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Décision 19-D-19 du 30 septembre 2019

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(1)

Décision n° 19-D-19 du 30 septembre 2019

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations d’architecte

L’Autorité de la concurrence (section II)

Vu la décision n° 17-SO-01 du 19 janvier 2017, enregistrée sous le numéro 17/0108 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur d’activité des architectes ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et notamment, le premier paragraphe de l’article 101 ;

Vu le livre IV du code de commerce et notamment l’article L. 420-1 ;

Vu les décisions de secret des affaires n° 18-DSA-067 du 1er mars 2018 et n° 18-DSA-068 du 1er mars 2018 ;

Vu les observations présentées par l’association A&CP Nord Pas de Calais Architecture et Commande Publique, l’Ordre des architectes, les sociétés d’architecture Concept plan GC, A.Trium Architectes, Atelier 2A, Bleu Gentiane, Hart Berteloot Atelier Architecture Territoire, Pierre Coppe Architectes, et M. I..., M. Z..., M. J...et M. F...ainsi que par le commissaire du Gouvernement ;

Vu les observations présentées par la ministre de la culture ; Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, et les représentants de l’association A&CP Nord Pas de Calais Architecture et Commande Publique ainsi que ceux des sociétés d’architecture Concept plan GC, A.Trium Architectes, Atelier 2A, Hart Berteloot Atelier Architecture Territoire, Pierre Coppe Architectes et M. I..., M. Z..., et M. F...et l’Ordre des architectes entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 12 mars 2019 ;

Adopte la décision suivante :

(2)

Résumé

1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence sanctionne l’Ordre des architectes, l’association A&CP Nord Pas de Calais Architecture et Commande Publique (« l’association A&CP ») ainsi que plusieurs architectes et sociétés d’architecture pour avoir mis en œuvre des pratiques d’entente anticoncurrentielle sur les prix dans le secteur des marchés publics de la maîtrise d’œuvre pour la construction d’ouvrages publics en France, en violation des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

À la suite d’un signalement de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (« la DGCCRF »), l’instruction menée dans la présente affaire a conduit à la notification de cinq griefs. Les quatre premiers griefs portaient sur la mise en œuvre par l’Ordre des architectes, via les conseils régionaux (« CROA ») des Hauts-de-France (grief n°1), du Centre-Val de Loire (grief n°2), d’Occitanie (grief n°3) et de Provence-Alpes-Côte d’Azur (grief n°4) d’une décision d’association d’entreprises consistant à diffuser et à imposer une méthode de calcul des honoraires à l’ensemble des architectes desdites régions qui souhaitaient participer à des marchés publics pour la maîtrise d’œuvre pour la construction d’ouvrages publics. Les griefs n° 1, n° 3 et n° 4 ont également été notifiés à l’association A&CP (association mandatée par le CROA des Hauts- de-France pour suivre l’ensemble des questions relatives à la commande publique) ainsi qu’à divers architectes et sociétés d’architecture. Le cinquième grief concernait la diffusion par le conseil national de l’Ordre des architectes (le « CNOA ») d’un modèle de saisine des chambres disciplinaires régionales en cas d’allégation de concurrence déloyale.

L’Autorité a estimé que les différents griefs étaient fondés et justifiaient une sanction.

L’Autorité a relevé, en particulier, que l’Ordre des architectes avait procédé à la diffusion de la méthode de calcul d’honoraires indiquée par la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (« MIQCP ») en vue d’imposer aux architectes le respect d’un barème (d’une méthode) tarifaire. Afin d’assurer le respect de cette méthode, il a, par ailleurs, multiplié les mesures de contrainte auprès des maîtres d’ouvrages publics et des architectes. Ces mesures ont pris la forme, d’une part, d’interventions auprès des maîtres d’ouvrages visant à les alerter sur les risques, notamment contentieux, liés au montant prétendument trop faible des offres qu’ils avaient retenues. Elles ont, d’autre part, consisté en l’engagement de procédures pré-disciplinaires et disciplinaires à l’encontre d’architectes dont le taux d’honoraires était inférieur à celui résultant de l’application de la méthode de calcul élaborée par la MIQCP.

L’Autorité a également constaté que les architectes et les sociétés d’architecture mis en cause avaient exprimé leur adhésion à la décision d’association d’entreprises litigieuse en dénonçant aux CROA compétents les taux d’honoraires appliqués par certains confrères à l’occasion d’appels d’offres.

L’Autorité a estimé être compétente pour connaître de l’ensemble des pratiques constatées, y compris celles susceptibles de relever de l’exercice d’une prérogative de puissance

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

(3)

publique. En effet, dès lors que, comme en l’espèce, ces prérogatives sont exercées de manière manifestement inappropriée, pour des motifs non liés à l’intérêt général et à l’action publique mais dans un but manifestement anticoncurrentiel, l’Autorité estime être compétente pour les apprécier.

L’Autorité a relevé que ces pratiques, visant à imposer une méthode de calcul d’honoraires se substituant à la fixation libre par les architectes du prix de leurs prestations selon leurs coûts réels, constituaient une infraction de concurrence par objet. Elle a également constaté que la police des prix exercée par l’ordre à l’égard des maîtres d’ouvrage publics et des architectes a eu pour effet de renchérir artificiellement les prestations de maîtrise d’œuvre et, parfois même, de conduire à la remise en cause de certains marchés déjà conclus ou en cours de négociation.

L’Autorité a relevé, enfin, que les pratiques en cause étaient d’autant plus répréhensibles que l’ordre s’est prévalu de l’autorité morale que lui confère sa mission de service public pour imposer des pratiques illégales, en entretenant la confusion entre les consignes tarifaires d’une part, les obligations déontologiques s’imposant aux architectes et le respect de la réglementation relative aux offres anormalement basses, d’autre part.

L’Autorité a prononcé une sanction de 1 500 000 euros à l’encontre de l’Ordre des architectes, seul doté de la personnalité morale en vertu de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, ainsi qu’une sanction de 1 euro à l’encontre de l’association A&CP et de chacun des architectes et chacune des sociétés d’architecture mis en cause.

(4)

SOMMAIRE

Résumé ... 2

I. Constatations ... 8

A. LA PROCÉDURE ... 8

B. LE SECTEUR CONCERNÉ ... 8

1.LE CADRE JURIDIQUE DE LA PROFESSION DARCHITECTE ... 8

a) L’exercice de la profession d’architecte ... 9

b) L’organisation de la profession d’architecte ... 9

c) Les règles déontologiques et les procédures disciplinaires propres à la profession 10 2.LES PRESTATIONS CONCERNÉES ... 10

a) Les procédures mises en œuvre pour les marchés publics de maîtrise d’œuvre ... 11

Les marchés publics de maîtrise d’œuvre ... 11

Les marchés à procédure adaptée (ci-après « MAPA ») ... 11

b) La mission des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique ... 12

c) La rémunération des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique ... 12

d) La mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques ... 13

C. LES ENTITÉS CONCERNÉES ... 13

D. PRATIQUES CONSTATÉES ... 14

1.PRATIQUES MISES EN ŒUVRE DANS LES HAUTS-DE-FRANCE ... 14

a) La communication institutionnelle sur les prix ... 14

L’élaboration de la charte « Améliorer, Simplifier, Réussir » ... 15

Le contenu de la charte ... 15

La diffusion de la charte ... 16

b) Le contrôle des prix ... 16

La surveillance des prix pratiqués par les architectes ... 17

L’engagement des procédures disciplinaires par la Commission « Éthique et morale professionnelle » ... 18

