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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE : UN NOUVEAU STYLE DE FORMATION

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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE : UN NOUVEAU STYLE DE FORMATION Elena Lasida, Caroline Quazzo

Institut Catholique de Paris | « Transversalités » 2009/1 N° 109 | pages 73 à 80

ISSN 1286-9449 ISBN 9782220060750 DOI 10.3917/trans.109.0073

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-transversalites-2009-1-page-73.htm

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L

E DÉVELOPPEMENT DURABLE

:

UN NOUVEAU STYLE DE FORMATION

Elena LASIDA

Directeur du Master Économie Solidaire et Logique du Marché de la Faculté de Sciences Sociales et Économiques,

maitre de conférences, Institut Catholique de Paris

Caroline QUAZZO

Directeur du Master Politiques Environnementales et Développement durable de la Faculté de Sciences Sociales et Économiques, Institut Catholique de Paris

En octobre 2007 deux nouveaux Masters ont été ouverts à la FASSE, avec des objets d’étude directement liés au développement durable : l’un mettant l’accent sur la dimension environnementale, intitulé « Politique environnementale et développement durable » ; l’autre sur la dimension socio-économique, intitulé « Économie solidaire et logique du marché ».

L’objet d’étude centré sur le développement durable induit des défis nouveaux par rapport à la conception de la formation elle-même.

L’expérience est encore courte mais nous pouvons déjà souligner trois défis majeurs qui caractérisent ce type de formation et qui l’individualisent par rapport aux formations classiques : l’approche pluridisciplinaire, la démarche de recherche-action et les nouveaux métiers concernés.

Une formation pluridisciplinaire

L’enseignement sur le développement durable remet en cause les bases classiques de l’éducation. En effet, d’une vision sectorielle, le dévelop- pement durable tend à diversifier son approche et à transmettre un savoir pluridisciplinaire. Ensuite, l’enjeu fondamental est celui de faire dialoguer

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les différentes disciplines concernées, c’est-à-dire de passer du pluri- disciplinaire à l’inter-disciplinaire.

La dimension pluridisciplinaire de la formation se dégage directement de la nature même de la notion de développement durable. Rappelons brièvement celle-ci, souvent envisagée sous forme de cercles juxtaposés représentant un lien entre le social et l’économique, devant être équitable, entre le social et l’environnement devant être vivable, entre l’économique et l’environnement devant être viable.

Outre cette approche, transmise notamment par Gro Harlem Brundtland : « un développement qui s’efforce de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs1 », et qui correspond de près à celle de Saint-Exupéry : « Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, mais nous l’empruntons à nos enfants ! », nous pouvons considérer le développement durable comme un

1. Gro Harlem BRUNDTLAND, Our Common Future,Montréal, Les Éditions du Fleuve, 1989.

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ensemble de disciplines qui permettent de répondre de façon complexe et juxtaposée aux difficultés actuelles à appréhender le fonctionnement de nos sociétés et leur avenir.

La pluralité apparaît ainsi à deux niveaux. D’une part, par rapport à l’espace, elle se traduit par le besoin d’articuler l’espace naturel avec la dimension économique et l’organisation sociale. D’autre part, au niveau du temps, elle se manifeste par l’interdépendance croissante entre les choix présents et les possibilités de vie future. Cette double pluralité ne peut pas se résoudre par une simple opération d’élargissement ou de juxtaposition des dimensions concernées. C’est la logique même du fonctionnement économique et de constitution de la société qui est à revoir. Il est désormais nécessaire de repenser notre système sociétal.

La crise écologique que nous vivons aujourd’hui est complètement associée à l’actuelle crise financière ainsi qu’à la crise alimentaire qui l’a précédée et qui n’est pas encore résolue. C’est tout le système économique et social qui est aujourd’hui à revoir. Les limites environnementales ne constituent pas une contrainte supplémentaire à ajouter au système, mais plutôt une interrogation de fond à sa logique et à sa cohérence interne.

Lester R. Brown, René Dumont, Joseph Stiglitz, Sir Stern, Al Gore en avaient déjà parlé, avaient déjà prévenu, que l’état du monde ne pouvait rester ainsi, que la situation allait empirer… Nous sommes maintenant devant un constat. La planète est en danger et notre mode de fonction- nement ne fait qu’aggraver la situation. L’appel à un changement de société, un changement de mode de vie, un changement de paradigme devient aujourd’hui pressant.

Cet appel se traduit toujours par une appréciation du qualitatif sur le quantitatif. Ainsi George Monbiot, journaliste et universitaire britannique spécialiste de l’environnement, activiste écologiste, tient des propos alarmistes dans The Guardian du 9 octobre 2007 : « La récession est le produit d’une économie conçue pour maximiser la croissance, et non le bien-être. » De nouveaux indicateurs sont nécessaires pour mesurer le bien-être et l’utilité sociale, mais plus largement, toute une nouvelle approche des méthodes d’évaluation est à développer (voir en ce sens l’article de Bernard Perret sur « Évaluer le développement durable »).

