie, de douleurs, prodromes habituels de la gangrène, est sympto- matique d'une déchéance de l'organisme, qui ne peut oppo¬
ser aux agents de destruction une résistance sérieuse.
Reynier,danssacommunication, reconnaît aussi l'existence des névrites périphériques et leur
rôle dans l'étiologie
de la gangrène diabétique. Il démontre l'importance, comme élé¬ment de diagnostic et de pronostic, de
l'absence
ou de lacon¬servation des réflexes patellaires dans le
diabète.
Le réflexe rotulien a-t-il disparu? Reyniercondamne
et refuse toute intervention comme dangereuse et inutile. Commentant les dernières découvertes, il reconnaît l'existence des diabètesnerveux et pancréatique
à
marcheparticulièrement
rapideet fatale. Aux névrites, il ajoute la notion de l'athéromeet
(p Auché, Archives demédecine expérimentale, II, 1892.
— \i —
del'artériosclérose, si fréquents
chez les séniles et les débi¬
lités. La
gangrène
desmembres,
eneffet,
nefrappe guère
que les
diabétiques d'âge
mur.Quoi d'étonnant, dès lors, à
ce que si aux autres causes
de déchéance viennent s'ajouter
l'athérome artériel, la
phlébosclérose, les tissus soient dans
un état
particulier
deminoris resistantiœ? Arrivée impar¬
faite d'un sang impur,
telle est
pourHeidenhain la
cause de la gangrène chezles malades diabétiques.
Pour nous, aucune cause ne
doit être plus spécialement invoquée qu'une autre. A chacune
ondoit reconnaître
sapart
d'intervention ; très souventon
les
trouveréunies. Le résul¬
tat est celui-ci: quele
diabétique
a sonorganisme incapable
de résistance aux agents
extérieurs.
Lesucre,la circulation
mal assurée, les névrites, les lésions
viscérales concomi¬
tantes troublent la vitalité des tissus : « Il existe chez ces malades, dit Kœnig
(4),
uneréceptivité plus grande, leurs
tissus sont un meilleur milieude culture, parsuite du chan¬
gement chimique
qu'ils subissent. Ils paraissent,
commeil
ressortdes recherches du professeur
Ebstein, plus exposés
àla nécrose. »
A ces causes de déchéance, déjà
suffisantes, les découver¬
tes de la science en ont
ajouté
une autre,dont le rôle est
considérable : nous voulons parler de
l'infection micro¬
bienne. Il a été constaté maintes fois que tant que
les
téguments sontrestés intacts, la gangrène
aoffert moins de
tendance à l'envahissement. Mais
qu'une irritation vienne à
se produire, une
ulcération,
uneécorchure, la gangrène
vabientôt prendre une
intensité effrayante et
progresserrapi¬
dement. C'est que par cette
plaie,
parcette porte d'entrée, le
microbe s'est introduit, et sur ces tissus, sur cet
organisme
débilité pullule et
acquiert
uneaction pyogène particulière.
L'influence du milieu sur le développement du
microbe
est depuis
longtemps démontrée. Grœwitz (2)
a reconnuque
(fi Kœnig, Centralblatt furChirurgie, 1887.
fi) Vidal, Thèse de Lyon, 189&.
Bar, S
- 18 —
l'injection d'une culture de microbes pyogènes,
même
dansla cavité abdominale, n'amenait la suppuration que si elle était
suspendue dans
unliquide caustique
ou unesubstance
capable de désorganiser les tissus. Tel serait,d'après
lui, lemode d'action du sucre au milieu des tissus, Otto Bujwid
(*)
a fait des expériences
intéressantes
avecdes solutions
sucrées. Ilinjecte une culture de staphylocoques : elle n'est
nuisible que si on introduit en même tempsune
solution
deglycose à
250/0. Si la solution est plus faible, à 12 0/0
par exemple, une seule injection nesuffit
pas,il fout la répéter
quatre jours de suite. Le résultat estnégatif si Ton
com¬mence les injections quatre jours
après l'introduction
dumicrobe. En outre, dit-il, si,
après
avoirinjecté
du sucre dans les veines, on introduit le microbe sousla
peau, il seproduit unegangrène semblableaux
gangrènes diabétiques.
