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Les enjeux d’une pratique de l’activité physique en psychiatrie face au COVID-19 Retour d’expérience sur une adaptation en temps de confinement

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Academic year: 2021

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Les enjeux d’une pratique de l’activité physique en psychiatrie face au COVID-19 Retour d’expérience sur une adaptation en temps de confinement

Marie Agostinucci

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, Agnès Helias-Pean

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, Bernard Andrieu

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, Federico Ossola

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, Nadia

Chaumartin

5 1 Psychomotricienne D.E et Doctorante à L’Institut des Sciences du Sport-Santé de Paris UPR3625, 1 rue Lacretelle 75015 Paris, MarieAgostinucci@gmail.com 2Psychomotricienne D.E et Master International en Psychomotricité, GHT Paul Guiraud, 54 avenue de la république 94800, agnes.h.p@hotmail.fr 3PU, directeur de l’Institut des Sciences du Sport-Santé de Paris UPR3625 4Praticien hospitalier, Secteur 92G19 Groupe hospitalier Paul Guiraud fossolapiazza@yahoo.com 5Nadia Chaumartin, médecin généraliste, cheffe de service des spécialités médicales, Groupe Hospitalier Paul Guiraud, nadia.chaumartin@gh-paulguiraud.fr

Agostinucci, M., Helias-Pean, A., Andrieu, B., Ossola, F., & Chaumartin, N. (2020). Les enjeux d’une pratique de l’activité physique en psychiatrie face au COVID-19. Retour d’expérience sur une adaptation en temps de confinement. Recherches & éducations, HS.

Résumé : Le confinement de près de deux mois que connait la France pendant la pandémie mondiale à COVID-19, se traduit par une réorganisation majeure des soins en psychiatrie de l’adulte. Dans ce contexte de crise, le Pôle Clamart du GHT Paul Guiraud a considéré essentiel de maintenir un accès aux activités physiques, reconnues pour leurs bénéfices sur la santé et bien-être psychosocial. L’analyse de l’activité de son Centre d’Activités Physiques et Sportives (CAPS) éclaire sur les possibilités d’une pratique physique malgré des mesures sanitaires strictes. De plus elle révèle le développement de pratique d’auto-santé par les patients, en lien étroit avec les propositions des soignants. Cette situation inédite révèle ainsi une nouvelle manière d’envisager le soin et les relations entre soignants et soignés et donne au corps une place centrale dans le soin.

Mots-clés : activité physique, sport, COVID, confinement, psychiatrie, emplowerment, auto-santé Abstract : During two months, France population had experienced lockdown because of COVID-19 pandemic. In this context, psychiatric hospitals reorganized adult psychiatric cares. During this crisis, the Clamart Unit of the GHT Paul Guiraud considered essential to maintain access to physical activities, because of their benefits on health and psychosocial well-being. The analysis of the activity of its Physical and Sports Activities Center (CAPS) sheds light on the possibilities of physical practice despite strict health measures. Moreover, it reveals the development of self-care practices by patients, in close connection with the proposals of the caregivers. Finally, this situation reveals a new way of looking at care and the relationship between carers and patients and gives to the body a central place in care. Keywords : physical activity, sport, COVID, lockdownt, psychiatry, emplowerment, selfcare

Introduction

La pandémie mondiale à COVID-19 qui a frappé la France en 2020, constitue une situation inédite pour les soignants, mais aussi pour les politiques et la population. Les professionnels de santé ont ainsi fait face à une menace étendue, invisible, et inconnue. Mobilisant leur expérience, leur savoir-faire et leur culture médicale, ils ont dû improviser et d’adapter au jour le jour aux recommandations fournies par

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les autorités sanitaires. Ainsi, le confinement national s’est traduit par une réorganisation complète des services en psychiatrie, selon les mesures dictées par les tutelles, avec des effectifs réduits de personnels. De nombreuses activités à risque de contamination ont alors été suspendues tandis que d’autres ont été transformées.

Depuis 2015, le pôle Clamart du groupement hospitalier Paul Guiraud développe un Centre d’Activités Physiques et Sportives (CAPS) à destination des patients suivis en psychiatrie. L’activité physique présente un intérêt majeur car la mise en mouvement du corps permet d’intervenir sur les troubles du tonus, du schéma corporel et de l’image du corps présents chez de nombreux patients suivis en psychiatrie de l’adulte. Elle est également recommandée au regard des comorbidités somatiques parfois associées aux traitements, qui touchent fréquemment cette population.

