B. M ONJARDET
G. N ETCHINE -G RYNBERG
Formalisation ordinale de modèles pluriels du développement psychologique
Mathématiques et sciences humaines, tome 96 (1986), p. 65-94
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1986__96__65_0>
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FORMALISATION ORDINALE DE MODELES PLURIELS DU DEVELOPPEMENT
PSYCHOLOGIQUE
B.
MONJARDET*,
G. NETCHINE-GRYNBERG**AVANT-PROPOS
I. COMPOSITION ENTRE PLUSIEURS ORDRES : FORMATION DE L’ORDRE COMME PRODUIT DIRECT D’ECHELLES ORDINALES.
LES ITEMS ET LA STRUCTURE
ALGEBRIQUE
DE L.’ Efv7SEMBLE DES ITEMS.I.1 l Présentation
1.2
Définition, représentations
des items1.3 Structure ordinale et
algébrique
de l’ensemble des items II. LA CARACTERISATION DES SUJETS : CONSTRUCTION DES PATRONS DE REPONSEIMPLIQUES
PAR L’ORDRE DE BASELES PATROIVS SATURES ET À’EIYSEFfBLE DES PATRONS SATURES II.1 l Présentation
II.2 Patrons
quelconques, opérations
de réduction et de saturationII.3 Une
correspondance bijective
entre l’ensemble des patrons saturéset l’ensemble des patrons réduits
II.4 Le
codage
des patrons saturés en vecteurs-scores II.5 Dénombrement et distribution des patrons saturésII.6 La structure
algébrique
de l’ensemble des patrons saturés : un treillis distributifII.7 Construction de l’ensemble des patrons de
réponse impliqués
par l’ordre de base. Formation de troissystèmes
degénérateurs.
* Université René Descartes et
CAMS,
54 bd.Raspail,
75270 Paris Cédex 06.** Laboratoire de
Psychologie
duDéveloppement
et de l’Education del’Enfant,
Université René
Descartes,
Paris V; C.N.R.S., JE018;
RCP802,
46 rueSaint
Jacques
75005 Paris.III. LA CARACTERISATION DES POPULATIONS EXPERIMENTALES EN FONCTION DE L’ORDRE
DE BASE
UNE TAXONOMIE DES "COLLECTIFS DE REPONSE" A PARTIR DE LA CORRESPOIVDAIUCE ENTRE PREORDRES D’IMPLICATION ET ENSEMBLE "FERMES" DE PATRONS. COLLEC- TIFS COHEREIVTS ET COLLECTIFS COlvJPATIBLES
III.1 l Présentation
111.2
Collectifs,
collectifs fermés111.3 Collectifs
quelconques, préordre d’implication
et collectifsfermés
111.4 La
correspondance
entrepréordre d’implication
et collectifs fer- més. Les critères d’une taxonomie des collectifsIII.5 Deux classes de collectifs cohérents avec l’ordre de
base,
lescollectifs cohérents
complets
etincomplets
111.6 Deux classes de collectifs
non-cohérents,
les collectifs compa- tibles etincompatibles
111.7 La taxonomie des collectifs et l’étude du modèle. Validation
expérimentale
etpropriétés générales.
-
Bibliographie
- Glossaire
AVANT-PROPOS
Ce texte
présente
lapremière étape
d’une démarche de formalisation de mo-dèles du
développement psychologique,
à caractère dit"composé"
ou"pluriel",
destinés à
étayer
l’étude de la coordination entreplusieurs
dimensions dudéveloppement.
Cetteformalisation,
effectuée en termes desmathématiques
des ensembles
ordonnés,
seprésente
comme unegénéralisation
multidimension- nelle de l’échelle de Guttman. Elle vise à assurer la traductionmathématique d’hypothèses préalablement
formulées dans lechamp
dudéveloppement psycho- logique.
L’intérêt pour l’élaboration de modèles
mathématiques ordinaux,
suscep-tibles de
représenter
undéveloppement "pluriel",
est né d’unproblème
par-ticulier rencontré par l’un de nous. Il
s’agissait
d’une étude de l’indivi-dualisation
perceptive
de formessimples
par dejeunes
enfants(4
à 7ans).
