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Submitted on 8 Jun 2017

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Fiction, délire, virtuel

Stéphane Thibierge

To cite this version:

Stéphane Thibierge. Fiction, délire, virtuel : Remarques sur la clinique et la subjectivité contemporaines. Recherches en psychanalyse, Université Paris 7 Denis Diderot, 2015, varia, 1 (19), pp. 7a -12a. �hal-01521522�

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Recherches en Psychanalyse – Research in Psychoanalysis 19│2015

Fiction, délire, virtuel

Remarques sur la clinique et la subjectivité contemporaines

Fiction, Delusion, and the Virtual

Clinical Remarks on Contemporary Subjectivity [En ligne] 30 juin 2015

Stéphane Thibierge

Résumé :

L’on interroge ici l’incidence et les conséquences cliniques et subjectives du virtuel, tel qu’il détermine aujourd’hui l’environnement technique et quotidien de l’existence ordinaire. Sont évoquées et reprises de ce point de vue les distinctions entre virtuel et réalité, virtuel et fiction, fiction et délire, et la notion de jouissance, telle que la sollicite la clinique contemporaine. L’on montre également en quoi la lecture et son apprentissage, et l’interprétation qu’elles rendent possible du trait symbolique, peuvent donner ou restituer une responsabilité subjective parfois compromise ou désorientée par une confusion des registres précédemment cités.

Abstract:

Here we examine the impact and the clinical and subjective consequences of the virtual, such as nowadays it determines the everyday and technical environment of ordinary existence. From this point of view, we evoke and examine distinctions between the virtual and reality, the virtual and fiction, fiction and delusion, and the notion of jouissance such as it is solicited in contemporary clinic practice. We also show how reading and learning to read, and the interpretation of the symbolic trait that they make possible, can give or restore a subjective responsibility that is sometimes compromised or disoriented by a confusion of the registers cited above.

Mots-clefs :

virtuel, réalité; fiction, délire, sujet, autre, sexuation, langage, jouissance, symbolique, interprétation, lecture

Keywords:

virtual, reality, fiction, delusion, subject, other, sexuation, language, jouissance, symbolic, interpretation, reading

On a pu remarquer comment la part croissante du virtuel dans notre vie quotidienne et notre environnement technique peut induire chez certains sujets, surtout des enfants ou des adolescents, mais pas seulement, une confusion plus ou moins prononcée touchant la distinction entre ce registre du virtuel et ce que nous appelons la réalité. La multiplication des écrans où viennent s'agencer, se reproduire ou se

défaire, parfois de façon très rapide et très labile, les éléments de langage et les images où chacun cherche à assurer les coordonnées de cette réalité, favorise dans une certaine mesure cette confusion. Celle-ci peut être bénigne, c'est-à-dire ne pas affecter fondamentalement les coordonnées qui assurent les tenants symboliques et imaginaires d'une existence. Mais elle peut être aussi plus grave, en rendant

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– Varia 2015 Miscellanea 2015 t té lé c h a rg é d e p u is w w w .c a irn .inf o - - 7 8 .2 1 5 .1 1 .1 2 6 2 9 /0 3 /2 0 1 7 0 1 h 0 5 . © A s s o c ia tion R e c h e rc h e s e n p s y c h a n a ly s e

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précaires ces tenants symboliques et imagi- naires, et floue voire inopérante la distinction que nous faisons en principe spontanément entre le virtuel et la réalité.1

La clinique contemporaine nous donne fréquemment l'occasion de relever dans le discours ou les symptômes de certains patients cette incertitude de bord, pour ainsi dire, entre le virtuel et ce qui pour nous a valeur de réalité. À tel moment difficile ou mal assuré de son existence, un sujet peut ainsi témoigner d'une confusion et d'une désorientation importantes concernant ce bord et cette limite, au point que l'on puisse légitimement se demander, dans certains cas, si se maintient effectivement une distinction repérable entre virtuel et réalité, virtuel et fiction, voire si l'on n’a pas affaire à un délire. Certains passages à l'acte spectaculaires, parfois évoqués ensuite par ceux qui les ont commis en relation avec des jeux vidéo, posent directement ces questions, mais nous les rencontrons aussi dans le cadre d'une clinique plus quotidienne et plus ordinaire. C'est la raison pour laquelle il nous paraît intéressant de préciser les distinctions que nous manions, en clinique et en théorie, entre les termes ici sollicités de délire, de fiction ou de virtuel.2 À quoi tient, pour commencer par là, la différence entre un délire et ce qu’on appelle une fiction ? Elle tient principalement à ceci que, dans un délire au sens clinique du terme, nous avons affaire à des éléments de signification qui constituent pour le sujet un noyau de certitude. Ils peuvent être en nombre réduit ou au contraire déployés en une grande floraison très diversifiée : l’important est qu’il s’agit en dernier lieu, pour le sujet qui en parle, de points de certitude. Il y a là, pour lui, un noyau inenta- mable que ne peuvent atteindre le doute ou la critique. De plus, ces points ou ces éléments ne sont pas évoqués par le sujet de n’importe quelle manière. Ils viennent très précisément à la place de ce qui pourrait faire une question, de ce qui pourrait constituer une interrogation, mais qui ne peut pas, justement, faire question ou interrogation. C’est régulièrement l’énigme du sexe et du sexuel qui, là, ne peut se produire

