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Perspective interculturelle sur les genres universitaires : analyse discursive de textes rédigés en langue étrangère

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Marie-Odile Hidden

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Marie-Odile Hidden. Perspective interculturelle sur les genres universitaires : analyse discursive de

textes rédigés en langue étrangère . Jean-Marc Defays et Annick Englebert et Marie-Christine Pollet et

Laurence Rosier et Francine Thyrion; Jean-Marc Defays et Annick Englebert et Marie-Christine Pollet

et Laurence Rosier et Francine Thyrion. Acteurs et contextes des discours universitaires, L’Harmattan,

2009. �hal-01841353�

(2)

PERSPECTIVE INTERCULTURELLE SUR LES GENRES

UNIVERSITAIRES : ANALYSE DISCURSIVE DE TEXTES RÉDIGÉS

EN LANGUE ÉTRANGÈRE

M.-O. Hidden

1

RÉSUMÉ

Peu de travaux ont comparé les normes discursives en usage en France à celles d’autres communautés. Cet article présente une partie des résultats d’une recherche portant sur la variabilité culturelle des genres écrits. Le corpus d’observation est constitué de textes rédigés par des étudiants hispanophones ayant participé à un cours d’argumentation en français. On voudrait d’une part montrer que les normes discursives peuvent varier même lorsque la langue source est proche de la langue cible et d’autre part s’interroger sur les traits susceptibles de distinguer les normes suivies en France de celles d’autres cultures.

Mots-clés : genre, normes discursives, communauté discursive, variation culturelle, langue étrangère

1. INTRODUCTION

Cet article s’inscrit dans un travail de recherche plus vaste concernant la variabilité culturelle des genres discursifs et plus spécifiquement des discours écrits2. Comme on le sait, ce sont les travaux de rhétorique

contrastive (Kaplan 1966) qui ont été les premiers à montrer comment les normes implicites ou explicites qui gouvernent les genres écrits peuvent varier d’une communauté discursive à l’autre. Or, ces travaux s’emploient avant tout à analyser les pratiques discursives en anglais en les comparant à celles réalisées dans d’autres langues, souvent éloignées : ils ne nous renseignent donc pas beaucoup sur les formes d’écrits pratiquées en français.

Cependant, si l’on prend en compte à la fois les travaux portant sur les écrits scolaires (Donahue 2000, Takagaki 2002, Wlassof 1998) et sur les écrits universitaires (Fløttum 2003, Sachtleber 1992), on peut relever certaines constantes et l’on peut en déduire que les genres écrits peuvent varier au moins au trois niveaux suivants :

- au niveau rhétorique : au sens que lui donne la rhétorique contrastive, c’est-à-dire au niveau de l’enchaînement des idées, donc du plan de texte ;

- au niveau énonciatif : le locuteur peut en effet être plus ou moins impliqué dans son énoncé ;

- et au niveau textuel qui concerne notamment l’emploi de marques cohésives comme les connecteurs et les procédés anaphoriques.

D’autre part, les travaux des rhétoriciens contrastifs ont eu tendance - dans un premier temps du moins -, à attribuer les variations discursives à des différences d’ordre linguistique ; en d’autres termes, des écrits rédigés dans des langues appartenant à une même famille obéiraient à des conventions de mise en discours similaires. L’analyse que l’on va présenter ici a pour objectif de montrer que rien n’est moins sûr.

A cette fin, le corpus d’observation est constitué de textes rédigés par des étudiants participant à un cours d’expression écrite en langue étrangère et dont la langue source est considérée comme proche de la langue cible : en l’occurrence, il s’agit de trois étudiants hispanophones ayant suivi, à Paris, un cours de français portant sur l’argumentation écrite. Dans l’optique de la rhétorique contrastive, on est parti de l’hypothèse que les écrits en

1 Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Diltec.

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langue étrangère doivent, d’une façon ou d’une autre, porter les traces d’une culture discursive autre : observer des textes rédigés en langue étrangère devrait donc permettre de déceler certains traits qui distinguent les normes discursives en usage en France de celles d’autres pays.