L'état du sujet joue donc un
grand rôle dans l'action des
agentsinfectieux, et «c'estuneerreurde croire, ditM. Roger,
qu'un microbepathogène, introduit dans
unorganisme,
déterminetoujoursune
maladie et toujours la même maladie.
» Pour que l'infection se
produise, il fout
enquelque sorte
le consentement de l'organisme, et
les caractères cliniques
qu'elleprésentera dépendront bien plus de l'état du sujet
envahi que de
l'agent envahisseur. Suivant la disposition du
sujet, la lésion serabénigneou
grave,circonscrite
oudiffuse,
franchement inflammatoireou purulente, ou
torpide
et gan¬greneuse.
»La
gangrène relève,
eneffet, des mêmes agents microbiens
que la
suppuration, la différence clinique tient à l'état diffé¬
rent du malade ».Jannel
(2),
auCongrès de chirurgie, est du
mêmeavis. « Tel microbe, dit-il,plusou
moins banal, inoculé
sur le membre d'un organisme
intoxiqué d'avance, pullule
à l'excès et aboutit à gangrener
la région où il est inoculé.
Ce n'est pas le
microbe qui est spécialement virulent, c'est
l'organisme qui est
débilité et cultivable.
» (1) Vidal, Thèse de Lyon, 1892.(2) Jannel,Congrès de chirurgie, 1892.
— il) —
Il résulte des expériences
précédentes
que lesgangrènes
chez les
diabétiques
sont souventconsécutives à
uneinfec¬
tion et empruntentleur gravité
à
l'état de cesmalades.
La phagocytose chezeux peuactive,leur réceptivité plus grande,
la virulence des microbes en
présence
du sucre,expliquent
la fréquence et la marche rapide des
gangrènes. Ces micro¬
bes, d'où proviennent-ils ? Chacun
sait combien nombreux
sontles microbes
pyogènes
répandus autourde
nouset
ennous.
Comme le fait remarquer M. Roger « ce sont nos hôtes habituels, généralement inoffensifs, mais représentant un danger permanent». Qu'un
traumatisme,
unesolution de
continuité de la peau se produise,cesmicrobes, qui chez les sujets sains
n'auraient déterminé
qu'une irritationbénigne,
trouvant chez les diabétiques un milieu favorable à leur développement, donneront lieu
à
desphénomènes inflamma¬
toires graves. Quelques-unes de nos observations reprodui¬
sent, ainsi qu'on le verra, le fait de gangrènes d'un
pied,
d'un membre, consécutives à un cor, à unpanaris,
à
unmal perforant. On cite des faits de gangrène survenusà la suite de compression par la bande d'Esmarch.En résumé, la pathogénie des
gangrènes
des membres est complexe.L'imprégnation
des tissus par le sucre, lesnévri¬
tes
périphériques, l'athérome, l'infection microbienne,
ladébilitation de l'organisme, sont lescauses parfois séparées,
souventréunies, de la mortification des tissus de la gangrène
chez lesdiabétiques.
CHAPITRE III
Symptomatologie. Marche. Pronostic.
La gangrène des membres chez les
diabétiques,
nous l'avons démontré, résulte d'un processus pathogéniquepresque
toujours complexe.
Lessymptômes de la marche
de cette affection sont évidemment en rapport avec
les
diverses causesqui
l'ont
produite.Néanmoins, cliniquement,
il est permis de
simplifier
la question. Nousadopterons
laclassification donnéeparJannelau
Congrès
deChirurgie
de 1892, pour toutesles
gangrènes. Aveclui
nousdiviserons les
gangrènes diabétiques des membres engangrènes aseptiques
et
gangrènes septiques.
Les gangrènes aseptiques, dans
lesquelles
on nereconnaît
l'action d'aucun agent microbien, sontle résultat de troubles purement
trophiques. L'artérite, la phlébite, les névrites pé¬
riphériques en sont
les
causesordinaires. L'imprégnation
des tissus par le sucre y ajouteson
influence néfaste. C'est la
forme dite gangrène
sèche.
La marche en estordinairement
lente, sans tendance à uneprogression rapide. L'apparitionen est généralement
annoncée
par desprodromes divers,
tels que, picotements,
fourmillements, anesthésie locale,
symptômes de troublestrophiques.