Les procédures et sanctions disciplinaires mises en œuvre à l’égard des sociétés d’architecture dénoncées ... 19

2.PRATIQUES DU CONSEIL RÉGIONAL DE L’ORDRE DES ARCHITECTES DU CENTRE - VAL DE LOIRE ... 23

a) La communication institutionnelle sur les prix ... 23

b) Le contrôle des prix ... 24

(5)

La procédure instaurée par le CROA ... 24

Les procédures pré-disciplinaires engagées par le CROA ... 24

La procédure disciplinaire engagée par le CROA ... 26

c) Les interventions auprès de la maîtrise d’ouvrage publique ... 27

3.PRATIQUES DU CONSEIL RÉGIONAL DE L’ORDRE DES ARCHITECTES D’OCCITANIE .... 27

a) La communication institutionnelle sur les prix ... 28

b) Le contrôle des prix ... 29

La surveillance effectuée par la commission marchés publics - offres anormalement basses ... 29

Les procédures pré-disciplinaires et disciplinaires engagées par le CROA ... 30

c) Interventions auprès de la maîtrise d’ouvrage publique ... 33

Commune de Saint-Orens-de-Gameville... 34

Commune de Frouzins ... 35

4.PRATIQUES DU CONSEIL RÉGIONAL DE L’ORDRE DES ARCHITECTES DE PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR ... 35

a) La communication institutionnelle sur les prix ... 35

b) Le contrôle des prix ... 36

Commission commande publique et commande privée ... 36

Procédures pré-disciplinaires engagées par le CROA ... 36

c) Interventions auprès de la maîtrise d’ouvrage publique ... 41

Procédure pré-disciplinaire visant la société d’architecture Grégoire et Matteo ... 41

Procédure pré-disciplinaire visant la société d’architecture JALC Architectes ... 41

5.PRATIQUES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES ARCHITECTES ... 42

a) La communication institutionnelle à l’attention des maîtres d’ouvrage publics .... 42

b) La coordination des actions des CROA ... 42

Diffusion d’un outil de fixation du prix horaire ... 43

Comité technique « concurrence déloyale » ... 43

Document diffusé ... 44

II. Les griefs notifiés ... 46

III. Discussion ... 48

A. SUR LA COMPÉTENCE DE L’AUTORITÉ ... 48

1.RAPPEL DES PRINCIPES ... 49

2.APPLICATION AU CAS DESPÈCE ... 52

(6)

a) Sur la diffusion d’un modèle de saisine de la chambre de discipline ... 53

b) Sur les mesures de contrainte mises en œuvre par l’Ordre à l’encontre des architectes et des maîtres d’œuvre publics ... 54

Conclusion ... 55

B. SUR LA CLARTÉ DES GRIEFS NOTIFIÉS ... 55

C. SUR LE DROIT APPLICABLE ... 56

D. SUR LE MARCHÉ PERTINENT ... 58

E. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS NOTIFIÉS ... 58

1.L’EXISTENCE DUN ACCORD DE VOLONTÉ ... 58

a) Rappel des principes applicables ... 58

b) Application au cas d’espèce ... 59

Sur la qualification d’entreprise ... 59

Sur la qualification d’association d’entreprises ... 60

Sur la qualification de décision d’association d’entreprises ... 60

2.LE CARACTÈRE ANTICONCURRENTIEL DES PRATIQUES ... 63

a) Rappel des principes applicables ... 63

b) Application en l’espèce ... 64

Sur l’ensemble des griefs notifiés ... 64

Sur le premier grief ... 66

Sur le deuxième grief ... 68

Sur le troisième grief ... 68

Sur le quatrième grief ... 69

Sur le cinquième grief ... 70

3.SUR LA PARTICIPATION DES ARCHITECTES ET DES SOCIÉTÉS DARCHITECTURE ET DE LASSOCIATION A&CP ... 71

a) Rappel des principes ... 71

b) Application en l’espèce ... 73

Sur le principe de l’adhésion individuelle des sociétés d’architecture et des architectes ... 73

Sur la participation individuelle des architectes et des sociétés d’architecture ... 74

Sur la participation de l’association A&CP ... 77

F. SUR L’IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES À L’ORDRE DES ARCHITECTES ... 77

1.RAPPEL DES PRINCIPES ... 78

2.APPLICATION AU CAS DESPÈCE ... 78

(7)

a) Sur l’imputabilité des pratiques à l’Ordre des architectes ... 78

G. SUR LA DURÉE DES PRATIQUES ... 79

H. SUR LA SANCTION ... 82

1. SUR LA SANCTION PÉCUNIAIRE ... 83

a) Sur la méthode de détermination des sanctions ... 83

b) Sur la gravité des faits ... 83

c) Sur l’importance du dommage à l’économie ... 85

d) L’individualisation de la sanction ... 87

e) Sur le montant de la sanction ... 87

La sanction pécuniaire de l’Ordre des architectes... 87

La sanction pécuniaire des architectes, sociétés d’architecture et de l’association A&CP ... 87

f) Sur les ajustements finaux ... 88

La vérification du respect du maximum légal ... 88

La prise en compte de la capacité contributive ... 88

2. SUR LES INJONCTIONS DE PUBLICATION ET DE COMMUNICATION ... 89

DÉCISION ... 90

(8)

I. Constatations

A. LA PROCÉDURE

1. Par lettres des 3 juin, 22 juillet, 11 octobre et 21 décembre 2016, la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après « la DGCCRF ») a transmis à la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence plusieurs rapports d’enquête établis par M. X... (inspecteur à la brigade interrégionale d’enquêtes concurrence de Nantes) relatifs à des pratiques mises en œuvre dans le secteur d’activité des architectes par les conseils régionaux de l’Ordre des architectes (ci-après « l’Ordre ») des régions Centre-Val de Loire, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

2. Selon la DGCCRF, les pratiques relevées dans ces régions auraient eu pour objet et pour effet d’empêcher la fixation des honoraires d’architectes par le libre jeu du marché et de fausser la concurrence lors des marchés publics de maîtrise d’œuvre pour la construction d’ouvrages publics, en violation des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, voire de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

3. Par décision n° 17-SO-01 du 19 janvier 2017, l’Autorité de la concurrence (ci-après

« l’Autorité ») s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur d’activité des architectes.

4. Le 6 avril 2018, une notification des griefs a été adressée à l’Ordre, à l’association A&CP Nord Pas de Calais Architecture et Commande Publique (ci-après « l’association A&CP »), aux sociétés d’architecture Hart Barteloot Atelier Architecture Territoire, Pierre Coppe Architectes, A.Trium Architectes, Concept plan GC, Atelier 2 A et Bleu Gentiane, ainsi qu’à M. Z..., M. F..., M. I..., et M. J..., architectes.

