Plaquette publiée avec le patronage de l'Association
«La
Canadienne».PARIS 6
eBLOUD et C
7, Place St-Sulpice
QUÉBEC
L'ACTION SOCIALE
io3, rueSte
-Anne
1908
c/f> /se
^Êaitm/a.
LÉVIS
^2
Jean Du S A GUE NA Y
L'EPOPEE
CANADIENNE
3*
LÉVIS
Plaquette publiée avec le patronage de l'Association «
La
Canadienne».PARIS 6
e|
QUÉBEC
BLOUD et C
ieL'ACTION SOCIALE
7, Place St-Sulpice \ io3, rueStp
-Anne
igo8
LÉVIS.
Le
chevalierde
Lévis; ses premièrescampagnes. — Le Languedoc
a
donne
naissanceaux deux
généraux qui ont successivementcommandé
les armées franco-canadiennes pendantlaguerredeSeptans,
au marquis
deMontcalm
etau
chevalier de Lévis.Village et château d'Ajac.
Le
chevalier de Lévisestné le23 août 1720, au château d'Ajac,dansledépartement actuel de l'Aude. Sa famille,
comme
celle deMontcalm,
- 6 -
est
une
des plus anciennes de France; l'un de ses ancêtres suivit Phi- lippe-Auguste à la troisième croisade;Henri
de Lévis,duc
de Venta- dour, qui favorisa les premières missions des Jésuitesau Canada,
etChristophe de Lévis, duc de Damville, furent vice-rois dela Nouvelle- France. Dès sa premièrejeunesse François-Gaston, chevalier de Lévis, s'adonnait
au
métier desarmes
etannonçaitdes qualités de bravoure etde jugement.
Pendant
la guerre de la succession d'Autriche, il fait lacampagne
deBohême
et il est blessé au siège de Prague. Rétabli, ilprend parten 1743, sur le
Mein,
à la bataille de Dettingen, à lasuite de laquellenous sommes
rejetéssurlarivegauche du Rhin;
lerégiment demarine
dans lequel il sert estdécimé
et contraint de revenir en France. Lévis rentrenéanmoins
encampagne
et se bat dans laHaute-
Alsace, en Souabe, surles bordsdu
Rhin.En
1746 il estenvoyé
surla frontière italienne;Tannée
suivante,nommé
aide-major,il sedistingue etil est blessé à Plaisance. «Pendant
cettecampagne,
dit l'abbé Cas- grain ('), le chevalierde Lévis avait fait admirersa valeur, sa présence d'esprit et de raresqualités militaires.On
cite de luiun
brillant faitd'armesqui eut
du
retentissement.Le duc
deMirepoix,Gaston
deLévis, son cousin,commandant
le régiment de la marine, l'avait choisi pour aide decamp
à l'attaque de Montalban. Ilsse trouvèrenttousdeux
sans escorte,au débouché
d'une gorge, en présence d'un bataillon de Pié-montais
: « Bas les armes! crient-ils à l'ennemi, vous êtesentourés. »Le
bataillon fut fait prisonnier. »Le
traité d'Aix-la-Chapelle mit fin à la guerre.On
saitque
la paix dura peu; c'est le 18mai
1756que
LouisXV
sedécide à
rompre
avec l'Angletere après que la France eut subipendant deux
années, enAmérique
et sur mer,une
série de violenceset d'actes de piraterie.Le
chevalier de Lévis est désigné pour combattre en secondau Canada,
avec le titre de brigadier, sous les ordresdu
marquis deMontcalm,
qu'il a connu, dit-on, pendantlacampagne
deBohême. La
guerre dite de Sept ans
commençait.
La
guerredu Canada
( 2
).
—
Dès les premiersessais de colonisation française, leCanada
fut convoité par laGrande-Bretagne et surtout par les provinces semi-indépendantes de la Nouvelle-Angleterre; et l'on(') Dans son admirable ouvrage Montcalm et Lévis, publié chez
MM.
Deniers et frères àQuébec, Marne et fils à Tours (France).(-) Pour l'exposé d'ensemble des opérations jusqu'à la mort de Montcalm. lire la plaquette qui lui estconsacrée.
On
donneici, ausujetde Lévis ou à son occa- sion,desdétailsintéressants sur cette première partie de laguerre.- 7 -
peut dire
que
leur hostilité, tantôt ouverte et tantôt sournoise,, n'avait jamais cessé depuis lors.En
vain des gouverneurs avisés ont maintesfois
démontré aux
ministres, dans delumineux Mémoires,
la nécessité d'implanterune
forte population française sur le sold'Amérique
: ce langage n'étaitpas compris; on répondait par des objections puérilesou
misérables sur le danger de dépeupler la France, les grosses dépenses qu'occasionnait leCanada
et les questionsurgentes qui se débattaient enEurope.
Aussi, au début de la guerre actuelle, quatre-vingt mille habitants seulement sont fixés dans la colonie, pour la plupartle long des rivesdu
Saint-Laurent, tandisque
l'Amérique anglaisecompte un
milliondeux
cent mille âmes. Il sembleque
l'on eûtdû
se préoc-cuper
avec d'autant plus de soin de la défense d'un pays trop faiblepour
soutenir par lui-même, victorieusement, des chocs violents et répétés.La
vérité est tout autre. Selon l'observation toujours actuelled'un
historien descampagnes
de LouisXV
: «En temps
de paix, elles [tïôs colonies) étaientdépourvues
demunitions
de guerre,comme
si cette paix eût été éternelle.Au
premier signal des combats,quelquefoismême
avant, les Anglais toujours préparés, toujoursarmés
à propos, venaient fondre surelles, tandis qu'à laCour on
délibérait sur la nature et la quantité des secours qu'on leur faisait parvenir. » Et l'on conti- nuera à délibérer pendantque
l'armée franco-canadienne et le peuple, luttant piedà pied pendant plusieurs années, vivant dans les angoisses de la disette et des désastres imminents, tournent en vain leurs regards vers la France!Ou
plutôt,on
ne délibéreraqu'en apparence; cetteCour
voltairienne,la seulecoupable,
compte
sur quelquemiracle et se résigne tacitement àun abandon
où, pense-t-elle, après l'envoi de quelques régiments, l'honneur est saut.Disons-le de suite
pour
n'y plus revenir. L'ensemble des troupes envoyées enAmérique
avant la déclaration de guerre, en cemoment
avec
Montcalm
et l'année prochaine, ne s'élèvera qu'à six mille cinq centshommes.
