h ^
«r é
/>RECUEIL ^
D
Kquelques pièces
DE LITTÉRATURE,
ÏN PROSE ET EN VERS.
:9>
Excursusquebrèves tentamt.
Virg. Géorg. Libi IV.
A GLASGOW.
1784.
. IHENEWBERKV
N
UBRAKYI
DISSERTATION
ÊPISTOLAIRE
SUR
LES MONUMENS ANTIQUES
ET LES MONUMENS FUNÈBRES, SUR LES LANGUES ET SUR LE STYLE A
l’occasion d’une épitaphe grecque découverterécemment.
Graïisingenium, Graïisdéditorcrotundo Musa loijui.
Hor. Ars Foët.
f 5 ]
D I S S E R T A T
IO N ÉPIST OLAIRE.
Je vous
envoie,mon
cherami
, l’épitaphe grecquedont
jevous
aiparlé, etque vous mq
demandez
avec tant d’instance. Elle peut inté- resserparsatournureet par sonantiquité; elle etoitgravée sur
une
pierre sépulcraleque
l’on déterra dansune
fouille faite àNaples en1756;
M.
lecomte
de Firmian, alors
ambassadeur
de .Vienneauprèsdu
roide Naples,1afîttranscrire
pour
lecélébré Métastase,quilatraduisiten versitaliens. Je 1ai traduite d’après luienvers fran- çais, mais en usant de la liberté
que
legoût
autorise.
Un
poètequicompose
dansune
langue, modifiesapenséedelamanière
laplusfavorable à cette langue;un
poète qui traduit dans la sienne, doit modifierdemême
satraduction.A’VreAî
eV
7, Tira n,/t Eff T6V à/Aê/j'HTov rccprccpov A'Vém ;Motpà T/î awxîAtof To'v
’ji'pTra^’ aV EVTa£T«
r
irlv S Trau ymrm.Actxpvxapi’f ITAovrwy ov TA»i'p«a Trayra BpoTtîu
—«1 ve^£Ta<
y Tl Tpvyas Ofx(paxus yA/x.Vf.
A
1C'4 3
TRADUCTION ITALIENNE.
Il P o e t
a.Chi
déliaDea d’Averno
Mercurio
messagier, del ciecomondo
Chi mai
cohducialmesto
orrorprofonde
lMercurio.
Di
setteanni Aristoné,
, i.Dalla
barbaraParca
al dirapito :“Che
inmezzo
a genitori è quiscolpito,°
V
' I LP O E T
A. . ..
Ah,
se di cio che dasce--
, .
La
raaturavendemmia
ate si serba^'; Pluto cnidel!perché lacogli acetba?
^
TRADUCTION FRANÇAISE.
‘: :rb ^ -
'•
Le Poète.
O
Messagerdu Dieu
qui règnesurlesombres.Dis-moi,qui conduis-tudanslesroyauinessombres?
Mer c u r
e. r , ’jAriston par la
Parque
à sept ansenleve,
Et
qu’au milieu des siens tuvoisicigrave*Le Poète:
SIlorsqu’unfruit est rniir la
Parque
ledévore;Pourquoi
cueillir,hélas!un
fruitsivertencore^? .Vous me
pressez de joindre à cette épitaphelesobservations moitié philosophiques, moitié grammaticales qui
me
vinrent sanssuite et.sansordreà ce sujet : je vais les écrire et lesdéve- lopper: jevais
donner
del’étendue àmes
idées, puisquevous
leurdonnez
del’importance,I.
-
En
déterrant lemoindre
écrit de l’ancienneGrèce
,on
croitdéterrerun
trésor.Pourquoi
ce respect idolâtre? Ilestfondé en-raison.Le
géniegrec fut sans contredit le premier
,
génie
du monde. Né
sous la plusdouce
température, élevé sur le sol le plus libre, et fortement or- ganisé, il prit tout son accroissement, etdé-ploya
toute sapuissance. Il possédoitune
cha- leur naturelle,exempte
de l’efFervescence méri- dionale;une
grandeurmesurée
qui n’avoit rien del’enflureasiatique;une
souplessevigoureuse bienéloignée de la rudesse des barbares.Créa-
Ilyadanslegrec,motà mot,Pluton, amides pleurs,
puisque tuessûrdevendanger lavigne lorsqueleraisin est îtnûr,pourquoi le cueillirlorsqu’ilcitvert?