5. À la suite de la réception de leurs observations, un rapport leur a été adressé le 26 septembre 2018. Ce rapport a également été notifié à la ministre de la culture en application des articles L. 463-2 et R. 463-11 du code de commerce.

6. La séance devant l’Autorité s’est tenue le 12 mars 2019.

B. LE SECTEUR CONCERNÉ

7. Le secteur concerné est celui des prestations d’architecte réalisées à la suite de la passation de marchés publics de maîtrise d’œuvre. Ces prestations (2), de même que la profession d’architecte, font l’objet d’une réglementation spécifique (1).

1. LE CADRE JURIDIQUE DE LA PROFESSION DARCHITECTE

8. L’exercice de l’architecture est régi par un corpus de règles législatives et réglementaires, notamment constitué par les lois n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture (ci-après « la loi n° 77-2 ») et n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (dite « loi MOP »).

9. Ce corpus inclut également les décrets n° 77-1481 du 28 décembre 1977 sur l’organisation de la profession d’architecte, n° 80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs

(9)

professionnels des architectes et n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé.

a) L’exercice de la profession d’architecte

10. La loi n° 77-2 (articles 1, 3 et 4) reconnaît le caractère d’intérêt public de la création architecturale, et dispose, par conséquent, que, sauf exceptions définies par décret en Conseil d’État, toute personne désirant entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte. Selon l’article 9 de ladite loi, seules peuvent porter les titres « d’architecte » ou de « société d’architecture » les personnes, physiques ou morales, inscrites à un tableau régional de l’Ordre, cette inscription leur conférant le droit d’exercer sur l’ensemble du territoire national.

11. L’article 2 du code de déontologie des architectes, institué par le décret n° 80-217 précité, définit leurs missions de la manière suivante : « La vocation de l’architecte est de participer à tout ce qui concerne l’acte de bâtir et d’aménagement de l’espace ; d’une manière générale, il exerce la fonction de maître d’œuvre. Outre l’établissement du projet architectural, l’architecte peut participer notamment aux missions suivantes :

- aménagement et urbanisme, y compris l’élaboration des plans ; - lotissement ;

- élaboration de programme ;

- préparation des missions nécessaires à l’exécution des avant-projets, consultation des entreprises, préparation des marchés d’entreprises, coordination et direction des travaux ;

- assistance aux maîtres d’ouvrage ; - conseil et expertise ;

- enseignement ».

b) L’organisation de la profession d’architecte

12. La loi n° 77-2 détermine les compétences respectives des différentes instances régissant la profession d’architecte.

13. Elle institue, en son article 21, l’Ordre, dont le fonctionnement est précisé, entre autres, par le décret n° 77-1481 précité et l’arrêté du 19 avril 2010 portant approbation du règlement intérieur du conseil national de l’Ordre.

14. L’article 21 dispose que l’« ordre des architectes (…) a la personnalité morale et l’autonomie financière » et que l’Ordre est placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture.

15. L’Ordre se compose, d’une part, du conseil national de l’Ordre (ci-après « CNOA »), qui

« coordonne l’action des conseils régionaux et contribue à leur information » (articles 24 et 25 de la loi n° 77-2) et, d’autre part, des conseils régionaux de l’Ordre (ci-après « CROA ») qui, pour chaque région, « veille[nt] au respect, par tous [leurs] membres, des règles édictées par le code de déontologie » (articles 22 et 23-1 de la loi n° 77-2).

16. Aux termes de l’article 26 de la loi n° 77-2, tant le CNOA que les CROA « concourent à la représentation de la profession auprès des pouvoirs publics. Ils ont qualité pour agir en justice en vue notamment (…) du respect des droits conférés et des obligations imposées aux

(10)

architectes par les lois et règlements. En particulier, ils ont qualité pour agir sur toute question relative aux modalités d’exercice de la profession ainsi que pour assurer le respect de l’obligation de recourir à un architecte » (soulignement ajouté).

c) Les règles déontologiques et les procédures disciplinaires propres à la profession 17. Les dispositions du code de déontologie des architectes « s’imposent à tout architecte ou

société d’architecture ou agréé en architecture » (article 1er).

18. Aux termes de l’article 12 du code de déontologie, l’« architecte doit assumer ses missions en toute intégrité et clarté et éviter toute situation ou attitude incompatibles avec ses obligations professionnelles ou susceptibles de jeter un doute sur cette intégrité et de discréditer la profession. Pendant toute la durée de son contrat, l’architecte doit apporter à son client ou employeur le concours de son savoir et de son expérience ».

19. L’article 17 du même code dispose que « [l]es architectes sont tenus d’entretenir entre eux des liens confraternels, ils se doivent mutuellement assistance morale et conseils ».

20. L’article 18 prévoit que « [l]a concurrence entre confrères ne doit se fonder que sur la compétence et les services offerts aux clients.

Sont considérés notamment comme des actes de concurrence déloyale prohibés :

- toute tentative d’appropriation ou de détournement de clientèle par la pratique de sous- évaluation trompeuse des opérations projetées et des prestations à fournir ;

- toute démarche ou entreprise de dénigrement tendant à supplanter un confrère dans une mission qui lui a été confiée » (soulignement ajouté).

21. Les infractions aux dispositions précitées relèvent, selon l’article 1er de ce code, « de la juridiction disciplinaire de l’ordre ». L’action disciplinaire « est engagée par des représentants de l’État ou par le conseil régional de l’ordre des architectes agissant soit d’office, soit à la requête de toute personne intéressée » (alinéa 7 de l’article 27 de la loi n° 77-2).

22. Au sein de chaque CROA une « chambre régionale de discipline des architectes (…) exerce en première instance le pouvoir disciplinaire à l’égard des architectes » (alinéa 1er de l’article 27 et article 23-1 de l’article de la loi n° 77-2).

23. Par ailleurs, une « Chambre nationale de discipline des architectes, instituée au sein du Conseil national de l’ordre des architectes, connaît des recours dirigés contre les décisions des chambres régionales de discipline des architectes » (II de l’article 28 et article 29 de la loi n° 77-2).

2. LES PRESTATIONS CONCERNÉES

24. Les pratiques concernent les prestations d’architecte accomplies dans le cadre de la passation des marchés publics de maîtrise d’ouvrage.

25. L’activité de maîtrise d’ouvrage consiste à réaliser, pour le compte d’un maître d’ouvrage public, un projet de travaux dans des conditions de délais, de qualité et/ou de coûts prédéfinies par deux cahiers des charges, l’un technique – le cahier des clauses techniques particulières ou CCTP – et l’autre administratif – le cahier des clauses administratives particulières ou CCAP.

26. Lorsqu’ils exercent en qualité de maître d’œuvre, les architectes sont chargés par le maître d’ouvrage de concevoir le projet, d’élaborer le dossier de consultation des entreprises, de

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contrôler la bonne exécution des travaux ainsi que de jouer un rôle d’interface entre le maître d’ouvrage public et les entreprises chargées d’exécuter les travaux.

