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Dynamiques familiales et COVID-19: réactions à la période de confinement

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Academic year: 2022

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Book Chapter

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Dynamiques familiales et COVID-19: réactions à la période de confinement

WIDMER, Eric, et al.

GAMBA, Fiorenza (Ed.), et al.

WIDMER, Eric,

et al

., GAMBA, Fiorenza (Ed.),

et al

. Dynamiques familiales et COVID-19:

réactions à la période de confinement. In:

COVID-19: le regard des sciences sociales

. Genève et Zurich : Seismo, 2020. p. 159-163

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:153329

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D

YNAMIQUES FAMILIALES ET

COVID-19 :

RÉACTIONS À LA PÉRIODE DE CONFINEMENT Eric Widmer, Vera de Bel, Olga Ganjour,

Myriam Girardin et Marie-Ève Zufferey *

Les dynamiques familiales sont prises entre les dimensions positives du lien social (intimité, solidarité de diverses na- tures, sociabilité) et ses dimensions négatives (violence phy- sique ou psychologique, conflits, dominations genrées ou intergénérationnelles). La crise initiée par le COVID-19 est révélatrice des ambivalences traversant des millions de fa- milles, mais aussi des logiques étatiques de soutien à la fa- mille. Cette contribution entend s’interroger sur les vulné- rabilités et ressources des familles contemporaines face à la crise générée par le COVID-19.

L’objectif de notre contribution n’est pas d’établir un état des lieux définitif des fonctionnements familiaux et de leurs problèmes issus de cette période ; il est trop tôt pour le faire, car des récoltes de données fiables et représenta- tives manquent encore et la situation va continuer à évo- luer. Nous entendons plutôt, sur la base de divers modèles sociologiques et résultats empiriques sur les familles, cons- truits avant la période de crise, et d’informations récoltées dans les médias durant la période de confinement allant de mars à mai 2020, nous interroger sur les dimensions de la vie familiale par lesquelles la situation de crise semble avoir révélé ses effets jusqu’ici.

Nous avons porté une attention particulière au traite- ment de la question des vulnérabilités familiales dans la presse de quelques pays européens aux régimes sociaux très contrastés (Esping-Andersen 2009 ; Gauthier 2002) : l’Al- lemagne, l’Angleterre, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Russie, la Suède et la Suisse. Le chapitre commence donc par rappeler quelques grands axes d’analyse sociologique

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des dynamiques familiales, dont on va chercher à montrer comment ils sont susceptibles d’avoir été impactés par la crise. Une réflexion est ensuite menée sur la vulnérabilité des familles ; on trouve dans la presse plusieurs signes tan- gibles que les dimensions centrales de la vulnérabilité fami- liale en temps normal ont été fortement prises à partie du- rant cette période de crise. On s’est ensuite intéressé plus spécifiquement à l’insertion des enfants et des aîné·es dans les dynamiques de vulnérabilité familiale générées par la si- tuation de crise. Finalement, quelques constats et éléments de réflexion sur les mesures de politique familiale prises du- rant la période, dans divers pays européens, clôturent le chapitre.

LES DYNAMIQUES FAMILIALES SOUS STRESS Nous avons mis en avant, dans plusieurs publications, la diversité des modes de fonctionnement familiaux (Keller- hals et Widmer 2012 ; Widmer, Kellerhals et Levy 2003).

Plusieurs dimensions du fonctionnement familial ont été privilégiées par la recherche sociologique, dont l’acuité est confirmée par la réaction des familles à la crise sanitaire.

L’axe ouverture/fermeture à l’environnement se réfère à la manière dont la famille encourage ou restreint les échanges avec l’extérieur. À l’un des pôles de ce continuum, le groupe familial « se nourrit » des échanges avec l’extérieur, qui ap- paraissent comme indispensables au dialogue interne, à la construction des normes et rythmes domestiques. Sans ces échanges, le groupe apparaît menacé d’asphyxie. À l’autre pôle du continuum, le fonctionnement familial est caracté- risé par le repli : la restriction apportée aux échanges avec l’extérieur apparaît aux membres de la famille comme une condition incontournable du maintien des modèles in- ternes ; l’extérieur semble constituer une menace pour le groupe, soit qu’il engendre une sorte de concurrence idéo- logique (autres manières de faire et de penser), soit qu’il

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provoque des dépenses affectives ou matérielles inconsidé- rées (Kellerhals et Widmer 2012).

La question du rapport à l’environnement a été cruciale pour les familles dans cette période de confinement. En règle générale, les familles ont dû adopter des fonctionne- ments plus fermés. Néanmoins, des stratégies se sont faites jour pour permettre de l’ouverture : certaines familles ont cherché à maintenir les contacts les plus réguliers possibles avec l’école, les amis, la parenté, comme antidote face aux menaces de l’extérieur (le danger principal étant alors con- sidéré par la famille comme celui de l’enfermement sur soi), notamment par l’utilisation massive des solutions internet.

Le fait, relevé par la presse, qu’un nombre important de fa- milles ne maîtrisent pas de manière experte internet ou n’ont pas accès à plusieurs ou même un seul ordinateur à domicile, a cependant pu limiter l’utilisation de ces outils.