A
3I
teur en tout genre, il s’anîmoit â la
vue
de ses créations.L’espritimitateurn’abâtardissoitpoint sesouvrages ; de serv^iles bienséances nelioientaucun desesmouvemens;ilcombattoittoutnu
^
ainsiquelesathlètes.
La
manière antiqueadonc un
véritable avantage sur lamoderne;
elle estgrande etsimple,originaleetpure.Mais
en accordantaux
anciens cette supériorité réelle,
nous
leurprêtons encoreune
supérioritéimagi- naire.Quoique
la nature ait toujoürs été lameme
,on
selareprésente plusjeune,plus vierge dans les premiers siècles;
on
se la figure enmeme temps
plus robuste et plus féconde: les anciensl’ontvue
dans sa fraîcheuretson inno- cence;ilsontparticipé à sonénergie,etprésidé avec elleà la formation des arts.Dans chaque
carrière ils semontrent
les premiers:l’homme
quimarche à
la têted’unearmée
,semble réunir la force de tousceux qui lesuivent.A
l’admira- tion età l’enthousiasmesejointune
sorte de re- connoissance.Le moindre
reste des anciens fait partiede l’héritagequ’ilsnous
ont laissé^ etque
le
temps nous
restitue. C’est leur dépouilleque nous
retirons de terre ; elle vientaugmenter
notre opulence;nous nous
regardonscomme
leurssuccesseurs et leurs élèves;
nous
considé- rons avecune
tendresse filiale leurs idées, ainsi,que
leurs bustes. Cette tendresse, cette recon-hoîssance
va
jusqu’àla superstition.Tout
moriitament
devient sacré,en devenantantique:sesan- néessontdestitres,sessièclesdestriomphes;on
adore ses débris ; plusils-sont mutilés,.plus ilssont imposans.
Echappés aux
révolutions, ilsmontrent
à la postérité leurs vénérables cica- trices ; leur longue vieillesseressemble^
l’im- mortalité*I
L
Sile
temps
aconsacrélesmonumens
antiques.^il a sanctifiéles
moniimens
funéraires.Recom/-mandés
par la nature, parrhumanité
, par la miséricordeuniverselle,ilsimpriment un
intérêt solemnel, etune
sorte de piété mélancolique;ilsforment
une
branched’érudition instructive àla fois ettouchante ; ilsservent àrapprocher,à renouerlachaîne socialequilietoutes les géné- rations. Par
eux nous remontons aux époques
lesplus reculées par
eux nous
embrassonstoutes les races : cesont destémoinsplacésde distance' endistance surle
chemin
de lavie,
pour
attesterau monde que l’homme
a passépar-làri
I.A
l’aspectd’unmausolée
, lessensse recueil- lent :on
lit l’inscriptiontracée en l’honneurdu mort
qu’ilrenferme;on
croit assister àses der- niersmomens
;on
s’attendritsurlui, sursoi;ou.A
4;(
8
}.ô^enfbiîcedanslepasséj-dans Tavenir:.
perdu dam
cesabîmes,
on
soulève en tremblantle voilere- .doiitablequicouvre
tantdesiècles,etquitoucheau
nôtre* * :* "v- * • ' ^ ,-
: •I
Ne
croyez pasque l’homme
eîvilisé soit seul susceptible de ces impressions pathétiques*Voyez
le sauvage :intrépideau combat
,terri- ble en ses vengeances , froiddans sesamours
,
tyran
danssa famille , vienî-il reconnoître lemonument
informe souslequelrepose sonsem-
blable,?ils’arrêteému
, ilbaisseun
œilpensif;ilarrosédepleurs lapierre'solitaire'sür laquelleil
s’incline,ilne peuts’endétacher.
Vous
connois- sezlaréponse dece Caraïbe, qui , invité avec les siens às’établirdans
une
région étrangère, s’écria :Comment nous
séparer de la terre qui gardenos
ancêtres ?Dirons-nous
à leursosse-mens
de se lever etdenous
suivre?"
V*
Silesidées funèbres rendent lespeuples sau«
Vages
éloquem
, elles les rendent aussipoètes*leurs chansons
amoureuses
, leurs cantiques guerriers, leurs idyllesagrestes parlent demort;
leurs
muses
sont toujours en deuil. Voiis^avez lules poésieserses; àchaque
pageon
voitap~paroître des fantômes efraiis dans les nuées^
( 9 )
Vacillant
au
clairde la lune,murmurant
dansle feuillage, soupirantau
fond descavernes. L’i- maginationdu
Barde se plaît dans lasociété desombres;
elle plane à leur suiteau
dessus destombeaux.