Après avoir décrit avec plus de détails le corpus ainsi que la méthode d’analyse des textes, on présentera les résultats de cette analyse aux deux premiers niveaux cités plus haut (rhétorique et énonciatif), afin de voir si les textes de nos scripteurs témoignent ou non d’une certaine variabilité culturelle des genres.

2. CORPUS ET MÉTHODE D’ANALYSE

2.1. Les scripteurs et leurs textes

Tableau 1. Pays d’origine et études suivies par les scripteurs

Prénom Pays d’origine Etudes dans le pays d’origine Etudes en France

Anele Pérou droit doctorat en sciences politiques Constanza Argentine psychologie master d’anthropologie

psychanalytique

Wolfgang Vénézuéla sociologie doctorat en sociologie de l’art

Comme le montre le tableau 1, les scripteurs proviennent de trois pays d’Amérique Latine et sont donc hispanophones. Ayant suivi des études supérieures en droit ou sciences humaines dans leur pays d’origine, ils sont venus en France pour y faire un master ou un doctorat. Etant donné que l’obtention de ces diplômes implique la rédaction d’un texte long (mémoire ou thèse), ils ont décidé de suivre un cours d’argumentation écrite en français. Ce sont les textes rédigés lors de ce cours qui ont fait l’objet de notre analyse.

Le corpus d’observation est constitué de 18 textes comprenant 250 mots en moyenne. Chaque étudiant a rédigé avant le cours, un premier texte argumentatif qui a été intitulé « As » (pour « argumentation spontanée ») puis d’autres textes au long du cours, qui ont été numérotés par ordre de rédaction : A2, A3, A4 etc., Ad désignant le dernier texte rédigé. Le nombre de textes varie selon que l’étudiant a participé au cours pendant un (Constanza et Wolfgang) ou deux semestres (Anele). Les textes se répartissent comme suit :

Tableau 2. Répartition des textes du corpus entre les scripteurs

Nb de textes rédigés Numérotation des copies Anele 9 As, A2, A3…. A9d Constanza 4 de As à A4d Wolfgang 5 de As à A5d Total 18

2.2. Quelle méthode d’analyse ?

On l’aura compris : l’observation a consisté en une analyse longitudinale des copies au long du semestre ; on a recherché les éventuels changements réalisés par le scripteur, d’une copie à l’autre et ce, aux deux niveaux signalés en introduction, le niveau du plan de texte et celui de l’énonciation.

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3. Les changements repérés au niveau rhétorique

Comment repérer les changements concernant l’enchaînement des idées et le plan de texte ? On a observé deux points :

- La mise en pages : répartition en paragraphes et autres marquages du plan ; - La présence ou non d’une introduction et d’une conclusion.

3.1. La mise en pages

Ce qui frappe lorsqu’on observe comment Wolfgang et Constanza divisent leurs textes respectifs en différents paragraphes, c’est le contraste existant entre leur texte spontané (donc rédigé avant le cours) et les autres textes qu’ils ont rédigés pendant le cours : alors que le premier se présente sous la forme d’un bloc unique, monolithique, les autres textes sont divisés en plusieurs paragraphes, comme le montre le tableau 3 en ce qui concerne les textes rédigés par Wolfgang :

Tableau 3. Le nombre de paragraphes dans les textes de Wolfgang

Numéro du texte Nombre de mots Nombre de paragraphes

As 207 1

A2 410 8

A3 205 5

A4 143 3

A5d 157 4

On voit que l’absence de division en paragraphes en As ne peut s’expliquer par la longueur du texte en question, étant donné que le quatrième texte rédigé par le scripteur qui est pourtant nettement plus court que son texte spontané comporte, lui, trois paragraphes différents.

Contrairement à Wolfgang et Constanza, Anele en revanche, fait des retours à la ligne dès son premier texte (As).

Toujours en ce qui concerne la mise en pages, on a cherché à savoir si les scripteurs opèrent des modifications dans leur utilisation des autres marquages (que le simple retour à la ligne) qui permettent de mettre en relief le plan de texte (alinéa, saut de ligne, numérotations, soulignement etc.). C’est bien le cas de Constanza qui dans son dernier texte, ajoute un saut de ligne et surtout souligne la composition tripartite de son texte par des espèces de "titres", « Introduction », « développement », « conclusion » introduisant chaque nouveau paragraphe. L’étudiante semble ainsi vouloir prouver à son lecteur que son texte comprend bien ces trois parties.