L’investigation
a été conduite àpartir
d’un matérielexpérimental
construitde
façon
à mettre en évidence deuxrubriques
depropriétés
de cesformes, passibles
deprocédés perceptifs distincts,
dont il fallaitéprouver
la re-lation au cours du
développement.
Ce cas
particulier
a conduit àenvisager
laquestion générale
des con-ditions d’étude de la coordination entre
plusieurs
dimensions dudéveloppe-
ment ou de
l’apprentissage,
conditionsqui
n’ontguère
suscité d’instrumen- tationmathématique appropriée,
si ce n’est sous la forme de moyens d’esti- mation des interrelations entre ces dimensions(de
typecorrélation).
La littérature
psychologique classique
s’adresse en effetprincipale-
ment à un
développement
linéaire. Lesgrandes
théories ont essentiellement donné lieu à la construction desystèmes d’investigation
à viséegénérale,
àpartir desquelles
l’évolution de l’enfant estenvisagée
comme unsystème
uni-taire,
définissant unetrajectoire
fixe dans sesétapes,
cumulative dans seseffets,
linéaire dans son mouvement. La structuremathématique
ordinale sous-jacente
est donc celle d’ordre total ou defaçon quasi équivalente,
celled’échelle de Guttman.
Cependant
lesobjets
de l’étudepsychologique
de l’en-fance n’ont pas tous - tant s’en faut - les
caractéristiques qui justifient
une telle
organisation.
Il existe de nombreuses classes d’activités à ca-ractère
composé,
peuétudiées, qui
peuventprésenter
un intérêtthéorique
considérable.
Evoquons
parexemple
les activités relevant deplusieurs
domai-nes du comportement,
l’accomplissement
de tâchescognitives requérant plu-
sieurs
registres
decompétence,
ou bien encorel’acquisition
d’une connais-sance nouvelle faisant intervenir
plusieurs champs notionnels, plusieurs
ma-tières
enseignées
notamment s’ils’agit
d’uneacquisition
scolaire.C’est donc à titre
d’alternative
auxapproches classiques
dudévelop-
pement
psychologique, qui
peuvent être traduites par des modèles ordinaux de typeguttmanien,
que l’on propose la formation de modèles"pluriels" expri-
mant des
hypothèses
relatives à la coordination entreplusieurs
dimensionsdu
développement,
dont latranscription mathématique implique
unegénérali-
sation multidimensionnelle d’échelles ordinales linéaires. En permettant de
préciser
les conditions d’étude d’activitéspsychologiques
à caractère com-posé,
de tels modèles pourront contribuer àélargir
le domaine desapproches psychologiques
de l’enfance.On trouvera dans les pages suivantes la
description
de lapremière pha-
se de la construction du modèle
mathématique représentant
le modèlepsycho- logique "pluriel".
Ce modèlemathématique
est défini comme un"produit
di-rect" d’échelles linéaires
(ordres totaux).
Le nombre des échelles ainsi que le nombre de leurs modalités peuvent êtrequelconques
etjouent
le rôle deparamètres adaptables
àchaque
situationexpérimentale
considérée. Pourillustrer les
procédures
de construction du modèlegénéral,
on empruntera lesparamètres
de lapremière
situationexpérimentale évoquée plus haut,
soitdeux
échelles,
l’une àtrois,
l’autre à six modalités.L’étape
initiale de la démarche consiste à définir l’ensemble des unités élémentaires d’observation - ou items - ainsique l’ordre hypothétique
entreces
unités;
cet ordre seraappellé l’ordlÎe
de base entre lesitems,
et peuts’interpréter
comme un ordre de difficulté entre ceux-ci. Conformément à cequi
a été ditci-dessus,
cet ordre est leproduit
de deux échellesordinales,
i. e. de deux ordres totaux, l’un à six et l’autre à trois
modalités,
dansnotre
exemple.