VI.
L’épitapbe sur laquelle je m’étends ici, à la manière
d’Young
(i)j estcomposée
enforme
de dialogue entre le Poète et Mercure.\ ous
sa- vezque
ceDieu
avoit le triste emploi de con- duire les morts jusqu’aux tives de l’Achéron.Là
, levieuxNocher
les attendoitpour
les pas- ser sur sa barque fatale: nouvellepreuve que
la
mythologie
desGrecs
étoitune
production de l’Egypte.Mercure
avoit été le fondateur , lepatriarche deshyérophantes
;c’estensonnom
qu’ils
accompagnoient
lesmorts
jusques dansl’isleconsacréeaies juger.Leurs pyramides,leurs
momies,
leurs initiations,toutannonce
l’empire funèbrequ’ils exerçoient. Ils s’étoientemparés
(i) Dansle désespoir d’avoirperdusafille, Youngsemble vouloir étendreun drap mortuaire sur le monde entier,et présentantl’imagedu trépas sous toutes les formesles plus lamentables, ilfinitpariious y rendreinsensibles. Tlfaitsur nousl’effetdescloches funèbres, dontleson lugubre etmo^
notoncattriste sans attendrir. La mélancolien’arien de plus louchant en elleque Sonsilence.Le Tassel’a dit:Piwcimove ilsiknxioemenailpianto.
detout5
du
cielpar Fastronomie,de laterrepat;
la géométrie, des enfers par la religion. Plus
-
on
creusera dans les antiquités égyptiennes; pluson y
découvriralesfondemens
desanciennescroyances.
La
superstition semble être néedu limon du
Nil, et
du
soleil d’Afrique.VIL
On
aimoitbeaucoup
dansl’antiquitélaforme du
dialogue.C’estde toutesles manièresd’écrire la plus naturelle. Platon s’en servit de préfé- rencepour
fairemonter
les esprits àlahauteurdu
sien. Cettetournure dramatiquedonne du mouvement au
style;ils’élève,ils’abaisseselon legénie des interlocuteurs. Les objets de spécu- lationdescendent au niveau de la conversation ordinaire, et lesgrandes vuesr sont exposées àl’esprit leplus simple.
La
disputemet aux
prises la raison et le préjugé, l’enthousiasme et la raillerie.D’une
discussion froide elle faitune
scèneanimée
; elle force l’imagination de pren- dregarde à'elle,luidonne
des spectateurs etdes juges, et l’accoutumeenfinàêtre
modérée
dans ses écarts, etflexrble dansses opinions.VI
rr.Le
poète grec n’a pasmanqué
,entraçant lamort
d’un fils,d’indiquer la douleur
du
père et de la mère.Ce
sont les larmes d’un père^
['II 1
les larmes d’une
mère
quidonnent
tant de prix à l’iirne d’un enfant. Sa perte est la perte del’espérance. C’estun
attentatdu
destin con- tre la nature; il renverse l’ordre des familles.Cela
me
rappelle cette expression touchante deSénèque
: Les funérailles d'un fis sont toujours prématurées^lorsquela mèrey
assiste ; et cetteex-pression encore plus touchante de Périclès, lorsque, déplorant la jeunesse athénienne qui avoit péri dans
une
bataille , il dit: L'annee a perdu son printemps,I
X.
En
traduisant lesdeux
derniers vers, j’aicru
devoir substituer à l’image trop familière des raisins, celle desfruits, qui a conservé
parmi nous
plus de noblesse.Dans une
languemorte,
lesexpressionssontà
peu
près égales,aucune du moins
n’aune prééminence
sensiblepour
nous.’Les termes nobles, les termes roturiers sont
confondus
en partie souslevoilede l’antiquité.’Iln’en estpas de
même
d’une langue vivante;une
subordinationrigidey
estobservée.Le
stylegrossier
du
peuple, le style poli des gensdu
monde,
le style exercé des auteurs de profes- sion,le style des cours, des capitales,des pro- vinces, ontchacun
leur rang séparé. Si quel- quefois ils traitent ensemble, il est rare qu’ilst ]
se mêlent.
