L’INDICE DE FIBROSITÉ DES FOINS : MESURE ET RELATIONS
AVEC LA VALEUR ALIMENTAIRE
M. CHENOST
Station de Recherches sur
l’Élevage
des Ruminants,Centre de Recherches
zootechniques et
vétérinaires sur les Ruminants,63 - Theix, près Clermont-Ferrand
SOMMAIRE
Nous avons mis au
point
une méthode permettantd’apprécier
ledegré
de fibrosité des foins par la mesure del’énergie électrique
nécessaire aubroyage
d’un échantillon de 5 g de foin. Cet indice de fibrosité présente une trèsgrande amplitude
de variation(de
i à 8), cequi
permet de différencier des foins decaractéristiques
assez voisines,malgré
unereproductibilité
encore médiocre.L’indice de fibrosité des z5 foins étudiés présente des relations très étroites
(r
> 0,00) avec ladigestibilité
et avec laquantité
de ces foinsqu’ingèrent
des moutons. Il permet ainsi d’estimer leur valeur alimentaire defaçon plus
satisfaisante que la cellulose brute. Cet indice de fibrosité peut constituer un testsimple
etrapide
d’estimation de la valeur alimentaire desfourrages.
INTRODUCTION
Au cours du
premier cycle
decroissance,
lacomposition morphologique,
his-tologique
etchimique
desplantes fourragères
évolue defaçon plus
ou moinsrapide ;
il en est de même au cours des
cycles
de croissance ultérieurs mais defaçon
moins nette, surtout pour lescycles
feuillus desgraminées.
Corrélativement la valeur ali- mentaire de cesplantes
diminueplus
ou moinsrapidement
avecl’âge.
Or! adepuis longtemps
cherché à relier ladigestibilité
desplantes
à leurcomposition chimique plus particulièrement
à leur teneur en résidus membranaires(cellulose Weende, ligno- cellulose)
ou à des constituants membranaires mieux définis(cellulose, lignir!e...).
L’aspect
extérieur d’uneplante
se modifieégalement lorsqu’elle
vieillit :l’impor-
tance et la dureté de ses
tiges augmentent
et elle devientplus grossière
etplus
fibreuse.Nous avons
pensé qu’il
devait êtrepossible
de mesurer ce adegré
de fibrosité » et de le relier ensuite à la valeur alimentaire de laplante.
Paranalogie
avec la mesurede la tendreté de la
viande, (Mr y Ana
etT APPEL , rg 5 6),
nous avons estimé cedegré
de fibrosité par la mesure de la
quantité d’énergie électrique
nécessaire pourbroyer
une certaine
quantité
defourrage
sec dans des conditions bien définies. Il existe très peu d’étudesanalogues ;
seuls à notreconnaissance,
TROELSEN et BIGSBY(ig6q)
au
Canada,
ont tout récemment cherché à relierl’acceptabilité
des foins àl’aptitude
de ces foins à se réduire en
particules
finesaprès
une mastication artificielle.MATÉRIEL
ETMÉTHODE
Parmi un ensemble de foins dont
D EMARQUILLY
mesurait ladigestibilité
surdes moutons
pendant
l’hiver196!-1965,
nous avons choisi 25 foins de valeur alimen- taire etd’aspect physique
différents : le coefficient dedigestibilité
de la matièreorganique
variait de 5r,4à79 ,6
p. IOOet laquantité
de matière sècheingérée
de 37,0 à8 7 , 9
g/kg
pO,75. Nousappelons
« indice de fibrosité » d’un foinl’énergie électrique
nécessaire pour
broyer
5 g de ce foin dans les conditions suivantes :Un échantillon de 5 à io
kg
de foin est haché dans unhache-paille (Koela type Sieger
GO 3r5K) puis grossièrement broyé
dans unbroyeur (Promill type
B.4 C
de 5
CV.) équipé
d’unegrille
à mailles de 4 mm de diamètre. Lebroyat
obtenu esthomogénéisé
et une fraction de 300 g est mise à l’étuve à70 ° pendant
24 heures.I>es
prises
de5 .g
de ceproduit
sec sont introduites defaçon
brutale dansun broyeur
de laboratoire Culatti
équipé
d’unegrille
à mailles de i mm fonctionnant en courant alternatif 220Vmonophasé.
Cebroyeur
e !t branché en série avec un wattmètre enre-gistreur ( 1 )
Richardqui permet d’enregistrer
surpapier
les variations de lapuissance électrique
consommée par le moteur dubroyeur.
Nousenregistrons
ainsi 2 courbespour
chaque prise,
l’unereprésente
les variations de lapuissance
consommée pourbroyer
cetteprise
de 5 g etl’autre,
lapuissance
consomméelorsque
lebroyeur
tourneà vide une fois le
broyage
terminé.L’énergie électrique dépensée (exprimée
en i/ro P
de watt.
heure)
pourbroyer
laprise
estproportionnelle
à la surfacecomprise
entreces deux courbes. La forme des
diagrammes
obtenusdépend
de lafaçon
dont onintroduit la
prise
dans lebroyeur ;
nous avons choisi d’introduirechaque prise
d’unefaçon brutale,
cequi
estplus
facile àreproduire qu’une
introduction lente.R!SUI,TATS
ET DISCUSSIONLa
reproductibilité
de la mesure est pour l’instant médiocre. Le coefficient de variation obtenu avec 6répétitions
par foin varie de 3, à 2o,g p. IOOpour l’ensemble des 25 échantillons. Uneanalyse statistique portant
sur 7 échantillons montre par ailleurs que les coefficients de variation obtenus avec 12répétitions
ne sont passigni-
ficativement inférieurs à ceux obtenus avec 6
répétitions.