Ces soldats d'élite appartiennentaux
bataillons deBourgogne
etd'Artois (casernés à Louisbourg, îledu
Cap-Breton), dela Reine, de Béarn, de
Languedoc,
deGuyenne,
de laSarre, de Royal- Roussillon etde Berry.L'uniforme change
d'un régiment à l'autre; il comporte l'habit gris blanc, avec des parements tantôt rouges, tantôt bleus, des boutons de cuivreou
d'étain et lechapeau
bordé d'argentou
d'or. Lesdrapeaux
sont d'ordinaire aunombre
de trois, l'un blanc ditdrapeau
colonel et lesdeux
autres ditsd'ordonnance
; l'étoffedecedernieresttraversée parune
grande croix blanchequi le divise en quatre carrés;chacun
d'eux est teint d'une couleur qui est généralement lamême
pourdeux
carrés- 8 —
LACS
STSACREMENT
ET CHAMPLAIN
Echellekilométrique
"Retranchements français /6atai//ec/eCar,//onJ
laMontagnePelée,
II
c2iers„F*Edouard ou Lydius
opposés. Voici les couleurs de ces
drapeaux
avec la date de créationdu
régiment :Béarn, i5go : Violet et aurore, par opposition.
Artois, 1610 :
Jaune
etbleu, par opposition.Guyenne,
1610 : Violetet rouge, par opposition.Berry,
1637
: Vertet jaune, par opposition.La
Sarre, i651 :Noir
et cramoisi, par opposition.Royal
Roussillon, 1655 : Bleu, rouge, vert, noisette, en faisant le tour des carrés par le haut etdepuis la
hampe;
la croix par-semée
de lys d'or.La
Reine, 1661 :Vertet brun, par opposition; la croixsemée
de fleursdelys avec quatre cou- ronnesau
centre.Languedoc,
1672 : Violet et feuilles mortes, paropposition.A
ces renforts, ilfaut joindre:i°
La
garnisonrégulière dela colonie, soitdeux
millehommes
dela marine.
2 Les milices canadiennes qui, par la levée en masse, fourniront jusqu'àquinzemille
hommes.
C'est làun
effort ex- ceptionnel et temporaire,car ilest indispensable
que
les habi- tants soient laissés quelquesmois aux
travaux deschamps,
leur absence prolongée étant déjà l'une des principales causes deladisettequi va sévir si lour-dement
sur lepays.3° Les sauvages, dont l'ap- point est variable, et l'appui incertain.
Au
total,l'armée franco-
canadienne, pendant la lutte suprême, ne dépassera pas dix- huit millehommes. L'ennemi nous
opposera des forces troisou
quatre fois plus nombreuses.le s Agjiiers
- 9 -
Une
forêt presque impénétrable sépare lesdeux
colonies.Le Canada
peutêtreattaqué de trois côtés : par leSaint-Laurent, dontLouisbourg
défend l'entrée; par les lacs Saint-Sacrement,Champlain
et la rivière Richelieu ; par les grands lacs.Nos
troupes sont excellentes. Les régiments envoyés de Francecomptent
parmi les meilleurs d'Europe; les milices sontcomposées
de patriotes, excellents tireurs, habituésau
climat etau
sol; lescompa-
gnies de la marine, vivant dans le paysmême,
participentaux
qualités desdeux
autres corps.Quant aux sauvag
s, ilsjouent lerôle des cava-liers en
Europe;
ce sont leséclaireurs de la forêt, ce sont euxaussiqu'on lance surl'ennemi vaincu pour transformersadéfaiteendéroute.Tantôt
immobiles des heuresentières, tantôt glissant sans bruitpour
épierou
surprendre, ils bondissent à l'improviste, poussant des hurlements etsemant
l'épouvante. Les coureurs de bois, qui se recrutentparmi
la jeunesse canadienne, viventconstamment
au milieudes sauvages; ilsen ont l'élasticitédu
pas, la finessedessens,l'habitude desmarches
longueset rapides à travers la forêt dense et sombre.
Avec
des chefscomme M.