L’équipe pluridisciplinaire du CAPS est composée d’une infirmière, d’un éducateur sportif, et d’une psychomotricienne, tandis que l’encadrement est réalisé par une médecin généraliste, une médecin psychiatre et une cadre supérieure de santé. Soucieux d’accompagner les patients tout au long de leur parcours de soin, au-delà du temps d’hospitalisation, ils y développent une activité physique adaptée à l’évolution des patients et à leur pathologie. Les compétences de l’équipe permettent une adaptation constante des contenus et s’appuient sur une observation participante centrée sur les réactions tonico-émotionnelle, l’analyse des dynamiques de motivation et la prise de plaisir dans les activités. L’offre sportive s’oriente ainsi vers les pratiques de jeux collectifs et de sports populaires. L’objectif principal du CAPS est de rendre l’activité physique accessible à tous les patients du secteur, tout en redonnant une place clé au corps dans la prise en soin en psychiatrie. Le déploiement des activités physiques organise ainsi autour de deux axes : la prévention et la thérapie.

Pendant le confinement, la direction des soins du Pôle Clamart a estimé essentiel le maintien des activités physiques du CAPS. Dans cet article, l’analyse de l’activité du CAPS vient questionner la place des activités physiques en psychiatrie, en contexte de crise sanitaire. Dans un premier temps, une revue de la littérature sur les enjeux psychosociaux liés au COVID-19 et au confinement est articulée en lien avec les bénéfices connus de la pratique de l’activité physique sur le bien-être psychosocial. Dans un second temps, l’analyse de l’activité du CAPS et du Pôle Clamart est développée autour des actions réalisées pendant la période du 13 mars au 11 mai 2020. Ces résultats permettent ainsi une lecture concrète de l’importance du maintien d’une offre en activité physique en contexte de crise.

I. Les enjeux d’une pratique physique en période de confinement

L’épidémie de COVID-19, par son ampleur et sa part d’inconnu constitue un période de fortes angoisses pour les populations du monde entier. La couverture médiatique de cet évènement sans précédent, communicant chaque jour des chiffres de mortalité cumulée, des données scientifiques incertaines, des conflits au centre des organes décisionnels et des centres de soin, ont contribué à rendre le monde et l’avenir fortement anxiogènes. L’activité physique présente plusieurs avantages pouvant rendre cette situation plus acceptable.

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I.1. Les effets bénéfiques de l’activité physique sur le bien-être psychosocial

Le sport est une activité socialisante par le corps dont les comportements ritualisés constituent une structuration spatio-temporelle favorable à l’épanouissement (Garcia, 2006). Dans le cadre clinique, l’activité physique (AP) conserve cette valeur sociale et s’oriente vers une optique thérapeutique permettant « d’ouvrir un chemin de créativité et de jeu, [pour permettre] au patient de se sentir exister, de se sentir présent, d’habiter le temps et l’espace » (Potel, Saint-Cast & Vacher, 2013, p.28).

L’efficacité de l’activité physique (AP) dans les soins en santé mentale est largement rapportée par la littérature (Torder, Janne, Appart, Zdanowicz, & Reynaert 2010), elle contribuerait même à une amélioration de la qualité de vie des patients hospitalisés à long terme (Deenik & al. 2017). Une étude clinique sur la dépression (Cooney, et al. 2013) révèle que la pratique régulière de l’activité physique entraine un effet antidépresseur, d’une intensité modérée à forte. Une méta-analyse met également en évidence une diminution du stress et de l’anxiété grâce à l’AP (De Matos, M. G., Calmeiro, L., & Da Fonseca, D., 2009). Une étude centrée sur la psychose chronique (Firth & al., 2017) démontre que 90 minutes d’AP hebdomadaire sur 10 semaines, réduit les symptômes positifs de 11,7%, les symptômes négatifs jusqu’à 21%, et les symptômes généraux de 11,8%.

Le mieux-être psychologique associé à l’AP résulte de phénomènes physiologiques et biochimiques, associés à des paramètres psychologiques tels que : la sensation de maîtrise et d’efficacité, l’amélioration de l’image du corps et de l’estime de soi, le renforcement des relations sociales, et l’effet distrayant de l’activité (Margarida Gaspar De Matos & al. 2009). Les bénéfices de l’activité physique se déclinent donc sur les plans somatiques, psychiques et sociaux.