Ainsi, la pluralité des dimensions spatiales et temporelles concernées par le développement durable appelle à reconsidérer la notion de « qualité

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de vie » afin de ne pas la réduire à la seule « quantité » des biens nécessaires pour satisfaire ses besoins. La qualité de vie renvoie alors à des dimensions sociales et humaines qui déterminent autant que l’accès aux biens la possibilité d’avoir une « vie bonne ».

De ce fait, la pluridisciplinarité d’une formation sur le développement durable est associée à un autre défi : celui d’une formation qui non seulement apprend à se servir des outils déjà existants pour mesurer, analyser, évaluer, mais une formation qui procure également les bases et les moyens pour créer et inventer des outils nouveaux.

L’étude du développement durable comporte ainsi une question majeure au niveau épistémologique. On peut citer en ce sens le philosophe français Michel Foucault qui parle de changements de conception du monde. Il appelle ces conceptions du monde, avec les représentations qui les accompagnent, des épistémès. On pourrait sans doute affirmer que le développement durable correspond au concept d’épistémè, en ce sens qu’il est porteur d’une nouvelle représentation du monde2. En termes de formation, on voit bien que le développement durable ne constitue qu’un nouvel objet d’étude, mais qu’il suppose, plus fondamentalement, une nouvelle approche épistémologique.

Cette dimension est en lien avec un dernier pilier du développement durable qui a été mis en évidence : il s’agit de la « gouvernance ».

D’origine grecque (kubernân), puis latine (gubernare), ce terme était employé en ancien français (art ou manière de gouverner) comme synonyme de gouvernement. Pourtant la notion de gouvernance aujour- d’hui se différencie du gouvernement, c’est-à-dire de l’institution qui l’exerce. La gouvernance renvoie à la conception première de la notion du politique, comme gestion de la cité et du vivre-ensemble. La gouvernance et l’action politique ne sont pas seulement l’affaire des autorités civiles mais celle de tous les citoyens. En ce sens, la gouvernance et le politique permettent justement de penser l’articulation entre les trois piliers du développement durable : l’écologie, l’économique et le social.

Par conséquent, dans une formation sur le développement durable, la dimension politique est essentielle, dans la mesure où elle est conçue

2. Michel FOUCAULT,Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1966, 405 p.

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comme une manière de penser l’action collective et la responsabilité sociale dans une cité, qu’elle soit locale, nationale ou mondiale.

Nous le voyons donc, la pluridisciplinarité qui caractérise une formation sur le développement durable soulève des défis majeurs au niveau du contenu et de la conception de la formation : la mise en place d’un véritable dialogue entre les disciplines concernées, la capacitation pour créer des outils et pas seulement pour apprendre à mobiliser les outils existants, l’approche épistémologique et la prise en compte de la dimension politique en tant que responsabilité citoyenne.

Une démarche de recherche-action

Un autre aspect propre à la formation associée au développement durable relève du rapport entre théorie et pratique, qui appelle à chercher de nouvelles formes d’articulation. Nous présentons deux de ces articula- tions possibles. D’une part, dans le cadre du développement durable, la connaissance transmise apparaît directement liée à un projet de transfor- mation sociale : l’étudiant se prépare pour devenir un acteur social et pas seulement un professionnel. D’autre part, la séparation classique entre formation professionnelle et recherche disparaît : les approches restent distinctes mais leur interdépendance et complémentarité deviennent essentielles et pour l’une et pour l’autre.

Former des acteurs sociaux

« Éduquer à l’environnement » ne signifie plus sensibiliser ou informer, mais donner des outils professionnels, contribuer à l’évolution de notre société. Plus que transmettre de l’information, l’éducation à l’environnement permet de conscientiser et de redonner confiance en l’avenir de notre planète. De passif, l’étudiant devient acteur de son destin et du changement à accomplir au sein de nos sociétés. Il transforme son savoir en connaissance et devient ainsi responsable de son projet profes- sionnel.

Le développement durable n’est donc pas une énième matière d’ensei- gnement. Il fait partie d’un tout. Il est à l’intersection de l’ensemble des enseignements et de l’éducation à la citoyenneté et au principe de respon- sabilité, vis-à-vis d’autrui (Levinas) et de notre environnement (Hans

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Jonas). Nous proposons une ouverture et un regard critique et éthique de notre société.

Outre le fond, les thématiques abordées et dispensées au sein d’une vingtaine de cours différents, nous construisons nos cours avec et pour les étudiants. Proches de la maïeutique, nous essayons ensemble de trouver le sens de leur itinéraire. Comprendre pourquoi ces étudiants sont venus finaliser leur parcours universitaire au sein de ces masters.

À la recherche de sens, de compréhension de leur environnement ou osant un changement de vie, les étudiants viennent ici pour apprendre à mieux appréhender les enjeux actuels véhiculés par nos sociétés. Mieux armés, ils pourront ensuite agir, interagir et faire évoluer les secteurs de l’entreprise, des milieux associatifs, des ONG, des ministères et autres services publics ou collectivités territoriales.