Autant
notreoreille estcharmée ié
l’allianceheureusedes
mots
,autantelles’indigne de leur mésalliance. Elle nepardonne
guèreau gâie
de se trop familiariser, àmoins que
cene
soitpour
braverun
instant la tyranniede
l’usage,ou pour mieux
imiter la chiite d’une grande chose àune
petite, et l’élévation d’une petite à
une
grande. Ainsi Bossuet, voulant peindre l’abaissement desarts,devenus
lesvilesmanœuvres du
luxe , dit : Tous les arts suent pour son service.Montesquieu
demême
,pour
exprimer les progrès cachés, mais rapides de l’autorité ,nous
‘la représente , avançant unemain
pour nousprotégery etbientôt nous'accablant Ç.VCC mille.X.
Le
respectquiaugmente
sans cesse enraison des distances,relève infinimentdans
une
langue anciennela valeur idéale des expressions. L’é- loignement alors fait disparoître les nuances véritables, et l’admiration distribueà son gré les nuancesimaginaires.Grâce
à cette perspec- tivesifavorable,lesimpropriétésdu
style ^efia- cent, les aspérités s’adoucissent, etde grandes négligencesnous
paroissent quelquefois de grandes recherches *.Le
lointain arrondit lesformes etembellitles ruines.
fTite-Livenousparoîtd’une élégance extrême,Cependant
. -
*
•
XL
Ce que
]eviens de diren’empêche
pasque
les languessavantes n’abondent enmots composés,
en tournures vives, en inversions rapides,-en sonsimitatifsque
les nôtres désespèrentde ren- dre!On
peut défier tout le peuple infatigable des Traducteurs de bien exprimer Vosmagna
sondturum et mens diviniord Horace
; 1integrahrevitas de Quintilien; levers de Virgile :
Tan- dem
liber equus 'campoque potitus aperto; celui'de Stace : Ahsenternferit unguia
campum
; celui de Juvénal : Sœvior drfnis luxuria incubuit; la,phrase de Pline sur les Esséniens :
Gens
œterna in qudnemo
nascitür; celle deSénèque
surl’in-cendié de la ville de
Lyon
:Una nox
interfuit interurbemmaximum
etnullam; et, sif
ose ledire, la moitié de Tacite, chez lequel règne cette précision étendue qui , concentrant la
lumière,
occupe un
petit espace et en éclaireun
grand.XII.
Lesécrivainsded’antiquité,
comme vous
aveztoutleinondesait quede son tempson lui,reprochoit lapa- tavinité de sonstyle. Nous trouvons les lettres de Sénèque
«critesavecaffectation:sonamiLuciliuslesaccusôitde n’être pasassez soignées: Minus tihiaccmatasàmeepistolas mitti que*
tsris,Epist. ^encc. . ‘
Cm]
pu
le voir dans ce petit échantillonJ né rejé^
toient jamais
une métaphore neuve
et hardie^
quand
elleétoit juste et pittoresque,cequi
sem-
ble excuser quelquelittérateursmodernes
qui;pour
enrichirleur style,empruntent,
sansassez de retenue,celui desnouvellesdécouvertes.En
effet
,laportionnaturelle
du
langage,dont
Félo-quence
simple et legoût pur s’accommodent,
estbientôt épuiséeparlespremiersécrivainsqui s’en emparent.
Que
faire alors?Ce que
l’on faitpour
les terres usées,
y
apporter de la terreneuve, ou remuer
l’ancienne à de grandes pro- fondeurs.XIII.
Les figures qui animoient le style des
bons
écrivains d’Athènes et deRome
,naissoient de leurManière vive desentir.Quand
l’imagination est fortementémue,
tous les objets analogues àceluidont
elleest frappée, viennent se placerdevant
elle. Lisez les poètes et les orateurs,vous
verrezpar-tout l’image àcôté de la sensa- tion.Achillerenversant leshéros de laPhrygie; estlatempête qui abat les chênes les plus éle- vés de lamontagne. Otez Dieu
de laNature;
disoitCicéron,
vous
ôtez le soleildu monde
)
Le LordShafiftesburyaunepense'eencore plus touchante surDieu;Sans lui,dit-il,lemondeestorphelin.