Il en résulte quechaque
item peut être considéré comme la combinaison de deuxmodalités, prises respectivement
sur lapremière
et laseconde
échelle,
et que l’ensemble des dix-huit(6X 3)
items a une structureordinale et
algébrique
bien connue, celle de treillis distributif.La deuxième
partie
de ce texte est consacrée à l’étude des patrons deréponse "impliqués"
par l’ordre de base. Ces patrons sont ceux donnés par unsujet "théorique",
i. e. unsujet
dont lesréponses
sont conformes àl’hypo-
thèse
théorique exprimée
par l’ordre de base. Audépart,
on définit la notionde patron
(de réponse) quelconque,
par l’ensemble des items que lesujet
aréussi. Puis on étudie les
opérations
de saturation et de réduction d’un pa-tron. Dans
l’exemple
deréférence,
àpartir
des218
patronspossibles (autant
que de sous-ensembles de l’ensemble des dix-huit
items), l’opération
de satu-ration conduit à la formation de 84
patrons
saturésqui
sont exactement les patronsimpliqués
par l’ordre de base. Un patron saturé peut êtrereprésenté
de
façon univoque
par unpatron "rédu2t", plus simple;
mais il est encoreplus économique
de le coder par un "vecteur-score". L’ordre d’inclusion(en- sembliste)
entre patrons munit l’ensemble de tous les(84)
patrons saturés d’une structureordinale, qui
est de nouveau un treillis distributif. Il enrésulte que l’ensemble de tous les
(84)
patrons saturés peut être construit par desopérations algébriques,
soit comme union despatrons
saturés"simples",
soit comme intersection des
patrons
saturés"cosimples",
soit comme union etintersection des
patrons
saturés "doublementsimples".
Unecaractéristique importante
de ce type de modèle estqu’il
y a le même nombre(18)
de patronssimples,
de patronscosimples,
et que danschaque
cas l’ordre entre ces 18 patronssimples
oucosimples reproduit
exactement l’ordre de base entre les18 items.
Dans la troisième
partie
on seplace
au niveau despopulations.
On consi-dère l’ensemble des
réponses
différentes données par unepopulation
desujets.
Cet ensemble constitue donc une
partie
de l’ensemble de tous les patrons deréponses possibles (saturés
ou nonsaturés);
on dit que c’est uncollectif
(de réponses).
Parmi lescollectifs,
lescollectifs fermés
sont ceux pourlesquels
l’uni.on et l’intersection de patrons du collectifappartiennent
à cecollectif. Un
exemple
de tel collectif est celui formé par tous les(84)
pa- tronssaturés, correspondant
à l’ordre de base. Maisplus généralement
à n’im-porte
quel
ordre(ou préordre)
sur l’ensemble des itemscorrespond
un collec- tif ferméunique.
Cettecorrespondance bijective
entre collectifs fermés etpréordres
sur lesitems,
permet d’associer à tout collectif - et parexemple
à un collectif obtenu
expérimentalement -
un ordre sur les items. On peut alors comparer cet ordre à l’ordre de base. Si ces deux ordres sontégaux,
ondit que le collectif est cohérent
complet.
Un des résultats de ce travai.l estde caractériser les collectifs cohérents
complets,
par le fait que ce sont les collectifs formésuniquement
de patrons saturés et contenant tous les patrons doublementsimples.
Apartir
de cerésultat,
on peut aussi caractériser troisautres classes de collectifs :
1°)
lescollectifs
cohérents"incomplets",
i.e. ceux pourlesquels
l’ordreassocié contient strictement l’ordre de base
(par exemple
si un item estmoins difficile
qu’un
autre dans l’ordre debase,
il est moins ouégalement
difficile dans l’ordre
associé).
2°)
lescollectifs
non cohérentscompatibles,
pourlesquels
l’ordre associéest strictement contenu dans l’ordre de base
(par exemple
si un item estmoins difficile
qu’un
autre dans l’ordre de base il est moins difficile ou in-comparable
dans l’ordreassocié).
3°)
lescollectifs
non cohérentsincompatibles, qui
sont tous ceux ne rentrantpas dans l’une des
catégories précédentes.
On a ainsi établi une taxonomie de tous les collectifs
possibles, qui
peut servir de cadre
général
pourl’analyse
del’adéquation
d’un ensemble deréponses
au modèlehypothétique,
à condition bien sûr de l’affiner tant auplan algébrique qu’au plan statistique.
Telles sont les
étapes premières
de la formation du modèlemathématique
décrites dans cet article. Leur
présentation
éclaire certaines des caracté-ristiques
structurales d’undéveloppement "pluriel".
