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Analyse des séquences « Begin the Beguine » du film Broadway melody of 1940 et « Tip tap a due » du film The Artist

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Academic year: 2022

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1 Université de Paris

M1 S2 Études cinématographiques 2020-2021 Aspects du classicisme hollywoodien

Cours de Mme Jacqueline Nacache Étudiant : Olivier Cuny

Le 31 janvier 2021

Analyse des séquences « Begin the Beguine » du film Broadway melody of 1940 et « Tip tap a due » du film The Artist

Les deux films et, ici, les deux séquences ont pour même sujet le monde du divertissement. En raison des différences de contextes de production, les références qui les traversent sont à la fois communes et aussi un peu différentes.

Broadway melody of 1940 s’inscrit dans le mouvement important des comédies musicales et films musicaux des années 30, qui font suite à l’explosion du parlant et à la grande dépression de 1929, laquelle incite les Studios dont la MGM, à adapter des spectacles de Broadway et à mettre en scène, en grand nombre, des backstage musical, sur arrière-fond d’histoire d’amour et un degré de réflexivité variable. Trois quarts de siècles plus tard, The Artist, tourné à Los Angeles avec une équipe majoritairement américaine, se réfère au classicisme hollywoodien, en reprenant et adaptant les codes du genre du musical, devenu mythique1.

Les deux séquences sont représentatives de cette différence de contexte de production. Elles mettent en œuvre, chacune à leur façon, les trois mythes, évoqués par Jane Feuer : le mythe de la spontanéité, le mythe de l’intégration et le mythe du public2.

La séquence de danse de 1935, qui s’inscrit, elle-même dans la filiation de nombre de séquences produites dans d’autres musical, notamment The Broadway Melody, sorti en 1929, est une pure séquence de divertissement qui ne fait pas réellement progresser le récit. Elle marque une pause dans le récit. Il s’agit de montrer une danse « réflexe », exhibant une interprétation (apparemment) spontané et virtuose des deux protagonistes.

La séquence de The Artist vise aussi à donner le même sentiment de facilité, mais n’y parvient pas vraiment. Les deux acteurs, Bérénice Bejo et Jean Dujardin ne sont pas des danseurs professionnels, comme Fred Astaire et Eleanor Powell. La mise en scène, les décors, la musique, le montage, le sens qui se dégage des deux séquences et la réception qui peut en être faite sont donc très différents.

1 Selon la définition du mythe donnée par Albert F. McLean dans son ouvrage American Vaudeville as ritual : « Une constellation d'images et de symboles, soit objectivement réels, soit imaginaires, qui apporte une cohérence et un certain ordre aux processus psychiques (largement inconscients) d'un groupe ou d'une société, attribuant ainsi une force magique aux conditions de vie des personnes concernées », Lexington, University of Kentucky press, 1965, p. 223.

2 Jane Feuer, Réflexivité et mythologie du divertissement dans la comédie musicale, in Mythologie du film musical, dir. Marguerite Chabrol et Laurent Guido, Les Presses du réel, 2016.

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La séquence de 1935 se présente comme un numéro de revue qui fait suite à d’autres, donnés sur la scène de spectacle d’un théâtre de Broadway.

L’ensemble de la séquence se déroule dans une unité de lieu, avec les deux acteurs qui dansent face au public. La caméra est censée être placée, comme au temps du cinématographe, à la place du fauteuil d’orchestre situé au premier rang, au centre de la salle. La séquence commence par des applaudissements qui font percevoir le public hors champ dans la salle. Comme au théâtre, dans les

« Ziegfeld Follies », les numéros se succèdent. Fred Astaire et Eleanor Powell entrent en scène et commencent à jouer leur numéro de claquettes. On peut voir l’orchestre en arrière-plan qui joue la musique d’écran, in et diégétique. Le spectateur sait que la narration du film s’arrête. Il s’agit de passer un moment de pur entertainment, de distraction, qui donne une impression de facilité et est source de plaisir. La musique est entraînante et joyeuse. Á l’acmé du numéro de claquettes, la musique s’arrête. Puis, elle reprend pour accompagner le final du numéro. Dans la première partie du numéro, le cadrage ne change pas. La caméra accompagne juste les danseurs par des travellings latéraux. La seule coupe effectuée dans la séquence intervient justement au moment du changement de cadrage et du passage du plan large au plan d’ensemble qui intègre à nouveau l’orchestre dans le champ.