I.2. Les grands principes et recommandations en AP

Les activités physiques se classent en trois catégories : les AP d’intensité légère (exemple : étirements), d’intensité modérée (exemple : la marche) et d’intensité élevée (exemple : la course rapide). L’activité physique d’aérobie est généralement d’intensité modérée et peut se pratiquer dans la durée, contrairement à l’activité d’anaérobie qui concerne les AP d’intensité élevée qui se pratiquent souvent pendant une courte durée (Wilmore, JH, Costill, DL et Kenney, WL, 1994).

Pour bénéficier d’effets positifs sur la santé, l’OMS (2010) recommande aux adultes, une pratique hebdomadaire d’au moins 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée, ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente de ces deux types d’intensité. Pendant le confinement, le ministère des sports a formulé une recommandation pour l’activité physique minimale d’une heure par jour pour les adultes (Ministère des Sports, 2020).

I.3. Les risques psychosociaux associés à la pandémie de COVID-19

La pandémie mondiale de COVID-19 et les mesures sanitaires qui l’accompagnent entrainent de l’émergence de nombreuses difficultés psychosociales. A partir de l’analyse des précédentes épidémies (SRAS, H1N1, Ebola) des risques communs à l’épidémie actuelle sont identifiés : anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, état de stress post-traumatique, signes dépressifs (Brooks et al., 2020; Chevance

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et al., 2020; Liu et al., 2020). Les principaux risques redoutés auprès des personnes souffrant de troubles psychiques sont les passages à l’acte hétéro- ou auto-agressifs et les tentatives de suicide (Chevance et al., 2020 ; Li et al., 2020). L’augmentation de l’anxiété est observée au sein des populations générales (Zhou et al., 2020), serait majoré auprès des patients souffrants de troubles psychiatriques ou d’addictions (Pfefferbaum & North, 2020).

Plusieurs équipes soignantes internationales témoignent actuellement de phénomènes spécifiques au contexte de pandémie à COVID-19. Certains hôpitaux observent une baisse des accompagnement psychologiques pouvant atteindre jusqu’à 50%, en raison du manque de professionnel et de salles disponibles (Davis et al., 2020). Dans la région de Wuhan, les structures psychiatriques ont fait face à la multiplication de trouble du comportement sévère du registre de l’agressivité et de l’agitation (Li et al., 2020). Une équipe de psychiatrie spécialisée dans l’accompagnement de jeunes présentant des troubles du comportement alimentaire, rapporte une augmentation des angoisses de contaminations déjà présente initialement chez ce public (Davis et al., 2020).

II. La préservation de l’activité physique, un défi relevé par le pôle Clamart

Le pôle de Clamart réunit 4 secteurs psychiatriques, soit 8 communes des Hauts de Seine et offre 120 lits d’hospitalisation divisés en 6 unités de 20 lits. Exceptionnellement, deux unités d’une dizaine de lits sont dédiées à l’accueil des nouveaux patients qui suivent une phase de quarantaine de plusieurs jours. Les motifs d’hospitalisation pendant cette période sont marqués par une plus grande représentation des troubles anxieux et dépressifs, et des états délirants associés au confinement. Les changements organisationnels et les mesures sanitaires exigeantes traduisent alors un fonctionnement inhabituel sous tension, dans lequel les soignants sont particulièrement mobilisés.

II.1. L’institution sous tension

Les réorganisations sont placées sous le signe de la restriction. Les activités hebdomadaires du weekend des unités ont été suspendues, tout comme les activités réalisées à l’extérieur de l’hôpital. Ainsi les propositions maintenues ont été tout particulièrement attendues pour soulager un climat tendu. De plus, les déplacements ont également été drastiquement limités : les patients sont confinés au sein de leur unité sans accès aux espaces communs (cafétéria, self). Sur le plan social, les restrictions sont fortes : les visites et les sorties sont suspendues. Le seul lien avec l'extérieur est le téléphone portable, et la cabine téléphonique pour laquelle des roulements sont organisés. En prévention, les patients vulnérables ont été identifiés par les médecins généralistes et ont bénéficié de suivis individuels. Malgré ces mesures, certains patients ont présenté une angoisse importante et des phases d'agitation nécessitant une sédation plus importante. Dans d’autres cas, des patients ont présenté des épisodes de violence alors que cela ne leur arrivait plus depuis longtemps.