Dans un texte ultérieurnous
analyserons
ce quereprésente
ce type degénéralisation
de l’échelle deGuttman par rapport à des
généralisations classiques
bien connues,qui
fonc-tionnent en
pratique
comme des instrumentsd’analyse
des donnéesplutôt
quecomme des modèles "stricto
sensu";
on y trouvera donc un certain nombre de références omises ici. Nous y aborderonségalement
leproblème
de la détermi-nation de l’ensemble des chemins individuels du
développement, prévisibles
àpartir
d’un ordre de base(hypothétique)
donné.Précisons pour terminer que le
style adopté
dans cet article est déli-bérement
didactique.
Il a étésupposé
que le lecteur n’a pas de connaissanceparticulière
de la théorie des ensemblesordonnés,
ni même de son vocabulaire.Les définitions nécessaires sont donc données soit dans le corps du texte soit dans le
glossaire
en annexe; dans ce dernier cas le mot concerné estmarqué
d’un
astérisque.
Pour toute information ouprécision complémentaire
on pourrase reporter à Barbut et
Monjardet (1970).
I. COMPOSITION ENTRE PLUSIEURS ORDRES : FORMATION DE L’ORDRE COMME PRODUIT DIRECT D’ECHELLES ORDINALES
LES ITEMS ET LA STRUCTURE
ALGEBRIQUE
DE L’ENSEMBLE DES ITEMS 1.1. PrésentationLa démarche initiale consiste à définir l’ensemble des unités élémentaires
d’observation,
lesitems,
nécessaires à l’étude de lacomposition
entreplu-
sieurs échelles ordinales. Dans notre
exemple
deréférence,
lesitems,ou
uni-tés élémentaires
d’observation, correspondent
à des tâches d’individualisa- tionperceptive
d’uneforme,
construites en fonction de deux "dimensions" en-tièrement
ordonnées,
l’une à troismodalités,
la seconde à six modalités.Ainsi, chaque
unitéd’observation, chaque tâche,
peut être considérée commeune combinaison de deux modalités de ces
dimensions,
et l’on a donc 18 tellesunités.
1.2.
Définition, notations, représentations
des itemsOn
appelle item,
l’unequelconque
de ces unités et l’on notera E leur en-semble,
l’ensemble des 18 tâchesperceptives
dans notreexemple.
Formellement,
l’ensemble E est défini comme unproduit
direct* dedeux ensembles totalement ordonnés
(échelles ordinales).
Nous nous donnonsdonc deux ensembles totalement ordonnés :
("correspondant"
à lapremière dimension),
et("correspondant"à
la secondedimension).
Nous identifierons l’ensemble E des 18 items au
produit
directE
1 xE2 ,
"c’est-à-dire à l’ensemble des 18
couples
Dans la suite un élément de E , c’est-à-dire un
item,
sera donc noté(x.,y.) ;
i J pouralléger,
les notations(x,y)
ou(i,j) ,
ou mêmesimplement
"e" ,
seront aussiemployées.
Les
figures
1 et 2 donnent deuxreprésentations graphiques possibles
de l’ensemble E ; nous n’utilisons que celleindiquée
par lafigure 2,
où les items sontreprésentés
par des cases.1.3. Structure ordinale et
algébrique
del’ensemble
des itemsL’ensemble E ayant été défini comme
produit
direct de deux ensembles tota-lement
ordonnés,
il est bien connuqu’il
est lui-même un ensemblepartielle-
ment
ordonné*,
l’ordre entre deux items(x,y)
et(x’,y’)
étant défini par :(dans E ~ )
et(dans E2 ) .
Autrement
dit,
si oninterprète
cet "ordreproduit"
comme un ordre dedifficulté entre
items,
l’item(x,y)
est "moins difficile" que l’item(x’,y’) ,
si et seulement si il est moins difficile sur chacune des deux di- mensions(ou également
difficile sur l’une des deux et moins difficile surl’autre).
On notera . cetordre, qui
se lit facilement sur lesfigures
1 et~ ~ E
2.
Ainsi,
on a parexemple :
Par contre, les items
(x ,y3)
et(x3,y2) ,
parexemple,
ne peuventêtre
comparés
dans l’ordreproduit (puisque x
1x3
ety3
>y2);
on ditqu’ils
sontincomparables.
Au lieu de dire que l’item
(xl,y3 )
est moins difficile que l’i"tem(x2,y3) ,
onpourrait
aussi dire que ce dernier item"implique"
lepremier (au
sens où unsujet
réussissant(x2,y3)
"doit" réussir(x1’Y3)).