Chez Anele en revanche, le changement se fait dans le sens inverse : alors que dans ses premiers textes, elle utilise abondamment les titres et autres soulignements, elle renonce définitivement à cette pratique à partir de A4 en n’ayant plus alors recours qu’au retour à la ligne. Notons que ce faisant, elle se rapproche des normes de la

(5)

dissertation française, mais s’éloigne de celles du mémoire ou de la thèse qui comprennent bien des numérotations et des titres.

3.2. Y a-t-il une introduction et une conclusion ?

Pour répondre à cette question, les critères de repérage ont été les suivants : d’une part, l’introduction et la conclusion doivent être séparés, au moins par un retour à la ligne, du reste du texte. D’autre part, en ce qui concerne le contenu de ces deux séquences, l’introduction a pour fonction - comme son nom l’indique - d’introduire le thème et de poser une ou des questions relatives à ce thème, sans y répondre dans l’immédiat. La conclusion, elle, résume ce qui a été dit auparavant et répond ainsi à la ou les question(s) posée(s) en introduction.

Selon ces critères, Wolfgang et Constanza ne font pas d’introduction dans leur premier texte puisque ceux-ci se présentent sous forme d’un seul bloc. Mais le texte spontané d’Anele ne comprend pas non plus vraiment d’introduction dans la mesure où le thème – ici une citation d’auteur – n’est pas introduit :

Consigne : Pensez-vous comme F. Nietzsche que « sans la musique, la vie serait une erreur » ?

(1) D’abord, je pense que l’affirmation de Nietzsche peut être analysée à partir de deux points de vue :

(…) (Anele, début de As)

Chez Constanza, l’absence d’introduction est encore plus flagrante, car l’étudiante commence son texte en répondant à la question posée par la consigne :

Consigne : L’adolescent a-t-il raison de ne pas partager les mêmes valeurs que l’adulte ?

(2) Oui, absolument. Il a raison de ne pas partager les mêmes valeurs que l’adulte, … (Constanza, début de As)

Toutefois, dès le deuxième ou troisième texte de chacun de nos étudiants, une introduction apparaît :

Consigne : Faut-il augmenter les salaires en période de reprise économique ?

(3) La manifestation des salariés de l’entreprise Renault a généré le souci des familles françaises. D’un côté ces travailleurs ont le droit à un salaire plus proche des besoins de la vie quotidienne. De l’autre, on doit reconnaître la situation de concurrence que cette entreprise doit affronter. Faut-il augmenter les salaires ? (Anele, début de A2)

Consigne : Y a-t-il des guerres justes ?

(4) Aujourd’hui plus que jamais, il est pertinent de réfléchir sur la guerre comme une des manifestations humaines les plus déconcertantes (l’homme est le loup pour l’homme, dit l’adage populaire). L’histoire de l’humanité est tristement remplie d’exemples. On a eu l’occasion dernièrement, avec la guerre en Irak, de voir comment cette imaginerie de la "guerre juste" était mise en place.

Mais il faut discerner tout d’abord où la guerre trouve sa justesse et pourquoi pas, sa justice, sa raison d’être. (Constanza, début de A3)

(6)

Toujours selon les critères définis ci-dessus, ni Wolfgang ni Constanza ne font de conclusion dans leur premier texte. En revanche, une introduction apparaît chez Wolfgang dès son deuxième texte (ex. 5) et chez Constanza, dès son troisième texte (ex. 6).

Consigne : Réponse à l’article de D. Borillo intitulé « La liberté de se prostituer »

(5) Finalement, il est primordial de voir la liberté sous [= dans] un contexte précis, puisque dans toute société, il est nécessaire d’établir des règles et de promouvoir les valeurs morales et à partir de ce moment, la liberté aura sa propre restriction, à savoir qu’il n’y a jamais une liberté absolue dans aucune collectivité. (Wolfgang, dernier paragraphe de A3)

Consigne : Y a-t-il des guerres justes ?