27. Afin d’examiner les pratiques constatées, il convient au préalable de revenir successivement sur les procédures qui peuvent être mises en place dans le cadre des marchés de maîtrise d’œuvre (a), la mission dévolue aux architectes dans ce cadre (b), les dispositions portant sur la rémunération de leurs prestations (c) et enfin le rôle dévolu à la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (ci-après « MIQCP ») (d).

a) Les procédures mises en œuvre pour les marchés publics de maîtrise d’œuvre Les marchés publics de maîtrise d’œuvre

28. Aux termes du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics (devenu le I de l’article 74 du code des marchés publics), les marchés sont dits de maîtrise d’œuvre lorsqu’ils « ont pour objet, en vue de la réalisation d’un ouvrage ou d’un projet urbain ou paysager, l’exécution d’un ou plusieurs éléments de mission définis par l’article 7 de la loi n° 85-407 du 12 juillet 1985 susmentionnée (loi MOP) et par le décret du 29 novembre 1993 susmentionné ».

29. Cette définition a été conservée malgré l’abrogation du code des marchés publics (ci-après

« CMP ») par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

Elle figure désormais au I de l’article 90 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

Les marchés à procédure adaptée (ci-après « MAPA »)

30. Selon le CNOA, en matière de commande publique, « les MAPA ou [« marchés à procédure adaptée »] représentent 80 % de la commande architecturale » (cote 1260).

Code des marchés publics applicable de 2006 à 2016

31. Aux termes du I de l’article 74 du CMP en vigueur de 2006 à 2016, les « marchés de maîtrise d’œuvre d’un montant égal ou supérieur aux seuils des marchés formalisés fixés au II de l’article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après. Ils peuvent toutefois être passés selon la procédure adaptée lorsque leur montant est inférieur à ces mêmes seuils ». Dans ce cadre, « (…) les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat » (article 28 du même code).

32. À la date de l’entrée en vigueur du décret n° 2006-975, précité, les marchés pouvaient être passés selon une procédure adaptée lorsque le montant estimé du besoin était inférieur à 210 000 euros hors taxes pour les fournitures et les services des collectivités territoriales, d’une part, et pour les travaux, d’autre part. Ces seuils ont, par la suite, fait l’objet de nombreuses modifications (voir, notamment, décret n° 2011-2027 du 29 décembre 2011 modifiant les seuils applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique).

Textes régissant les marchés publics après 2016

33. Depuis l’abrogation du CMP, c’est l’article 27 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics qui prévoit que « [l]orsque la valeur estimée du besoin est inférieure aux seuils de procédure formalisée, l’acheteur peut recourir à une procédure adaptée dont il détermine librement les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin

(12)

à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat ».

34. Actuellement, les marchés peuvent être passés selon une procédure adaptée lorsque le montant estimé du besoin est inférieur à 209 000 euros hors taxes pour les fournitures et les services des collectivités territoriales, d’une part, et à 5 225 000 euros hors taxes pour les travaux, d’autre part.

35. Le Conseil d’État a précisé dans un avis du 29 juillet 2002 « Blanchisseries de Pantin » que les MAPA demeurent « soumis aux principes généraux posés aux deuxième et troisième alinéas du I de l’article 1er du code (aujourd’hui article 1er de l’ordonnance n° 2015-899 précitée), selon lesquels les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures et l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ».

b) La mission des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique

36. L’article 15 du décret n° 93-1268 précité a défini les éléments constitutifs de « la mission de base [de l’architecte] pour les ouvrages de bâtiment » confiée par des maîtres d’ouvrage publics comme suit :

« I. Pour les opérations de construction neuve de bâtiment, la mission de base comporte les études d’esquisse, d’avant-projet, de projet, l’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation des contrats de travaux, la direction de l’exécution du contrat de travaux et l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement.

Font également partie de la mission de base l’examen de la conformité au projet des études d’exécution et leur visa lorsqu’elles ont été faites par un entrepreneur et les études d’exécution lorsqu’elles sont faites par le maître d’œuvre.

II. Pour les opérations de réutilisation ou de réhabilitation de bâtiment, la mission de base comporte les études d’avant-projet, de projet, l’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation des contrats de travaux, la direction de l’exécution du contrat de travaux et l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement.

Font également partie de la mission de base l’examen de la conformité au projet des études d’exécution et leur visa lorsqu’elles ont été faites par un entrepreneur et les études d’exécution lorsqu’elles sont faites par le maître d’œuvre ».

c) La rémunération des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique 37. Les dispositions législatives et réglementaires actuellement applicables à la rémunération

des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique résultent notamment de la loi MOP et du décret n° 93-1268 précités.

38. L’article 9 de la loi MOP précise que la « mission de maîtrise d’œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l’étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux ». Autrement dit, la rémunération de la maîtrise d’œuvre privée est librement

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débattue entre les parties, qui ont toute latitude, en prenant en compte les déterminants exposés ci-dessus, d’en fixer contractuellement le montant.

39. Par ailleurs, aux termes de l’article 55 du code des marchés publics2, « si une offre apparaît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu’il juge utiles et vérifié les justifications fournies ».

d) La mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques

40. Créée par le décret n° 77-1167 du 20 octobre 1977, la MIQCP est « chargée de favoriser l’amélioration de la qualité de l’architecture des bâtiments édifiés pour le compte des collectivités publiques ».

41. Dans ce cadre, la MIQCP a publié, en 1994 et 2008, un guide à l’attention des maîtres d’ouvrage publics pour la négociation des rémunérations de maîtrise d’œuvre. Selon la présentation figurant sur son site Internet, « [c]e guide donne des points de repère aux maîtres d’ouvrage pour une évaluation sommaire de l’enveloppe prévisionnelle à affecter aux honoraires de maîtrise d’œuvre qu’ils doivent provisionner dans leur programmation budgétaire. Cette estimation indicative leur est également nécessaire pour le choix de la procédure de consultation de la maîtrise d’œuvre et des formalités y afférentes qui peuvent varier lorsque certains seuils sont franchis » (cote 7192).

42. Ce guide propose une méthode de calcul des honoraires en fonction de la complexité et de la nature de l’ouvrage à réaliser (cote 7192).

43. Il est présenté comme « une aide utile à la négociation » et vise à fournir « des points de repères aux maîtres d’ouvrage » pour évaluer le coût prévisionnel d’une mission de base de maîtrise d’œuvre en bâtiment neuf, en réhabilitation ou en infrastructure.

C. LES ENTITÉS CONCERNÉES

44. La présente affaire concerne, tout d’abord, l’Ordre.

45. Elle met en cause, par ailleurs, d’une part, plusieurs sociétés d’architecture3, d’autre part, des architectes exerçant à titre individuel4 et, enfin, l’association A&CP.

2 Abrogé par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 sur les marchés publics et remplacé par l’article 53 de ladite ordonnance, aux termes duquel « lorsqu’une offre semble anormalement basse, l’acheteur exige que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions fixées par voie réglementaire ».

3 Voir supra paragraphe 4.

4 Idem

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D. PRATIQUES CONSTATÉES

46. À titre liminaire, il convient de préciser que dans le cadre de la nouvelle délimitation des régions, datant du 12 octobre 2017, les CROA du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie ont été regroupés et forment désormais le CROA des Hauts-de-France. De même, les CROA de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon constituent aujourd’hui le CROA d’Occitanie.