Ladouleur, habituelle¬
mentsourde, revêt parfois une intensité
particulière quand'
il y a artêriteconcomitante. Cette «
anesthésie douloureuse
»se rencontre fréquemment dans la
gangrène diabétique.
Bientôt
apparaît,
autourd'un
ongle, surla peau, unetache
noire qui
s'étend
peuà
peu. La gangrène estconstituée.
Dans le cas d'artériteavec oblitération artérielle, la douleur- est subite, intense. Les pulsations de
l'artère
ne sont pas perçues auniveau de la lésion et même au-dessus. La
peau devient noire, sèche, parcheminée. Desphlyctènes
apparais¬sent, remplies d'une
sérosité louche, dans laquelle le micros¬
cope ne
décèle
aucunmicrobe.
Le plus souvent, la
gangrène
diabétique sèche selimite, et
alors on voit
apparaître
un sillon qui marque les limitesdu
mal et au niveau duquel vont se produire les réactions
répa¬
ratrices d'élimination et de cicatrisation. Abandonnée à elle-même cette gangrène peut avoir une
durée
fortlongue,
sans complication.
Mais cette gangrène sèche, trophique, aseptique, peut
s'in¬
fecter. La scène changed'aspect, c'est la
gangrène septique.
Une porte d'entrée s'estouverte aux
microbes agents de l'in¬
fection. Ce n'estplus la
gangrène sèche aseptique, c'est la
gangrène septique qui devienthumide.
Uneexcoriation,
une plaie, mal soignées, ontété l'occasion de phénomènes d'irri¬
tation inflammatoire. Ces
phénomènes
qui eussent pu, ail¬leurs, êtreinsignifiants, prennent, dans ce
milieu,
sur cet organisme, une intensité vraiment effrayante. Souvent aussila gangrène chez les
diabétiques
est humided'emblée.
Uncor au pied, une plaie, un panaris, chez des
individus diabé¬
tiques, mais en bon état,jusque-là simplement
rebelles,
pré¬sentent toutà coup une aggravation inquiétante. L'inflam¬
mation s'étend et gagnede procheenproche. L'infection s'est produite, soitpar les soins mal
dirigés,
soitpour toute autre raison. La gangrène va évoluer avecrapidité. Les tissus sont œdématiés,infiltrés; le membre tout entier est soulevé parune sérosité d'odeur infecte,.caractéristique. Les téguments pâles, violacés, sont couverts de
phlyctènes
purulentes. Des fistules se produisent, laissant échapper des lambeaux de tissusphacélé. C'est de la putréfaction.
Les agents micro-— 23 —
biens, sur ces tissus,
imprégnés de
sucre,mal nourris, ont
pris unevirulence telle
quela mortification s'ensuit avec
une rapidité
terrible.
Enmême temps les phénomènes géné¬
rauxs'accentuent. La fièvre s'allume; le malade,
affaissé,
tombe bien vite dans le coma. Le dénouement fatal est
inévi¬
table, si l'on
n'intervient rapidement.
Ce
qui fait,
eneffet, le danger de
cesgangrènes, c'est
qu'elles ont peu
de tendance à
selimiter. Au contraire, dans
lecas de
gangrène
septique, enquelques heures,
en unjour,
un membre entier est envahi. En même temps, ces
microbes
ne
produisent
passeulement la mortification des tissus. Des
toxines sont sécrétées au niveau de la
gangrène, toxines
sécrétées par les
microbes pathogènes, toxines résultant
d'actions chimiques
produites
aumilieu des tissus. Ces toxi¬
nes résorbées, en
quantité d'autant plus grande
quela lésion
est plus
étendue, vont intoxiquer rapidement
unorganisme,
qui
déjà
nepeutguère réagir. Aussi,
sansle secours d'une
prompte et
intelligente intervention, le malade est-il, fatale¬
ment, età courte
échéance, condamné à la septicémie et à la
cachexie par
infection.
Bien que
moins sombre, le pronostic de la gangrène sèche
nelaisse pas
d'offrir
unecertaine gravité. L'infection, tou¬
jours imminente, avec ce
milieu si favorable, si cultivable,
peutse
produire. Dès lors, la gangrène sèche, devenant gan¬
grène
humide, offre les mêmes dangers d'infection et de
cachexie. Heureusementla
gangrène aseptique peut rester
aseptique. Lesexemples
nemanquent pas, hélas rares, de
gangrènes sèches qui n'ont
pasentraîne la mort du malade.