et se dire pour le sujet que sur le mode d’une signification imposée, noyau ou éléments de certitude inentamable.

Un délire se formule dans l’élément du langage, c’est une articulation signifiante, et c’est seulement sous cette forme qu’il peut être produit, et identifié. Pourtant ce qu’il fait entendre n’en reste pas moins à l’écart de la signifiance en tant que telle, dans la mesure où son sens se présente, pour celui qui en est affecté, comme univoque.3 Alors que ce qui fait le propre d’une fiction, c’est qu’elle est prise dans ce qui constitue justement la signifiance et la structure même de la signifiance, c’est-à-dire qu’elle autorise l’équivoque. Elle repose même là-dessus, en tant que fiction : sur ce rapport d’équivoque possible aux éléments qui la constituent.

Pour préciser cette différence entre le délire et la fiction, proposons les quelques remarques suivantes. Une fiction suppose toujours un cadre, une scène. Elle ne se présente pas du tout soudainement et sans crier gare, contrairement à ce qui peut parfois se passer pour un délire – ou pour ce qui revient au même qu’un délire du point de vue de la structure clinique, c’est-à-dire les phénomènes élémen- taires d’une psychose.4 Un phénomène élémentaire, comme l’hallucination verbale par exemple, se présente régulièrement de manière inopinée, inattendue, surprenante pour le sujet. « Il n’y est pas », pour ainsi dire, ça se passe malgré lui et il peut d’ailleurs à cette occasion manifester son angoisse, sa surprise ou encore sa protestation. Et lorsqu’il s’agit d’éléments non pas isolés, mais articulés ensemble, il peut avoir l’impression que ça se construit de façon autonome, sans lui.

Une fiction requiert pour un sujet un certain cadre : il y faut une scène, ou plus précisément les tenants, les portants d’un cadre et d’une scène. Pour produire une fiction, ou simplement pour en reconnaître une, il faut donc les conditions d’un certain semblant, d’un espace minimal de représentation. C’est ce que nous désignons en clinique comme la fonction du

fantasme pour un sujet : ce qui pour lui fait t té

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cadre, crée une fenêtre par où il perçoit son expérience, tout ce qui lui arrive, et par où cette expérience peut prendre pour lui l’aspect de la réalité – autrement dit, ce que nous reconnais- sons habituellement. C’est là sans doute l’occasion de rappeler que pour chacun d’entre nous, en principe, la première fiction qui a pris forme, c’est l’image spéculaire, c’est-à-dire l’image dans le miroir. Ça a été la première des fictions avec laquelle nous sommes venus donner au réel une valeur interprétable, imaginaire au sens où il s’agit d’une image, mais qui pouvait se prêter à l’interprétation. C’est là, peut-on dire, la fonction de l’image spéculaire pour chacun : elle dispose un cadre avec, dans ce cadre, la mise en place de l’image, cette fiction première, ce modèle même de fiction. Si une fiction suppose du jeu possible avec le semblant, c’est qu’elle parle de quoi ? Elle évoque la manière dont un sujet peut faire sien, peut apprendre à « parler » pour son propre compte ce que nous apprenons à parler comme nous pouvons : un manque initial, le manque qui marque et détermine notre relation première à l’autre (et d’abord le Nebenmensch, le proche dont parle Freud, la personne qui soigne l’enfant) et au réel (et d’abord le corps, celui de l’enfant et celui de l’autre). C’est ce dont il s’agit pour nous dans notre relation toute première au langage, à cet Autre qui parle sans que nous sachions du tout ce qu’il nous veut, avec cette dimension de demande radicale que comporte nécessairement pour chacun, au départ, le langage et son rapport au langage. Pourquoi avons-nous les uns et les autres besoin de fiction ? Parce que nous avons affaire, et cela dès les premiers temps de la vie et même bien avant que nous parlions, à ce manque qui est déjà sensible et perceptible, pour le jeune enfant, dans le discours de ses parents, dans leurs échanges, voire dans leur discorde. Ce manque, c’est ce qui nous constitue d’emblée comme inadaptés – et c’est bien de cela, de cette non-adaptation, que nous parlons les uns et les autres. C’est de cela que nous faisons nos fictions, et c’est à partir de là aussi que nous désirons.