On note-ra alors :
(x2’Y3) E
2 3 E(x1,y3) ,
1 3 et de manièregénérale,
on a donc :Formellement,
l’ordred’implication ~
ainsi défini entre items n’estE
rien d’autre que l’ordre
réciproque* de ~ , et
il est évidemmentéquivalent
E
de considérer l’un ou l’autre. Dans la
suite,
on aura à considérer d’autres ordres(de
difficulté oud’implication)
définis sur l’ensemble E des 18items, qui
serontcomparés
aux deux ordres fondamentaux :-5 etÉ précédents.
E
Pour bien marquer le caractère
privilégié
de l’ordre debase,
ici un"ordre
produit",
où E s’obtient commeproduit
direct deE1
1 etE2’
ondira
que S ( ~ )
est l’ordre de difficulté(d’implication)de
base. On peut E Eaussi noter en passant, que dans notre
exemple,
l’ordre ~ contient cent huit Eimplications (strictes)
"élémentaires" entreitems,
une telleimplication étant,
parexemple : (x3’y4) implique (xl’y3) .
Jusqu’ici,
nous n’avons pas considéré lespropriétés spécifiques
del’ordre
produit ~ .
. En fait celui-ci est loin d’êtrequelconque, puisqu’il
E
est bien connu que le
produit
de deux ensembles totalement ordonnés est untreillis distributif*.
Ainsi,
pour deux items(x,y)
et(x’,y’) ,
il existetoujours
un supremum, c’est-à-dire un item le moins difficileparmi
tous lesitems
plus
difficiles que ces deuxitems,
et il est donné par la formule :De
même,
l’infimum de ces deux items - c’est-à-dire l’item leplus
dif- ficileparmi
tous ceux moins difficilesqu’eux
deux - est donné par la for- mule :On calcule facilement le supremum et l’infimum de deux items sur les
figures
1 et 2. Par
exemple,
II. LA CARACTERISATION DES SUJETS : CONSTRUCTION DES PATRONS DE REPONSE
IMPLIQUES
PAR L’ORDRE DE BASELES SATURES ET L’ ENSEf-JBLE DES PATR01JS SATURES
II.1. Présentation
Lorsqu’un sujet répond
à tous les items(ou
unités élémentairesd’observation)
sa
réponse
est entièrement caractérisée par l’ensemble de ceuxqu’il
a réussi.En
conséquence,
nous identifierons laréponse
d’unsujet
à un sous-ensemble Pquelconque
de l’ensemble E de tous les items des 18 items dans notreexemple.
Nous
appellerons patron
(de2,éponse)
un tel ensemble. Le nombre de patronsquelconques possibles
estconsidérable, 218
dans notreexemple.
Pour construire les patrons
"impliqués"
par l’ordre debase,
nous nous donnerons deuxopérations,
la saturation et la réduction de patronsquelcon-
ques. L’intérêt de ces
opérations
pour la construction du modèle est de per- mettre d’effectuer le passage de la structure d’ordre définie au niveau desitems à celle des patrons de
réponse
dessujets. L’opération
de réductionassocie à tout patron un patron "réduit" formé soit d’un item
unique
soit dedeux ou trois items
incomparables (les
patrons réduits sont les"parties
libres"* de l’ensemble ordonné
E ).
De manièreanalogue, l’opération
de sa-turation associe à tout patron un patron
"saturé", qui
lui peut comporter de zéro à dix-huit items(ce
sont les"parties commençantes"*
de l’ensembleordonné).
L’on obtient ainsi tous les patronssaturés,
i. e. les patrons"impliqués"
par l’ordre de base.Dans les
paragraphes
II.2 àII.6,
nous suivrons pas à pas la construc-tion des patrons "saturés"
(11.2),
en montrant labijection
entre "saturés"et "réduits"
(11.3),
leurcodage
en "vecteurs-scores"(11.4),
leurs dénom-brement et distribution
(11.5),
leur structurealgébrique (11.6).
