SCOTT
Abbé Auguste GOSSELIN
DE
LA SOCIÉTÉROYALE DU CANADA
Les Normands
au Canada
1
LES NORMANDS AU CANADA
TiFRANCE ET CANADA
DIEPPE-QUÉBEC (1639); QUEBEC-DIEPPE (1912)
Que
ne devons-nous pas. nous Canadiens, nous spécialement d'originenormande,
àlaFrance, notreanciennemère-patrie?Pour ne parlerque
des chosesreligieuses, n'est-cepas de la France que nous tenonscet espritévangélisateurquianime
nosmissionnaires, nos religieuses, et inspire aux uns et aux autres la volontéet lecourage des'expatrier, de tout (Quittercequ'ilsontde pluscherau
monde,
pour aller étendreau loin le règne de Dieu dans lespays étrangers (2), et jusque chez les nations infidèles de la terre d'Afrique,où
nouscomptons
déjà tant d'apôtres Canadiens(3)'?(1) C'estle septième travail (juenous publions sous ce titre général dans la RevueCatholiijue deNormandie. Voici ceux qui ont précédé Jean Bourdou.en 1892;JeaniVicolet,en1893;Jean Le Sueur, en 1894 LaJuridiction exercéeparl'archevêque deRouen au Canada,en1895 HenrideRernière.^. en 4896; Journal d'une expéditionde D'Iberville en 1900.
(2)« 11y adansl'ancienne Francedela générosité,une ardeurtoute apostolique.Cessentiments de générosité, cetélan chevaleresque, tout cet esprit apostolique a survécu chez nous. Des religieuses ont quitté
mon
diocèse pour venir en Angleterre, en France où les entraves apportées à la liberté de l'Eglise rendent les vocations plus rares.D'autres sontallées auJapon,enChine. » (ParolesdeS. E. loC.ardinai Bégin, aux Missions-Etrangères: extraitdeVAction Sociale deQuébec, 26juin1914).
(3) « En Afrique, il y a. exactement, 34 Pères Blancs Canadienset 47 Sœurs Blanches Canadiennes, dont onze sont encore novices. En
tout, 81 des nôtres! Ce n'estpasmal,
comme
vousvoyez.Enseptembre prochain quatre jeunes gens partiront pour notre noviciat, quiest à Maison-Carrée, près d'Alger, et vers lemême
temps une douzaine de Postulantess'embarquerontaussi pour se rendre aunoviciat. «(Lettredu K. P. Forbes à l'auteur.Québec, 37,ruedesRemparts, 25mai1914).
Mais qui auraitcru
que
nous aurionsjamais occasion de rendreà la France,en fait d'aposlolat, «quelque cliose de ce qu'elle tit
aulrelbispour nous?Dieppe-Québec(J639),Québec-Dieppe
(1912)
: ce titreque nous mettons en tête de ce travail en indique toutde suitele sujet : un épisodede réciprocité de services entre DieppeetQuébec, entre le
Canada
et la France, épisodeque
nous avons proposé naguère à l'attention de nos confrères de la Société Royale, et qui. nous lecroyons, ne peutmanquer
d'intéresser les lecteurs de laRevueCatholique deNormandie.Tout le
monde
saitque
l'Hôtel-Dieu de Qijébec, le plus ancien de noshôpitaux, qui renditautrefois tant de services àlacolonie, etqui est encore une de nos principalesinstitutions hospitalières,une
de celles qui ont toujourssu se tenirau courant de tous les progrèsenmédecine
et en chirurgie, doit son origine à celui de Dieppe. Il fut fondé en 1637 par la duchesse d'Aiguillon, niècedu
cardinal de Richelieu : le contrat de fondation « fut passé le16aoiit en l'hôtel de la duchesse, à Saint Germain-des-Pi-és-lez- Paris (1). » Richelieu avait fondé dix ans auparavant, le 29 avril 16:27, la
Compagnie
des Cent-Associés, destinée à c;>loniser laNouvelle-France : la duchesse d'Aiguillon, entraînée par la géné- rositéde sanaturebienveillante,
non
moinsque
par lesrécits des missionnaires jésuites qui, dans leurs Relations (2), faisaient voir la nécessité d'un hôpiial àQuébec
pour le soulagement des misères corporelles tout à la foisdes colons français et des sau- vages, résolutde fonder cethôpital; etdès l'année suivante, 1638, ayant obtenu de laCompagnie
des Cent-Associés. outreun
ter- rain pour l'hôpital dans l'enclos de Québec, un fiefde soixante arpents dans la banlieue, elle envoya des ouvriers pourcom- mencer
les défrichements et préparerun
logement, ahnque
seshospitalièreseussentun pied-à-terreen arrivant au
Canada
:« Dieu m'ayant donné, écrivait-elle au P. Le Jeune, le désir
(1) Archivesdel'Hôtel-Dieu de Québec.
(2) «Hélas1 écrivaitle P. LeJeune en 1635,est-cequ'on ne trouvera point quelque brave Dame, qui donne un passeport à cesamazones du grand Dieu, leur dotant une maison, pour louer et servir sa divine Majestéence nouveau
monde?