[ 15 ]
'Caton inébranlable, tandis
que
tout succombé' autour de lui,
nous
estreprésenté, debout
,
au
milieu des ruinespubliques, tel qu’une colonne qui
domine
encorel’édifice qu’elle n’apu
soute- nir.Voyez-vous Pompée abandonné
parlafor- tune,mais défendu encore par larenommée
? c’est, dit Lucain,
un
arbre antique détachéde la terre par sesracines,attaché àla terrepar sa masse.Sénèque compare
le Sage qui, intimidé par l’opinion, se détourne devant elle
, à
un
générald’armée qui setroubleroit à la
vue
d’unnuage
élevé parun
troupeau*.La
flatteriequi s’occupe àcorrompre
lesrois,
corrompt
pareux
la source de tous les biens.C’est, dit
un
poète,’leserpent qui
empoisonne
lessourcespubliques.’Cette conformité de pensées et d’images rend le style plus éclatant et plus expressif; l’idée
prenant
un
corps visible, se colore, se meut,' et s’agrandit par lui; elle semontre
tout à la foisdansl’objetquiluiappartientetdans l’objet quiluiressemble. .X
1V.
Les
métaphores
sontlessynonymes
del’ima- gination.Chacun
decessynonymes
asanuance
distincte.
On
se méprendroit de couleur enpre-L'Auteur de Dom-Quichotte s’estservide cetteidée,et 41enAfaituadescombats de soakéros, . 4
[ ]
rant
run pour
Taiitre. Lesimagmatîons
ardentes-
dédaignentcetteloi :supprimantlesnuancesin- termédiaires, elles préfèrent
un
coloris dur et tranchant, àun
colorismieux
gradué,maisplus foibîe: aussilegoût
est-il sévère et inexorablepour
elles; ilest,
pour
ainsi dire,leurpersécu- teur;il calomnieleursplus noblesmouvemens
;il voudroit qu’elles fussent timides dans leur hardiesse et mesurées dans leur
emportement.
C’est ainsi
que
dans lescombats
sanglansdu
cirque
on
exigeoitdu
gladiateurmourant
detomber avec
grâce, et d’expirer selon les lois de la gymnastique.X V.
Une métaphore
n’a jamais plus d’effetque
lorsqu’elle sert de repartie inattendue,et qu’elle
répond
juste. Jeviens, disoit Thémistocleaux
habitansd’Androsqu’ilvouloit mettre a contri- bution,je viensaccompagné
dedeux
divinités puissantes,lapersuasionetlaforce.Nous
avons, répondirentces insulaires,deux
divinitésquine
le sont pas
moins
, la pauvreté et le courage.Catilina,instruit
que
saconjurationétoitdécou- verte,etque
tousles esprits etoientenfeu5^ cria: J^éteindrai l’incendie sous les ruines. Les rebelles, disoit-on à Charles Premier, seront touchés envoyant
votretêteblanchiedans1in- fortune:[ 17 ]
fortune;Ilsn’yverront,répondit-11
,qu’unetête découronnée. Charles II, son fils
, disoit
au
ChevalierTemple
;L’argentme donnera
la clefdu
Parlement :La
défiance, répondit leChe-
valier,
y
mettra desverroux
*,En
parlant des Chinois,siattachés à leursanciennesinstitutions et si contrairesaux
nouvelles,quelqu’un disoit à feu
Monseigneur
leDauphin
,
que
ce peuple étoitun
vieillardvénérablequin’apprenoitrien dans sa vieillesse:Oui,
dit ce prince, mais quin’arienoubliédeson enfance Voltaire
,à qui
Il enHt la tristeëpreuve. Lnrsqu’il eut aliénélesesprits
,
rien ne putles ramener;ileutbeau dissoudreplusieurs par"
lemcns pour se défaire des chefsqui lui étoieu'tcontraires; Jélection suivantelesreproduisoitsans cesse. '
Ondi’soitdevantlemêmeprincequelaFrance,pours’ar- rondir, auroitbesoin encore de quelquesétats:Oui,répondit-
il, des Etats généraux. Onraisonnoitdevantlui du projet d’unebanqueroutegénérale Celui quilacouseilleroit,dit’-il seroit aussi coupable quecelui quiconseilla, la SaintBarthel.
lemi:iljetteroitlamoitiédu royaumedanslamisère,etî’auire moitié dans laterreur;ilanéantiroitla foipubliqueetl’hon.
neur duSouverain
;il commettroit le plus horrible attentat sut la génération présente, et donneroit le plus funeste exemple aux générations futures
; enfin il seroit le plus grandcriminel quieût existédepuislaMonarchie.