47. Plusieurs pratiques ont été mises en œuvre par l’Ordre soit sur l’ensemble du territoire (5) soit spécifiquement dans les Hauts-de-France (1), le Val de Loire (2), en Occitanie (3) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (4).5

1. PRATIQUES MISES EN ŒUVRE DANS LES HAUTS-DE-FRANCE

48. Avant sa fusion avec le CROA Picardie, le CROA Nord-Pas-de-Calais comptait environ 1 000 architectes inscrits au tableau régional. Il était composé de 16 membres élus et comptait 6 commissions internes, dont la commission « Éthique et Morale Professionnelle ».

49. Constatant la multiplication des offres selon lui « bradées » ou « à des taux d’honoraires trop faibles » (voir notamment la cote 6242), le CROA Nord-Pas-de-Calais a souhaité sensibiliser ses membres sur la question de la « juste rémunération » et a mené des réflexions sur les moyens de lutter contre de telles pratiques. À cette fin, il a mis en place une communication institutionnelle sur les prix (a) et mis en œuvre un système de surveillance des prix et engagé des procédures disciplinaires (b).

a) La communication institutionnelle sur les prix

50. Plusieurs numéros de la lettre d’information de l’Ordre dans le Nord-Pas-de-Calais révèlent sa volonté, régulièrement réitérée, de lutter contre des pratiques qu’il qualifie alternativement de « dumping », d’« offres anormalement basses », ou de « sous évaluations ».

51. Dans sa lettre d’information n° 3 de janvier 2011, l’Ordre souligne ainsi que « le rappel des règles de déontologie, moyens de l’ordre sur le fondement de l’art 18 du CDP (code des devoirs professionnels) » de même que le « Questionnement et [la] convocation des architectes soupçonnés d’avoir pratiqué une sous-évaluation des honoraires, en référence avec le guide de la MICQP » constituent des moyens de lutte contre ces pratiques (cote 6243).

52. Cette approche est confirmée par l’éditorial de la lettre d’information n° 14 de février 2012, où l’Ordre indique être « toujours vigilant pour faire respecter le code de déontologie et [qu’il] n’hésitera pas à traduire par devant la chambre de discipline les confrères qui contreviennent à la règle en causant un tort considérable à l’ensemble de la profession ».

Dans ce numéro, l’Ordre précise, par ailleurs, que « la base de calcul du coût de nos agences est simple, disponible sur le site du CNOA, (Outils et documents – Documents types pour la commande privée – Méthode de calcul du prix horaire de l’agence (même ancien, ce document est une méthode toujours d’actualité)) et doit permettre à chacun de déterminer l’honoraire à proposer en croisant avec les logiciels de mode de calcul par type de mission

5 Les coquilles figurant dans les différentes citations de documents ou extraits de documents figurant au dossier ont été conservées.

(15)

et d’ouvrage. (Médicis Pro par exemple édité par Charlet Informatique http://www.cm2i.com) ou encore avec le guide de la [MIQCP] qui a établi un guide à l’intention des MOA publics. (Disponible sur demande au CROA) » (cote 6423, soulignement ajouté).

53. De même, la lettre d’information n° 16 d’avril 2012, qui reproduit notamment le « compte- rendu de la commission Observatoire des procédures et de la commande publique », indique que « suite à une action du CROA, la SIA (organisme HLM à Douai) va résilier un accord cadre, et ce du fait du dumping des honoraires. Ayant été invitée à transmettre la liste des candidats ainsi que leur taux d’honoraires, les architectes ayant répondus à un taux inférieur à 5,5 % seront invités au CROA. La commission souhaite également faire de l’information auprès des maîtres d’ouvrage sur les offres anormalement basse : Comment les identifier ? Comment les traiter ? Quels sont les risques à retenir une telle offre ? » (cote 6457, soulignement ajouté).

L’élaboration de la charte « Améliorer, Simplifier, Réussir »

54. Afin à la fois d’informer largement les maîtres d’ouvrage sur les offres anormalement basses (ci-après les « OAB ») et la méthode à suivre pour les identifier et les traiter et de répondre aux interrogations des architectes sur la disparité des offres d’honoraires (cote 6457), le CROA a établi en août 2013, en liaison avec les principaux maîtres d’ouvrage publics, une charte de bonnes pratiques pour la passation des marchés publics de maîtrise d’œuvre « dans la perspective d’une amélioration des conditions de candidature et de sélection des maîtres d’œuvre ».

55. À cet égard, M. Y..., alors président du CROA du Nord-Pas-de-Calais, a indiqué avoir

« élaboré, du temps de mon mandat, en 2012-2013, une charte “Améliorer, Simplifier, Réussir” qui a été reprise depuis par le CNOA pour devenir le mini-guide “pour bien choisir l’architecte et son équipe”. Il n’existait alors aucun document de ce type. Certains maîtres d’ouvrage s’étonnaient des offres reçues qui s’étalaient entre 4 et 11 %. Ils s’interrogeaient sur la bonne rémunération pour la mission de maîtrise d’œuvre. Désormais, il y a l’outil de calcul de la MIQCP » (cote 4189, soulignements ajoutés).

56. Dans son éditorial de la lettre d’information n° 28 de juin 2013, le président du CROA a explicité les motifs ayant conduit à l’élaboration de la charte et les objectifs poursuivis par l’Ordre : « [l]es architectes qui pratiquent ce dumping ne sont pas en capacité de remplir leur mission. C’est donc une entorse au code de déontologie et cela doit être sanctionné.

Nous avons posé ce constat et avons sensibilisé, questionné, rencontré les maîtres d’ouvrage publics, collectivités et bailleurs sociaux sur la question des “bonnes pratiques des missions de maîtrise d’œuvre”. (…) Avec eux nous avons mené un travail de rédaction de “Charte”

qui, en définissant très précisément les règles, montrera que les signataires sont conscients de ces enjeux qualité/coût. (…) Si nous travaillons d’arrache-pied pour faire reconnaître la juste rémunération de nos prestations par les maîtres d’ouvrage, nous ne sommes pas aidés par les architectes qui se “prostituent” devant un client “proxénète”. Nous avons la ferme volonté de nettoyer en dedans comme nous le faisons en dehors. Que cela soit dit, répété et compris par tous ! » (cote 6673, soulignements ajoutés).

Le contenu de la charte

57. La charte, intitulée « Améliorer, simplifier, réussir », comporte « 16 conseils » destinés aux architectes soumissionnaires.

58. Parmi ceux-ci, figure la préconisation d’« Assurer le versement d’une indemnité correspondant au niveau des prestations demandées ». Pour ce faire, « Le maître d’ouvrage

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se réfèrera au “Guide à l’intention des maîtres d’ouvrage publics pour la négociation des rémunérations de maîtrise d’œuvre”, publié par la Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques (MIQCP) et l’outil d’évaluation prévisionnelle des honoraires de maîtrise d’œuvre en bâtiment neuf (version numérisée interactive) disponible en ligne (…) ».

59. La charte précise « pour information » qu’« une esquisse se rémunère entre 4 et 6 % des honoraires correspondant à la mission de base ; une esquisse “plus” entre 7 et 9 % ; un APS6 entre 9 et 10 % » (cote 6215).

