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n comparaison des hôpitaux suisses, quiconque a visité un service d’urgence d’un pays émergent est saisi de vertige ! Non seulement dans la comparaison des locaux, de leur propreté, de la gamme ou de l’état des équipements, ou encore de la dotation en personnel médico- soignant, mais surtout en raison de la typologie des patients qui est prise en charge dans ces structures.En regard de la population de ces pays, faite de patients jeunes et actifs, accueillis pour des pathologies aiguës principalement traumatologi- ques, une importante part du volume de patients admis dans les services
d’urgence de notre pays est consti- tuée de patients âgés, voire très âgés.
La vulnérabilité de cette population se révèle lorsque sa situation de santé se détériore et/ou qu’un événement imprévu nécessite l’admission dans un service d’urgence. Admis pour des pathologies a priori bénignes, tels une grippe, une chute sans fracture, ou un malaise, le patient âgé peut perdre rapidement son autonomie, souvent précaire déjà avant l’admission. Lors- que l’admission est motivée pour une décompensation aiguë d’un ou plu- sieurs organes, le pronostic vital immédiat est mis en jeu, mais, si le cap est passé, c’est également l’ensemble du pronostic à moyen terme, parti- culièrement la capacité à retrouver son autonomie partielle ou totale, qui est au premier plan.
Plus de 40% des appels (50% à l’horizon 2020) pour urgence vitale, né- cessitant l’engagement d’une ambulance médicalisée (SMUR ou cardio- mobile), concernent des patients de 70 ans ou plus. Dans nos services d’urgence, 30% environ des patients accueillis sont âgés de 65 ans ou plus.
Les conséquences et les défis engendrés par cette situation sont multi- ples. Premièrement, il est nécessaire d’adapter les structures aux besoins de ces patients (capacité d’accueil, filières de soins et d’hospitalisation adaptées). Deuxièmement, sur le plan clinique, il est nécessaire d’ensei- gner et de promouvoir l’utilisation d’outils d’évaluation cliniques et para- cliniques adaptés aux spécificités de la personne âgée aux urgences.
L’ensemble des articles de ce numéro consacré aux urgences est dévolu au phénomène du vieillissement de la population et ses conséquences sur l’activité des urgences. On y trouvera des informations épidémiologi- ques, justifiant les adaptations structurelles et qualitatives mentionnées ci-dessus qui permettront, si elles sont réalisées, d’assumer l’accueil de ces patients aux urgences. On y trouvera également des informations sur la spécificité de la prise en charge de ces patients (par exemple : chutes, traumatismes, douleur abdominale aiguë), de même que des scores diag- nostiques et pronostiques utiles tant en médecine de premier recours qu’en médecine d’urgence, ces deux disciplines étant les plus concernées par ces enjeux. Finalement, le développement des compétences des mé- decins urgentistes, mais également de l’ensemble du corps médical face à l’appréciation clinique d’un patient âgé doit être intégré aux curriculums
Vieillissement des urgences ou urgences face au vieillissement ?
«… il est nécessaire
d’enseigner et de promouvoir l’utilisation d’outils adaptés aux spécificités de la personne âgée …»
éditorial
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 août 2012 1531
Editorial
B. Yersin F. Sarasin
Bertrand Yersin
Médecin-chef Service des urgences
CHUV et Université de Lausanne Lausanne
François Sarasin
Médecin-chef Service des urgences Département de médecine communautaire,
premier recours et des urgences HUG, Genève
Articles publiés
sous la direction des professeurs
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de formation. Des modèles de collaboration entre urgences et gériatrie doivent être développés, testés et mis à l’épreuve de l’efficience médico- économique.
Urgences et vieillissement représentent un des défis majeurs pour les prochaines décennies, non seulement pour les urgentistes, mais pour l’ensemble des structures du système de santé. Devant ce constat, les médecins de premier recours, les services d’urgence et, souhaitons-le, les autorités po- litiques et les directions institutionnelles doivent travailler de pair pour anticiper cette évolution et 1) offrir des modèles de prise en charge visant à réserver l’accès des urgences aux situations les plus aiguës, et 2) créer des filières de soins alternatives en dehors des urgences pour accueillir les patients âgés qui ne relèvent pas au sens strict de la médecine hospitalière aiguë, mais n’ont néanmoins pas d’alternative que de se rendre à l’hôpital.
Finalement, un grand merci à toute l’équipe des rédacteurs qui a permis la réalisation de ce numéro centré sur les urgences et la gériatrie. Bonne lecture !
1532 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 août 2012
«… Urgences et vieillissement représentent un des défis majeurs pour l’ensemble des structures du système de santé …»
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