» {Relations des Jésuites. 1035, p. 2).-
3-
d'aiderau salut des pauvres sauvages, après avoir lu la relation
que
vousen avez faite, il m'a semblé queceque
vous croyez qui puisse le plus servir à leur conversion, c'est l'établissement des religieuses hospitalièreseu la Nouvelle-France : de sortequej'ai résolu d'y envoyer cette année six ouvriers pour défricher les terresetfairequelque logement pourcesbonnes
filles... »Pour
l'exécution de son pieux dessein, elle jetales yeuxsur les Religieuses Augustines de l'Hûtel-Dieu de Dieppe; et ces Reli- gieuses, avec un courage vraiment héroïque, et l'agrément de leur évêque,Mgr
deRouen,
se décidèrent à entreprendre cette tâche : ce qu'ellesfirent au printemps de1639.Bien héroïque, en effet, cette résolution: plushéroïqueencore, peut-être, la persévérance incomparable avec laquelle elle fut
menée
àbonne
fin. malgrédes obstacles en apparenceirisurmon- tables. Si l'on admire la vaillance et l'intrépidité de nos anciens missionnaires, qui vinrent ici, au prix de tant de sacrifices, de misères et de dangers detontes sortes, établir lerègne deDieu(1), (|uelle idéeextraordinairene doit-on pas avoir de cesfemmes
aucœur
nobleetgénéreux, qui ne reculèrent pasdevantun voyage, devantuneentreprise,devant des travauxqui, dans lesconditionsoù
tout cela devait se faire à celte époque, nous semblent vrai-ment
au-dessus des forceshumaines?
Et ce qu'il y a de plus étonnant, c'est qu'il y eut parmi ces Religieusesde Dieppeunesainte émulation à qui irait se dévouer pour la mission du Canada. Il fallait pourtant se borner; et le
choix desdirectrices
tomba
sur quatre d'entre elles, dont la plus âgée, Marie Guenet, n'avait pas trente ans. C'était la fille d'un riche banquier de Rouen,membi^
de laCompagnie
des Cent- Associés. Ellefut lapremièresupérieure de la petitecommunauté
augustine de Québec.
On
ne peut lire sans émotion la lettre que lui écrivait la(1) «
Quand
je vois les sacriflcesdes premiersmissionnaires, leurvie pénible, douloureuse,fatigante, alorsqu'à traversles forêtsilscouraient à la recherchedes Indiens pourlesconvertir àJésus-Christ., jeme
dis:c'étaientdes âmesd'apôtres; et quamfje compare ce que nousfaisons maintenant avec notre vie molle, il
me
semble que nous nesommes
que des pygmées auprèsd'eux. Il y en apourtant encore de ces âmes d'apôtres, etje puis m'en convaincre, puisqueje suis ici dansle Sémi- naire des martyrs. » (Paroles de S. E. le Cardinal Bégin, lococitalo.)._
4—
duchesse d'Aiguillon quelques jours avant son départ pour le
Canada, ettout particulièrement les lignessuivantes, ajoutées en
marge
decette lettre :*
Ma bonne
mère, obligez-moi
de prendre, soin dedemander aux
sauvagesque
vous assisterez à la mort, le salut de Monsei- gneurleCardinal, celuide quelques personnesàqui j'ai de parti- culières obligations, et le mien, etque toutes vos religieusesme
fassentla
même
charité (1). »Le
voyage de ces saintes hospitalières, qui dura trois mois(2), encomptant
les quinzejours qu'il fallut passer au large dans larade deDieppe,à cause des tempêtes,les incidents et les péripé- ties de ce voyage, l'arrivée à Québec, les
commencements
sipéniblesde l'Hôtel-Dieu,puisson établissementsolideetdurable, ses épreuves, ses travaux et ses
œuvres
: tout cela a été racontéadmirablement
par la première annaliste de cette institution, laSœur
Juchereau (3j; tout cela fut repris ensuite et continué jus- qu'à nosjours par notre très distingué écrivain canadien, l'abbé Casgnain. Son Histoire de l'Hôtel-Dieu deQuébec est certainement l'un des meilleurs, le meilleur, peut-être, de sesouvrages.Les seize premières Religieuses de l'Hôtel-Dieu de
Québec
vir)rent de France, la plupart de Dieppe, quelques-unes cepen- dant de la Bretagne (Vannes,
Quimper,
ïréguier).La première religieuse
Canadienne
de l'institution, Françoise Gitîard,fitprofessionen IBoO; età partirde cette date la France n'eut plus à envoyerdesujets àIHôtel-Dieu de Québec.Françoise Gitfard,fillede Robert Gitfard. lepremier seigneurde Beauport, prit en religion le
nom
de Saint-Ignace, qu'avait si noblement porté la première supérieure, Marie Guenet, qu'on peut bienappelerlavéritablefondatricedel'Hotel-Dieude Québec, au point de vue spirituel, etqui lit tant de bien auCanada
pen- dant les quelques années qu'elle y vécut : elle mourut, hélas!njoins de sept ans après son arrivée à
Québec
: elle n'étaitâgéeque
detrente-six ans!(1) Relationsdes Jésuites, 1639, p. 40.
(2) Le d(''pai"teutlieu le4 mai, et ellesn'arrivèrent à Québec que le
premieraoût.
(H) Iliatoire de l'/Iôli'l-/Jieu de Québec.