Comme nous le savons, et comme Freud le souligne constamment, la cause fondamentale de cette non adaptation du sujet au réel, c’est la sexuation. C’est le fait, pour le sujet humain, d’être obligé de prendre en compte comme il le peut l’absence, l’impossibilité fondamentale d’un rapport définissable, assuré, à l’autre sexe, autrement dit de quelque chose qui fasse un du côté de la sexuation. Et c’est cela que la fiction première de l’image spéculaire vient masquer, mais en même temps rendre travaillable, par la fiction justement.

Ce manque, c’est donc aussi, concrètement, ce que nous pouvons appeler le lieu de l’Autre, car il se présente toujours pour le sujet comme autre, et c’est toujours d’un autre qu’il en reçoit la marque – et d’abord de ses parents. Et ce lieu de l’Autre, c’est proprement le langage, et tout ce que le langage vient manifester.

La mise en place de ce lieu de l’Autre, autrement dit du lieu du langage, permet la mise en place de la fiction. Or cette mise en place est difficile, voire impossible, pour certains sujets – et cela s’avère tout particulièrement repérable dans la clinique contemporaine. Nous savons en effet assez bien en quoi nous pouvons dire que, pour les psychotiques, il y a là une impossibilité. Mais, aujourd’hui, la question ne se pose pas seulement pour les psychotiques, et nous allons revenir sur cette question plus loin, à propos de la différence entre la fiction et le virtuel.

Cette mise en place du lieu de l’Autre pour un sujet, c’est aussi la mise en place d’un trait, ou d’une marque, que l’on peut dire trait du symbolique. C’est en effet le trait ou la marque du manque initial et de structure que nous évoquions, pour le petit sujet humain, et qui va permettre que du semblant puisse venir occu- per pour lui le devant de la scène. Le semblant n’a pas ici de résonance négative ou péjorative : c’est la trame, le filet de langage à travers lequel nous attrapons le réel pour pouvoir le rendre supportable, ou pas trop insupportable. Il s’agit seulement de ceci : faire qu’il puisse être disposé à la fiction, c’est-à-dire disposé au jeu

de l’interprétation et de l’équivoque. Nous t té

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évoquions plus haut l’image spéculaire : cette image spéculaire – notre moi – n’est pas grand- chose sans le langage qui tout de suite commence à l’interpréter, ne serait-ce d’abord qu’avec une parole de la mère : de la mère, du père, de l’entourage – ce sont les romans familiaux – et ensuite avec ce qui deviendra, peu à peu, une parole du sujet. Quand nous avons affaire à l’image spéculaire toute seule, pour ainsi dire automatique, c’est alors que nous sommes dans le registre de la folie. La folie peut être définie, entre autres, comme cette automaticité de fonctionnement de la structure spéculaire.

Pour faire un pas de plus, arrêtons-nous sur ce lieu de l’Autre : lieu également d’un trait de manque qui est la place première, inaugurale, du sujet, justement parce que c’est la place d’un manque – et le sujet n’est d’abord rien d’autre qu’un manque. Remarquons que ce lieu, c’est aussi là où peut se marquer le trait qui permet la lecture. La lecture désigne en effet, dès ses débuts puis toujours ensuite, l’interprétation du trait ou de la marque du manque premier – ce que Lacan appelait le trait unaire. La lecture, c’est en somme la manière dont chacun va apprendre à fabriquer de la fiction avec les marques de ce trait unaire. Et ces marques, ce sont par exemple les lettres qu’un enfant apprend d’abord à écrire, en même temps qu’il apprend à les déchiffrer et à les lire.