60. La charte indique également, dans une section intitulée « Analyse financière de l’offre », que : « Afin de se prémunir contre les offres anormalement basses qui présentent des risques juridiques et opérationnels pour le maître d’ouvrage et économiques pour les maîtres d’œuvre ; il est conseillé de se référer au guide édité par la MIQCP “à l’attention des maîtres d’ouvrage publics pour la négociation des rémunérations de maîtrise d’œuvre” et au simulateur de calcul des honoraires pour apprécier la juste rémunération des honoraires en fonction du projet et de sa complexité. Le montant ainsi déterminé servira de base à la négociation des rémunérations et permettra d’écarter les offres anormalement basses » (cote 6217, soulignements ajoutés).

La diffusion de la charte

61. S’agissant de la diffusion de la charte, la lettre d’information n° 30 de septembre 2013 du CROA indique que « [l]a “Charte des bonnes pratiques” pour les consultations d’architectes sera adressée à l’ensemble des maîtres d’ouvrage du Nord et du Pas de Calais courant septembre. Vous pourrez également la télécharger sur le lien suivant (…) » (cote 6708, soulignement ajouté).

62. Dans le numéro suivant de la lettre d’information (n° 31 d’octobre 2013), le CROA précise

« Charte déjà envoyée à tous les maîtres d’ouvrage publics et les AMO » (cote 6715).

63. Dans la lettre d’information n° 40 de septembre 2014, le CROA relève que des « marchés de maîtrise d’œuvre sont régulièrement passés à -30 ou -40 % d’un montant considéré comme normal. (…) » (cote 6892). Il reproduit également le courrier type envoyé par ses soins « au confrère dont l’offre est considérée comme insuffisante », aux termes duquel « le courrier d’information des candidats non retenus mentionne que le marché vous a été attribué pour un taux d’honoraire de […] % pour une mission complète de maîtrise d’œuvre et mission complémentaire OPC. Nous sommes très surpris de la faiblesse du taux d’honoraires que vous avez proposé. Afin de nous éclairer davantage, nous souhaiterions vous rencontrer au siège du conseil de l’Ordre. (…) Nous profitons de ce courrier pour vous transmettre la charte des bonnes pratiques pour la passation des marchés publics de maîtrise d’œuvre que nous avons établi à l’attention des maitres d’ouvrage publics. Vous constaterez, à la lecture de celle-ci et notamment son paragraphe 15 “Analyse financière de l’Offre” que nous sommes particulièrement vigilants quant à la pratique de sous-évaluation trompeuse des honoraires et aux offres anormalement basses » (cote 6892, soulignements ajoutés).

b) Le contrôle des prix

64. Dans la lettre d’information n° 31 d’octobre 2013, le CROA indique « L’institution a pris ses responsabilités tant en interne qu’en externe. De fait, elle n’a pas hésité à interpeller,

6 (Étude) d’avant-projet sommaire.

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voire déférer devant le tribunal administratif, certains maîtres d’ouvrage qui violaient la loi MOP. Elle n’a pas hésité à demander et obtenir l’annulation de certaines procédures par le Préfet saisi de notre volonté à agir dans la défense de l’exercice de la profession d’architecte. Parallèlement, certains confrères se sont retrouvés devant la chambre de discipline pour répondre de graves manquements au respect du code de déontologie. En cette période de crise, la concurrence déloyale portant sur le dumping des honoraires est un sujet sur lequel l’institution est fortement mobilisée. Face à des maîtres d’ouvrage qui n’examinent que le seul critère du prix proposé, il nous faut démontrer qu’il est toujours attaché à un service qui sera toujours exigé de la maîtrise d’œuvre. Toujours plus pour toujours moins rémunérer ne peut constituer une solution durable » (cote 6715).

65. Dans la lettre d’information n° 40 de septembre 2014, comme indiqué ci-avant (voir paragraphe 63), le CROA relève que des « marchés de maîtrise d’œuvre sont régulièrement passés à -30 ou -40 % d’un montant considéré comme normal (…) » et présente les mesures susceptibles d’être prises pour lutter contre cette tendance. Les architectes moins-disants peuvent ainsi être convoqués devant les instances ordinales afin de justifier de leurs taux d’honoraires. Ils peuvent également faire l’objet de plaintes disciplinaires pour acte de concurrence déloyale devant le tribunal administratif, ou encore être traduits devant la chambre de discipline. Des actions peuvent également être entreprises à l’encontre des maîtres d’ouvrage « indélicats avec la loi MOP » (cote 6892).

66. Les offres de prix qui figurent dans les soumissions transmises dans le cadre des appels d’offres font par ailleurs l’objet d’une surveillance constante de la part de l’association A&CP, émanation du CROA, ainsi que de certains des architectes non retenus lors de passation de marchés. Leurs plaintes ou leurs signalements sont transmis à la commission

« Éthique et morale professionnelle » du CROA du Nord-Pas-de-Calais qui a la charge d’engager, le cas échéant, les procédures disciplinaires.

La surveillance des prix pratiqués par les architectes

La surveillance exercée par l’association Architecture et Commande Publique

67. En 2011, à l’initiative de son président, M. Y..., le CROA du Nord-Pas-de-Calais a créé une commission appelée « Observatoire des procédures et de la commande publique » dont l’objectif était d’organiser une veille et un suivi des annonces publiées afin de vérifier que les modalités d’accès à la commande publique respectent toutes les règles du CMP et les recommandations de la MIQCP (cotes 4187 et 6242). En septembre 2013, afin d’assurer une meilleure représentation des maîtres d’œuvre en son sein, l’Observatoire est devenu l’association A&CP Nord Pas de Calais Architecture et Commande Publique, présidée par M. Y... (cotes 4187 et 4188).

68. Le CROA du Nord-Pas-de-Calais et l’A&CP sont demeurés étroitement liés. De fait, outre qu’ils partagent les mêmes locaux, l’article 7 des statuts de l’association A&CP prévoit que trois des douze membres de son conseil d’administration sont désignés par le CROA et que l’association doit rendre compte de son action à chaque réunion du CROA (cotes 4195 et 4196). En outre, des membres de l’A&CP assistent aux auditions organisées par la commission « Éthique et morale professionnelle » du CROA (cote 3885).

69. Les missions de l’association A&CP sont diverses. L’article 22 de ses statuts précise qu’elle est mandatée par le CROA pour « gérer toutes les questions relatives à la commande publique en matière d’architecture et de paysage et a pour mission l’amélioration des processus de mise en concurrence et de choix de la maîtrise d’œuvre et de la qualité de la production architecturale qui en découle » (cote 4198). L’article 8 de ses statuts prévoit en

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outre qu’elle « diffusera le plus largement possible auprès des maîtres d’ouvrage une charte dont l’objet sera de promouvoir les bonnes pratiques entre maîtres d’ouvrage publics et maîtres d’œuvres privés » (cote 4195).

70. Par ailleurs, le CROA a indiqué avoir confié à l’association A&CP la mission « de vérifier les annonces de marchés publics et d’informer l’Ordre des irrégularités observées dans les procédures lancées ou attribuées » (cote 3274).