Grâce à laformation de trois
systèmes
degénérateurs,
nousindiquerons (en II.7)
desdémarches
générales
de construction de l’ensemble des patrons saturés. Nousindiquerons également
uneprocédure
de constructionéconomique,
àpartir
desvecteurs-scores. Nous montrerons enfin
l’isomorphisme
entre la structure detreillis de l’ordre de base et celle de deux des
systèmes
degénérateurs, caractéristique
fondamentale de ce type de construction.Il.2.Patrons
quelconques, opérations
de réduction et de saturationRappelons
que nous identifions laréponse
d’unsujet
à un sous-ensemble Pquelconque
de l’ensemble E des 18items,
et que nousappellons patron (de réponse)
un tel sous-ensemble.Re résentation
et notationdes atrons uelcon ues
On peut
figurer
un patronquelconque
sur lareprésentation graphique
de l’en-semble des dix-huit
items,
en mettant une croix dans les casescorrespondant
à la réussite d’un item. La
figure
3 donne desexemples
de patrons ainsi fi-gurés.
Pour
abréger
lesnotations,
nous utiliserons désormais la notation(i,j)
pour un item(1~i~3 , 1 ~ j ~ 6) .
Ainsi le patronP1 de
lafigure
3a est
égal
àl’ ensemble ~ ( 1,1 ) , ( 1, 3) , ( 1, 5) , (2, 2) , (3,1 ) , (3, 3) ~ .
Dans cepa-’
tron, les items les
plus
difficiles sont(1,5)
et(3,3) ;
si l’on ne con-sidère que ces deux
items,
on a le patronP2
de lafigure
3b.Figure
3.A tout patron, on peut associer le patron formé des items les
plus
difficilesqu’il
contient. Cetteopération
estappelée
réduction.Formellement,
on définitl’application
réduction p -~r(P),
parr(P) = {Éléments
maximaux* deP} .
On peut
également
définir uneopération inverse,
la saturation. On remarque que dans le patronP
1(ou P2 )
nefigurent
pas certains items moins difficiles que les itemscompris
dans ce patron(par exemple, (1,4),
ou
(3,2)).
Par contre, tous ces items"manquants" figurent
dansP ;
ondira que
P3
a été obtenu par saturation àpartir
deP1 .
*Formellement,
on définitl’application
saturation P ~s(P)
par :s(P) = {(i’,j’)
E E telqu’il
existe(i,j)
E P avec(i’,j’) ~ (i,j)}
E On remarque que, pour tout patron
P ,
on a lespropriétés (quasi
évidentes sur la
figure 3) :
sor(P) = s(P) ,
etros(P) = r(P) (
o étant lacomposition
desapplications).
11.3. Une
correspondance bijective
entre l’ensemble des patrons saturés et celui des patrons réduits.Les
opérations
de saturation et de réduction définies ci-dessus conduisent à individualiser deuxcatégories
de patrons ayant une structure trèsparti-
culière. Un patron P est saturé si pour tout
(i,j)
E PAutrement
dit,
un patronsaturé,
dèsqu’il
contient un certainitem,
contient aussi tous les items moins difficiles que lui dans l’ordre de base.
Si on considère un patron comme la
réponse
d’unsujet,
dire que le pa- tron est saturé revient à dire que cetteréponse
estparfaitement
"cohérente"avec l’ordre de difficulté défini sur tous les items : le
sujet
n’a "réussi"une tâche que s’il a réussi celles
qui
sont moins "difficiles". On dit aussi que le patron est"impliqué"
par l’ordre de base.Par définition
l’application
saturation associe à un patronquelconque
un patron saturé. Par
exemple P4 (figure 3d)
est un patron saturé obtenu àpartir
de la saturation du patron réduit ne comprenant que l’item(2,4)
etP 3
est un patron saturé obtenu àpartir
deP
1(ou
deP2 ).
Un patron P est réduit si et seulement si il n’existe aucun
couple
d’items
comparables (pour l’ordre ~ )
dans P .L’application
de réductionE
associe à un patron
quelconque
un patron réduit. C’est ainsi ..qu’on
obtientle patron réduit
P2 à partir
deP1
1(ou
deP3 ).
On remarque
qu’un
seul item considéré comme patron, est un patron ré- duit(par exemple,
le patron{(2,4)}, qu’on
obtient par réduction du pa-tron
P4 ,
5figure 3d),
etqu’un
patron réduit peut contenir auplus
troisitems
(par exemple, {(1,5),(2,3),(3,1)} est
un tel patronréduit).