Pour les patients confinés hors de l’hôpital, les conditions de suivi sont très perturbées. Dès la décision de confinement de la population, les cellules de crise des hôpitaux et les autorités de santé ont ordonné la fermeture au public des Centres thérapeutiques à temps partiel, des hôpitaux de jour, des Groupes

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d'entraide mutuelle, et des services d'accompagnement à la vie sociale. Le CAPS a d’ailleurs suspendu l’accompagnement des patients suivis en extrahospitalier. Cette rupture du lien thérapeutique et social est préoccupante car ces structures jouent habituellement un rôle important dans le maintien à domicile des personnes vulnérables. Une autre inquiétude pour les patients sur devenir des soignants avec lesquels ils avaient perdu le contact s'est manifestée très rapidement.

II.2. En activité, même confiné

La direction du Pôle de Clamart a jugé essentiel de maintenir une intervention du CAPS dans ce contexte exceptionnel, sous réserve d’adaptation. Ainsi le nombre participant aux activités est limité à 5, et seuls les patients suivis au sein d’une même unité peuvent intégrer une activité. Chaque unité est sollicitée individuellement, à minima quatre jours par semaine.

Tous les espaces disponibles dans l’établissement ont été exploités pour optimiser au maximum l’accès à l’AP. Les salles dédiées aux activités du CAPS ont été particulièrement investies : salle de musculation, salle de pratiques corporelles, espace tennis de table. Les salles dédiées aux activités des services ont été mises à disposition, et pour optimiser au maximum l’espace, les couloirs et la terrasse ont également été aménagés. L’architecture des locaux, notamment les passages en pente inclinée, ont été mis au service des exercices de marche.

Dans les ateliers, les mesures préventives sont les suivantes : les actes impliquant le toucher sont suspendus, la distance interpersonnelle est de 1m30 entre chaque participant, le matériel et les locaux sont désinfectés entre chaque activité. Par exemple, le tennis de table s’est déroulé en un contre un, sans parties en double. Tandis que la boccia a été suspendue car le matériel étant trop propice à la contamination. Les professionnels ont également adapté leurs tenues : le port de la blouse est recommandé, les vêtements portés au sein de l’hôpital restent sur site, et le port du masque est obligatoire. Le déroulé des activités été plus orienté vers la convivialité et les échanges sociaux : ainsi un temps d’échange autour d’un café a été associé aux ateliers.

Le choix d’activité a été globalement restreint (Tableau 1) : les activités extérieures relevant principalement d’une intensité modérée à élevée ont été interrompues, tandis que les activités maintenues et nouvellement ajoutées relèvent principalement activités d’intensité légère à modérées. L’activité de marche en groupe a également été transformée en atelie individuel dans l’enceinte de l’hôpital. Ainsi les activités basées sur l'endurance ont été suspendues au profit d’activités centrées sur la musculation, la stratégie de jeu ou la détente. Afin d’optimiser l’offre en AP durant cette période, un psychomotricien à temps plein a rejoint l’équipe du CAPS.

« Insérer tableau 1 »

Entre le 13 Mars 2020 et le 10 Mai 2020, l’équipe du CAPS élargie à quatre soignants, a effectué 1080 actes et pris en soin 147 patients hospitalisés. En 2018, sur cette même période, le CAPS avait effectué

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899 actes concernant la prise en soin de de patients en intra et en extrahospitalier pour une équipe de 3 soignants. Le nombre d’actes effectués pendant le confinement est donc supérieur de 20% (181 points).