A
Moutauban, chez Jérosme Leeier. 1751.Le P. Le Jeune, toujours très sobre de compliments, écrivait cependantà son sujetà lasupérieure de Dieppe :
« Cette
bonne Mère
est docile, francheet candide.Tant que vosSœurs
garderontcetesprit,ellesnemanqueront
pointdesecours.»Puis ilajoutait : « Les Français et les Sauvages aimentvosSœurs.
Les Sauvages les appellent les bonnes, les charitables, les libé- rales.Je prieDieu qu'ilcontinuesa bénédiction surcette maison.» Il ajoutait encore : « Tout est si changeant en cette vie, qu'on se doit défier de tout, et plus de
nous-mêmes
que de toute autre chose (1). »Quelle sublime parole! quel admirable
parfum
de vertu!Faut-il s'étonner(juc sous la conduite de prêtres aussi foncière-
ment
religieuxque
nos anciens missionnaires jésuites, lescom- munautés
naissantes deQuébec
aient produit tant de fruits mer- veilleux de charité, debienfaisance, d'édilication detoutessortes?Ce
que
dit le P. Le Jeune de l'affection des Français et des Sauvages pour les Religieuses de fHùtel-Dieu deQuébec
nous rappelle un passagedeMgr Dupanloup
;« La religion, dit-il, entre autres choses admirables qu'elle a créées sur la terre, a crééla Sœur. Quelque habit, quelque
nom
qu'elle porte, qu'elle fasse l'école
du
village ou qu'elle visite l'indigentdes villes,ou qu'ellesoigne lemalade danslesliôpitaux, ou s'immole, hostievivante, victime d'expiation dans l'holocauste de la prière et de la pénitence, c'est la Sœiu\ c'est toujours laSœur
;etcenom
sidoux,symbole
de puretéet d'innocence, de sacrifice et de vertu,d'amour
et de désintéressement, sera tou- jours, quoi qu'on fasse, cher et sacré aucœur
des peuples (2). »La première supérieure de l'Hôtel-Dieu de
Québec
n'était pas un écrivain,comme
celle qui prit après elle lenom
de Saint- Ignace, oucomme
plus tard laSœur
Juchereau et laSœur
Duplessis. Elle avait tropà faire pour tenirjournal ou entretenir
une
correspondance suivie.Nous
ne connaissons d'elle qu'une lettre; etcette lettre estrestéeinéditejusqu'àcesderniers temps, qu'elle a été publiée parun
érudit de Rouen, M. Cabinet. Elle nousdonne
une haute idée de la veitu de cette religieuse, que(1)Citépar M. H.Cafiingtdans sonintéressante brocfiure:Documents sur le Ca»rtr/a(1639-1660), p. 20.
(2) Cité par Emile Faguet dans son beau livre sur
Mgr
Dupanloup.-
6—
cetérudit ne craint pas d'appeler « une admirable
femme
», et qui,comme
Marie de l'Incarnation (Ij, s'attacha à notre pays, pourtant si pauvre à cette époque, au point de l'appeler, dans cettelettre, « le vrai paradis desreligieuses ».•Outre cette lettre, nous savons par son propretémoignage
que
la MèreS;iint-lgnace écrivit surson hôpital une Relation, qu'elle adressa à l'archevêque de Rouen. Qu'est devenue cette Relation?
Existet-elleencorequelquepart?
Nous
n'en savonsrien.Cequiest certain, c'estque
l'archevé(|ue, mécontent de ceque
les Jésuites n'avaient pasencorereconnu sa juridictionauCanada
(2), etnefai- saientaucune
mention deluidans\euvsRelations,en exprima<|uel-que part (3) son mécontentement. La supérieure de THôtel-Dieu de Dieppe en écrivit à celle de
Québec
; et celle-ci de répondre :« Je n'avais garde d'écrire une relation à
Mgr
l'archevêque.Vous
savezque
je n'ai point d'habitude pourcela; etde plus les occupations que nous avons pour la quantité de malades qu'ilnousfaut assister, l'inhrmité assez grande oii nous
succombâmes
toutes l'une après l'autre, à force de travail, les provisions (ju'il fallait recevoiret visiter,la maison
que
nous faisionsaccommoder
à notre usage (4), tout cela ne nous donnait pas seulement le
temps de penser si nous étionsen Canada,et ce
que
nous y fai- sions, (^ettearmée
(1640),j'ai envoyé à SaGrandeur
un recueil de choses les plus particulières qui se soient passées en notre Hôpital. Je ne pense pasnéanmoins
(|ne cela le contente; car, à ce queje puis entendre, il désirerait la Relationde ce pays; maiselle n'est pas en
ma
disposition. »Voilàqui peint bien le caractère de cette
femme
: sa sagesseet son bon sensétaientà lahauteur desa vertu. Elle entendait bien ne s'occuperque
des affaires deson couventetde son hôpital, et(i) La Vénérable fondatrice des Ursulines de Québec. Elle vint au Canada en
même
tempsetdanslemême
vaisseauqueles Augustines de l'Ilôlel-Dieu.(2) Surlajuridiction del'archevêque deRouen auCanada,voirnotre voliuneLtiMissionduCanada avant
Mgr
dr Laval,p.101, 102, 144, ainsi que nos articlespubliésen 1895 dans\a.Revue CatholiquedeNormandie.(3) Lettre à laduchesse d'Aiguillon. Rouen,28 février1640.