deLangy,
souventaccompagnés
d'Indiens et d'habitants alertes, ilfaut les voir partir au loin, le fusil sur l'épaule et le couteau à la cein- ture, pour surveiller l'ennemi
ou
surprendreun
parti!Dans
lescombats,ils s'éparpillent sur les flancs
ou
en avant de l'armée, se cachent danslesplis
du
terrainou
derrière les arbres, criblant de coups de feu bien dirigésles colonnesanglaises.Les campagnes de
1755 et 1757.—
L'objectifdes Anglais en1756
était d'attaquer le fort Carillon à la sortie
du
lac Saint-Sacrement etd'envahir le
Canada
par cette voieSur
les conseils deMontcalm
et de Lévis, Vaudreuil décide d'efLctuerde cecôté desdémonstrations offen- sivespourdonner
le change à l'ennemi et retarder samarche
en avant, et detenter enmême temps
le siège deChouaguen,
sur le lac Ontario, afinde déblayerla route des grands lacs. Lesdeux
généraux arrivent à Carillonaux
premiers jours de juillet;Montcalm
presse les travauxdu
fort, fait et organise des reconnaissances, laisse le
commandement
le 16 à Lévis, en qui il a toute confiance; le 21 ilest à Montréal, ilmonte
à Niauara, à Frontenac,où
il concentreses troupes.Le
11 aoûtil attaqueChouaguen
qui se rend le 14; le 10 septembre il reçoit, à Carillon, les félicitationsde Lévis.Ce
dernierasupérieurement remplilerôlequi lui était assigné,tenant l'ennemi continuellement en haleine par des coups de main, par des pointes poussées dechaque
côtédu
lac, par desmanœuvres
agressives qui abusaient les Anglais sur sa puissancenumérique comme
sur sesL. 1.
— 10 —
intentions véritables. C'est ainsi qu'avec
moins
de trois millehommes (deux
milledeux
centsau
début) il a immobiliséles dix millehommes
de milord
London. La
chute deChouaguen
décourage cedernier; les renfortsvenus
ensuite avecMontcalm,
l'approche de l'hiveramènent
la fin des opérations. «Malgré
le succèsdecettecampagne,
écritsagement
Lévis, où, s'il y a eudu
bien joué, il y a eu aussidu
bonheur, la paix est à désirer partout, et surtout dansun
paysoù
il y a des obstacles inconnus en Europe. »De
la prise deChouaguen
date la mésintelligence profonde qui sé- pareMontcalm
et legouverneur;
Vaudreuil a préparé, par son activité, l'heureuseissue d'uncoup
hardi et il s'en attribue en très grande partie le mérite; legénéral est froisséd'unetelleprétention quiluiparaît outre- cuidante. Mais, dans cette hostilité qui vagrandirau
détrimentdu
bien public, il ya autre chosequ'un
orgueil déplaisant etun amour-propre
blessé.
Le gouverneur
est lecommandant
en chef desarmées; à ce titre, et bien qu'étranger à l'art militaire, il prétendnon
seulement fixer le plan d'ensemble descampagnes,
ce à quoi son intelligence ouverte lerend parfaitement apte, mais encore en diriger de loin l'exécution,
même
dans ledétail, cequi estdéraisonnable. Or. celui qui ala respon- sabilitédes opérations,quiles conduit, c'estMontcalm
; le nerveuxmar-
quis bout d'êtretenu en lisière, d'êtregêné danssesdispositions, d'avoir à résister à des ordres parfois puérils et dangereux. Ainsi la subordina- tion deMontcalm
augouverneur
a en réalité établi la dualitédu com- mandement. Le
14mars
1756, d'Argenson, ministre de laguerre, avaitdonné
sesdernières instructionsau général : «Quoique
vous soyez su-bordonné
en tout àM.
deVaudreuil,gouverneur
généraldela Nouvelle- France, les occasionset lesmoyens
ne vousmanqueront
pas de signaler votre zèle, vos talens et votre expérience et de les rendre utiles pour le servicedu
roy et la gloirede ses armes. » Et lelendemain
il confirmait ses instructions àM.
de Vaudreuil en l'engageant àdonner
lecomman- dement
des troupes et des milices àMontcalm. On
n'avait pas voulu froisser legouverneur
etdiminuer
son autorité,mais on
avaitcompté
sans sonespritdominateur
et petitement jaloux.Le
sage Lévis se tient à l'écart de cesquerelles qui s'étendentaux
croupes de ligne etaux
miliciens; ses paroles etses actes ont pourobjet deles apaiser.Grâce
àun
tact merveilleux, àune
parfaite maîtrise de soi et à la supériorité reconnue de ses talents, il conquiert l'estime et l'amitié de tous.Montcalm
et Vaudreuil surtout font le plus grand cas de sesconseils et luitémoignent
la plus vive affection.Pendant que
l'armée prend ses quartiers d'hiver il fréquente avec plaisir,comme
tous les officiers, la société canadienne. Malheureuse-—
II—
ment un
trop grandnombre
de familles, entraînées par l'exemple de l'intendant Bigot quimène une
viefastueuse avec leproduitdesesmal-
versations, se livrent àun
jeu ruineux et àde folles prodigalités alorsque
la misère pèse d'un poids toujours plus lourd sur le pays.A
la têtedu
lac Saint-Sacrement (ou lac George), le fortWilliam- Henry
est, avec soncamp
retranché,une
base solidepour
l'invasion toujours menaçante.Pendant
l'hiver, legouverneur
lance,sous lecom- mandement
de son frère,un
grosparticomposé
de soldats des différents corps et de sauvages qui ravagenttoutautour de la place; rude expédi- tion!Des
raquettesaux
pieds,on marche
toute la journéedans la neige parfois fondante;quand
les chiens font défaut,on
s'attèleaux
traînes qui portent les bagages; pour nourriture,du
painetdu
lard;lanuit, en- veloppés dansleurscouverturesou
leurs peaux d'ours, officiers et sol- datsdorment
surun
lit de branches de sapin, protégés contrele ventpar des feuillages
ou
parune
toile tendue, les pieds tournésversdes feux qu'on a soin d'entretenir. Lespréparatifsde l'ennemi sont anéantis,il faut maintenant détruire la place elle-même. «
A
peine, dit Lévis,avions-nous
des vivres pour tenirun
mois; mais,comptant
sur les se- cours de France, onforma
les préparatifs pour faire le siègedu
fort George. »A
la fin dejuillet, les troupes, sous les ordresdeMontcalm,
sontréu- nies à Carillon.Parmi
ellesun
grandnombre
de sauvages quidonnent
àl'expédition l'aspect le plus pittoresque.