« Insérer Histogramme 1 »

Loin de se contenter des propositions du CAPS, de nombreux patients ont cherché à pratiquer de l’activité physique de manière autonome et ont sollicité l’équipe afin obtenir des conseils. Les hommes se sont majoritairement tournés vers des exercices de musculation (pompes, gainage) à réaliser seul dans l’espace de la chambre. Tandis que les femmes se sont plus souvent réunies par petits groupes pour effectuer des exercices issus des ateliers ou découverts sur le blog. Certaines personnes désireuses de marcher ont investi les couloirs. Certaines équipes d’unité ont proposé des temps d’exercices physiques et la diffusion d’émissions télévisuelles sportives. Si la pratique de l’AP telle que recommandée par l’OMS a pu être effectuée par certains patients désireux de “bouger”, il n’en demeure pas moins que les patients plus apragmatiques ont considérablement réduits leurs déplacements et leurs efforts pendant cette période n’ayant plus à se déplacer ni pour aller aux repas, ni pour les visites. Ces patients ont été stimulés par le CAPS pour venir sur les activités ne serait-ce que pour prendre un café, afin de les faire sortir de l’unité et de monter les marches jusqu’au lieu d’activité.

II.3. Un blog pour « rester en lien »

Afin de maintenir le contact avec les patients confinés, l’équipe, avec le soutien de la direction, a créé « Le Blog du Pôle Clamart » mis en ligne dès le 31 mars 2020. Cette démarche n’a pas pour vocation de se substituer au travail auprès des patients, mais de rassurer les patients et de maintenir à distance un contact visuel avec les soignants qu’ils côtoient habituellement. Le blog propose des contenus originaux (vidéos, images et textes) produits par des professionnels du pôle sous forme d’activités parmi lesquelles se retrouvent les médiations corporelles et la psychoéducation : « Gym et relax », « Commandez votre portrait ! », « Ateliers d'écriture, lectures, le faubourg des poètes », « Les Live », « Clam-Art : Galerie participative », « Maison, déco, cuisine, fun », « Films et Reportages », « COVID-19 ».

La dynamique de participation, de partage et de consultation du blog par les patients a largement dépassé les attentes initiales : une semaine après sa mise ligne, le blog proposait 57 contenus originaux et affichait 3931 pages vues. Dès les premiers jours, les patients ont proposé eux-même des contenus pour nourrir le blog. Cet élan n'a pas décru et pendant toute la période du confinement le blog s'est développé en proposant de nouvelles rubriques et des contenus sont arrivés chaque jour, envoyés par d'autres professionnels et d'autres patients qui se sont joints progressivement à la démarche. À la fin du confinement, le 11 mai, le blog comptait 217 contenus originaux, 42 patients avaient proposé un ou plusieurs contenus et il affichait 13026 pages vues.

« Insérer Figure 1 »

La rubrique « Gym et relax » dédiée aux activités physiques est animée par l'équipe du CAPS, et d’autres professionnels du pôle, notamment des psychomotriciens, un éducateur sportif, des infirmiers, un médecin, ainsi qu'une patiente. Les vidéos présentées reprennent certaines activités avec une adaptation au média télématique. Le contenu inclut des séances de relaxation et d’éveil corporel, du renforcement

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musculaire, des sport sessions à différents niveaux de performance, des séries d'exercices « dynamiques », des vidéos ou des fichiers audio de pilates, de Qi Qong, de Taï chi, d’auto-massage, de relaxation, de sophrologie ou encore d'exercices de méditation. Pendant la période de confinement, 34 contenus ont été mis en ligne dans cette rubrique.

III. La discussion

L’analyse de l’activité du Pôle Clamart révèle un investissement majeur des patients dans le dispositif de soin et questionne l’évolution des relations entre les soignants et les soignés.

III.1. Une mobilisation hors-norme

La littérature évoque des diminutions des suivis et pointe le manque de salles facteur limitant (Davis et al., 2020). Ici, le nombre d’actes suit une tendance inverse. L’explication réside dans l’optimisation des espaces par les équipes tant au niveau de l’occupation des espaces préexistants que dans l’ingénieux détournement d’autres espaces. Mais ce succès est avant tout le reflet de l’investissement majeur des patients pour qui l’activité sportive est venue s’opposer aux nombreuses contraintes psychiques, psychologiques et sociales. L’espace dédié à l’AP s’est déployé dans une dimension psychosociale, comme lieu d’expression et de socialisation. Face à la réduction drastique du nombre d’activités, les patients se sont saisis des propositions du CAPS plus qu’à leur habitude. Cela s’explique également par l’adaptation de l’approche, puisque l’équipe du CAPS a effectué des visites régulières au seins des unités. Enfin, l’arrivée d’un professionnel supplémentaire a été une ressource précieuse pour maintenir un taux d’activité élevé.