71. Il résulte de plusieurs éléments du dossier que l’association A&CP a, de fait, mis en œuvre les missions qui lui ont été ainsi confiées.

72. Tout d’abord, dans l’un de ses comptes rendus daté du 3 février 2015, l’association indique vouloir contester le marché emporté par un architecte qui aurait présenté une OAB et s’informer de la procédure disciplinaire engagée contre un autre architecte qui aurait emporté deux marchés à la suite d’OAB (cotes 6224 et 6225).

73. Ensuite, dans la lettre d’information du CROA du Nord-Pas-de-Calais n° 43 de janvier 2014, l’association A&CP indique avoir proposé à un maître d’ouvrage « l’outil élaboré par le CROA : la “Charte : Améliorer, Simplifier, Réussir” qui propose une méthode d’analyse financière des offres de Maîtrise d’œuvre. L’application de cette méthode de calcul lui permet de déterminer quelles sont les OAB et de procéder dès lors à leur examen approfondi en vue de les écarter » (cote 6970).

74. Enfin, l’association a mis en ligne, sur son site Internet, un dispositif d’alerte visant à signaler une consultation en cours ou un marché attribué suspecté d’irrégularité (cote 6995). L’auteur de l’alerte doit remplir un formulaire électronique et fournir de manière extrêmement détaillée une présentation de l’opération, de la procédure (ouverte ou restreinte), du type de mission (base et/ou complémentaire), des caractéristiques du maître d’ouvrage (soumis au CMP, à la loi MOP, à l’ordonnance de 2005), du type de consultation (MAPA ou appel d’offres), du montant des honoraires du lauréat, des critères d’attribution, du règlement de consultation (fourni ou non), du programme (fourni ou non), de l’enveloppe des travaux (fournie ou non), du planning de l’opération (fourni ou non) et des seuils de procédure pour les MAPA (pour l’État et les collectivités territoriales).

La surveillance exercée par les architectes

75. Plusieurs procédures disciplinaires ont été engagées par le CROA du Nord-Pas-de-Calais sur le fondement de plaintes émanant de sociétés d’architecture et d’architectes n’ayant pas remporté les marchés pour lesquels ils avaient soumissionné.

76. Tel a notamment été le cas du marché de maîtrise d’œuvre passé par la commune d’Hazebrouck en octobre 2013 pour la construction d’un dojo, pour lequel le CROA a été saisi d’une plainte le 12 février 2014 émanant du cabinet Hart Berteloot, qui dénonçait le prix anormalement bas pratiqué par la société d’architecture Sine qua non (cote 3635). De même, en août 2014, l’Atelier L.A, dirigé par Z..., a dénoncé les prix pratiqués par la société d’architecture Lemay-Toulouse pour le marché passé par la CCI du Grand Lille (cote 3637).

L’engagement des procédures disciplinaires par la Commission « Éthique et morale professionnelle »

77. Les plaintes émanant de l’association A&CP et des architectes sont transmises à la Commission « Éthique et morale professionnelle » du CROA.

78. Cette commission a pour fonction de veiller au respect de la déontologie et bonnes pratiques de la profession. Elle traite, notamment, de questions telles que l’utilisation abusive du titre, les signatures de complaisance, les marchés indignes, les confrères indélicats, mais

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également le « dumping... » (cote 3279). Elle joue le rôle de rapporteur des faits dont elle a eu connaissance et présente les cas qu’elle a eus à traiter au CROA, celui-ci étant le seul à décider de poursuivre ou non l’architecte concerné devant la chambre régionale de discipline (cote 3273). Selon la déclaration faite par le secrétaire général du CROA aux services de la DGCCRF le 23 avril 2015, la Commission Éthique et morale professionnelle du CROA

« Travail[le] avec Architecture & Commande Publique » (cote 3279).

79. L’ordre du jour de la réunion du 17 mars 2015 fournit un exemple des différentes actions entreprises par la commission Éthique et morale professionnelle :

« Préparation de l’audition des architectes (9) ayant répondu à l’AO / Groupe Scolaire / Comm de Communes des 2 sources

- Certaines offres sont difficilement attaquables, d’autres architectes sont basés en Picardie (donc demande transmise au CROA Picardie). Il reste donc 3 architectes concernés, à savoir A3 / Goidin / Lenouvel

- Courrier à ces 3 archis de demande de justification des honoraires

Maubeuge / attribution d’une Maîtrise d’œuvre en réhab à FERRIERE LA GRANDE – Honos 6.2% (MOA / Comm d’agglos Maubeuge – Val de Sambre)

- Courrier au M. Ouv pour demander son rapport d’analyse des offres, lui rappeler que nous lui avons déjà signalé la faiblesse de son budget

- Courrier à l’architecte pour justifier son offre

- Courrier au confrère qui nous a saisis pour lui signaler la prise en compte de sa remarque et la demande de documents aux concernés (…)

Soupçon d’OAB (offre anormalement basse) pour une opération Partenord par PATTOU- TANDEM

- Courrier à Partenord pour demander son rapport d’analyse des offres

- Courrier à l’architecte pour justifier son offre (…) » (cotes 6204 et 6205, soulignements ajoutés).

Les procédures et sanctions disciplinaires mises en œuvre à l’égard des sociétés d’architecture dénoncées

Concernant la société d’architecture Sine qua non

80. Le 12 février 2014, la société d’architecture Hart Berteloot Atelier Architecture Territoire, a saisi le CROA d’une plainte pour prix estimé « anormalement bas » à l’encontre de la société d’architecture Sine qua non (cote 3635).

81. Cette plainte a été instruite par la commission Éthique et morale professionnelle.

82. Par lettre du 24 février 2014, la commission a convoqué la société Sine qua non en indiquant être « très surpris[e] de la faiblesse du taux d’honoraires proposés », lequel s’élevait à 3,76 % hors OPC7 (cote 3668). Dans le procès-verbal d’audition de Sine qua non le 13 mars 2014 par la commission, il est indiqué que « [La] MIQCP préconise une réponse sur ce type de dossier à 10 %, hors OPC. La Commission est très sceptique sur les réponses apportées par les représentants de Sine qua non. Manifestement, ceux-ci ne veulent pas entendre le mal fait à la profession, en se retranchant derrière le “concept pré-étudié” … et en signalant la faiblesse des autres réponses à cet appel d’offres. (…) Les représentants du cabinet nous ont demandé “quoi faire”. Nous leur avons proposé d’assumer leurs responsabilités » (cote 3645, soulignement ajouté). De son côté, la société d’architecture

7 Organisation, Pilotage et Coordination.

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Sine qua non, pour justifier son taux, faisait valoir avoir déjà travaillé pour la Fédération française de judo et donc disposer d’études pour la construction de dojos.

83. Par la suite, la commission Éthique et morale professionnelle a proposé au CROA de renvoyer la société Sine qua non devant la chambre de discipline « sur la base, notamment, de l’article 18 du code des devoirs » (cotes 3636, 3644 et suivantes). Le 17 mars 2014, le CROA a décidé à l’unanimité de suivre cette proposition, pour « dumping et concurrence déloyale » (cote 3650).