Relevons qu’apprendre à lire, c’est ainsi pour une part apprendre à créer de la fiction avec les éléments qu’on déchiffre.5 C’est aussi en quoi cet apprentissage est si important pour un sujet. C’est en effet apprendre à aborder le réel, à pouvoir en proposer une lecture ou des lectures possibles. C’est donc en définitive travailler les portants de ce réel, et rendre possible le cadre ou la fenêtre évoqués plus haut. Cela permet ainsi d’en recevoir une image, sans être confronté à un réel brut, direct – comme celui que rencontre par exemple le sujet psychotique avec l’hallucination.

Le symbolique – le trait de manque dont nous parlons – permet ainsi, quand il peut se faire lecture, à l’imaginaire de se mettre en place.

C’est là un point de première importance pour le devenir d’un sujet humain, en particulier à l’adolescence, où sont éprouvés les embarras et le réel de la sexuation et du rapport à l’autre sexe, avec la difficulté correspondante de devoir parler et mettre en image tout à la fois, c’est-à- dire en fiction, ce rapport à l’autre sexe, et à l’autre tout court.

Pour un certain nombre de raisons, la question de la fiction nous est devenue difficile, au point de pouvoir représenter une véritable impasse pour certains sujets. Cette difficulté peut être rapportée au privilège que le sujet contem- porain accorde à la jouissance : entendons à la jouissance d’un corps isolé, coupé de l’autre – et de l’Autre aussi bien – et qui n’a pas particulièrement ou nécessairement le souci, au moins conscient et assumé, d’une référence régulièrement soutenue et assumée à cet Autre. Lacan avait déjà relevé cette difficulté en évoquant la relative précarité contemporaine des discours qu’il isolait, c’est-à-dire des modalités contemporaines de lien social, au motif notamment de ce privilège accordé à la jouissance d’un corps isolé et fragmenté selon les déterminations de l’objet.

Cet isolement ou cette indépendance parfois revendiquée peuvent certes paraître illusoires, mais cette illusion est entretenue aujourd’hui de multiples manières. Elle tend à substituer la promotion d’une jouissance isolée à ce qui pourrait valoir comme loi commune, c’est-à-dire comme la possibilité de soutenir, pour chacun, un rapport à ce lieu et à ce trait de l’Autre. Ce rapport est soutenu certes comme on le peut, et au gré des difficultés de chacun, mais on était tenu de le mettre en exercice – c’était d’abord l’apprentissage de la lecture, puis le projet plus large d’une éducation et d’une responsabilité assumable dans le tissu social.

Le dernier point que nous évoquerons ici concerne la promotion contemporaine du virtuel. Le virtuel n’est pas la même chose que la fiction, même s’il peut en recouper certains aspects. Le virtuel est aussi lié à ce que nous venons d’évoquer : il peut désigner l’illusion d’un espace ouvert et disponible pour cette t té

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jouissance d’un corps isolé, détaché de toute entrave réelle ou symbolique. Le virtuel peut donner à chacun cette illusion d’une jouissance libre, strictement localisée à son corps. Notons cependant qu’il n’est pas obligatoirement cela, puisque le virtuel peut devenir une fiction : mais il est alors travaillé par le trait du symbolique et par une lecture.

Pour un certain nombre de jeunes dans l’errance, voire en déshérence, avec ce que cela comporte de désorientation, de repli et de violence, ce qui se révèle au premier plan, c’est précisément cet isolement : soit réellement tout seul, soit en bande, dans un espace virtuel disposé pour une jouissance fondamentalement séparée et solitaire. Les « bandes » peuvent tenter de reformer un semblant de lien social, mais il apparaît régulièrement comme trop fermé et exclusif dans les principes de son fonctionnement pour restituer vraiment cette fonction. Ce qui manque souvent ici, ce qui ne trouve pas sa place, c’est un rapport à ce trait du manque, et un maniement travaillé d’une manière ou d’une autre, de ce rapport. Cette situation contemporaine, qui concerne d’ailleurs de nombreux sujets et pas seulement les jeunes, pourrait sans doute être vécue autrement si l’on restituait à ces sujets une possibilité de lire : c’est- à-dire d’isoler dans le réel un trait qui ne soit pas subi comme trait de violence frappant à l’aveugle, ou qui marque comme font les scarifications ou les blessures auto-infligées, ou encore qui fasse passage à l’acte. Il s’agirait plutôt d’un trait

susceptible d’être lu, et qui restitue ces sujets en rupture de fiction et de rapport soutenu à l’Autre, à la possibilité d’une lecture.