D'humeur
très inconstante, ilfaut pour les retenirdes miracles de patience et de diplomatie; dans le
camp où
se coudoient élégants officiers de France, hardis coureurs de bois et Indiens tatoués, se tiennent des conseilsoù
les chefs indigènes prononcent, sous la présidence deMontcalm,
des harangues imagéessouvent
éloquentes. Les sauvages chrétiens ont réfréné leurs instincts brutaux, « ils seconfessent toute lajournée», ditMontcalm
; les païens sontd'une cruauté épouvantable:« un deleurs partis, raconte-t-ilencore,a
fait prisonnierun
officier anglais qu'ils ontmangé,
leur ayant paru bien gras. »L'armée
s'ébranlemoitié par eau, moitié par terre en sui- vantla rive occidentaledu
lac,Léviscommande
ce dernier corps; c'est lui qui procède à l'investissement de laplaceetinterceptelavoiedu
fort Lydius. Les Anglais attaqués le4
août capitulent le 9.Un bon nombre
de prisonniers renvoyés en libertésont massacrés parlessauvages. « Les Anglais, dit Lévis, ne doivent s'en prendre qu'àeux-mêmes
del'infrac- tion qui a été faitedelacapitulationpar lessauvages, puisqu'ils leurontdonné
de l'eau-de-vie, malgrélarecommandation
qu'on leuravait faitede ne leur
donner aucune
boisson. Ilsdoivent êtresatisfaitsde ce qu'ils ont vu,que
toutes les troupes françaises et les Canadiens, demême que
—
12—
les officiers supérieurs, ont exposé leur vie pour les tirer des
mains
er de la fureur des sauvages, etl'oncomprendra
avec peinecomment deux
mille trois centshommes armés
se sont laissé déshabiller par des sau- vagesqui n'étaientarmés que
de lances et de casse-têtes, sans qu'ils aient faitseulementmine
de se mettre en défense. Sans lesecours qu'ils ont reçu des officiers français, ils auraientété tous tués. »Victoire
de
Carillon.—
Les Anglais ont fait, pourTannée
ij5S, des préparatifs formidables. Ilsassiègent Louisbourg, sedisposent à at- taquerle fortDuquesne
etrassemblentune
puissantearmée
à la têtedu
lacSaint-Sacrement.
Pour
inquiéterlesennemis
etmodifier leursdesseins,.Vaudreuil décide, malgré l'avis de
Montcalm
qui jugela diversion trop tardive, d'envoyer le chevalier de Lévis avecdeux
mille cinq centshommes
dansla directiond'Albany en passant par lelac Ontario. Mais, dèsque Montcalm
arrive à Carillonf 1
), le
mouvement
offensif de l'ar-mée
anglaise—
plusde quinze millehommes —
apparaîtimminent;
ilpresse Vaudreuil d'expédierd'urgence tousles renforts disponibles, for- tifie à la hâtele plateau de Carillon par
un
retranchementd'abatis et yramène
sestroupes échelonnées le long de la rivière de laChute.Dans
la nuit
du
7au
8 juillet,aux
crisde joie des soldats, Lévis arrive avec quelques centainesd'hommes,
aprèsune marche
forcée. Lesdeux
géné- rauxs'embrassent,heureux
delutter côte à côte dans ce rude combat.La
bataillecommence
à midi. Les effortsopiniâtres d'unennemi
plein de courage, soutenuspendant
7 heures d'afrilée, viennent toujours se brisercontrel'abâtis trèssolidement et habilement construit, d'où partun
feud'enfer.Dans
lesmoments
critiques Levis, quicommande
àdroite lessoldatsde lamarine
et les miliciens, lance cesderniersdansla plaine;s'abritant derrière les troncs renversés
ou
les arbresdu
bois, ils dé- ciment, par leur tir précis, le> colonnes d'assaut.La
victoire estcom-
plète, mais faute de sauvages et les coureurs de bois étant d'ailleurs épuisés
on
ne peut transformer la défaite des Anglais en déroute : « Si j'avais eu, écritMontcalm, deux
centssauvages pour servirde tête àun
détachement de millehommes
d'élite, dont j'aurais confié lecomman- dement au
chevalier de Lévis, iln'en serait paséchappébeaucoup
dans leurfuite.Ah!
quelles troupes,mon
cher Doreil,que
les nôtres! Je n'en ai jamais vu de pareilles. »Lévis rend brièvement
compte
de sa mission aumarquis
de Vaudreuil dansle billet qu'on va lire.On remarquera
que le chevalier, ainsique
(') Appelé par les Anglais Ticondéroga.
-
i3-
Montcalm
d'ailleurs etque
la plupart des officiers de France, n'oublie pas defaire valoir ses titresaux
bontésdu
roi. Sentiment bienhumain
et
du
reste ambition légitime.«
Au
camp de Carillon, le i3 juillet 1758.»
Monseigneur,
» Par
ma
dernière lettrej'avais eu l'honneur de vousmander que
jene comptais pouvoirjoindre
M.
lemarquis
deMontcalm
àCarillonque
le 9 dece mois, mais surce
que
j'ai appris qu'il étaitvivement
poussé par lesennemis
je marchaijouret nuit etme
suisrendu
seulement aveclesquatre cents
hommes
des troupes de terre qui faisaientpartiedu
dé- tachement qui m'avait étéconfié pouralleraux
cinq nationsiroquoises.La
nuitdu
7au
8, sur les hauteurs de Carillon, j'y trouvaiM.
lemar-
quis deMontcalm
qui s'était repliédu
lac Saint-Sacrement, occupé à faireun
abatis pourarrêter l'armée des ennemis.A
midietdemi
lehuit, lesennemis
replièrentnospostes etnous
attaquèrentenmême temps
sur quatre colonnes,deux
à la gauche,deux
à la droiteoù
jecommandais;
ilsy firentleurs plus grands efforts.