Le danger n'existe pas
moins, abstraction faite de l'infection
microbienne
possible. Même dans
ce cas,et Gangolphe l'a
bien montré, il se
produit
ausein des tissus mortifiés des
réactions chimiques
pouvant engendrer des toxines
pyro- gènes dontla résorption conduit vite à la cachexie et au
marasme. Cette intoxication par toxines
pyrogènes
nonmi¬
crobiennes écartée, d'autres
inconvénients subsistent. L'or¬
ganisme
débilité n'est
pas enétat de suffire à
unerépara-
— 24 —
tion
parfaite.
Laréaction
an niveau du sillon d'élimination est insuffisante; la cicatrisation sera longue. Un moignon disgracieux, incommode, pourra en résulter. Au niveau de la plaie, la suppuration peut persister, jusqu'à ce qu'une com¬plication viscérale, intercurrente, vienne clore la scène en
emportant le malade.
Il est donc non seulement utile, mais nécessaire, d'inter¬
venir dans les gangrènes des membres chez les
diabétiques.
Dans un chapitre précédent nous avons montré les varia¬
tions de la
thérapeutique
chirurgicale en pareil cas. Nous espérons, par leschapitres
suivants, prouver que l'interven¬tion radicale est urgente et que le pronostic opératoire ne doit plus être envisagé commeaussi sombre quejadis.
p
CHAPITRE IV
OBSERVATIONS
Observation I
(Observation de Musset, de Sainte-Terre, Gironde.)
Malade decinquante-huitans, haute taille, jadis robuste, ayant eu pour toute maladie unesciatique fort
douloureuse du côté droit, qui,
pendant vingt ans,le fitsouffrir
à diverses reprises.Cet hommeprésente, en 1850, du sphacèle du
deuxième orteil; la
phalangette semortifie en un mois. Musset pèrefait l'amputation
etreconnaît quela phalangette adjacente est atteinte. Deux mois après
toutlepied est
sphacélé. Plusieurs médecins avaient porté le diagnostic
degangrène sénile par ossification
artérielle.
Pasd'amputation possible;
expectation, mortprobable. Trois mois après
la
gangrènes'était limitée
àquatre travers de doigt au-dessus des
malléoles.
M. Mussetfils fut alors appelé. Le malade, maigre, pâle, minépar
la
fièvre hectique et par une diarrhée profuse, sansappétit, sans
sommeil,
était alité depuis près d'un an. Lepied se
fondait
ensuppuration
et se désarticulaitpièce à pièce. Point d'œdème du membre,nid'angioleucite,artère fémorale saine. Expectation près d'un mois.
Amputation le 28 juin 1852. Aucun
accident,
nipendant, ni après; la
cicatrisationse fit dans le temps ordinaire, et pendant dix-huit mois
le
maladevécut heureux.
Aubout de cetemps, la jambe saine est prise à son tour. Le même processus serenouvelle. C'est alors que Musset, ayant lu le mémoire de
Marchai de Calvi, soupçonnale diabète. Il fait l'analyse des urines,
trouve du sucre. Ses soupçons confirmés, ilse conforme àlaméthode de
l'époqueets'abstient.
Il nous a été impossible de savoir à quel niveau avait été faitel'amputation. Cette observation néanmoins est intéres¬
sante au point de vue
historique
et parce qu'elle nous mon¬tre les avantages de l'intervention. Il est regrettable égale¬
ment que l'on ne sachepas ce que devint le sujet après sa deuxièmeatteinte.
Observation II
(Demler, Revue de Chirurgie, 1883.)
Gangrène des deux pieds chez unsujetdiabétiqueetpaludéen.
Aimputation. Guérison.
Un homme de cinquanteet un ans est pris d'un accès paludéen perni¬
cieux pourlequel il est reçu à l'hôpital. Examen des urines :pas de
sucre.
Quatre mois après ilrevenait avec une gangrène des deux pieds et
une glycosurie notable. L'amputation est pratiquée d'un côté et suivie d'une amélioration de l'état général et d'une diminution importante
danslaquantité du sucrerendu.