La seconde initiative majeure et inédite est le Blog. Cette alternative à destination des patients confinés s’inscrit dans les recommandations d’accompagnement à plusieurs niveaux (Chevance et al., 2020) : dans le maintien du lien thérapeutique et dans la dimension psychopédagogique. A l’image des possibilités évoquées dans la littérature (Zhou et al., 2020), le télésoin s’y décline à travers des médias variés et sa dimension participative a préservé le lien entre les patients et les soignants. Il constitue une plate-forme de ressources d’outils psychopédagogiques à la fois orientées vers l’hygiène de vie, le maintien des routines (cuisine, activité physique), et vers des techniques de gestion du stress (relaxation, sophrologie). La rubrique COVID-19 offre d’ailleurs une discussion essentielle dans un contexte où les informations complexes et contradictoires diffusées par les médias sont connues pour majorer l’anxiété (Brooks et al., 2020).

L'approche du déconfinement et la perspective de réouverture progressive des structures extra-hospitalières, vers un retour aux habitudes de prise en charge a posé la question du devenir du Blog du Pôle Clamart et une conclusion symbolique s’est imposée. Cette expérience a révélé une nouvelle modalité du lien qui ne semblait pas incompatible ou contradictoire avec la pratique soignante classique. Les liens entre soignants et patients précédaient le confinement et l'activité du blog s'est inscrite dans un continuum et il n’y pas eu de nouveaux patients qui auraient accédé directement au blog. La conclusion

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de la réflexion conduit à la poursuite du blog mais soutenue par un autre propos, plutôt comme une modalité de lien complémentaire aux rapports usités entre soignants et soignés. Cette expérience aura lancé une réflexion sur la place de l'outil informatique et d'internet dans les soins et des possibilités qu'ils ouvrent au travail en psychiatrie. L’implication des patients dans la démarche a également témoigné d’un moyen différent d’exister avec les autres (Révillot et Eymard, 2010).

III.2. Les patients au cœur de l’action

La valeur principale du CAPS est l’accès à l’activité physique pour tous. Son fonctionnement repose des ateliers ouverts à tous, selon une offre diversifiée, avec une inscription sur la base du volontariat. Or la faculté de faire des choix est une valeur centrale, développée en faveur de l’autonomie du patient (Révillot et Eymard, 2010). Le choix de rejoindre une activité sportive est laissé à l’appréciation du patient, il est donc libre de gérer par lui-même sa santé. Le CAPS se présente alors comme le support d’une forme d’autosanté dans la mesure où le patient la pratique à sa convenant comme un outils de développement personnel (Andrieu, 2010). En situation de crise, cette liberté de choix est restée essentielle dans l’esprit du CAPS même si l’offre d’activité s’est vue fortement diminuée. L’accessibilité de l’AP est envisagée par le CAPS comme un droit fondamental qu’il a fallu conserver autant que possible. Les taux de participation optimaux dans les activités proposées en situation de COVID-19, prouvent que les patients se sont saisis de cette opportunité. Dans son article sur les dynamiques sociales dans la pratique sportive, Céline Garcia (2006) présente également la valeur symbolique du lieu dédié à l’activité physique comme un espace d’acquisition d’un “comportement citoyen”. Maintenir un espace dédié à l’activité physique comporte donc une valeur d’empowerment profondément associé à une dynamique interrelationnelle.

Ce qui est inédit dans cette situation est l’implication des patients au-delà des propositions qui leur sont faites. Ils sont nombreux a avoir développée des pratiques individuelles de l’AP et initié des groupes, à partir des ressources humaines et virtuelles à leur disposition. L’autosanté est ainsi déployée de manière quasi-autonome dans une dynamique d’empowerment qui prend d’ailleurs tout son essor à travers le blog. Dans leur article sur l’autonomie dans l’éducation thérapeutique, Révillot et Eymard (2010) évoquent la dynamique de construction de soi et d’un espace de décision par le patient. Ici, le blog est devenu l’espace d’expression et d’échange nourrit en partie par les patients. A plusieurs niveaux, ils se sont montrés actifs et ont su prendre leur part d’autonomie.