_ Feu MonseigneurleDauphinavoiten politiqueetenlitté- rature deslumières supérieures,desnotionsrares
;jep^is,et
Joseen rendre témoignagne. Voussavet qu’il m’honoroitde frequeasentretiens,Jeferoisunvolumedes idées excellentes
B
l’onreprochoit de plier, dans sonHistoire uni- verselle,les faits à ses opinions, s’écria :Je ne
lesplie pas, je les redresse,
XVI.
Chez
les Ancienson
divisoit le style,en
simple,tempéré
et sublime. Les trois styles, distinguésparmi nous,
sont le stylepur,
le style brillant, le style énergique.La
puretédu
quej'airetenues delui.Ildisoitquelavéritablecour d'unroi
«'toitleshommesutilesàl'état;quel'économieétoil laseule ressourcedestemps de disette,et laseule richesse des temps d'abondance; que la profusion étoit laplus grande calamité d'un règne ,parce quelleconsumoitle présent et l'aventrj q'uedanslesconseils,onparloittoujoursdubiendespeuples
et de celuidu roi',commes'ilyavoit deux biens publics que chaquebesoin augmentoitles impôts, et chaque impôt augmentoitles besoins; que lesrécompenses dévoient être ménagéesainsi que le trésor public.et nôtre versées qu » propos,comme des pluiesdouces;que la gloire littéraire d uneiation étoit son meilleur commerce et sa plus noble c-onquêtei que les gens de lettres perdoient leur rang en sârtant de leurétat; quele goûtse corrompoit plus par les .Mauvaises sociétés que par les mauvais livres ; que l'esprrt^
français étoiteomposédegrâceetd'enthousiasme,etquapres avoi^pris touteslesformesétrangères,ilreviendroit toujours à lui-même -,que tous les peuples avoient utr bon et un mauvaisgénie,et quele.grandartdes législateurs etdes a - ihiuistrateurs étoit de favoriser le premier et de corn attre
le second -, que des cent voix de la Renommée. il X avoit^uatie-viagt-dix àla calomnie, etc. etc,
1
C 19 ]
langage
dépend
de la nobleréserve des orne-
mens,
etde l’observation délicatedes conve- nances; lestylebrillant,delàrichesse
des idées principales
, et
du
cortègepompeux
dés idéesaccessoires
; lestyleénergique, de l’audace des expressions, dela rapidité des
mouvemens. Ce
dernier style a
un grand
inconvénient; il est sans cesse entre le sublime et l’exagéré.
XVII.
;Fénelon
et Racine sont lesdeux
meilleursmodèles du
style pur.Touf deux
pénètrent
ame
et enchantent l’oreille.L’harmonie du
premier estplus naturelle,maisplus
monotone Ce
ledu
second plus variée et plus savante * Celui-oestlevéritable peintre
du cœur humain'
celui-la enfôtle véritable ami.
Avant
Fénelon,.e zele de 1
humanité
étoit un,déclamateurcha- grin et violent ; ilest lepremier qui ait plaidé avec candeur etavec grâcela cause despeuples .Avant
Racine,
l’amourétoit
un
jargonméi
taphysique, et l’héroïsmeu n jargon
roma-
"Tous ontunareadmirablepourlier
,pourséparer"
poursurprendre
,pourterminerla
phrase; mais en laeermi!
U , acné far,sortir sapensée, etFénelonla laisse quel- ,uefo.s^mber. Onavoirobservélamêmedi«érence*Rom.
.ntre Cc.ron e, Pollion :
Cirera,,,.
deria.nl
PglltQnrm cedunt. '
B
îûesque : il est le premier qui ait parlé natu- rellementet correctement la langue des héros et des passions.