Ce résultat encouragele chirurgien à amputer l'autre pied; le sucre
disparaît rapidement après cette deuxième amputation et le malade guérit.
Cefait est remarquable en cequ'il montre les bénéfices de
l'opération.
Mais M. Chauvel fait .observer qu'on ne peut affirmer que la glycosurie trait \pas précédé la gangrène.Malheureusement, comme pour l'observation précédente,
nous n'avons pu connaître le niveau de
l'amputation.
Observation III
(M. Bessette, Revue cle
Chirurgie, 1884.)
Amputationde
Choppart chez
unalcoolo-diabétique.
Malade alcoolo-diabétique. Gangrène
des orteils. Le malade s'est
coupé un cor au
cinquième orteil, il
enrésulta
uneplaie douloureuse
sans tendance àla cicatrisation ; malgré les pansements
à la poudre de
quinquina,elle s'agrandit, les bords
sedécollèrent et l'articulation de la
phalangette avec
la phalangine s'ouvrit. Amputation du cinquième
orteil; mais les lambeaux se
gangrènent. La gangrène
gagnele
quatrième
orteil. On
cernealors le mal
pardes pointes de feu au
thermo-cautère. Le
sphacèle s'arrête quelques jours, mais reprend sa
marche etenvahit letroisième orteil. On ampute
alors le cinquième et
le quatrième
métatarsien et
onprescrit le traitement antidiabétique.
Malgré cela
le sphacèle n'en continue
pasmoins. On se décide à faire
l'amputation
de Choppart
authermo-cautère. Pansement à la solution
phéniquée
à25
pour1000. A
cemoment le malade est moribond, mais
grâce au
traitement réparateur les forces
serelèvent et la plaie finit
par se
cicatriser, Quelques mois après le diabète était guéri, et le pied
sansdéformationgênante.
Cette observation ne
paraît
apporter aucunargument à
notre thèse. Nous avons tenu à la
reproduire
parcequ'elle
montre les inconvénientsdes interventions
restreintes et
pasassez
éloignées des régions sphacélées. Une amputation
élevée eût très
probablement empêché les récidives. Nous
ferons remarquer,
à cette occasion,
quele thermo-cautère
est un excellent moyen de
diérèse, mais
quecependant il
n'offre pas autant
d'avantages
quele bistouri.
Observation IV
(M. Kœnig. Centralblattfur Chirurgie, 1887.)
Gangrène du pied gauche chezun
diabétique.
Amputationde la jambe. Guérison.Le 28 février 1880, entre dans le service du professeur Kœnig, de Gœttingen,unmalade âgé desoixante-dix ans.Ce malade a eu autrefois des accès de goutte, mais il est guéri depuis longtemps. Il accuse
une polyurie très abondante. L'analyse des urines décèle 2 0/0 de
sucre.
Le6février, lemalade aressenti dans le petit orteil du pied gauche des fourmillements; quelques joursaprès des accidents phlegmoneux se déclarent. A sonentrée,le 20 février, lapeau du dos du piedest tendue, luisante, rouge etenflammée.
Oninstitue un traitement
antidiabétique,
mais le phlegmoncontinue à s'étendre en largeureten profondeur, etle 3mars, la quantitéde sucre dans lesurinesest montée à 40/0.Le malade estdevenusoucieux,ilest abattu.Le 10 mars, en dépitd'un traitement rigoureusement antiseptique, le dos du pied est envahi, la fièvre s'allume, la suppuration s'établit, le malade perd l'appétitetmaigrit très rapidement. La quantité de sucre resteconsidérable.
Ces accidents persistentjusqu'au 26 mars et deviennent de plus en
plus menaçants. M. Kœnigpropose l'amputation de la jambe; elle est acceptée. Antisepsie du champ opératoire. L'opération est faite rapide¬
ment pour éviter la perte desang.
Lelendemain, le maladeéprouve un mieux sensible; la quantité de
sucrediminue. Laplaie, pansée antiseptiquement,se cicatrisetrèsrapi¬
dement. Le maladereprend del'appétit, ettrois semainesaprès l'opéra¬
tion il estcomplètement guéri.
