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LE SECTEUR CONCERNÉ

Dans le document Décision 19-D-19 du 30 septembre 2019 (Page 8-13)

7. Le secteur concerné est celui des prestations d’architecte réalisées à la suite de la passation de marchés publics de maîtrise d’œuvre. Ces prestations (2), de même que la profession d’architecte, font l’objet d’une réglementation spécifique (1).

1. LE CADRE JURIDIQUE DE LA PROFESSION DARCHITECTE

8. L’exercice de l’architecture est régi par un corpus de règles législatives et réglementaires, notamment constitué par les lois n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture (ci-après « la loi n° 77-2 ») et n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (dite « loi MOP »).

9. Ce corpus inclut également les décrets n° 77-1481 du 28 décembre 1977 sur l’organisation de la profession d’architecte, n° 80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs

professionnels des architectes et n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé.

a) L’exercice de la profession d’architecte

10. La loi n° 77-2 (articles 1, 3 et 4) reconnaît le caractère d’intérêt public de la création architecturale, et dispose, par conséquent, que, sauf exceptions définies par décret en Conseil d’État, toute personne désirant entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte. Selon l’article 9 de ladite loi, seules peuvent porter les titres « d’architecte » ou de « société d’architecture » les personnes, physiques ou morales, inscrites à un tableau régional de l’Ordre, cette inscription leur conférant le droit d’exercer sur l’ensemble du territoire national.

11. L’article 2 du code de déontologie des architectes, institué par le décret n° 80-217 précité, définit leurs missions de la manière suivante : « La vocation de l’architecte est de participer à tout ce qui concerne l’acte de bâtir et d’aménagement de l’espace ; d’une manière générale, il exerce la fonction de maître d’œuvre. Outre l’établissement du projet architectural, l’architecte peut participer notamment aux missions suivantes :

- aménagement et urbanisme, y compris l’élaboration des plans ; - lotissement ;

- élaboration de programme ;

- préparation des missions nécessaires à l’exécution des avant-projets, consultation des entreprises, préparation des marchés d’entreprises, coordination et direction des travaux ;

- assistance aux maîtres d’ouvrage ; - conseil et expertise ;

- enseignement ».

b) L’organisation de la profession d’architecte

12. La loi n° 77-2 détermine les compétences respectives des différentes instances régissant la profession d’architecte.

13. Elle institue, en son article 21, l’Ordre, dont le fonctionnement est précisé, entre autres, par le décret n° 77-1481 précité et l’arrêté du 19 avril 2010 portant approbation du règlement intérieur du conseil national de l’Ordre.

14. L’article 21 dispose que l’« ordre des architectes (…) a la personnalité morale et l’autonomie financière » et que l’Ordre est placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture.

15. L’Ordre se compose, d’une part, du conseil national de l’Ordre (ci-après « CNOA »), qui

« coordonne l’action des conseils régionaux et contribue à leur information » (articles 24 et 25 de la loi n° 77-2) et, d’autre part, des conseils régionaux de l’Ordre (ci-après « CROA ») qui, pour chaque région, « veille[nt] au respect, par tous [leurs] membres, des règles édictées par le code de déontologie » (articles 22 et 23-1 de la loi n° 77-2).

16. Aux termes de l’article 26 de la loi n° 77-2, tant le CNOA que les CROA « concourent à la représentation de la profession auprès des pouvoirs publics. Ils ont qualité pour agir en justice en vue notamment (…) du respect des droits conférés et des obligations imposées aux

architectes par les lois et règlements. En particulier, ils ont qualité pour agir sur toute question relative aux modalités d’exercice de la profession ainsi que pour assurer le respect de l’obligation de recourir à un architecte » (soulignement ajouté).

c) Les règles déontologiques et les procédures disciplinaires propres à la profession 17. Les dispositions du code de déontologie des architectes « s’imposent à tout architecte ou

société d’architecture ou agréé en architecture » (article 1er).

18. Aux termes de l’article 12 du code de déontologie, l’« architecte doit assumer ses missions en toute intégrité et clarté et éviter toute situation ou attitude incompatibles avec ses obligations professionnelles ou susceptibles de jeter un doute sur cette intégrité et de discréditer la profession. Pendant toute la durée de son contrat, l’architecte doit apporter à son client ou employeur le concours de son savoir et de son expérience ».

19. L’article 17 du même code dispose que « [l]es architectes sont tenus d’entretenir entre eux des liens confraternels, ils se doivent mutuellement assistance morale et conseils ».