On peut définir une
correspondance bijective
entre patrons réduits et patrons saturés. En effet à tout patron saturé Pcorrespond
un patron ré- duitr(P) ,
et inversement à tout patron réduitcorrespond
la patron saturés(P) .
On vérifie facilement que cettecorrespondance
estbijective*,
c’est-à-dire
qu’on
a le résultat suivant(cas particulier
d’un fait bien connu pourun ensemble ordonné
quelconque) :
Soient f l’ensemble
des patrons saturés de E et5lL
l’ensemble des pa-trons réduits de E ; les deux
applications
s(saturation)
et r(réduc- tion)
sont deuxbijections (inverses
l’une del’autre)
entre ces deux en-sembles :
On a :
si
Peu, sor(P) - P
siCette
correspondance bijective
entre les ensembles de patrons réduitset saturés est une
caractéristique
dumodèle,
vraie pour tout ordre de base.11.4. Le
codage
des patrons saturés en vecteurs-scoresCette
correspondance
entre les ensembles de patrons réduits et saturés permetde "coder" un patron saturé par le patron réduit
correspondant,
d’où une éco- nomieappréciable.
Parexemple,
le patron saturéP 3 (figure 3c) =
=
{(1,1), (1,2), (1,3), (1,4), (1,5), (2,1), (2,2), (2,3), (3,1), (3,2), (3,3)}
est codé par son patron réduit :
P2 = {(1,5),(3,3)} .
Nous allons utiliser un
codage plus économique
des patronssaturés,
aumoyen de "vecteurs-scores". Considérons de nouveau le patron
P3 ;
étant sa-turé,
on peut lui associer sur le dessin de lafigure 3c,
une frontière en"escalier" allant du
point
hautgauche
aupoint
bas droit(frontière
souli-gnée
sur cettefigure).
Inversement, si on se donne une telle frontière enescalier,
il est clairqu’il
luicorrespond
un patronsaturé, composé
desitems
placés
sous la frontière. Dans notreexemple,
une telle frontière com- porte troislignes
horizontales et sixlignes verticales,
et elle estparfai-
tement
définie,
en sedonnant,
auchoix,
les niveaux deslignes
horizontalesou
verticales;
soit pourP3 :
533 ou 011333.On
prendra
en fait lepremier codage, plus
commode dans la mesure où il n’utilise que trois chiffres(qu’on
peut lire comme unnombre);
doncP3
sera codé
533,
etP4 (figure 3d)
440. D’autre part, ces trois chiffres ont uneinterprétation
évidente : ainsi pourP3 ,
!> lepremier
chiffre 5signifie
que
parmi
tous les items(1,j)
deP3 ,
J’ c’est-à-dire les items de niveau 1 dans l’échelleE1 ,
l’item leplus
difficile est de niveau 5 dans l’échel-le
E2 .
*Formellement,
à tout patron saturé P on associe son vecteur-score défini de la manière suivante :v‘ (P) - (n 1, n2, n3) ,
avec,pour i = 1, 2, 3
ni(P) - ni -
Max{j
E[1,...,6]
tel que(i,j)
FP}
Pratiquement,
on écrira le vecteur-score(nl,n2,n3)
sous la formen1n2n3 ,
eadoptée
ci-dessus dansl’exemple
deP3 :
533 au lieu de(5,3,3) .
Ce patron P étant
saturé,
il est clair(considérer
la frontière asso-ciée)
que les trois nombresn1 ,
9n2 ’ n3
vérifient la condition(1)
sui-vante :
Inversement,
la donnée de trois entiers vérifiant la condition(1)
définitune frontière en escalier
(sur
lareprésentations
desfigures
2 ou 3 deE )
et le patron saturé associé.
Il résulte des considérations
précédentes (et
d’un résultatgénéral
sur les ensembles ordonnés
produit
direct de deux ensembles totalement ordon-nés,
cf. parexemple, Aigner (1977))
le fait suivant :Soit 1,- l’ensemble des
triplets
d’entiers(nl,n2,n3)
vérifiant la condi-tion
(1), l’application qui
à tout patron saturé associe son vecteur-score est unebijection
entrel’ensemble 19
des patrons saturés et l’ensemble1.~.
