CAS CLINIQUE /CASE REPORT
Corps étrangers exceptionnels des voies aériennes supérieures occasionnant une détresse respiratoire aiguë chez l ’ enfant : deux sangsues
Exceptional foreign bodies of upper respiratory tracts responsible of acute respiratory distress in children: two leeches
A. Faouzi Amrani · Z. Nabih Ouriaghli · A. Benchekroun Belabes · M. Harrandou
Reçu le 7 janvier 2012 ; accepté le 4 février 2012
© SFMU et Springer-Verlag France 2012
Introduction
Un corps étranger (CE) des voies aériennes supérieures (VAS) est une urgence vitale nécessitant une prise en charge immédiate vu le risque d’hypoxie et de décès. Nous rappor- tons l’observation d’une détresse respiratoire secondaire à la présence de deux sangsues vivantes en sous glottique chez un enfant de trois ans.
Observation
Un enfant de trois ans sans antécédents pathologiques, vivant en milieu rural a été amené par son père au service des urgences pédiatriques pour difficultés respiratoires d’ag- gravation progressive, dysphonie et crachats hémoptoïques depuis vingt-quatre heures.
L’interrogatoire ne révèle pas un syndrome de pénétration mais retrouve la notion d’ingestion d’eau de rivière. L’exa- men clinique d’admission trouvait un enfant apyrétique, pré- sentant un stridor inspiratoire, une polypnée à 40 cycles par minute, un tirage sus sternal et une orthopnée. L’enfant deve- nait cyanosé avec accès de toux et désaturation à chaque fois qu’il s’allongeait et pleurait.
Devant ce tableau d’installation brutale, dans un contexte apyrétique et sans histoire respiratoire antérieure, la présence d’un corps étranger était fortement suspectée. Une laryngos-
copie directe a été réalisée sous anesthésie générale et avait objectivé deux sangsues vivantes fixées en sous glottique (Fig.1A). L’extraction a été réalisée avec succès par la pince de Magill, les mensurations des sangsues étaient respective- ment de 4 x 0,5cm et 3 x 0,3cm (Fig. 1B). Une fibroscopie bronchique et digestive ont été réalisées pour vérifier l’inté- grité de l’arbre bronchique et l’absence d’autres sangsues.
À son réveil l’enfant n’avait plus de signes de détresse respiratoire mais il avait gardé une raucité de la voix. Il a pu quitter l’hôpital le même jour. Une corticothérapie de courte durée a été prescrite.
Discussion
La sangsue constitue exceptionnellement un CE des VAS [1]. Certains auteurs ont rapporté sa localisation au niveau du nasopharynx, des cavités nasales à l’origine d’obstruction nasale et d’épistaxis récidivants [2], et au niveau de la cavité buccale [3]. Trois cas de sangsue dans le larynx chez un adulte ont été décrits [4,5].
Les os de poisson constituent le CE le plus fréquemment rencontré au niveau de la gorge [6] et de rares cas de CE vivants (poisson) au niveau de la gorge ont été rapportés [6,7] occasionnant des accès sévères de toux, stridor inspira- toire, cyanose, dysphagie et saignement datant de cinq jours à deux semaines.
Notre observation présente comme particularités le jeune âge de l’enfant, la présentation clinique typique et grave ainsi que la localisation sous glottique. On présume que la sangsue s’est fixée initialement dans l’hypopharynx avant de migrer pour se loger dans le larynx et produire l’obstruction respiratoire qui a été rapidement diagnostiquée et correcte- ment traitée après admission aux urgences.
L’extraction d’une sangsue nécessite une prudence parti- culière [4] et une extrême douceur car elle s’attache
A. Faouzi Amrani (*) · Z. Nabih Ouriaghli
Service des urgences pédiatriques, CHU Hassan II, Fès, Maroc e-mail : amrani.annouar@yahoo.fr
A. Benchekroun Belabes
Service des urgences portes chirurgicales, CHU Ibn-Sina, Maroc M. Harrandou
Service de réanimation pédiatrique, CHU Hassan II, Fès, Maroc Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:191-192
DOI 10.1007/s13341-012-0180-2
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vigoureusement grâce à sa ventouse. Pour cela, il faut une puissante prise par la pince avant de la retirer sans forcer afin d’éviter une atteinte traumatique des structures anatomiques fragiles du larynx et des cordes vocales [4].
Les sangsues oropharyngées et hypopharyngées sont extraites à la pince de Magill, celles de localisation nasale ou nasopharyngée à la pince de Blakesley sous guidage endoscopique, après anesthésie locale pour les adultes et générale pour les enfants [8].
Plusieurs auteurs ont préconisé l’application d’anesthési- ques locaux ou d’adrénaline avant l’extraction [1].
Conclusion
Devant toute détresse respiratoire aiguë d’aggravation pro- gressive et en l’absence de pathologie bronchopulmonaire préexistante, la possibilité d’un CE devrait être évoquée et conduire à l’exploration urgente des VAS dans un but diag- nostique et thérapeutique.
Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.
Références
1. Iraqi MR, Squali FZ (1999) Hématémèse et obstruction des voies respiratoires dues à la sangsue. Arch Pediatr 6:479–83
2. Kaygusuz I, Yalçin S, Keles E (2001) Leeches in the larynx. Eur Arch Otorhinolaryngol 258:455–7
3. Krüger C, Malleyeck I, Olsen OH (2004) Aquatic leech infesta- tion: A rare cause of severe anaemia in an adolescent Tanzanian girl. Eur J Pediatr 163:297–9
4. Pandey CK, Sharma R, Baronia A, Agarwal A, Singh N (2000) An unusual cause of respiratory distress. Live leech in the larynx.
Anesth Analg 90:1227–8
5. Labadi MH, Jaml MN (1997) Leeches in the larynx. J Laryngol Otol 111:980–1
6. Jalish M (1965) An unusual foreign body in the throat. J Laryngol Otol 79:836–7
7. Khan AF (1969) Live fish in the pharynx. J Laryngol Otol 83:1119–20
8. Maliki O, Aderdour I, Hassani R, Rouchdi Y, et al (2010) Leeches of the upper aerodigestive tract. Rev Stomatol Chir Maxillofac 111:193–5
Fig. 1 A : sangsue obstruant la glotte ; B : deux sangsues vivantes après leur extraction
192 Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:191-192
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