(4) La Maison des Cent-Associés, qui futmise tout d'abordàla dis- position des Hospitalières, grâce, sans doute, à l'influencedeM. Guenet, père de la Sœiu" Saint-Ignace.
-
7-
nesecroyaitnuUement chargée de conduirelepays,ou deraconter ce quise passait en dehors du monastère.
Nous
avonsdit jfu'à partirde 16o0il ne vint plus à l'Hôtel-Dieu deQuébec aucune
religieuse de France. Mais celte belle institu-tion reste toujours eu relation assidue de correspondance, de prières etd'amitié avec celle de Dieppe. La
mère
ne perd jamais de vue sa tille bien-aimée, elle s"intéresse à son sort, à ses œuvres, à ses progrès; la tille, également,demeure
très attachée à sa mère,etne perd pas de vue son berceau.Chaque
année il y a une Circulaire qui part de lamaisou-mère
et va rendrecompte
àtoutes les maisons de l'Ondredes principaux événements, heu- reux ou malheureux, qui se sont passés dans la grande famille religieuse Augustine. S'ilssont heureux, chacun s'en réjouit eten rendgrâces au Seigneur : s'ils sont malheureux, on sympathise avec les affligés, on prie poureux, on se
montre même
disposé à leur veniren aidedansla mesuredu
possible.« •
HélasIqui ne connaît la situation tristeetlamentable faite
aux
comnuinautés religieuses de France, en ces derniers temps, par legouvernement
de notre ancienne mère-patrie ? Les Hospita- lières de Dieppe ont été trappéescomme
partout ailleurs, aveccertains
ménagements,
cependant. Ladministration deleur hôpital leur a été enlevée, l'hôpital est laïcisé, et administré par des directeurs laïques, dont le maire de la ville est le président.Les Religieuses hospitalières, toutefois, sont encore là, maisà litred'employées, de salariées. Elles occupent leur monastèreet conservent leur noviciat, maisse recrutent difficilement: tantles circonstances sont misérables,etl'avenir incertain ! Leurhôpital, autrelois si prospère, périclite. Lasupérieure, écrivant à cellede
Québec
le20décembre
1910 :« Hélas ! disait-elle, nos œuvres françaises sont bien loin
du développement
des vôtres! La guerre religieuse les entrave, et s'opposedetoutes manières, surtout par l'éducation, au recrute-ment
de sujetsqui nous est nécessaire pourcontinuer nossaintes fonctions. C'est à ce sujetque
jeviens solliciter votre charité.€ Actuellement, ajoutait-elle, nous ne
sommes
pas asseznom-
breuses pour lenir tous lesservicesde la maison.Plusieurs, déjà, sontlaïcisés; d'autres le seront, si nous n'y pouvonspourvoir.Cependant telle n'est pas l'intentionde la
Commission
adminis-trative, qui
me
supplie de leur procurer des Religieuses,afin de ne pas continuer la laïcisation.t J'aifrappé en vain à- bien des portes. Mos. chèresmaisons- sœurs, de Bretagne ou de
Normandie,
ne peuvent nous aider, subissantlamême
criseque
nous. Depuisun
mois environj'aicommencé
cesdémarches
: c'est à vous, aujourd'hui, malgré réioignement et la ditierence respective de nos maisons,que
je\iensm^adresser.
Parmi
vosnombreuses
PostulantesetNovices(1), peut-être s'en trouverait-ilqui,sur votredemande,
consentiraient às'expatrier pour sauver l'honneur etj'existence du cher Berceau de l'Ordre; ou, parmi vos Religieuses, quelques-unes accepte- raient-elles d échanger leur vie, plus heureuse par les conditions libresdont vousjouissez, contre notre vie, certainement pénible,où
l'abnégaiion et le sacrifice sont dechaque
instant pour laSœur
hospitalière?« J'espèreque, si vous le pouvez, vous réaliserez
ma demande, que
je vous faisavec d'humbles et pressantes instances, confiant son succès ànotre bon Sauveur,afinque
sa charité vous inspire, que la générosité de son sublime sacrificeanime
quelquesâmes
vaillantes à lui rendre
amour pour amour
parledon total d'elles-I
mêmes
et Tabandon^detoutce qu'ellesontdepluscher ici-bàs... »l^esHospitalièresde
Québec
étaient bien dignes de la confiance avec laquelleon recourait à leyirbonne
volonté, en leur présen- tant les choses avec tant de franchise, sansaucun
fard, sansaucun
allèchement trompeur; et nous ne pouvons douter que leurpremiermouvement
fut d'acquiescersansdélai à lademande
deleursSœurs
d'outre-meretdes'otîrir pouraller « sauverl'hon- neur et l'existence du Berceau de leur Ordre. » Mais il fallait, dans,une affaired'une telleimportance,consulter leurévèque; et lePrélat, dans sa grande sagesse, avait besoin d'examinersi laCommunauté
pouvaitraisonnablement faire lesacrifice qu'on luidemandait. Elle venait précisément d'envoyer queh^ues-unesde ses religieuses ausecours d'un autre hôpital, tenu, lui aussi, par
(1)Il y avait à Québec àcette date (1910)85 professes de chœur, 24 professes converses, 4 novicesdechœur,1 novice converse. 6 postiilanies de chœuret4 postulantes converses. (Le Cnuadafcch'sirixfif/npde 1910.