II.5. Dénombrement et distribution des patrons saturés
Puisque d’après
leparagraphe précédent
lesensembles Y (des
patrons satu-rés), ~ (des
patronsréduits) et V (des vecteurs-scores)
sont enbijection,
on a :
On peut calculer directement ce nombre en utilisant un résultat
général
surun ensemble
produit
direct de deux ensembles totalement ordonnés(cf.
parexemple, Aigner 1979).
Onobtient,
pour notreexemple :
On peut aussi calculer le nombre de tous les patrons saturés à l’aide de la notion de "score". Notons
Q(P)
etappelons
score du patron saturéP ,
lenombre d’items
qu’il
contient : sinnn
est le vecteur score deP ,
onvérifie aisément que
Le score
G(P)
varie de 0 à18,
et on peut se proposer de calculer le nombre de patrons de scorea(P) = k ,
nombre fixé. Là encore, des résultats classi- ques permettent d’obtenir ces nombres par récurrence(ils apparaissent
eneffet dans de nombreux
problèmes,
niveaux du "treillis deYoung",
distribu-tion de la
statistique
somme des rangs dans le test de Wilcoxon - Mann -Whitney,
nombre de"partages"
d’un nombre auplus égal
à 18 - en auplus
troisnombres au
plus égaux
à6).
Lafigure
4 montre la distributionobtenue,
c’est- à-dire le nombre de patrons de score fixé.11.6. La structure
algébrique
de l’ensemble des patrons saturés : un treillis distributifQuelle
est la structurealgébrique
de l’ensemble des patronssaturés,
des 84patrons de l’ordre
produit
de notreexemple ?
Dans ceparagraphe "patron"
signifiera toujours
patron saturé.Il existe une relation d’ordre entre les patrons
saturés, qui
est sim-plement
leur inclusion ensembliste :P c= P’ si tout item de P
appartient
à P’ .Là encore, un résultat
général
sur les ensembles ordonnés(cf.
parexemple
L’Ensemble des patrons saturés
A. Nomenclature
Figure
4.Barbut et
Monjardet, 1970)
permet d’énoncer :L’ensemble à
des patrons saturés muni de l’ordred’inclusion C ,
est untreillis distributif. Dans ce
treillis,
lesopérations
supremum et infimumsont données par :
(items
appartenant à P ouP’ ) (items
appartenant à P etP’ )
Le
plus petit
patronde Y
est le patron vide(aucun
item"réussi")
et leplus grand
est le patron formé de tous lesitems,
c’est-à-dire E .Puisque
l’ensemble des vecteurs-scores est enbijection avec -f
,11
a la même structure de treillis distributif queJ .
. L’ordre entre deux vecteurs-scoresn n n
etn’1
est défini par :et
Quant
auxopérations
dutreillis,
elles s’obtiennent ainsi :Par
exemple,
si on considère les patronsP3
etP4
de lafigure 3,
et leursvecteurs-scores 533 et
440,
on en déduit que le vecteur-score deP3
lJP4 ’
égal
àv(P3)
vv(P4),
est543 ;
demême,
le vecteur-score deP3
nP4 ,
égal
àV(P3)A v (P4) ,
est 430.La
figure
5représente
le treillis des 84 patronssaturés,
codés par leurs vecteurs-scores(autrement
dit le treillisV ).
Les patrons de mêmescore
(~(p) =
n + n2 + n3)
sontalignés
sur unniveau,
et les successeurs*de
chaque
patron dans l’ordre d’inclusion(c’est-à-dire
les patrons contenantun item de
plus)
sont doncfigurés
sur le niveau immédiatementsupérieur;
demême les
prédécesseurs*
d’un patron(qui
comportent un item demoins),
sontsitués sur le niveau immédiatement inférieur. Un patron a au
plus
trois suc-cesseurs et trois
prédécesseurs (immédiats),
et au moins un tel successeur(sauf
pour666)
et un telprédécesseur (sauf
pour000).
Unexemple
de patronavec trois successeurs et trois
prédécesseurs
est 432.II.7. Construction de l’ensemble des patrons de
réponse impliqués
par l’ordre de base. Formation de troissystèmes
degénérateurs.
Nous allons maintenant définir certaines
catégories particulières
de patronssaturés, qui
ont l’intérêt de constituer dessystèmes
degénérateurs
permet-tant la construction de l’ensemble des patrons