( 1
) Nous remercions M. B.-L. Dumont qui a bien voulu nous prêter cet appareil pour effectuer nos mesures.
Les limites de variation de l’indice de fibrosité sont très
grandes (de
I,3q. àio,66)
et bien
supérieures
aux limites de variation de ladigestibilité ;
laplus petite
diffé-rence
significative
au seuil P < o,o5 est de o,23-!— .
Onpeut
donc différencier deIO
façon
satisfaisante des foins decaractéristiques
voisines et tolérer dans une certainemesure une
reproductiblité
médiocre.L’indice de fibrosité des foins
présente
des relations intéressantes d’unepart
avec leur
digestibilité (fig. I ),
et d’autrepart
avec laquantité qu’en ingèrent
desmoutons alimentés ad libitum
(fig. 2 ).
Parsuite,
cet indice de fibrosité est en liaisonavec la
quantité
de matièreorganique digestible ingérée qui
caractérise au mieux la valeur alimentaire(fig. 3 ).
Les liaison.s observées sont étroites et curvilinéaires Elles sont d’ailleursplus
étroiteslorsqu’on
ne considère que des foins de même nature, parexemple
lesgraminées
du Iercycle.
Nous pouvons rendre ces relations linéaires en
prenant
lelogarithme
de l’indicede fibrosité.
Cependant,
cette transformationlogarithmique
modifie la distribution des donnéesqui
n,e sontplus
distribuées normalement. Onpeut
penser que cela estpeut-être
dû au nombre insuffisant dedonnées,
enparticulier
dans la zone desdiges-
tibilités
comprises
entre6 5
p. IOO et 80 p. ioo. Nous donnons donc leséquations
liant l’indice de fibrosité aux différents critères de la valeur alimentaire des foins soit sous forme
curvilinéaire,
soit sous formelogarithmique (fig.
1, 2 et3 ).
La
digestibilité
des 25 foins étudiéspeut
être estimée àpartir
de l’indice de fibrosité d’unefaçon plus précise qu’à partir
de la teneur en cellulose brute(tabl. i) qui
estpourtant
le critère leplus
utilisé encore à l’heure actuelle. Cette relation n’est pas étonnante : ladigestibilité
d’unfourrage dépend
en effet étroitement del’importance
et de lalignification
des membranesqui
sont deuxcaractéristiques responsables
de sa « fibrosité ».I)e
même,
laquantité
defourrage
volontairementingérée
par les moutonspeut
être estimée à
partir
de l’indice de fibrosité d’unefaçon plus précise qu’à partir
dela
digestibilité (tabl. i).
Elledépend
en effet de la vitesse dedégradation
de la massequi
encombre le rumen enparticules
suffisamment fines pour que celles-cipuissent
transiter vers les
compartiments
ultérieurs. Il n’est donc pas étonnantqu’il
existeun
parallèle
entrel’énergie
nécessaire aubroyage
desfourrages
et leur vitesse dedégradation
enparticules fines,
donc laquantité qui
en estingérée.
Endéfinitive,
l’indice de fibrositépermet
d’estimer la valeur alimentaire desfourrages
caractérisée par laquantité
de matièreorganique digestible ingérée,
avec uneprécision qui
estsupérieure
à celle obtenue avec la teneur en cellulose brute.La mesure de l’indice de fibrosité semble satisfaisante et
peut
constituer un testsimple
etrapide
d’estimation de la valeur alimentaire desfourrages
secs ;cependant
il est nécessaire d’améliorer sa
reproductibilité
etd’augmenter
laprécision
desrelations observées. Pour
cela,
nousutiliserons,
lors de nosprochaines
mesures, unappareil qui permettra
de mesurer nonplus l’énergie électrique
maisl’énergie
méca-nique
réellement consommée par lebroyage
desfourrages.
Nous éviterons ainsi l’erreur liée à l’introduction brutale de laprise
de foinqui
entraîne une variation de la vitesse.de rotation du moteur
électrique
et parconséquent
une variation de son rendement.Reçu pour
publication
enjuin
1966.SUMMARY
INDEX OF FIBROUSNESS OF HAYS ; ITS MEASUREMENT AND RELATION TO FEEDING VALUE
:1 method is described
by
which thedegree
of fibrousness ofhay
can be shownby
measurement of the electrical energy needed togrind
asample of
5hay.
This index varieswidely
from Ito 8 sothat
hays
ofquite
similar characteristics may be distinguished from each other.The index of fibrousness of z5
hays
studied was veryclosely
related (r > 70.90) todigestibility
and to intake of the
hays by sheep.
It was thuspossible
to estimate theirfeeding
value more satis-factorily
than from crude fibre. The index of fibrousness could be asimple
andrapid
method forestimation of the
feeding
value offorages.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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