p. 373).
des
Sœurs
Augiistines, à Waterloo, près de Liverpool, en Angle- terre. N'allait-on pas, parl'envoi d'un autre renfortà l'Hôtel-Dieu deDieppe, affaiblird'une manièreexcessiveceluideQuébec
eten*compromettre
lesœuvres? Ne
nous étonnons donc pas de laréponse
que
la supérieure deQuébec
se vit obligée de faire,quelques semainesplus tard, à sa vénérée
Sœur
de Dieppe :«
Au
lieu de vous annoncer aujourdhm', écrit-elle, lajoyeuse nouvelled'un renfortpourlesoutien devosœuvres,j'ailadouleur de vous déclarer que SaGrandeur Mgr
notreArchevêque
(1), consultédans uneaffairede sigrandeimportance, s'oppose absolu-ment
àceque nousdétachionsdenouveaux
sujetsde notre maison, après avoir prêtéles trois qui sontactuellement à Waterloo.t Monseigneursuit de près notre hôpital. Il voitle travail épui- santque nops imposent lesexigencesactuelles de la chirurgie,de
la médecine
même,
dans les cas de lièvres, sinombreux
cette année. Il saitque
souvent huit Religieuses, la nuit, veillent à la fois—
et quellesveilles!—
un vraisurmenage
! Il sait que chez plusieurs lasanté décline sensiblement, ei que, sansêtre précisé-ment
horsde combat, bien des jeunes sont obligées à desména-
genients qui nécessitentun
plusgrandnombre
de religieusesdans leurs oftices, à ce point,que
des préparantesau Brevet doivent actuellement interrompre leurs études pour aller secourir leurs Soeurs surchargéesde travail. Sans cesse obligée de'tortiller lesanciensotficeset d'en créer dé nouveaux, la supérieure, malgré
le grand
nombre
de ses religieuses, est littéralement pauvre de sujetspoursutHre à latâche quotidienne.« Il a fallu, veuillez le croire, toutes ces raisons trèsgraves pour
empêcher Mgr
Bégin de nous laisser voler au secours de• notre cher Berceau religieux d'une
Communauté
à qui nous devonstoutcequ'est la nôtre, et dontla navrante situation nous a brisé le cœur. Sa Grandeurqui. Tété dernier, nousavait permis d'aller secourir nosSœurs
de Waterloo, nous a retiré plus tard cette autorisation,laprudence faisant taireen cela sa bonté natu- relle... )>(l)Mgr Louis-Nazaire Bégin, élevéparSa Sainteté Pie
X
àladignité de Cardinal dela sainte Eglise Romaine, dansleconsistoiredu 24mai dernier. D'après Tanguaj {Dictionnaire généalogique,t. I, p. 37), son premierancêtre au Canadavenait « de Liénard, évèché de Lisieux o.-
10-
Etla
bonne
supérieure signait sa lettre : « VotreSœur
affligée,maisjileinedeconfiance »
Cesderniers mots en disaient plus
que
des volumes pour ras- surer lesHospitalières de Dieppe, etleurdonner
l'espoirque
rien n'étaitdésespéré.On
avait allégué, pourdonner
à Dieppeune
réponse dilatoire, la crainte de trop affaiblir l'Hôtel-Dieii deQuébec
en faisant partir quelcjues religieusespour la France: et Ce motif nétait pas sansfondement
: on avait lieu decraindreque
deux départs suc- cessifs—
DieppeaprèsWaterloo—
ne fussenttropdommageables
aux intérêts temporels de riiôpital de Québec. Mais sait-on quelle était, au fond, lagrande, la principale préoccupation deMgr
l'ar- clievêqueetdenos Hospitalièresdanstoutecette affaire?On
voulait s'assurer, avant d'envoyer à Dieppe desSœurs
de l'Hôtei-Dieu,si la chose nese ferait pasau détriment de l'espritreligieux ettradi- tionnel qui règne ici d'une manière si admirable :non
pasque
l'on eûtle
moindre
doute surl'espritreligieux delaCommunauté
elle-même de Dieppe; mais le faitde la laïcisation de l'hôpital et des rapportsquotidiensavec uneadministration laïquenepouvait-il pas inspirer quelque crainteau sujet de nos religieuses,qui se verraienttoutà
coup
dansunesituation à laquelleellesétaientpeu préparées.C'élaillàsurtoutl'objetde lapréoccupation des Hospita- lièresde Québec.On
levoitbienpar les parolesque
leur adressait la supérieure dansune
assembléedu Chapitre de la maison :« Sachant, dit-elle, le désir manifesté par plusieurs d'entre nousd'aller payer au Berceau de notre Institutune faible partie de ladettedereconnaissance contractée ici par le
dévouement
de nossaintes fondatrires,j'ai priéSaGrandeur Mgr
l'archevêquede vouloir bien s'informerauprèsdu
Supérieur ecclésiastiquede nos Mères deDieppe, poursavoir:< 1° Si les règlements de leursadministrateurs leurpermettent d'observer fidèlement notre Règleet nos Constitutions; 2° si nos
Sœurs
employées à l'hôpital y pourront accomplir journellement tousleurs exercices spirituels; 3° si dansle milieu où ellesdoi- ventexercerlesfonctionsd'hospitalitéellesne seront pas exposées à perdre leuresprit religieux. »Mgr
l'archevêque deQuébec
ayantécritàce sujetàM. Véniard, ledigne supérieur desHospitalièresdeDieppe, enreçutlaréponse suivante :—
11-
t
En
réponseàla lettre de Votre Grandeur endatedu
28février dernier, j'aiThonneur
decommuniquer
ci-inclus leRèglement
des Religieusesde l'Hôtel-Dieu de Dieppe, avec lesobservations delaRévérende Mère supérieure.