(6) L’acception de « guerre juste » est, en fin de compte, une construction fantasmagorique qui répond aux besoins égoïstes. Après tout, qui d’entre nous ne s’identifie pas avec le héros – toujours beau et jeune – qui réduit [à néant] ses méchants adversaires ? On le comprend, on le soutient (parfois on pleure avec lui). Enfin, on le remercie de sauver l’humanité, et tout cela en mangeant des pop-corn, on change de chaîne pour voir le dernier reality show.

(Constanza, dernier paragraphe de A3)

De plus, si Anele fait une conclusion dès son texte spontané, on observe malgré tout aussi un changement dans les textes de cette étudiante, car à partir de son sixième texte, la conclusion qui était jusqu’alors minime (cf. ex. 7), s’étoffe et s’autonomise (ex. 8) :

Consigne : Montrer des images de guerre ou de violence à la télévision est-il un bon moyen de lutter contre ces

maux ?

(7) Par conséquent, nous considérons que ce type d’image constitue un moyen limité de lutte contre la violence. (Anele, dernier paragraphe de A4)

Consigne : La télévision est-elle une forme de communication et de progrès dans la société actuelle ?

(8) Par conséquent, nous considérons que l’image, et en particulier la télévision, constitue un moyen utile d’information, cependant il faudrait que le spectateur ait une attitude critique envers ce moyen. (Anele, dernier paragraphe de A8)

Pour conclure sur l’analyse longitudinale des copies au niveau rhétorique, on a constaté que dès leur deuxième ou troisième texte, les trois étudiants s’efforcent de rendre leur plan de texte plus visible :

- Wolfgang et Constanza se mettent à diviser leur texte en paragraphes ;

- Une introduction et une conclusion apparaissent également. En ce qui concerne l’introduction, on constate un autre changement chez Constanza : alors que l’étudiante répondait à la question posée dès le début dans ses premiers textes, elle ne le fait plus ensuite et ne répond que dans sa conclusion.

- Anele, elle aussi, s’initie à l’introduction et étoffe sa conclusion, au fil de ses textes.

Concernant les marquages des parties autres que le retour à la ligne, on constate une évolution différente chez Anele et Constanza : tandis qu’Anele les fait disparaître peu à peu, Constanza, au contraire, introduit des espèces de titres dans son dernier texte.

En conséquence, on peut affirmer que, au niveau rhétorique, les changements introduits par les scripteurs sont relativement conséquents. Qu’en est-il au niveau énonciatif ?

(7)

4. LES CHANGEMENTS REPÉRÉS AU NIVEAU ÉNONCIATIF

Afin de repérer d’éventuels changements introduits par nos trois scripteurs au niveau énonciatif, on a recherché dans leurs copies certaines marques de métadiscours, c’est-à-dire le matériel linguistique qui a pour fonction, non pas d’apporter une information, mais de permettre au scripteur :

- soit d’organiser son énoncé et d’aider à l’interpréter (métadiscours textuel),

- soit d’exprimer des opinions et des sentiments personnels sur le contenu de l’énoncé et de s’adresser au lecteur (métadiscours interpersonnel) (Vande Kopple 1985).

4.1. Marques de métadiscours textuel

Concernant les marques de métadiscours textuel, voici les catégories de marques qui ont été relevées dans les copies :

Tableau 4. Marques de métadiscours textuel relevées

Le scripteur… Exemples issus du corpus

… organise son texte D’abord, ensuite, par ailleurs, en somme, dans une première partie, pour conclure etc.

… explique sa démarche On va développer… Commençons par expliquer… Notre première partie soulignera…

… aide à interpréter En quelque sorte, c’est-à-dire, dans ce sens, plus précisément etc.

… illustre Par exemple, comme, notamment etc.

… fait une citation Selon ses déclarations…, comme le dit X…

Nos étudiants ont-ils tendance à utiliser plus de marques de métadiscours textuel d’une copie à l’autre, ou non ?