Dans le finale, la caméra fait un lent zoom avant sur les deux danseurs qui continuent de danser, puis viennent indiquer au public que leur numéro est terminé.

On peut alors voir les spectateurs assis à l’orchestre, puis, après une nouvelle coupe, les deux danseurs qui viennent, comme au théâtre, saluer les spectateurs.

Le spectateur de cinéma vit la même expérience que ceux représentés dans le film. Il est ainsi directement impliqué dans le film. Les corps des danseurs se meuvent, de façon très fluide et facile, dans un immense espace, en liberté, en proportion de leur talent et de leurs évolutions virtuoses. Le rythme endiablé de leur chorégraphie est ponctué par la transe de la percussion des claquettes qui rappellent les origines irlandaises des colons émigrants en Amérique du Nord. Le rythme est donné à la séquence par le jeu des acteurs et leur danse rapide et entraînante. Le décor et la mise en scène sont relativement épurés, de manière à mettre en valeur les personnages, habillés en blanc sur fond de décor noir. Ils sont toujours filmés en plan large, afin de laisser voir l’ensemble de leur corps, des pieds à la tête, et bien faire apprécier leurs qualités de danseurs à claquettes.

L’illusion est totale. On peut même les voir en reflet, dans le miroir placé au fond du studio, comme pour renforcer l’impression de vitalité des corps, d’irréalité et d’éblouissement, face à une telle perfection. Les deux personnages, toujours placés à égalité, excellent en effet dans l’expression de leur art. Il s’agit simplement de faire du bien aux spectateurs, sortis de la réalité, venus pour éprouver des émotions et pour se distraire, en étant plongés dans un monde idéal irréel, parfait, un monde merveilleux, guidé par la perfection et le seul sentiment amoureux, loin de toute contingence matérielle.

En réalisant The Artist, Michel Hazanavicius a pour principal objectif de rendre un hommage aux pionniers du septième art et, notamment de la période du cinéma muet. C’est ainsi qu’il adopte, en grande partie, l’esthétique des films des années 1920. L’action est censée se dérouler au début des années 1930. Le film a donc été tourné en noir et blanc, sans dialogues, sauf à un moment. Ce faisant, on retrouve dans le film de nombreuses autres références, notamment à Murnau,

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Lubitsch ou Von Stroheim. Considérant que c’est encore une des formes parmi les plus populaires, Michel Hazanavicius opte pour le mélodrame et reprend la structure du scénario d’Une étoile est née, de William Wellman, tourné en 1937.

La musique composée par Ludovic Bource, comme le scénario du film, résulte d’inspirations nombreuses et d’un mélange-réassemblage de nombreuses musiques de films et diverses musiques symphoniques. Ce rappel des sources d’inspiration permet de mieux comprendre le cheminement du cinéaste et de mieux en analyser le film pour faire ressortir les différences dans la mise en scène et l’utilisation des procédés filmiques avec la séquence de Broadway Melody 1940.

La séquence de The Artist revisite une séquence mythique en introduisant une beaucoup plus grande variété dans la mise en scène. Celle-ci utilise davantage les variations de cadrage, de profondeur de champ et du champ, mais aussi dans l’utilisation de l’espace, des corps et des décors, et le rythme. En premier lieu, on peut noter que la narration ne s’interrompt pas durant la séquence qui est découpée en deux parties. La première partie se déroule dans le bureau du producteur. Elle débute par un gros plan sur les visages de profil des deux protagonistes, celui de Bérénice Bejo étant bien éclairé, tandis que celui de l’homme (Jean Dujardin) est en contre-jour. D’emblée, la mise en lumière signifie la différence entre les sexes. La distinction est encore marquée par le costume.