t Je crois quece Règlement est capable de lever lesdernières hésitations des
Sœurs
de Québec, d'autantmieux que
l'adminis-tration civileapporteen général,dansses rapports avecles Sœurs,
une
grande bienveillance, etmême
une certaine déférence euveis la Supérieure...« Veuillezdonc, monseigneur,
examiner
la possibilité de nous envoyer trois ou quatre religieuses, ou à leur défaut trois ou quatre postulantes, qui consentiraient à passer leur vie religieuse auxHospicesde Dieppe.«
Nous
vous serions reconnaissants de nous faire connaître quelleserait,dansvosintentions,ladurée deleurséjour en France, carje n'ose vousdemander
un exodeà perpétuité.« Permettez-moi, en terminant, de faire appel à votre haute sagesse pour le choix des sujets, car elles auraient, ces chères
tilles, à consentir des sacrifices pour
s'accommoder
à une vie moins facile (jue chez vousI »Qui n'admirerait, dansces négociations, lasagesse, lafranchise et lasincéritéqui président à tout?
Une
(bisla réponsede M. Véniard arrivéeà Québec, la décision de l'Archevêque et celle des Hospitalières ne se tirent guère attendre. L'assemblée capitulaire dont nous avons parlé eut lieule li
mars
: il y fut résolu qu'on enverrait quatresujetsà Dieppe.La supérieure litalors venirtoutes les professes de
chœur
et leur dit : «Que
toutes celles qui, spontanément, voudraient aller porter secoursà nos Mères de Dieppe,me donnent
leurnom
par écrit, alinque
le Chapitre puissechoisir quatre d'entreelles pour cettebonne œuvre
desacrifice et d'abnégation. »Vingtreligieuses, surcent-dix. sedéclarèrent disposéesà passer en France. Voici les
noms
et le lieu de naissance des quatrepri- vilégiées qui furent choisies parle Chapitre:ClaudiaMayrand, en religionSaint-Jean-de-Dieu,de Deschambault;JoséphineTurgeou, dite Sainte-Gertrude, de Saint-Isidore; Augustine Jobidou, dite SaintMarc, du Chàteau-Richer; Alice Doyle. en religion Saint- Henri, de Saint-JacquesdeLeeds.Le 30avril 1912, jour anniversaire de la naissance de
Mgr
de—
12—
Laval, son seizième successeur sur le siège épiscopal de Québec,
Mgr
Bégin,donna
à ces quatre religieuses la belle lettre d'obé- dienceque
nous allons citer, et qui semblecomme un
écho de celleque
l'archevêquede Rouen,Mgr
de Harlay, adressait autre- foisde son château de Gaillon aux quatre fondatrices de l'Hôtel- Dieu deQuébec
(1):fj'ai pris connaissance, écrit-il à la supérieure Saint-
Domi-
nique (2), de lademande que
vous ont faite nos bonnes Mères Augustines de l'IIôtel-Dieu de Dieppe. Les circonstances pénibles dans lesquelles elles se trouvent à causedu manque
de sujets poursoutenirleurœuvre
séculaire, lesfontrecourir à leurschèresSœurs
deQuébec
pour en obtenir, au moins temporairement, quelquesreligieuses.Vous
n'aVez pas oublié ceque
votre maison-mère
de Dieppe a lait pour votre Hôtel-Dieu, qu'elle fondait àQuébec
en 1639,et vous voulezluidonner un témoignage devotre affection, etdevotre reconnaissance.« Parmi les
nombreuses
religieusesqui aspirent à l'honneur de voler au secours de Dieppe, votre Chapitre en a choisi quatre qui, je n'endouteaucunement,
s'acquitterontconsciencieusementetavec succès de la tâche qui leur sera assignée... Ellesont déjà
donné
des preuves de leurdévouement
et deleursavoir-faire. Je leurdonne
volontiers l'obédience requise, pourdeux
ans, avec liberté à ellesde revenir plus tôt, soit de leur volonté, soitparune
décision de laCommunalité
de Dieppe en cas de maladieou
pourautre cause.'^ Il m'est agréable de voir la Nouvelle-France allerau secours de iancienne,
que
nousaimons
toujours, malgréles misèreset les rudesépreuves de l'heure présente.«
De
toutcœur
jebénisleschères missionnaires.Je leursouhaitedu bonheur
etdu
succèsdansleurslabeurs. Je désire qu'ellessoientun
sujetdegrande^édificatioudanslafamillereligieusedeDieppe.»A
son tour, la supérieure de IHôtel-Dieudonna
à ses quatre religieuses une lettre d'obédience le 25 mai, jourmême
de leurembarquement
:«
Nous
faisons savoir à qui il appartiendra, dit-elle,que
les(1) La Missiondu Canada avant
Mgr
deLaval, p. 74.("2) Laurette Beaudry, native de Deschambaiilt.
comme
sa cousine,sœurSaint-Jean-de-Dieu.