Tableau 5. Scripteurs augmentant leur recours au métadiscours textuel

Marques pour… Noms des scripteurs qui en utilisent plus …organiser le texte (organisateurs textuels) - … expliquer la démarche - … aider à interpréter (marqueurs de reformulation) Anele … illustrer (marqueurs d’illustration) Anele et Constanza

… faire une citation Anele et Constanza

Comme le montre bien le tableau 5, c’est chez Anele que l’on observe le plus de changements, puis chez Constanza : au cours du semestre, ces étudiantes se mettent à utiliser certains marqueurs de métadiscours textuel.

(8)

Par exemple, si l’on observe les marqueurs de reformulation dans les textes d’Anele, on constate qu’ils apparaissent à partir de son sixième texte et que leur fréquence augmente ensuite :

Tableau 6. Marqueurs de reformulation utilisés par Anele

As-A5 A6 A7 A8 A9d

- Il s’agit… C'est-à-dire… Et plus particulièrement, et en particulier, si on définit…

Bref, ça peut être…, si on définit…

En revanche, si aucun des trois étudiants n’utilisent plus d’organisateurs textuels3, c’est qu’ils en emploient déjà

dans leur premier texte. Concernant les marqueurs permettant d’expliquer la démarche4, on observe deux cas de

figure opposés : tandis qu’Anele en utilise dans tous ses textes et dès son écrit spontané, Wolfgang et Constanza, en revanche, n’en utilisent jamais.

Enfin, le nom de Wolfgang n’apparaît pas dans le tableau 5 parce que cet étudiant emploie des organisateurs textuels dès son texte spontané, n’utilise pas de marqueurs d’illustration ni d’autres marqueurs, sauf de façon épisodique si bien que l’on peut dire que contrairement à ses deux collègues, il ne cherche pas vraiment à augmenter son recours au métadiscours textuel.

4.2. Marques de métadiscours interpersonnel

Il existe diverses marques de métadiscours interpersonnel, notamment l’emploi des déictiques de personnes et les nombreux « subjectivèmes » (Kerbrat-Orecchioni 2006) qui peuvent être de différente nature (adjectif, nom, adverbe et même verbe). Pour analyser les copies des étudiants, on est parti de l’observation des déictiques de personnes (je, nous et vous) et du pronom on lorsqu’ils sont suivis d’un verbe de dire (j’affirme), d’opinion (nous

pensons), de sentiment (on peut regretter) ou d’un verbe exprimant une activité cognitive (nous constatons, on observe), toujours en cherchant à voir si le scripteur introduit ou non des modifications au long du semestre.

Ce qui frappe chez Anele et Wolfgang, c’est la disparition du je. Cette disparition est tardive chez Wolfgang car elle ne se produit que dans son cinquième et dernier texte ; auparavant, on rencontre plusieurs occurrences du je :

je crois que (As), il me semble x2 (A2), à mon avis, je crois (A4). On peut même se demander si cette disparition

du je est réellement définitive chez ce scripteur.

En revanche, chez Anele, cela ne fait aucun doute ; de plus, le changement se produit dès son deuxième texte : ainsi, après avoir utilisé à quatre reprises le je dans son texte spontané (je pense que…, à mon avis…, je dois

dire…, je ne suis pas d’accord…), l’étudiante ne l’utilise plus jamais dans les huit textes suivants.

Il est également intéressant d’observer par quoi Anele remplace le je ; on constate que c’est le nous qui prend la relève, puis le on, à partir du septième texte :

3 Par exemple : d’abord, ensuite, par ailleurs, en somme etc.

(9)

Tableau 7. Emploi des je, nous et on dans les textes d’Anele

As A2 A3 A4 A6 A7 A8 A9d5

Nb de je 4 - - - -

Nb de nous - 1 1 1 1 3 1 -

Nb de on - 1 - - - 1 1 2

Le tableau 7 montre bien comment le jeu sur l’emploi des déictiques et des pronoms permet l’effacement progressif du scripteur.