George Valentin (Jean Dujardin) est habillé en costume sombre et un peu large pour permettre à l’acteur, danseur non professionnel, de pouvoir se mouvoir, tandis que Peppy Miller (Bérénice Bejo) est habillée d’une robe blanche, comme Clare Bennett. George porte une cravate, alors que Johnny porte un nœud papillon, bien plus élégant et susceptible de faire rentrer immédiatement dans le rêve hollywoodien. La première partie de la séquence qui se déroule dans le bureau du producteur de The Artist est davantage réaliste. Elle s’inscrit directement dans la narration et ne l’interrompt pas. Le numéro de danse présenté au producteur est interrompu par deux inserts du producteur, au complet trois pièces, gros cigare et fauteuil en cuir, en gros plan. C’est la caricature du producteur de cinéma hollywoodien, dans l’imaginaire européen et même international. Il regarde le numéro et se réjouit de l’argent que le film va pouvoir lui rapporter, sans se soucier de la qualité artistique. Dans cette séquence, plus courte (2 minutes au total contre 3’50’’ dans Broadway Melody 1940, dont 1’30’’ de danse contre 2’40’’), la présence à l’écran des danseurs est beaucoup moins importante et la danse est beaucoup moins virtuose. D’aucuns peuvent estimer qu’il ne s’agit que d’une pâle copie. Mais il s’agit ici, davantage, de présenter un hommage au cinéma classique et ses figures, et, en une forme de rituel, de le célébrer. Le but n’est pas de reproduire à l’identique, mais d’évoquer, dans un autre temps, un passé glorieux. Les décors sont plus voyants, dans les deux parties de la séquence. Dans la première, le bureau du producteur a un décor chargé et clinquant. Dans la seconde partie de la séquence, exclusivement dansée, un changement dans les décors, les costumes et la musique intervient. Le décor est plus irréel et l’on peut se laisser aller dans le spectacle présenté au public. Dans le bureau du producteur, il s’agissait de lui présenter le numéro. Dans la seconde partie de la séquence, il s’agit d’une mise en abyme. C’est le spectacle montré aux spectateurs qui est présenté dans le film. On ne voit pas les spectateurs, comme dans Broadway Melody of 1940, mais on peut les imaginer hors champ. On peut aussi considérer que le spectacle s’adresse directement à nous qui regardons le film, sans passer par la médiation de la salle fictive montrée à l’écran, comme en 1935. Il ne semble

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plus nécessaire d’introduire le public dans le film (cf. le mythe du public) et de montrer sa participation à la production du divertissement. Le jeu des acteurs est un peu forcé, probablement en raison de leurs limites techniques, mais aussi de la recherche du réalisme et de la nécessité d’aller chercher le public, non représenté dans le film. Le cadrage est souvent plus serré, empêchant de voir le jeu des pieds.

Le cliché est assez lourdement appareillé, renforçant ainsi la représentation d’une fiction patrimoniale. La séquence est découpée et les plans se succèdent par l’effet du montage, contrairement au quasi plan séquence du film de 1935 (neuf plans contre deux). La dimension spectaculaire est moins marquée, même si les effets sont surlignés voire carrément exagérés. Il y a davantage de variations dans les cadrages et les échelles de plan. La séquence se termine par les deux acteurs en plan taille qui vont, de manière très appuyée, à l’avant-scène fictive, à la rencontre du public.

Force est de constater que le film, malgré (ou à cause) des infidélités au modèle, grâce au jeu des acteurs et de la mise en scène contemporaine, mobilisant les moyens modernes et tenant compte de l’évolution du goût des spectateurs et des modes de consommation des images (télévision, DVD, internet), a rencontré et satisfait un large public.

Á travers cette séquence, Michel Hazanavicius, animé par la nostalgie de l’Âge d’or, procède à une glorification et une actualisation d’une figure du classicisme. il s’empare, avec un talent d’imitateur et de pasticheur - apanage de tout bon (re)créateur, de manière joyeuse, du cinéma de patrimoine. Et il le fait pour entretenir le mythe (par le processus de démystification-remythification), avec les outils du cinéma d’aujourd’hui, pour divertir les spectateurs d’aujourd’hui.

Les comédies musicales produites par la MGM, comme Broadway Melody of 1940, ou d’autres Grands Studios, restent en effet parties intégrantes et éminentes du classicisme hollywoodien. Elles continuent d’opérer dans la conscience populaire et dans la culture cinématographique internationale comme les représentants du produit hollywoodien à son meilleur. Et le succès du film The Artist confirme bien, s’il en était besoin, la puissance du mythe du cinéma classique hollywoodien.

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