III.3. Une activité physique loin des standards habituels

D’ordinaire l’offre du CAPS s’accorde aux recommandations de l’OMS en termes de durée et d’intensité. Cependant les exercices d’anaérobie d’intensité soutenue ont été suspendus pendant le confinement puisqu’ils ne remplissent pas les critères de sécurité sanitaire. Les activités principalement développées durant cette période sont alors basées sur des exercices d’aérobie autorisés par la réglementation, avec des propositions d’une intensité faible à modérée. L’intensité des activités est donc fortement réduite par les contraintes sanitaires et ne peuvent plus s’accorder aux recommandations de

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l’OMS. En revanche, elles sont plutôt en accord avec les recommandations formulées par le Ministère des sports (2020) puisque la plupart des activités avoisinent l’heure quotidienne recommandée. De plus l’intervention régulière du CAPS est orientée vers une pratique régulière complétée par les initiatives développées sur chaque unité.

A l’échelle individuelle, une pratique complémentaire reste nécessaire pour atteindre la durée recommandée puisque que le CAPS n’intervient pas 7j/7 sur une unité donnée. Ainsi le blog est une source d’idées d’exercices à réaliser en autonomie dont se sont saisis un certain nombre de patients. Cependant, si la pratique de l’AP telle qu’elle est recommandée par l’OMS a pu être effectuée par certaines personnes désireuses de “bouger”, il n’en demeure pas moins que les patients plus apragmatiques ont drastiquement réduits leurs déplacements et leurs efforts. Ces derniers ont été stimulés par le CAPS pour venir sur les activités ne serait-ce que pour prendre un café, sortir de l’unité et monter quelques marches. Malgré l’effort des équipes, des inégalités dans la pratique de l’AP persistent.

Sur le plan social, un effort tout particulier a été placé sur la convivialité et les échanges, et le lieu de l’exercice conserve une valeur de repère social (Garcia, 2006). Les interactions dans la pratique sportive restent exploitées dans les jeux compétitifs, malgré la suspension des sports collectifs. Ces interactions sociales sont particulièrement précieuses dans ce contexte d’isolement.

Conclusion

La pandémie mondiale à COVID-19 entrainé en France la mise en place inédite d’une mesure de confinement de près de deux mois. Dans ce contexte, les structures psychiatriques ont considérablement modifié leurs accompagnements. Dans une situation de crise marquée par l’émergence de difficultés psychosociales, le Pôle Clamart du GHT Paul Guiraud a considéré essentiel de maintenir un accès aux activités physiques. L’expérience du CAPS éclaire sur les possibilités concrètes d’une activité physique sous la contrainte de mesures sanitaires strictes. L’activité physique s’est avérée cruciale pour le maintien du bien-être psychosocial des adultes hospitalisés en psychiatrie. L’analyse de l’activité du CAPS et l’analyse des pratiques des patients durant cette période, offre un aperçu des dynamiques d’auto-santé développées par les patients en lien étroit avec les propositions des soignants. Cette situation inédite révèle une nouvelle manière d’envisager le soin et les relations entre soignants et soignés.

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Figure 1. Evolution du blog pendant la durée du confinement

Histogramme 1. Comparaison du nombre d’acte effectués par le CAPS en situation de soin classique et en période de confinement, sur la période du 13 mars au 10 mai

Intensité Durée Statut

VTT Modérée à élevée 1h Suspendu

Football Modérée à élevée 1h Suspendu

Marche Modérée 1h15 Suspendu

Equitation Modérée à élevée 1h Suspendu

Basket Modérée à élevée 1h Suspendu

11 mars 2020 57 posts 3931 vues 11 mai 2020 217 posts 13026 vues 0 200 400 600 800 1000 1200 2016 2017 2018 2020 2016 2017 2018 2020

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Marche Nordique Modérée à élevée 1h Suspendu

Petite marche Légère 20 min Adaptée en intérieur

Eveil corporel Légère 20 min Maintenue et augmentée

Gymnastique Modérée à élevée 45 min Maintenue

Pétanque Légère 45 min Ajouté

Molkky Légère 45 min Ajouté

Badmington Modérée 45 min Ajouté

Musculation Légère à élevée 1h Maintenue

Détente Légère 45 min Maintenue et augmentée

Tennis de table Légère à modérée 45 min Maintenue et augmentée

Figure

Figure 1. Evolution du blog pendant la durée du confinement
Tableau 1. Modifications de l’offre en activité physique au sein du CAPS

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