Qu’en est-il chez Constanza ? Cette étudiante n’utilise jamais le je et ne peut donc y renoncer. Cependant, il est fort probable que cette absence du déictique je n’est pas fortuite, mais bien intentionnelle puisque, dans son dernier texte, l’étudiante va jusqu’à utiliser la troisième personne pour se désigner elle-même, plutôt que d’avoir recours à la 1ère personne :

(9) D’autres, comme celle qui écrit ici, préfèrent pourtant les hommes aux animaux dont la prédicibilité est un ennui sans fin. (Constanza, dernière phrase de A4d)

5. INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET CONCLUSION

Comment interpréter les modifications introduites par nos trois étudiants hispanophones dans leurs pratiques d’écriture en français langue étrangère ? L’absence de paragraphes dans les textes spontanés de deux d’entre eux étant tout à fait étonnante lorsque l’on sait que ces deux personnes ont fait des études supérieures dans leur pays d’origine, on peut supposer qu’il s’agit d’un phénomène de régression comparable à ceux décrits par R. Bouchard (1996) qui caractérisent souvent l’activité rédactionnelle en langue étrangère : du fait d’une moins bonne maîtrise de la langue, le scripteur adulte allophone se met à privilégier le contrôle local sur le contrôle global, contrairement à ce qu’il fait lorsqu’il rédige dans sa langue première.

En revanche, les autres changements effectués par nos étudiants montrent que les normes de mise en discours peuvent varier d’une communauté discursive à l’autre et ce, même lorsque langue source et langue cible sont linguistiquement proches.

Si l’on dresse le bilan des variations observées, on constate qu’elles concernent avant tout le niveau rhétorique : l’apparition d’une introduction et d’une conclusion et/ou l’enrichissement de ces parties. En ce qui concerne la conclusion, on a constaté un changement supplémentaire chez une des étudiantes : alors que, dans ses premiers textes, Constanza avait tendance à répondre à la question posée dès le début, elle diffère ensuite cette réponse, en la réservant à la conclusion.

Notons qu’au niveau énonciatif, les modifications repérées sont moins généralisées : la disparition du déictique

je n’est nette que chez une étudiante sur trois. De plus, les étudiants ont déjà l’habitude d’utiliser des

organisateurs textuels dans leurs textes argumentatifs ; cependant, il faut noter que deux sur trois introduisent dans leurs textes d’autres marques de métadiscours textuel (illustration et citation).

(10)

En conclusion, parmi les nouvelles normes discursives que ces étudiants hispanophones ont acquises pendant le cours sur l’argumentation écrite en français, on peut citer :

- une importance accrue accordée au plan de texte ;

- certaines règles concernant le contenu de l’introduction et de la conclusion : notamment, contrairement à d’autres genres comme l’essay anglo-saxon, le fait que la réponse à la question posée soit réservée à la conclusion ;

- un guidage encore plus explicite du lecteur dans son activité de lecture-compréhension.

5. RÉFÉRENCES

BOUCHARD, R. (1996), « L’étude de la production discursive », Le français dans le monde. Recherches et

applications juillet 1996, pp. 172-182.

DONAHUE, C. (2000), Genres, mouvements textuels, subjectivité dans les écrits d’apprentissage académique.

L’interprétation du discours des étudiants-écrivains américains et français, thèse de doctorat en linguistique,

Université Paris 5-René Descartes.

FLØTTUM, K. (2003), « Y a-t-il des identités culturelles dans le discours scientifique ? », Estudios de lengua y

literatura francesas 14, pp. 63-70.

HIDDEN, M.-O. (2008), Variabilité culturelle des genres et didactique de la production écrite, thèse de doctorat en didactique des langues, Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle.

KAPLAN, R. B. (1966), « Cultural thought patterns in inter-cultural education », Language learning 16 (1 et 2), pp. 1-20.

KERBRAT-ORECCHIONI, C. (2006), L’énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin.

SACHTLEBER, S. (1992), « Vue contrastive sur un genre de textes scientifiques : les actes de congrès »,

Langages 105, pp. 87-99.

TAKAGAKI, Y. (2002), « La logique française est-elle universelle ? Etudes comparatives des organisations textuelles chez les Français et les Asiatiques », Colloque international de Bangkok 2002, Association thaïlandaise des professeurs de français, pp. 185-195.

VANDE KOPPLE, W. J. (1985), « Some exploratory discourse on metadiscourse », College Composition and

Communication 36, pp. 82-93.

Références

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