Kœnig s'est,dans ce cas,borné à l'amputation delàjambe.
— 29 —
Nousverronsplus loin, au
chapitre
dutraitement,
quec'est
là volontiers saméthode. Nous n'en avons pas moins ici une
amputation
éloignée
des limitesde la gangrène,
etc'est
pour cette raison que le résultatopératoire
fut heureux.Observation Y
(M. Kœnig, Centralblatt fur Chirurgie, 1887.)
Gangrène du pied gauche chezun diabétique.
Amputation
de lajambe. Guérison.
Le20 mai 1886, entre dans le service du I)r Kœnig, à l'hôpital Auguste-Ier,un malade âgé de quarante ans. Ce
malade
afait
des excèsde bière;il estencore fortet vigoureux. Il a eu, ily a deux ans, une phlébite du dos du pied remontantjusqu'à la cuisse. Depuis
neuf
mois,ilaccuse unesoiftrès vive et a unpeu maigri. La quantité d'urine en vingt-quatre heures est de 3.000 centimètres cubes,contenant 4
0/0
desucreet unpeud'albumine.
Il y aquelques semaines, le malade a ressenti dans le gros orteil du pied gauche desélancements, puiscet orteil est devenu rouge, œdéma¬
teux; la fièvre s'est allumée. Le malade rentre àl'hôpital et on constate
unphlegmon gangréneux du pied. Pansement antiseptiqueettraitement antidiabétique; eau deKarlsbad et acide phéniqueàl'intérieur.
Du 29 maiau 3juin, la gangrène fait desprogrès; le bord internedu piedetle talon sont successivementenvahis, les tissus se sphacèlent, des
abcès apparaissent. On inciseces abcès,
mais l'état
général s'aggrave, l'amaigrissements'accentue etla températuremonte à40°.M.Kœnig proposel'amputation de la
jambe,
qui estacceptée,à cause des douleursviolentes.Le 5juin, l'amputation estfaite dans les parties saines avec uneanti¬
sepsie rigoureuse; pertede sangfaible.
Le 7juin, la température diminue, ainsi quela quantité desucre.
Du 7juin au 20juillet, le malade reprend ses forces, l'appétit est
revenu, et, le 20juillet, il quitte l'hôpital. Plaie entièrement guérie.
Dansce caset dans le cas précédent,
le
sucre,qui
avait disparupendant le traitement antidiabétique, reparait dès
que ce traitement est
cessé. L'amputation de la jambe
asuffi
pour amener
la guérison.
Nousn'en
pensons pasmoins
qu'uneamputation de la cuisse eût été mieux indiquée, à
causede l'extension rapide de la
gangrène.
Observation VI
(Vidal, Thèse de Lyon 1892.)
Amputation cle là cuisse droiteau tiers
inférieur
pourgangrène dia¬
bétique consécutive à des manœuvres
chirurgicales
sur unmal
perforantplantaire.
Guérison.
Le 27 novembre 1800, M. Poucet futappelé à Chàlons-s-ur-Saùne, auprès de M. G.... âgé de
quarante-trois
ans,commissionnaire
envins,
pourjuger de
l'opportunité d'une amputation qui paraissait nécessitée
par une gangrène
humide de la jambe
etdu pied droits.
M. G..., en raisonde saprofession, etau dire des médecins qui l'ont soigné, est un alcoolique de vieille date, grand buveur, gros mangeur,
réputé même pour cela. Il est également rhumatisantet
syphilitique.
L'analyse des urines, au début des accidents, montre 42 grammesde
sucre parvingt-quatre heures.
Le début desaccidentsremonte à quatre jours; ils sont survenus à la
suited'incisions, curettage, grattage d'une ulcération plantaire siégeant
auniveau del'articulation interphalahgieiine du grosorteil.
Depuis trois jours, l'état général sigst aggravé ; ily a un peude délire,
de l'agitation. La température
bucéaïe,
quelques heures avant' l'ampu¬tation, était de 3i)o3. Enprésence de cesphacèle à marche rapide, etde l'étatgénéral mauvais, M. Poncet proposa l'amputation immédiate, acceptée et pratiquée sur le champavec l'aide des médecinsconsultants.