Le combat
n'a fini qu'a huitheuresdu
soir, il a été des plus vifs et des plus opiniâtres. Cette glorieuse journéepour
lesarmes du
roi qui sauve l'Amérique entière estdue
à la valeur des troupes et aux bonnes dispositions deM.
lemarquis
deMontcalm;
jem'en
rapporte, Monseigneur,au compte
qu'il vous rendra de la conduiteque
j'y ai tenue demême que
la relation qu'il fera de cecombat où
notre petitmonde
a battuune armée
de plus de vingt-cinq millehommes; nous
avons perdu trois centshommes
tuésou
blessés, lesennemis
en ont perdu quatre à cinq mille.M.
deBour- lamaque
a étédangereusement
blessé, pourmoi
j'en ai été quittepour deux
coups de fusil dansmon
chapeau.» J'ose e-pérer
que
les servicesque
j'aipu
rendre dansune
action aussi décisive ne pourrontque
gagner dans le compte,Monseigneur, que
vous voudrezbien en rendre à Sa Majesté et j'ai droit de l'attendre de vos bontés, de l'attachementque
je vous aivoué
etdu
respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, Monseigneur, votre trèshumble
et très obéissant serviteur,»
Le
Chevalier de Lévis. »L es milices canadiennes avaient
combattu
sous les plisd'un drapeau, en forme de bannière, qui est conservécomme une
glorieuse relique à l'Université Laval deQuébec.
Iléchappa en 1796a l'incendiedel'églisedes Récolletsà la voûte de laquelle ilavaitétéprimitivement suspendu.
—
13—
L'étoffe, trouée par les balles, est en soie; le fond, d'un vert très pâle, a
dù
être autrefois bleu ciel. Surl'une des faces est peintun
écussonaux armesde France: surl'autreon
voit laMadone
et à sespieds les armesdu marquis
de Beauharnois, qui futgouverneur du Canada
de1726
à 1747 (')•
La
brillante victoire de Carillon arrêtenet l'invasionparleslacsSaint-Sacrement
etChamplain;
parmalheur
la prise des fortsFrontenac
etDuquesne
laisse libre la voie des grands lacs, et surtout la chute deLouisbourg
malgré l'héroïque et habile défensedu commandant,
de Drucourt, dont lafemme
rivalisait de vaillance aveclui, livreaux An-
glais l'accès
du
Saint-Laurent. Bougainville estenvoyé
en France exposer la triste situation de la colonie et réclamer des secours enhommes
et en vivres.A
la Cour,on
estcomme
pris de vertige et ré- signé à subir passivement lesévénements; on
se contente de distribuer des élogeset des faveurs : Vaudreuil estnommé
grand-croix de Saint- Louis,Montcalm
lieutenant-généralavec le cordon rouge, Lévismaré-
chal decamp.
Siège
de Québec. Mort de Montcalm. — Chaque
hiverest pireque
le précédent. « Cependant, dit l'abbé Casgrain, la constance
du
peuple nese démentaitpas; sondévouement
et son courage croissaient avec ledanger. Il sentait
que
la crisesuprême
était venue, et il s'apprêtait à l'affronter avec l'entêtementdu
désespoir.Le
hérosquidomine
tous les autresdans cedrame, c'est l'obscur milicien qui n'a ni trêve ni relâche, etqui va courirau-devantdes balles dans la forêtou
sous lesmurs
de Québec. »Malgré
le défaut de secours et lemanque
de vivres, larésolution de tous est inébranlable.La
confiancedu
chevalier subsiste : «Nous
devons tout attendre, écrit-il, de la valeur des troupes, de labonne
volonté desCanadiens
et de labonne
dispositionoù
sontlessauvages à notre égard. » Et il ajoute : « Je visdans la meilleure intelligenceavecMM.
lemarquis
de Vaudreuil etdeMontcalm;
ils font, l'un et l'autre, cas demes
avis. »Le gouverneur
aordonné
la levée en masse detous lesCanadiens
de seize à soixante ans; l'évêque a fait diredes prières publiques etexhortéles habitantsà se
montrer
dignesde leurs pères.( l
) Le drapeau, sauvé de l'incendie, a été retrouvé par L.-G. Baillargé, avocat.
MM.
Lrnest Gagnon etHormisdas Magnanen ont établi l'historique et M. Saint- Michel, architecte, l'a dessiné. Lire, à cesujet, la Presse, de Montréal, 7décembre 1901, et VActionsociale, de Québec, 4 avril 1908. Le célèbre Crémazie afait du drapeau deCarillonle sujet d'un de ses poèmes les plus émouvants.-.i6.—
Dix
mille environ répondentà l'appel. «On
n'avait pas compté, ditun témoin
oculaire, surune armée
aussi forte, parce qu'on ne s'était pasattendu
à avoirun
si grandnombre
de Canadiens.On
n'avait eu l'intention d'assemblerque
leshommes
en étatde soutenir les fatigues de la guerre;mais
il régnaitune
telle émulation dans le peupleque Ton
vit arriverau camp
des vieillardsdequatre-vingtsanset desenfantsde
douze
à treize, qui ne voulurent jamais profiter de l'exemption accordée à leur âge. »En
tout,nous
disposons d'environ dix -huit mille soldats. Bourla-maque
estenvoyé
avec trois millehommes pour
défendre, parune
lente retraite, la routedu
lacChamplain. Deux
à trois millehommes
sont échelonnés dansles forts de la région desgrands lacs,notamment
à Nia- garaoù commande
Pouchot.Le
grosde nos forces est rassemblé sous lesmurs
de la capitale dont la garnisonestcommandée
parM.
deRamesay.