XVI
I I.' Voltaire et Buffon sont les
deux
meilleursmodèles du
style brillant.L’un
a toutelapompe,
toutelamajesté de la
Nature
; etcomme
elle, ilestgrand, sansêtredémesuré. L’autrea pres-que
épuisé les trésors inépuisables de l’art,du monde,
de la Philosophie,prenant, comme
eux,
touteslesformes quipeuvent
plaire, et n’afectantrienque
d’êtreuniversel*.Voltaire,'ennemi
de tout système , s’arrêteoh
finit la* Une femme de beaucoup d’esprit accuse Voltaire de
’,„onotonie.Toussesadmirateurs.dit-elle,prétendent recou- noîttesesouvragesàsoncachet. Ce cachet selonelle, est
celui de l’uniformité. Rienn’est moinsjuste. Le genrerm- prime soncachet surles écrits, demêmeque chaquepeintre imprime sa manière dans ses tableaux.
La manière de Raphaël, celle du Corège , celle de Rubens servent a les distinguer, à les rendre originaux , et non a les ren re
•monotones. La physionomie d’un homme peut exprime
les passions les plus opposées, sans cesserd’etreunin»ant
reconnoissable : on peut dire en ce sens que Garrick 'conse;vanttoujours son visage, avoir unvisage universel.
Qu’il me soit permis à ce sujet de déplorer la
manie de notre temps.L’espritcontempteurest
et l’pn entend detous côtésdonner hautement es
à
U
gloire, • 'fil
]lumière. Buffon plus hardi, sélancé
au
delà;et se fait jour dans les plus épaisses ténèbres.
Tous deux
ont affranchi l’esprithumain, Tun
de ses chaînes, l’autre de ses bornes et l’on peut appliquer à tousdeux
, mais dansun
sens différent, cebeau
versd’Ovide
:Os
hominisublime, dédit cœlumque tuerL
X
IX.
Les
deux
meilleursmodèles du
style énergi-que
sontMontesquieu
et Rousseau.Rousseau
acettevigueur decoloris quigrossitmerveilleu-sement
les objets,
Montesquieu
cette vigueur detrait qui les pénèttre à fond.Dans
celui-cichaque
idee naît surun
principe,et danscelui- làsur
un
paradoxe. L’un heurte de front toutes les opinionsdominantes
, Taiitre les
soumet
àson
empire.Montesquieu
semble avoir étudiéla politique au milieudu
sénat deRome
,
Rous-
seaudu
haut des Alpes.Le
premier défend la chose publique en dictateursublime, le second
en
tribunvéhément.
Lisez-vous
l’un ?vous croyez
assister à l’assemblée générale desNa-
tions, et
vous y
apprenez la sagesse qui peut tout rétablir. Lisez-vous l’autre ?vous croyez
assister a
une
assemblée de conspirateursrépu- blicains, et
vous y
puisez l’audace qui peutB3
[ [
tout renverser *.
Au nom
de la liberté, deId vertu,du
courage, de l’amour, de l’amitié,
*>- Le peuple anglais , dit Rousseau dans son Contrat
social
, n’est libre qu’enélisant lesMembres des Communes.
L’élection faite , il est esclave, il n’est rien. C’est comme
si l’ondisoit qu’une épée cesse d’être une armesi-tôtqu’oti la remet dans lefourreau. Le peuple anglais amontréassez souvent, quand on vouloit l’opprimer, qu’il savoit retirer l’épée et se défendre. Il faut distinguer l’exercice de la puissance et l'exercice de la liberté : un peuple immense ne peut faire usage de sa puissance que dans les momens de l’élection ; mais il exerce sa liberté dans ses discours
,
dans ses écrits, dans tous les momens de sa vie. L’effort de lapuissance est momentané, et celui de la libertéper-__
manent. Le contrat socialrenfermeplusieurs principes aussi exagérés que celui queje relève ici : qui le croiroit cepen- dant? il est des personnes qui mettent cet ouvrage à côté del’Espritdes Loix.J’aientendu quelquefois,disoitMontes- quieu, comparfer Charles XII à Alexandre î Charles XII
n’étoit pas assurément un Alexandre, maisilauroitété sort premier soldat.
Montesquieu a ses erreurs aussi. Dans lafoule des cita-, lions,il en hasarde d’inexactes. Quelquefoisils’abandonne à l’esprit de système, quelquefoisaux sailliesdeson imagi- nation.Ilneménage pas assezlesvues ordinaires,ilménage quelquefois trop les abus établis. Eu stipulant pourlebien des hommes, il semble quelquefois signer des conditions trop dures, ou laisser passer dés obscurités dangereuses.