Cette approche de la formation requiert l’élaboration d’une nouvelle pédagogie, où l’étudiant n’est pas seulement conçu comme un réservoir de connaissances mais plus fondamentalement comme un individu à part entière, comme un citoyen de notre société française et internationale, qui se prépare pour devenir un acteur social.

« On se fait une grande affaire de chercher les meilleures méthodes d’apprendre à lire […]. Un moyen plus sûr que tous ceux-là, et qu’on oublie toujours, est le désir d’apprendre. Donnez à l’enfant ce désir […] ; toute méthode lui sera bonne. »3

Nos formations sont aujourd’hui choisies par des personnes qui répondent à des motivations particulières, qui sont en recherche d’une activité qui donne vraiment du sens à leur vie, qui souhaitent devenir des acteurs d’un dévelop- pement plus durable et solidaire. Le désir et la motivation des étudiants constitue ainsi un élément essentiel de l’apprentissage. Savoir, savoir faire, être (penser par lui-même) et concevoir (savoir être) : nous souhaitons qu’à partir de cette formation, l’étudiant puisse être et devenir, s’enrichir et nous enrichir. La pédagogie est ainsi en permanence ajustée et adaptée en fonction des motivations et des expériences des étudiants. Si « connaître » c’est naître ensemble, à travers nos formations il se produit une sorte de naissance collec- tive, produit d’un engendrement réciproque entre étudiants et enseignants.

3. Jean-Jacques ROUSSEAU (1762), Émile ou De l’éducation (1762). Paris, Garnier, 1961, 664 pages. Citation issue du livre second.

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Articuler recherche et compétence professionnelle

Or, l’articulation entre théorie et pratique suppose également en termes de développement durable une véritable démarche de recherche-action, où l’acteur devient penseur de son action, et le penseur devient acteur de sa recherche. Pour ce faire, la formation intègre autant des professionnels que des universitaires, avec le défi majeur qu’elle soit non seulement un moyen de capacitation, mais qu’elle devienne un espace de rencontre, de confron- tation et si possible d’élaboration collective entre professionnels et chercheurs.

Nous sommes convaincues que le développement durable ne pourra pas se faire ni avec exclusivement des experts ni avec exclusivement des professionnels : il faut plus que jamais créer les conditions d’un travail conjoint, d’une interpellation réciproque, d’une élaboration collective.

Nous cherchons ainsi dans nos formations à articuler en permanence les approches plus théoriques avec les approches plus pratiques, et la réalisa- tion d’un stage avec la rédaction d’un mémoire traduit également cette recherche d’articulation entre pensée et action.

Les mutations actuelles du système éducatif confirment cette tendance : l’expérience de nos Masters, qui visent une plus grande complémentarité entre eux en termes de recherche-action, pourrait contribuer à consolider cette transformation en cours.

Les nouveaux métiers du développement durable

L’intégration de l’objectif d’un développement durable au niveau autant public que privé, que ce soit à l’intérieur des entreprises ou dans les associations, ainsi que dans les collectivités territoriales, a ouvert de nouveaux débouchés sur le marché du travail. Ces nouveaux postes de travail se précisent et se multiplient progressivement ; ils dessinent les profils de nouveaux métiers. Ces métiers requièrent de nouvelles compétences techniques mais surtout ils demandent la maîtrise de compétences associées à des professions qui étaient auparavant bien différenciées. Par exemple, le travail dans le domaine de la finance solidaire ou du microcrédit demande la maîtrise des outils financiers, mais également des compétences au niveau de l’accompagnement des personnes et de l’évaluation de l’impact social de ces techniques. Et de même que la pluridisciplinarité de la formation ne pouvait pas se réduire à

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une simple juxtaposition des dimensions, la pluridisciplinarité de nouveaux métiers ne peut pas se limiter à la simple accumulation de compétences diverses. Encore une fois, c’est dans l’articulation et la mise en cohérence de ces dimensions multiples qui réside l’enjeu principal et l’originalité du nouveau métier.

La formation doit ainsi se penser en lien étroit avec ce marché du travail naissant. Mais plus encore, la formation peut devenir un espace de réflexion, de formalisation, de professionnalisation et d’institutionnalisa- tion des activités associées au développement durable. Le défi est d’enver- gure, car comme nous l’avons déjà indiqué, il ne s’agit pas seulement d’un nouveau secteur d’activité à développer, mais d’une nouvelle manière de penser et d’agir, afin de participer activement au changement actuel de nos sociétés.

À partir de ces trois défis soulevés par nos formations au dévelop- pement durable – la pluridisciplinarité, la recherche-action et l’émergence de nouveaux métiers – nous concluons qu’un véritable nouveau « style » de formation est en train de se dessiner, qui comporte des outils pédago- giques nouveaux mais aussi et surtout, une nouvelle conception de l’arti- culation entre la formation et le projet de société auquel les étudiants se préparent à y participer.

Elena LASIDAet Caroline QUAZZO DOSSIER

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