20. L’article 18 prévoit que « [l]a concurrence entre confrères ne doit se fonder que sur la compétence et les services offerts aux clients.

Sont considérés notamment comme des actes de concurrence déloyale prohibés :

- toute tentative d’appropriation ou de détournement de clientèle par la pratique de sous-évaluation trompeuse des opérations projetées et des prestations à fournir ;

- toute démarche ou entreprise de dénigrement tendant à supplanter un confrère dans une mission qui lui a été confiée » (soulignement ajouté).

21. Les infractions aux dispositions précitées relèvent, selon l’article 1er de ce code, « de la juridiction disciplinaire de l’ordre ». L’action disciplinaire « est engagée par des représentants de l’État ou par le conseil régional de l’ordre des architectes agissant soit d’office, soit à la requête de toute personne intéressée » (alinéa 7 de l’article 27 de la loi n° 77-2).

22. Au sein de chaque CROA une « chambre régionale de discipline des architectes (…) exerce en première instance le pouvoir disciplinaire à l’égard des architectes » (alinéa 1er de l’article 27 et article 23-1 de l’article de la loi n° 77-2).

23. Par ailleurs, une « Chambre nationale de discipline des architectes, instituée au sein du Conseil national de l’ordre des architectes, connaît des recours dirigés contre les décisions des chambres régionales de discipline des architectes » (II de l’article 28 et article 29 de la loi n° 77-2).

2. LES PRESTATIONS CONCERNÉES

24. Les pratiques concernent les prestations d’architecte accomplies dans le cadre de la passation des marchés publics de maîtrise d’ouvrage.

25. L’activité de maîtrise d’ouvrage consiste à réaliser, pour le compte d’un maître d’ouvrage public, un projet de travaux dans des conditions de délais, de qualité et/ou de coûts prédéfinies par deux cahiers des charges, l’un technique – le cahier des clauses techniques particulières ou CCTP – et l’autre administratif – le cahier des clauses administratives particulières ou CCAP.

26. Lorsqu’ils exercent en qualité de maître d’œuvre, les architectes sont chargés par le maître d’ouvrage de concevoir le projet, d’élaborer le dossier de consultation des entreprises, de

contrôler la bonne exécution des travaux ainsi que de jouer un rôle d’interface entre le maître d’ouvrage public et les entreprises chargées d’exécuter les travaux.

27. Afin d’examiner les pratiques constatées, il convient au préalable de revenir successivement sur les procédures qui peuvent être mises en place dans le cadre des marchés de maîtrise d’œuvre (a), la mission dévolue aux architectes dans ce cadre (b), les dispositions portant sur la rémunération de leurs prestations (c) et enfin le rôle dévolu à la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (ci-après « MIQCP ») (d).

a) Les procédures mises en œuvre pour les marchés publics de maîtrise d’œuvre Les marchés publics de maîtrise d’œuvre

28. Aux termes du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics (devenu le I de l’article 74 du code des marchés publics), les marchés sont dits de maîtrise d’œuvre lorsqu’ils « ont pour objet, en vue de la réalisation d’un ouvrage ou d’un projet urbain ou paysager, l’exécution d’un ou plusieurs éléments de mission définis par l’article 7 de la loi n° 85-407 du 12 juillet 1985 susmentionnée (loi MOP) et par le décret du 29 novembre 1993 susmentionné ».

29. Cette définition a été conservée malgré l’abrogation du code des marchés publics (ci-après

« CMP ») par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

Elle figure désormais au I de l’article 90 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

Les marchés à procédure adaptée (ci-après « MAPA »)

30. Selon le CNOA, en matière de commande publique, « les MAPA ou [« marchés à procédure adaptée »] représentent 80 % de la commande architecturale » (cote 1260).

Code des marchés publics applicable de 2006 à 2016

31. Aux termes du I de l’article 74 du CMP en vigueur de 2006 à 2016, les « marchés de maîtrise d’œuvre d’un montant égal ou supérieur aux seuils des marchés formalisés fixés au II de l’article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après. Ils peuvent toutefois être passés selon la procédure adaptée lorsque leur montant est inférieur à ces mêmes seuils ». Dans ce cadre, « (…) les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat » (article 28 du même code).

32. À la date de l’entrée en vigueur du décret n° 2006-975, précité, les marchés pouvaient être passés selon une procédure adaptée lorsque le montant estimé du besoin était inférieur à 210 000 euros hors taxes pour les fournitures et les services des collectivités territoriales, d’une part, et pour les travaux, d’autre part. Ces seuils ont, par la suite, fait l’objet de nombreuses modifications (voir, notamment, décret n° 2011-2027 du 29 décembre 2011 modifiant les seuils applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique).