En
juin 1759, signalée de cap en capjusqu'àQuébec
parune
traînée de feux,une
puissante flotte anglaise s'avance dans le Saint-Laurent, portant trente mille soldats et matelots sous les ordres d'un jeune etmaladifofficier dont le grand ministre
William
Pitt a deviné l'énergie et le talent, Wolfe. Il a trois brigadiers, l'originalTownshend, Monck-
- 17 —
ton.
James Murray,
qui seraun
jourgouverneur du Canada; un
autre futurgouverneur
est le premier officier d'état-major, le lieutenant- colonel Carleton, plus tard lord Dorchester.Le général Murray.
L'armée franco-canadienne
campe
surlarivegauche du
Saint-Laurent, deQuébec
à la rivièreMontmorency.
C'est Lévis qui. malgré les craintes deMontcalm,
a insistépour que
lagauche
s'étende jusqu'à cette forte position; il ycommande
les milicesdu gouvernement
deMontréal.
Wolfe
adresseune
proclamation au peuple; ilmenace
lesCanadiens
qui oseraient prendre les armes, de détruire leurs récoltes et de brûler leurs demeures. Il tient parole : « Il fit brûler, dit l'historien national Garneau, toutes les paroisses et couper les arbres fruitiersdepuis le sautMontmorency
jusqu'au capTourmente,
sur la rivegauche du
Saint- Laurent. Il fit subir lemême
sort à la Malbaie, à la baie Saint-Paul, à-
18-
l'île d'Orléans, qui asept lieuesde longueur etqui fut ravagéed'unbout
à l'autre. Les paroissessur la rive droite
du
fleuve, depuis Berthierjus- qu'à la rivièredu Loup,
au-dessous deQuébec,
espace de vingt-troisLebrigadier Carleton (plus tard lord Dorchester).
lieues, furent saccagées et incendiées à leur tour,ainsi
que
la Pointe- Lévis, Saint-Nicolas, etc.Wolfe
choisissaitla nuit pourcommettre
ces ravages, qu'il portait partoutoù
il pouvait mettre le pied; il enlevaitlesfemmes
et lesenfants, les vivres et les bestiaux....A
Saint-Joachim, les prisonniers furent massacrés desang-froid etde la manière la plus bar- bare. »Du camp
les soldats canadienspouvaient voir s'élever, la nuit, les lueurs sinistres des incendies qui dévoraientau
loin les paroisses.En même temps une
pluie de boulets et debombes
dévastaitQuébec, où
lefeu ne cessait sur un pointque pour
reprendre surun
autre.Au
boutdequelques semaines, la vieille capitale n'est plus
qu'un monceau
de ruines fumantes.Ce bombardement, comme
la dévastation systéma- tique descampagnes
et les actes de barbarie exercés à l'égard des per- sonnes, avaientpour
but de décourager lesCanadiens
et de calmer- ig -
l'opinion publique en Angleterre,
Wolfe
(*) ne voyant pas lemoyen
de s'emparer dela ville.11 n'ose pas se risquer suffisamment loin en
amont
deQuébec
pour opérerune
descente surun
point aborlable; d'autre part les gués Je laAttaquedesretranchementsfrançais àMontmorency.
rivière
Montmorency
sont bien gardés. Enfin, le 3i juillet, ilse décide à attaquer lecamp.
Vers onze heures,deux
transports viennent s'échouer vis-à-vis des redoutes françaises établies àl'embouchure du Montmo-
rency et le vaisseau de premier rang,Centurion, prend position presque en face
du
sautde la rivière. Les cent quarante-quatre bouchesà feu de ces navires et des batteriesdu camp
anglaisbombardent
les retranche-ments
français, qui nesontmunis que
de vingt canons.Nos
troupes restent impassibles.Une
flotte de berges, venues de la pointe Lévis (2) et de l'île d'Orléans,menace
tantôtun
point, tantôtun
autre, afin delaisserMontcalm
dans l'incertitude.( l
) Il a maintenantsa statue à Québec, ruedu Palais.
( 2
) Ou de Lévy.
— 20 —
Une
colonnesuitla rivièreenremontant
et faitmine
d'aller attaquer lecapitaine deRepentigny
qui défendles gués. Lévis le faitsecourir etréclame
lui-même
quelques renforts. Cette colonne ne tarde pas àrétro- grader.Mais
verscinq heures, lamarée
baissant,les battures deBeau-
port se découvrent; les régiments deTownshend, venus du camp
de Wolfe, s'alignent vers la grèvependant que
ceux deMonckton
descen- dentdesbergessouslaprotection descanonsdes vaisseaux. Ilss'élancent, lesgrenadiers en tête, à l'assautdes retranchements français;leurs rangs sont fauchés par le feu nourri et bien dirigédes Canadiens.Montcalm
accourt, mais déjà les Anglais sont en fuite,
un
violent orageéclatant subitement adétrempé
le terrain qui est en pente et d'accès difficile;Wolfe
acomprisqu'une
nouvelle tentative conduirait àun
échecnou-
veau. Merveilleux de sang-froid, d'une vigilancequi ne laisse point de place àlasurprise,prompt
à faire face àl'ennemi là etcomme
il faut, lechevalier de Lévis a les
honneurs
de la journée, quimet au cœur
de l'armée etdu
peupleun peu
de joie et d'espérance.Soudain, le9 août, les plus graves nouvelles arrivent
au camp. Bour-
lamaque, dans sa belleretraite devant lesdouze
millehommes du
géné-ral
Amherst,
d'une circonspection d'ailleurs excessive, areculé jusqu'à l'extrémitédu
lacChamplain,
à l'îleaux
Noix.A
l'ouest,une
colonne trahie par des sauvages « alliés »,que
lamauvaise
fortunea tournés généralement contre nous, a été surprise et faite prisonnière;Pouchot
a
dû
capituler à Niagara aprèsune
vigoureuse défense; de ce côté le colonel anglaisJohnson
qui asuccédéau
général Prideaux,tuépendant
le siège, a trois mille
hommes
sous la main.En
présence de cesévénements, le chevalierde Lévis,suivi d'un déta-chement
de huit centshommes,
partla nuitmême
avecpleins pouvoirs d'organiserla défensedans lesrégions menacées.A
Montréal,illaisse lamoitié de son
monde
allerpromptement
couper les récoltes par crainte de la famine l'hiver prochain. Il pousse d'abord jusqu'à Frontenacetdonne
ses instructions àM.