Tant de circonspection l’a fait accuser de pusillanimité -, mais il créoit une science toute nouvelle , et-il écrivoit contre des préjugés bien vieuix. Ses ménagemens dailleuia ne sent que des hardiessesdétournée». S’ilne renverse pas
[ î3 ]
Housseau
agite etquelquefois dérange lesfibres les plus sensibles de notrecœur
; par la pro- fondeur de ses idées, par l’étendue de ses sys- tèmes, parl’ensemble imposant de ses connois- sances,
Montesquieu
exerce et féconde toutes lesfacultésdenotreentendement;l’unenflamme
les têtes
, et l’autre les mûrit.
X X.
Le nouveau
Traducteurdel’Essaisurl’Hom- me*,
dans son excellent discours préliminaire,l’arbre,ildépouillescsracines;ets’ilôte à la libertéquelques
'armes funestes, c’est pour n’en pas laisser àla tyrannie.
Quelques jeunes écrivains s’élèventavec forcecontrelasage retenue dece grandhomme. Les jeunes gens prennentleurs passions pour des lumières; ils croient que détruire, c’est répaier; enfin ils aiment à bâtir sur des précipices.
Lauteur de cette Dissertation a lu en manuscrit une nouvelle traduction de 1Essai sur l’homme, faiteparM. le
ducde Nivernois, etilluia adresséles vers suivans.
Avec quel art Pope a chanté Les vérités les plus sublimesî
Il a réuni dans ses rimes,
La profondeur et la clarté.
Il connut l’homme , il sut l’instruire; Il mérita de rencontrer
V Bolingbrocke pour l’inspirer,
Lt Nivernois pour le traduire.
B 4
l
m]
parlant des
modèles du
style, n’osecompter paîmi eux
l’Arioste, ni le Tasse ; quoiq\ie jeune, iln’estpas faitpour
être siréservé, et cen’étoitpaslemoment
d’être sitimide.L’hon- neur qu’il décerne àPope
sur letémoignage
de l’Angleterre,ilpouvoit
l’accorder sur le té-moignage
del’Italie àdeux
Poètes supérieurs àPope,
et supérieurs, de l’aveu de Voltaire,à
tous les Poètes modernes. L’Arioste a faitpour
les siècles chevaleresques etpour
lemerveilleux de la féerie, ce
qu’Homère
avoit faitpour
le merveilleux de lamythologie
etpour
les siècles héroïques:il s’est mis àlatête des imaginations nouvelles,
comme
l’autre àla tête des imaginations anciennes.
Quant
aupoème
de la Jérusalem délivrée, soit par le caractère deshéros, soit parla beauté des épi- sodes, soit parlecharme
des descriptions, soit par la contexture admirabledu
plan,on
doitNiveraois, en le traduisant,
Embellit encore son ouvrage.
Il ne travestit point un sage: Mais il le rend plus séduisant.
De l’Optimisme que l’on fronde,
Lui seul devoir être l’appui;
Tous ceux qui vivent près de lui Sç trouvent dans le meilleuï monde.
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^
le regarder
comme
le seulpoème
véritablement épique, etmême comme
le seulgrandouvrage
régulierque
les siècles passésou
présens aient produit.Le
dernier chant, entre autres, est lechef-d’œuvrede la poésie.
Le
Poètey
déploieune
grandeur,une
magnificence,une
majesté quimet
lecomble
à toutes les beautés de sonpoème.
Il a l’air d’unDieu
quiachève un monde
XXL
Un homme
qui pense toujours d’après lui,M. du Bue
, a défini le sublimece qui ressemble à tout et à qui rien neressemble. Cette défini- tion paroît contradictoire, et cependantelleest exacte.
Examinez
, analysez tous les traitsque
l’on cite,pour
exemplesdu
sublime,vous y
trouverez quelque chose de simple qui ressem- ble à tout, et quelque chose d’unique à qui rien ne ressemble
On reproche au Tasse quelques concetti. Jesuisloin de lesapprouver; mais j'ose affirmer que le grand Corneille,
dont j’admire, tout comme un autre, le génie, a plus de ces concetti^Vx dans ses meilleurestragédies , que le Tasse dans tout son poeme. Pourquoi donc Boileau a-t*il con- damné ce dernier? Ç’estqu’iln’avoitpas eu encoreletemqs de devenir ancien.
M. du Bueprétend queleseulmoyend’éviterlesdisputes de mots, c’est de les assujeuir à lapoliitdes dcfinitioas. Je