Textes régissant les marchés publics après 2016

33. Depuis l’abrogation du CMP, c’est l’article 27 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics qui prévoit que « [l]orsque la valeur estimée du besoin est inférieure aux seuils de procédure formalisée, l’acheteur peut recourir à une procédure adaptée dont il détermine librement les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin

à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat ».

34. Actuellement, les marchés peuvent être passés selon une procédure adaptée lorsque le montant estimé du besoin est inférieur à 209 000 euros hors taxes pour les fournitures et les services des collectivités territoriales, d’une part, et à 5 225 000 euros hors taxes pour les travaux, d’autre part.

35. Le Conseil d’État a précisé dans un avis du 29 juillet 2002 « Blanchisseries de Pantin » que les MAPA demeurent « soumis aux principes généraux posés aux deuxième et troisième alinéas du I de l’article 1er du code (aujourd’hui article 1er de l’ordonnance n° 2015-899 précitée), selon lesquels les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures et l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ».

b) La mission des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique

36. L’article 15 du décret n° 93-1268 précité a défini les éléments constitutifs de « la mission de base [de l’architecte] pour les ouvrages de bâtiment » confiée par des maîtres d’ouvrage publics comme suit :

« I. Pour les opérations de construction neuve de bâtiment, la mission de base comporte les études d’esquisse, d’avant-projet, de projet, l’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation des contrats de travaux, la direction de l’exécution du contrat de travaux et l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement.

Font également partie de la mission de base l’examen de la conformité au projet des études d’exécution et leur visa lorsqu’elles ont été faites par un entrepreneur et les études d’exécution lorsqu’elles sont faites par le maître d’œuvre.

II. Pour les opérations de réutilisation ou de réhabilitation de bâtiment, la mission de base comporte les études d’avant-projet, de projet, l’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation des contrats de travaux, la direction de l’exécution du contrat de travaux et l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement.

Font également partie de la mission de base l’examen de la conformité au projet des études d’exécution et leur visa lorsqu’elles ont été faites par un entrepreneur et les études d’exécution lorsqu’elles sont faites par le maître d’œuvre ».

c) La rémunération des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique 37. Les dispositions législatives et réglementaires actuellement applicables à la rémunération

des architectes en matière de maîtrise d’ouvrage publique résultent notamment de la loi MOP et du décret n° 93-1268 précités.

38. L’article 9 de la loi MOP précise que la « mission de maîtrise d’œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l’étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux ». Autrement dit, la rémunération de la maîtrise d’œuvre privée est librement

débattue entre les parties, qui ont toute latitude, en prenant en compte les déterminants exposés ci-dessus, d’en fixer contractuellement le montant.

39. Par ailleurs, aux termes de l’article 55 du code des marchés publics2, « si une offre apparaît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu’il juge utiles et vérifié les justifications fournies ».

d) La mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques

40. Créée par le décret n° 77-1167 du 20 octobre 1977, la MIQCP est « chargée de favoriser l’amélioration de la qualité de l’architecture des bâtiments édifiés pour le compte des collectivités publiques ».

41. Dans ce cadre, la MIQCP a publié, en 1994 et 2008, un guide à l’attention des maîtres d’ouvrage publics pour la négociation des rémunérations de maîtrise d’œuvre. Selon la présentation figurant sur son site Internet, « [c]e guide donne des points de repère aux maîtres d’ouvrage pour une évaluation sommaire de l’enveloppe prévisionnelle à affecter aux honoraires de maîtrise d’œuvre qu’ils doivent provisionner dans leur programmation budgétaire. Cette estimation indicative leur est également nécessaire pour le choix de la procédure de consultation de la maîtrise d’œuvre et des formalités y afférentes qui peuvent varier lorsque certains seuils sont franchis » (cote 7192).

42. Ce guide propose une méthode de calcul des honoraires en fonction de la complexité et de la nature de l’ouvrage à réaliser (cote 7192).

43. Il est présenté comme « une aide utile à la négociation » et vise à fournir « des points de repères aux maîtres d’ouvrage » pour évaluer le coût prévisionnel d’une mission de base de maîtrise d’œuvre en bâtiment neuf, en réhabilitation ou en infrastructure.

Dans le document Décision 19-D-19 du 30 septembre 2019 (Page 8-13)