de laCorne
quicommande
de cecôté; puisil visite l'île
aux
Noix, où les dispositions prises par l'habile et actifBourlamaque
sont excellentes. Lesarmées
anglaises nebougent
pas;Lévis peutenvoyer à
Québec
des nouvelles rassurantes.Tout
à coup, à Montréal,le i5 septembre au matin,il reçoitdu
gou- verneurun
courrier datédu
i3au
soir : «Nous
venons d'avoirune
trèsmalheureuseaffaire.
Dès
Faurore,lesennemis
ont surprisM.
deVer- ger, quicommandait
à l'ansedu
Foulon. Ils se sont bien viteemparés
deshauteurs.M.
lemarquis
deMontcalm
est arrivé avec le premier détachement. Je faisais l'arrière-garde et hâter le pas aux troupes de milieu qui étaient surma
route. J'avais fait prévenirM.
deBougain-
— 21 —
ville
V J
)qui,dansl'instant,s'estmis en
marche du
cap Rouge....Quoique
l'enneminous
eût prévenus, sa position était très critique. Il nènous
fallait qu'attendrel'arrivée de
M.
de Bougainville, parceque, tandisque nous
l'attaquerions avec toutes nos forces, il serait pris par les der- rières (*2).... L'affaires'est engagéeavecbeaucoup
tropdevivacité. L'en- nemi, qui était surune
éminence, nous a repoussés et, malgré notre opiniâtreté,nous
a contraints à faire notre retraite.Nous
avons eubeaucoup
demonde
de tués et de blessés.. .. » Vaudreuil luiannonce que Montcalm
a été blessé grièvement (3),que
l'armée démoralisée est en retraite versla rivièreJacques-Cartier,enamont
deQuébec,
etqu'on l'attendavec impatience pour prendre lecommandement.
Lévis, général en chef.
— Le
chevalier de Lévis accourtau camp
deVaudreuil: «
On n'abandonne
pasdixlieues depayspour une
bataille perdue! » s'écrie-t-il. Et ilordonne
lamarche
en avant. Il rétablit(*) Bougainvilleavait étédétaché en amont deQuébec avec deux mille
hommes
pour empêcher un débarquement des Anglais dont un grandnombrede vaisseaux remontèrentle fleuve au delà de laville; ila man]ué de vigilancedanscette mis- sions: importante.(-) Judicieuxconseil donnéau
moment même
par Vaudreuil à Montcalmqui ne.l'a pas suivi; et, par une véritable fatalité,Bougainville perd son temps en route aulieude marcherdroitau canon.
( 3
) 11 mourut le lendemain à la premièreheure.
Comme
ladéroute des Français commençait, Wolfe étaitaussi frappéàmort.On
a étrangementsurfaitlesmérites, d'ailleursréels,decegénéral; corps frêlequel'enthousiasme animait, ilexerçaitsurle soldat un réel ascendant; enseveli, tout jeune et fiancé, dans son triomphe qui donne à l'Angleterreuneproie si longtemps convoitée,safinéveilledes sentiments romanesquesetpatriotiques;tombéàla
même
heurequeson adversaire,cettecoïn- cidence amène un rapprochement immérité. Wolfe, pendant un mois, seborne à attendre le général Amherstqui avance, par Carillon, avec une sagelenteur, et àtenterd'intimiderles Français par ladévastation barbaredupays.11sedécide alors àattaquer, avec unepartiede ses forces,un seul pointde notrecamp qui peut être aisément secouru par presquetoute l'armée. Enfin, avant de leverlesiège,iltente, sans espérerlui-mêmele succès, uneaventure qui n'a réussi que parune succession inouïede circonstances favorables, alors qu'il avait le choix entre plusieurs plans très dangereux pour nous; maître du fleuve, il pouvait notamment chercher, à quelques lieues en amont de Québec, un endroit facilement abordable où, débar- quant la majeure partiede ses troupes, il séparait Montcalm deses approvisionne- mentsetcoupaitla colonieen deux. C'estle plan que nousredoutions le plus.
Dansla dernièrelettreécriteàsamère,Wolfe énonce uneappréciation bien fausse etcommetune... erreurassezforte : « Le marquis de Montcalm, dit-il, esta la tête d'un grand nombre de mauvais soldats, et moi à la tête d'un petit nombre de bons. » Or, les Anglais savaient, par expérience, que lesCanadiens étaient d'excel- lents soldatset, quant àl'armée anglaise,elle était letriple delanôtre.
(Notes de l'auteur.)