-
13-
susditessœurs sontenvoyées par nous en France pouraider dans leurs
œuvres
d'hospitalité nos Révérendes Mères del'Hôtel-Dieu de Notre-Dame-Auxiliatrice, à Dieppe,etconsé(iuemment nous leurdonnons
la présente lettre dobédience. »Le
voyage deQuébec
àLiverpoolse Utfort heureusement.Mous
lesavonspar
un
journaltrèsintéressanttenu àbord du vaisseauleLaurentic par la
bonne Sœur
Saint-Jean-de-Dieu. Nos voyageuses arrivèrentle2 juinàLiverpool, d'oùellesallèrentrendre unecourte visite à leursbonnes Sœurs
de Waterloo. Puis elles se hâtèrentde se mettre en route pour Dieppe,où
elles arrivèrent le8 juin et reçurent àTHôtel-Dieu un accueild'une indescriptiblejoie.Un
journaldel'endroitrendaitcompte
deleur arrivée entermes elogieuxetsympathiques :« D'accord avec sonévêque, disait-il, la
Communauté
desSœurs
de Saint-Augustin deQuébec
ayant reçu Tappel desSœurs
de Dieppe a voulu y répondre. Le Canada, luisembla-t-il, nepouvait faireautrement que de rendreànotre villecequ'elleluiavait prêtéquand
ilnaissaità peineà lacivilisation, voilàprès de trois siècles.« Elle détacha de ses servicesmédicaux, à notre profit,quatre
Sœurs
canadiennes de l'hôpital de Québec, instruites, pourvues de leursbrevets etdiplômes.Celles ci viennentd'arriveraucloître de IHôpitalde Dieppe en parfaite santé, aprèsune
heureuse tra- versée. Aujourd'hui elles sont prêtes à prendre avecdévouement
leur pénibleservice. »
Les
Sœurs
de Dieppe netardèrent pas à apprécierletrésor qu'elles avaientreçu dansla personnede nos religieusesCanadiennes,qui, parleur savoir, leur habiletéetleur expérience, font l'admiration de tousceuxqui
lesvoient à l'œuvre. Les administrateurs laïques de l'Hôpital en étaient ravis. Le maire de Dieppe, leur président, écrivant unjour à la supérieure deQuébec
:«
Au nom
de laCommission
administrative, disait-il, permet- tez-moi de vous transmettre l'expressionde sa reconnaissance etde ses remerciements les plus sincères pourl'obligeance
que
vous avez eue de répondre favorablementàl'appelqui vousa étéadressé parMme
la Supérieure des Religieuses Hospitalières de l'Hôpital deDieppe,en luienvoyant des ReligieusesdevotreCommunauté,
quirendent, eteontinuerontde rendre longtempsencore,nous l'es-—
14—
pérons,les plussignalés services ànotre établissementhospitalier. •
Quant
à nos Religieuses canadiennes elles-mêmes, elles étaieni contentesde leurson
etse montraient heureuses de pouvoirfaire quelque chose pour leurscompagnes
de France :'« J'ai reçu une
charmante
lettre de vosSœurs
Québécoises deDieppe, écrivaitMgr
Béginle8 septembre 1912à la supérieure de l'Hôtel-Dieu. Elles jouissent d'unebonne
santé, sont traitées avecbeaucoup
de bienveillanceetd'égards,sedévouent gaiement au soin des maladesetsont heureuses. >Une
d'elles,cependant,Saint-Marc,tomba
malade,etfutobligée de revenir avant le temps au Canada.Daus le voyage qu'il fit en
Europe
quelques mois plus tard, ledigne archevêque de
Québec
nemanqua
pasde rendre visiteà ses diocésainesde Dieppe, et put constater parlui-même
les grands services qu'ellesrendaient,etl'estimequ'on leurportait.La supé- rieurede Dieppeécrivaità l'occasion decette visite:e Le18
mars
(1913), nousavions leprivilège d'assister àl;isainte messe célébrée par SaGrandeur
monseigneur Bégin. et d'ycom- munier
de sa main. Sa Grandeur,arrivée de Paris laveille,venait, avant de retournerà Québec,donner
à seschèresFilles exiléesun nouveau
témoignage desonaffection paternelle,en leur consacrant quelques heures. Il voulut bien accepter notre modeste hospita-lité, ets'en trouver satisfait.