Il n’est pas rare aujourd’hui de rencontrer, dans la pratique, des sujets dont les propos peuvent paraître délirants, sans qu’ils soient nécessaire- ment psychotiques pour autant. Ils apparaissent dispersés, angoissés, comme absentés d’eux- mêmes et ignorant apparemment les récits élémentaires dont ils sont issus. Ces sujets peuvent nous venir de contextes très divers : migratoires, traumatiques, déracinés, ou simplement en rupture de lien symbolique un peu soutenu, et pris dans le seul espace virtuel de l’isolement, seul ou en bande, que nous avons décrit. Ce désarroi favorise un rapport à l’Autre réduit à un trait univoque, et donc paranoïaque – puisque ne laissant pas, ou peu, de marge de manœuvre à du jeu ou de l’interprétation. Et, de fait, ces sujets réagissent parfois d’une façon quasi paranoïaque au transfert, recevant comme persécutive une parole qui leur est adressée. Relevons seulement en quoi peut être salutaire d’essayer de réintroduire là un peu de marge pour une lecture, dans le sens d’un jeu possible de la fiction. Il arrive que le fait de poser un cadre, comme on dit, rende possible un lieu pour un minimum de parole, et donc de rapport aux fictions qui ont pu compter pour le sujet. C’est dans ce cas lui donner, ou lui restituer, un accès possible à la lecture et éventuellement à ses conséquences assumées.

Bibliographie :

Czermak, M. (1986). Sur quelques phénomènes élémentaires de la psychose. Passions de l’Objet – Études

psychanalytiques des psychoses. Paris : éd. Joseph Clims.

Freud, S. (2004). Le président Schreber. Paris : PUF. Lacan, J. (1975). De la psychose paranoïaque dans ses

rapports avec la personnalité. Paris : Seuil.

Lacan, J. (1981). Les Psychoses (1955-1956). Séminaire, III. Paris : Seuil.

Massat, A. (2013). Le succès de l'imposture. Paris : Odile Jacob.

Thibierge, S. (2011). Le nom, l'image, l'objet. Paris : PUF.

Notes :

1Cette distinction nous est en effet habituelle et nous la

faisons spontanément. Cela ne signifie pas, bien entendu, que nous la fassions toujours sans nous tromper, mais seulement qu'elle nous est habituelle et familière.

2

Pour une approche voisine de celle que nous évoquons ici, et particulièrement féconde, on se reportera au livre récent d'Alice Massat, Le succès de l'imposture, Odile Jacob, 2013. Nous renvoyons aussi le lecteur à un addendum d’un livre que nous avons récemment publié : « Remarques sur le virtuel et ses effets contemporain », in

Le nom, l'image, l'objet, P.U.F., 2011, p. 389-399.

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Cela n’empêche pas qu’un délire puisse constituer dans une psychose une tentative de guérison, au sens d’une tentative de formulation de l’énigme sexuelle, comme Freud en faisait déjà la remarque à propos du Président Schreber. C’est dire que le délire, et sa fonction chez un sujet, doivent être appréciés chaque fois au cas par cas. Il n’appelle pas de la part du praticien une réponse qui serait elle-même univoque.

4Sur les phénomènes élémentaires de la psychose, Cf.

Marcel Czermak, « Sur quelques phénomènes élémentaires

L’auteur :

Stéphane Thibierge

Psychanalyste, Paris. Membre de l’Association Lacanienne Internationale.

Directeur de recherches à l’Université Paris VII Diderot (CRPMS). Maître de conférences à l’Université de Poitiers.

Université de Poitiers 15, rue de l'Hôtel Dieu 86034 Poitiers Cedex France

de la psychose », in Passions de l’Objet – Études

psychanalytiques des psychoses, éd. Joseph Clims, Paris,

1986 ; on peut se reporter aussi à la thèse de Jacques Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec

la personnalité, Le Seuil, Paris, 1975, et à son séminaire de

1955-1956 sur les psychoses.

5Pour une part, puisqu’on peut lire aussi des lettres

détachées de la fiction, comme lorsqu’on épèle un nom propre par exemple, ou une suite algébrique, etc.

Référence électronique :

Stéphane Thibierge, « Fiction, délire, virtuel,

Remarques sur la clinique et la subjectivité contemporaines », Recherches en Psychanalyse [En ligne], 19|2015, mis en ligne le 30 juin 2015. Texte intégral

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