— 22 —
promptement
la discipline; le 18, au matin, l'armée se dirige vers Sainte-Foye, Bougainville en tête; ce dernier a envoyédes sacs de pro- visions àM.
deRamesay
qui était prévenu, parVaudreuil, de l'immi- nentearrivée de secours enhommes
et en vivres: ainsi l'ennemi va être pris entre la garnison et l'armée.Le
18,au
soir, Bougainville estàune
demi-heure de Québec, il ymène
six centshommes, quand
ilapprend
la reddition de la ville ! L'indignation est à son comble. « Il est inouï, écrit Lévis, qu'on rende une place sans qu'elle soit ni attaquée, ni investie. »
iiiitLii^ii.jfaîîw
I II! Ml
Québec aprèslesiègede Iy59
.
Murray,
avec plus de sept millehommes,
ala gardedeQuébec,
tandisque
la flotte anglaiseavec le restedes troupes retourne en Angleterre M.L'armée
française se replie, laissant desdétachements à proximitéde la ville; le généralAmherst,
aprèsquelques véllëités de presser Bourla-(') D'aprèsGarneau, Voltaire célébraà Ferney la chute de Québecparun ban- quet, unepièce de théâtre et un feu d'artifice.
- 23
ma
que, retourne à Saint-Frédéric.Un
rade hivercommence;
Lévis a réclamé dix millehommes
pour le printemps, si l'on veut sauver ia colonie, iln'aura rien; en attendant, il prépare la prochainecampagne,
il s'agit d'enlever
Québec
d'assaut avant la fin de l'hiver.On
transporte au fort Jacques-Cartiermunitions
et approvisionnements; les Anglais sontsans cesse harcelésaux
portesmêmes
de la ville; Lévis qui agagné
l'affection des
Canadiens
obtient tout des milicienscomme
des soldats réguliers : seul le pain assuré, quelques boulets, peu de poudre;parune
organisation merveilleuse il supplée à l'insuffisance générale, faisant voler certains objets « dansQuébec même
à la barbe des Anglais »(Casgrain).
Victoire
de
Sainte-Foye.— Le
i5 avril le fleuve devient navigable,le 20 l'armée s'embarque.
Le
clergé,M
s*de Pontbriand en tête,a surex- cité le sentiment national. « Les prières sontpour
nous, écrit Lévis:Dieu veuille qu'elles soientexaucées!
Monsieur
l'évéque afaitun
beaumandement.
»Après
dix jours d'un voyageque
l'humidité froide et pénétrante arendu
trèspénible,l'arméefortedeprèsdeseptmillehommes
débarque à la Pointe-aux-Trembles. Le lendemain, les embarcations peuvent descendre jusqu'à Saint-Augustin, à six lieues de
Québec.
Malgré un
orage épouvantable etune
pluie glaciale, l'armée s'avance, avecBourlamaque
en avant-garde, traverseau
soir et dans la nuit la rivièreRouge,
les marais de la Suète. « Les ponts s'étantrompus,
les soldats passaient dans l'eau. Les ouvriers avaient peine à les réparer dansl'obscurité, et sans les éclairson
eûtété forcé de s'arrêter. »Après
cette nuit « des plus affreuses», ditLévis^ « les troupes étaient dans
un
état pitoyable ».
Depuis
une
huitaine de joursMurray,
qui avaitvent des projets des Français, se tenait plusque
jamais surses gardes et, par précaution, ilvenait d'expulser la population de la vilie.
Le
27, de grand matin, ilapprend, par
un
artilleur recueillimourant
surun
glaçondu
fleuve, l'approche de l'armée; avec près de trois millehommes
il va aussitôt occuper le village de Sainte-Foye, position solideque
Lévis se propose de tourner à la nuit; maisMurray
se retire en mettantle feu àl'églisedont il avait fait son dépôt de munitions; l'armée française prend aus- sitôtpossession
du
village parune marche
trèsdure dans l'eau, laneige et la boue.Le
lendemain,à la pointedu
jour, Lévismonte
à cheval et observe la plaine. Soudain,Murray
sort de la ville avec presque toute la garnisonetvingt-deux bouches à feu; ses troupes s'avancent sur
deux
lignes qui s'étendentdu haut
des falaises auchemin
de Sainte-Foye. Lévis faitoccuper par les grenadiers
une éminence
sursa droite et, sursa gauche,le
moulin Dumont
ainsique
quelques autres bâtiments sur le haut dela côte Sainte-Geneviève qui couvrent le
chemin
paroù débouche
l'ar-mée.
Mais
sadroite est à peine placéeque Murray
ouvreun
feu terriblePlandela batailledeSainte-Fove.
sur les colonnes en marche. Il la fait aussitôt reculer à l'entrée d'un bois etachèvesa formation de
combat un
peu en arrière, sous la protec- tion des tirailleurs canadiens; à cemoment Murray
qui vient deporter toutson effort sur lemoulin Dumont
en a chassé lesdéfenseurs. Lévis passedevant la ligne de bataille, sonchapeau
à la pointe de son épée,pour commander
l'attaque générale. Les grenadiers et les highlanJers prennent etreprennent plusieursfois lemoulin
j1), se battant avecfurie à l'arme blanche.Au
centre, bienque
l'ennemi ait l'avantage de la position, Béarn, lamarine
et lesCanadiens
arrêtent toutes ses charges;lescoureursde bois,
aux
ordres deM.
de Repentigny, profitantadmi-
rablement des accidents de terrain,décimentlesAnglais par la précision de leur tir.A
droite. Royal-Roussillon s'empare d'une petite redoute.Bourlamaque
quicommande
lagauche
vient d'être blessé; mais la bri-(!) C'est là que fut élevé lemonument des braves; la statue de Bellone qui sur-
montela colonne a été offerte par la France