Nous
avons pu, dans son entretien familier,juger desa bonté condescendante,non moins que
de sa sympathie pour Dieppe »De
son côté, M. Véniard écrivant quelques mois plus lard àMgr
Bégin luimême
:f
Nous
avons conservé, disait-il,un
souvenir particulièrement reconnaissant devotresi paternellevisiteà Dieppe. » Puis ilajou-tait: t Notre situation est toujours la
même
en notre maison hos- pitalière, Le recrutementest toujourstrès difficile: etnousserionsheureux
(jue vous nouslaissiez encore nostrois Religieuses cana- diennes pour tel délai qu'il vous plairait deffxer. Elles ontété jusqu'ici de précieuses et dévouées auxiliaires,et ellesnous ren- draient encore bien service.Nous
contions à votre bienveillance notre situation précaire, et je vous prie, monseigneur, d'agréer l'assurancedenotregratitude. »Mgr
Bégin ne put refuser d'accéder àun
appel à la fois si tou- chantetsi honorable pourleCanada
:-
IS-
« Faitesvotre possible, écrivit-ilà 1h supérieure de notre Hôtel- Dieu, pourlaisser vos trois
Sœurs
à Dieppe, etvous ferez un acte de charité très méritoire et presque nécessaire dans les circons- tances péniblesoù
se trouventles Hospitalièresde Dieppe. »L'obédience de nos Religieusesfut
donc
renouvelée pourdeux
ans, leur permettant, par conséquent, de prolonger leur séjour en France jusqu'au printemps de 1916. LaSœur
Saint-Jean-de- Dieuécrivant le 29 janvier dernierà sa Supérieure àQuébec
:« La
bonne
nouvelle, disaii-elle, nousestarrivée le 24janvier.La
joiede laCommunauté
était grande, eri apprenantque
notre obédience était renouvelée pourdeux
ans. Les angoises de notre Mèreavaientétéextrêmes,ensongeantàlapéniblesituationoù
elle se serait trouvée par notre départ:trois emplois, et pas des moins importants,àpourvoirdeReligieuses,etpersonne pourlesremplir.t Aussi, malgré l'immense
bonheur que
nous aurions goûtéen vousrevoyant, nousfaisonsgénéreusementlesacrificedeprolonger notreexil,espérantque
Dieu se laisseratoucheret nous accordera quelques bons sujets. Nos Mères en auraient tant besoin pour pouvoir continuer leurœuvre
séculaire decharité! »Puis, elle ajoutait :
« L'administration est de plus en plus bienveillante; et hier, à
une séance de la
Commission
Administrative, il a été résoluque Madame
la Supérieure serait investiedu
titre de Surveillante Généraledes services hospitaliers et annexes, avec droitde con- trôle sur le personnel quel qu'il soit. Il en était ainsi autrefois, mais depuis la persécution contre lescommunautés
religieuses, tout pouvoirlui était retiré. Maintenant que cesMessieurs ont vu pareux-mêmes
les inconvénients de leur nouveaumode
d'admi- nistration, ils reviennentd'eux-mêmes
prier notre Révérende Mère de vouloir bien leur aider à porter la responsabilitéet faire régner l'ordre partout. C'estun
grand point de gagné. Espérons qu'un jour il nous sera aussidonné
de pouvoir rendre au Cru-cifix la placed'honneur dans lessalles de nos pauvres malades,et plus entière liberté pour leur parler du
Ron
Dieu. Espoiret con- fiance! Il luira, il faut l'espérer, de meilleurs jours sur cette pauvre France, quin'estsi malheureuseque
parce qu'elle a aban-donné
son Dieu... »Une
nouvelle lettredu
maire de Dieppe à la supérieure de l'Hôtel-DieudeQuébec,reçuequelquesjours plus tard, témoignait16
-
également des bons sentimenls des administrateurs laïques à l'égard des religieuses :
.
Madame
la Supérieuredes Religieuses Hospitalières de l'Hô- pital de Dieppe, écrivait le maire, a bien voulu"faire connaître àla
Commission
administrative la bienveillante décision que vous avez prise à son égard en maintenant ici pourdeux
nouvelles années les Religieuses de votrecommunauté
qui depuis 1912 rendent de précieux services à l'Hôpitalde Dieppe, où elles ont acquis par leur bienveillance et leur savoir-faire l'estime, lasympathie et la considérationde tous.
«
En
vous priant,madame
laSupérieure, devouloir bien agréermes
remerciemenls personnels,jesuisheureux
devoustrajismetlre également ceux de laCommission
administrative, qui a été vive-ment
touchée de l'heureuse décision que vous avezprise à l'égard desSœursSaint-Jean-de-Dieu(i),Sainte-GertrudeelSaint-Henri...»Quel est leCanadienqui nese sentirait lier,en voyantnos Reli- gieuses si bien appréciées à l'étranger
—
jeme
trompe,on
ne peut pasdireque
la France estun
pays étrangerpour nous,—
siaimées,sirespectéesdansnotreanciennemère-patrie,enlesvoyant
tairetant d'iionneur à leur pays,
non
seulement par leurs vertus, maisaussi par leur habileté etleur savoir-faire,parleurespritde progrès dansl'exercice de leurs fonctionscomme
hospitalières?On
a puremarquer
dans toutesles piècesque
nous avonscitées au cours de ce travail, que l'idée quidomine
partout, c'estque
nos Religieusesdu Canada
s'en vont à Dieppe payer une dette de reconnaissance au Berceau de leur Inslilui, et rendre à la France quelque chose, au moins, de ce qu'elle fit autrefois pour nous avec tant de générosité, d'entrain et debonne
volonté. N'y a-t-il pas danscette touchante réciprocité de services entrela nouvelle etl'ancienne France, entreQuébec
et Dieppe, entrelaNormandie
canadienne et la française,une
dos plus belles pagesde l'histoire religieuse de notreCanada?
(1) Depuis que cet article aétô écrit, nous avons eu la donleur d'ap- prendre la mort de Saint Jean-de-l)leu. décédée à Waterloo, où nos Canadiennes étaientallées se réfugierau
commencement
dela guerre.Evreux, Imprimerie del'Eure. 6, rue du Meilet.