84. Dans sa saisine, le CROA indique que la société Sine qua non a enfreint les articles 18, 33 et 46 du code de déontologie et précise que le « taux d’honoraires constitue incontestablement un acte de concurrence déloyale » et que « le calcul de ce coût horaire d’agence moyen opéré par Sine qua non est manifestement sous-évalué » (cotes 3653 et suivantes). Lors de son audition par les services de la DGCCRF le 23 novembre 2015, le CROA a réaffirmé avoir « considéré que le taux de rémunération montant auquel le cabinet Sine qua non a répondu constituait un acte de concurrence déloyale », aux motifs que,

« d’une part, (…) ce taux était largement inférieur aux taux issu du simulateur du guide MIQCP, d’autre part, (…) ce montant d’honoraires ne pouvait pas couvrir l’ensemble des prestations à fournir et le temps à passer pour la bonne réalisation des missions du marché, et enfin en raison de la volonté revendiquée par le cabinet Sine qua non d’obtenir ce marché au moyen de remises commerciales sur le montant des honoraires » (cote 3636).

85. Par décision du 13 février 2015, la chambre régionale de discipline a prononcé à l’égard de la société Sine qua non une sanction de suspension de l’inscription au tableau régional des architectes d’un an avec sursis ainsi qu’une obligation de publication de cette suspension dans la lettre d’information du CROA du Nord-Pas-de-Calais (cote 3791).

86. Le pouvoir adjudicateur a finalement décidé d’abandonner l’appel d’offres. À cet égard, le responsable marchés publics de la commune d’Hazebrouck a déclaré que « [l]a société classée seconde, la société Plaatform [Hart Berteloot] a contesté le pourcentage de rémunération de la société Sine qua non, elle considérait que toutes les offres de prix qui étaient inférieures à son coefficient constituaient une offre anormalement basse. La société Plaatform et l’ordre des architectes ont saisi le tribunal administratif en décembre 2013 (…) le 8 juillet 2014 j’ai prévenu le tribunal administratif et l’ordre régional des architectes que la nouvelle municipalité décidait d’abandonner le projet » (cote 4399, soulignements ajoutés).

Concernant la société d’architecture Lemay-Toulouse

i. L’instruction des plaintes par la commission Éthique et morale professionnelle 87. Le CROA du Nord-Pas-de-Calais a été saisi les 1er août et 11 septembre 2014 de deux

plaintes contre la société d’architecture Lemay-Toulouse.

88. La première a été déposée par M. Z... de Landscape+Architecture à la suite de l’attribution par la CCI du Grand Lille d’un marché de maîtrise d’œuvre pour la construction d’un hôtel d’entreprises (cote 3637). Dans son courriel, Z... indique : le « marché ne nous a malheureusement pas été attribué et a été très malheureusement attribué pour la modique somme de 84 000 € HT. Ne cherchez pas, ceci représente 5,25 % du montant des travaux toutes missions confondues y compris OPC. (…) Excusez-moi de sous-entendre certaines choses mais il est certain que ceci va nous jouer des tours entre confrères et co-traitants. Lors de l’AG j’ai voulu que nous abordions la question du dumping. (…) Recours, action, réaction,… Merci de réagir » (cotes 3839 et 3840, soulignements ajoutés).

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89. La seconde a été déposée par la société d’architecture Pierre Coppe Architectes et concernait l’attribution par la commune de Linselles d’un marché de maîtrise d’œuvre pour la création d’une école (cote 3637). Dans sa lettre, la société Pierre Coppe Architectes « demande à saisir la CEMP sur les fondements de l’art 18 du code de déontologie et concernant notre confrère Lemay-Toulouse (…) Notre confrère a obtenu la note maximum sur le critère prix (40 %) en proposant une offre à 5,9 %, soit 80 980,69 €. L’offre que nous avons proposée à la Mairie fut classée en 4ème position à 129 296,00 € soit 9,5 % » (cote 3875).

90. Par courrier du 22 septembre 2014, le CROA a convoqué la société Lemay-Toulouse devant la commission Éthique et morale professionnelle, au motif qu’il était « très surpris de la faiblesse du taux d’honoraires proposés » dans le cadre des marchés précités (cote 3881).

La commission a entendu cette société d’architecture le 7 octobre 2014, mais n’a cependant pas rendu d’avis au motif que le « temps imparti [a] été dépassé » (cote 3886). Il convient de souligner que l’association A&CP était représentée à cette audition en la personne de son président, M. Y..., par ailleurs plaignant dans cette procédure (même document, cote 3885).

91. Par la suite, la société Lemay-Toulouse a fait l’objet de deux autres plaintes pour « pratique d’honoraires anormalement bas ».

92. D’une part, la société d’architecture A.Trium Architectes a adressé le 5 janvier 2015 un courriel au CROA où elle fait état d’« une lettre de rejet pour une procédure adaptée concernant une mission de maîtrise d’œuvre pour la construction d’un pôle d’enseignement et de loisirs [Communauté de communes des 2 sources]. Le gagnant est Lemay-Toulouse…

Bravo. Le problème est que son taux d’honoraires est de 3,5 %… Avec ce genre de pratique, la profession va disparaître » (cote 3825, soulignement ajouté).

93. D’autre part, la société d’architecture Concept plan GC a informé le CROA par un courriel du 5 janvier 2015 de ce que l’« offre retenue est celle de l’agence Lemay-Toulouse pour un montant de 174 000 euros HT (ce qui correspond à un taux de 5,8 % honoraires du BE inclus…!!!). Ce montant de 174 000 euros HT se situe 63 000 euros moins cher que notre proposition… C’est à dire 26,58 % de moins, c’est donc plus du quart… Cette offre n’est-elle pas anormalement basse ??? » (cote 3826).

94. Le 20 janvier 2015, la société Lemay-Toulouse a été entendue par la commission Éthique et morale professionnelle. Dans un document intitulé « Lemay-Toulouse / Condensé CEMP », la commission relève, que « [m]algré ses argumentations et les documents produits, les chiffres avancés ne font que renforcer mon avis d’un dumping volontaire et ciblé. Tant au niveau des chiffres transmis, des répartitions ou des méthodes de travail (mutualisation des chantiers, qualité des rendus ou optimisation de la conception), les arguments n’ont pas convaincu. (…) J’estime qu’il y a manquement au respect du code de déontologie, en pratiquant notamment une concurrence déloyale » (cote 3894).

95. L’association A&CP était également présente à cette audition en la personne de son président, M. Y... (cotes 3887 et suivantes). Dans un de ses comptes rendus de réunion, l’association A&CP note au sujet de cette audition que « ayant remis une offre très en dessous des indications MICQP, le cabinet incriminé [Lemay-Toulouse] s’est retrouvé lauréat. Il a donc manifestement une concurrence déloyale, car sa réponse très basse lui a permis de passer devant et d’être attributaire » (cote 3891, soulignement ajouté).

96. À la suite de cette audition, le CROA a renvoyé la société d’architecture Lemay-Toulouse devant la chambre régionale de discipline « sur le fondement de l’acte de concurrence déloyale » (cotes 3902, 3905 et suivantes).

97. Pour le CROA, qui évoque principalement le marché de la Communauté de communes des deux sources, la société Lemay-Toulouse aurait en effet enfreint les articles 18 et 46 du code

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