D’autres familles ont développé des stratégies de limitation radicale des contacts, considérant toute interaction avec l’extérieur comme un agent d’infection. La gestion des sor- ties, mais également de l’approvisionnement s’est trouvée alors fortement impactée par ces orientations opposées des familles, qui ont été renforcées par la crise.

Une deuxième dimension d’analyse sociologique se ré- fère à l’ampleur des ressources qui sont contrôlées par la famille (Kellerhals et Widmer 2012). Il s’agit non seulement du de- gré de partage de ces ressources par ses membres, mais aussi de la mesure dans laquelle ceux-ci acceptent que l’em- ploi de ces mêmes ressources soit placé sous l’autorité du

« nous-famille », c’est-à-dire du groupe dans son ensemble, et non de l’individu. À un extrême, fusionnel, on fait face à des pratiques et des orientations basées sur les valeurs de consensus et de similitude – une bonne famille étant assi- milée à la mise en commun de la plupart des ressources aussi bien qu’à l’absence de différences ou de divergences d’orientation entre ses membres. À l’autre extrême, fondé sur l’autonomie, les familles privilégient au contraire des va-

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leurs de maintien des spécificités individuelles, la valorisa- tion du dialogue et de l’échange l’emportant alors sur le souci de consensus et de similitude. Dans cette période d’interactions forcées, les familles ont dû adopter en règle générale des fonctionnements plus fusionnels : le partage appuyé des espaces communs, le fait de prendre tous les repas ensemble et l’annulation des activités de loisirs ou de week-ends séparés a nécessité pour de nombreuses familles d’ajuster leur fonctionnement vers des dynamiques grou- pales plutôt qu’individuelles. Néanmoins, des stratégies se sont faites jour pour conserver une part d’autonomie dans la vie quotidienne : alterner dans l’utilisation des pièces et infrastructures du logement, s’isoler, utiliser les nouvelles technologies pour s’échapper du présentiel familial.

L’axe normativité/négociation (Kellerhals et Widmer 2012) concerne le mode de régulation de la famille, autrement dit la manière dont les comportements des acteurs·trices sont coordonnés. À l’un des pôles, cette régulation est basée sur une logique de différenciation des sexes et des générations, définissant de manière affirmée les rôles de chacun·e et les rites ou routines de la vie quotidienne (horaires, espaces fonctionnels différenciés, etc). À l’autre pôle, la coopéra- tion dans la famille est assurée par le biais d’une redéfinition fréquente de la situation, associée à une variabilité forte des consignes, à un refus d’une différenciation statutaire des rôles entre hommes et femmes, ou entre parents et enfants, et à un accent sur la contractualisation des échanges.

Ces deux pôles correspondent fréquemment à des ex- pressions différentes du pouvoir : valorisation des hiérar- chies et d’un ordre non négociable dans le premier cas, ac- cent sur l’égalité et la souplesse des arrangements dans le second. La période de crise a sans doute amené à des réac- tions très diverses des familles du point de vue de ce troi- sième axe. On trouve dans la presse internationale des in- quiétudes quant à une retraditionalisation de la famille, via une répartition plus marquée des rôles entre hommes et femmes. Alternativement, certaines prises de position ont

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davantage souligné les rééquilibrages de la prise en charge parentale rendus nécessaires par la présence massive des mères dans des métiers jugés essentiels durant la période de crise (métiers des soins ou de la prise en charge des per- sonnes âgées, métiers de la grande distribution, etc.).

En tous les cas, suite au confinement, de nombreux pa- rents se sont retrouvés dans l’obligation de faire du télétra- vail, tout en devant s’assurer du suivi scolaire de leurs en- fants. Sans possibilité de les déposer dans une structure d’accueil et ne pouvant plus compter sur le soutien des grands-parents, la conciliation vie familiale-vie profession- nelle, déjà problématique en temps normal dans de nom- breux contextes nationaux, s’est encore complexifiée. En Suisse, cette situation a plus particulièrement touché les femmes, qui sont rendues, en temps normal, responsables par les institutions et les normes sociales des enfants et de la vie domestique. Certaines ont posé des jours de congé pour pouvoir s’occuper des enfants, d’autres ont été mises au chômage partiel. Le télétravail et la présence des parents à domicile n’ont sans doute modifié qu’en apparence l’or- ganisation du travail, générant pour les femmes une recru- descence de la charge mentale et de la double journée, par la fusion du lieu de travail et du lieu de résidence.

De fait, les XIXe et XXe siècles avaient vu progressive- ment émerger la séparation de ces lieux avec le déclin du nombre d’entreprises familiales dans l’agriculture, l’artisa- nat et le commerce. La crise a fait retrouver aux familles contemporaines – pour un temps seulement ? – les mul- tiples fonctions prises en charge par la famille tradition- nelle : unité de production économique, de résidence, de sociabilité et de contrôle social renforcé. Nul doute que cette surfonctionnarisation inédite des familles, dans des sociétés définissant en temps normal la famille essentielle- ment par sa dimension sentimentale et émotionnelle, n’a pas été sans une multiplication des stress et conflits.

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