La ligne d'amputation un peu au-dessus du tiersinférieur de la cuisse.
Hémostase assurée par la compression de la fémorale avecle doigt.
Pansement à ciel ouvert; gaze iodoformée. Huit heures après, le malade
avait déjàsommeillé et la température rectale était de 38°. L'améliora¬
tion secontinue. Le 2 décembre,premier pansement;la plaie estgranu¬
leuse. La cicatrisation se poursuit, et six semaines après elle était complète.
Nous avonssu depuis que M. G... est toujours diabétique, qu'il a reprisses habitudes alcooliques. Le pied gauche està son tour atteint de malperforant ulcéré, mais le moignon est très solide.
Cette observation est pour nous concluante et nous ne saurions trop recommander, dans
les
casanalogues, de sui¬
vre fidèlementla conduite du chirurgien de Lyon.
Observation VII
(Inédite).
(CommuniquéeparM. Verdelet, internede M. le D1' Dubourg-.)
Phlegmongangreneux de la main el
de l'avant-bras chez
undiabé¬
tique. Amputation. Guérison.
B..., quarante et un ans, électricien, entre
dans le service de M, le
DrDubourg, salle des
Petits-Payants, lit
7,le 15 novembre 1896,
pour phlegmon de la main droiteetd'une partie de l'avant-bras, consécutif à
un panaris du médius. Ce
panaris avait déjà nécessité trois semaines
avantla désarticulation du doigt. L'opération
fut faite
parle médecin
traitant.
Ace moment, on constate quetoutela main est
tuméfiée, gonflée de
pus s'échappant de divers
orifices
surle dos
etdans la
paumede la
main. Des morceauxdetendons, de tissu
sphacéléf
sortent deces pertuis.La suppuration a envahi les
articulations de la main
etdu poignet. La
zone inflammatoireremontejusqu'à cinqtravers
de doigt au-dessus du
poignet. Le malade exhale uneodeur fétide intolérable.
Etatgénéral mauvais ;
teint cachectique, amaigri,
sansappétit. R...
a continuellementune température variantde 38°
à38° 5. L'analyse des
urines, faite le 18 novembre, donne 60gr. 30 desucre pourvingt-quatre
heures.
— 32 -
Danscesconditions, onn'ose imposerau malade le choc d'une opé¬
rationsérieuse. On seborne à despansementsantiseptiqueset àdes inci¬
sions profondes pour évacuer le pus et permettre la limitation de la gangrène. En même temps, ouprescrituntraitement général approprié:
régime, antipyrine et bromure. Sous l'influence de ces soins, l'infection
selimite, l'état général s'améliore-Le 5décembre,la quantité de sucre est descendue à 17 gr.50par24 heures.
B... demande à rentrer dans sa famille, en attendant que son état général et son état local lui permettent de supporter l'amputation de Pavant-bras, seule intervention possible dans son cas.
L'amputation fut faite, le 28 décembre, par M. le Dr Dubourg, au domicile deB... Compression par la bande d'LIouzé. Amputation au milieu del'avant-bras par le procédé de Ravaton. Désinfection soignée des lambeaux par unlavage ausubliméà
1/1000
puis à l'alcool à 90».Pasde sang perdu. Drains. Sutures. Quinzejoursaprès, la cicatrisation
était complète. L'état général s'était amélioré;la quantité desucre dans
les urines était devenue insignifiante.
M. le Dr Dubourg s'est contenté de
l'amputation
de l'avant- bras, parce qu'il a trouvé des lambeaux en bon état. L'am¬putation du bras eût étépour le malade une mutilation inu¬
tile, puisque la ligne de section portait bien au-dessus des limites du sphacèle.
Observation VIII
(Personnelle, inédite).
Gangrène du pied gauche chezune malade diabétique. Amputation
de la cuisse. Guérison.
La femme dont ils'agit est unemalade de M. leprofesseur Démons; c'est ce qui nous a permis de suivre toutesles phases de la maladie.
Femme, âgée decinquante-quatre ans, ménagère, entrée dans le ser¬
vicele 17juin 1897,pour gangrène humide du pied gauche.
Antécédents héréditaires. — Père mort à quatre-vingts ans, mère morte à quatre-vingt-deux ans; tous deux paraissant avoir joui d'une