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Le 22 septembre, la guerre irano-irakienne est entrée

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Academic year: 2022

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IRAN-IRAK

LA GUERRE ET LA PAIX

L

e 22 septembre, la guerre irano-irakienne est entrée dans sa cinquième année. Guerre exceptionnellement meurtrière et dévastatrice, qui se déroule dans une quasi-indiffé- rence de l'opinion mondiale.

Le nombre des victimes iraniennes aux combats est supé- rieur à 300 000, sans compter les nombreux blessés et invalides de guerre, marqués à jamais par l'événement. Les Irakiens, plus économes de la vie de leurs soldats, ont eu moins de morts, 50 000 à 80 000 dit-on. Plus de 50 000 Irakiens sont actuelle- ment prisonniers de guerre en Iran.

Les dégâts matériels sont incommensurables, surtout du côté iranien. Tout le sud de la riche et prospère province de Khuzistan, un des centres industriels et agricoles de l'Iran, est en ruine, l'économie du pays supporte, en outre, le poids de 1 200 000 per- sonnes déplacées.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, aucun des nombreux conflits qui ont éclaté, y compris ceux de Corée et d'Indochine, n'a fait autant de dégâts.

Pourtant la guerre continue, elle semble sans issue, et la communauté internationale n'entreprend rien pour y mettre un terme.

L

orsque les troupes irakiennes envahirent l'Iran, Bag- dad semblait poursuivre plusieurs objectifs : provo- quer la chute du régime de l'ayatollah Khomeyni, que l'on croyait,

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à juste titre, déjà affaibli et discrédité ; parvenir à un « déman- tèlement de l'Iran», on le proclamait officiellement; et créer, peut-être, une « république d'Arabistan » dans la province de Khuzistan où vit une petite minorité arabophone chiite.

Conscient et informé de l'affaiblissement de l'armée ira- nienne, décapitée et démantelée par la révolution, Bagdad escomptait pouvoir mener une guerre rapide et mécanisée et remporter une victoire facile. Il est probable que l'on avait alors surévalué à Bagdad l'influence et le crédit de quelques opposants au régime de Téhéran liés aux Irakiens.

L'Administration Carter, empêtrée dans l'affaire de la prise d'otages de Téhéran, tentant de créer une diversion ou un moyen de pression, a-t-elle, directement ou indirectement, contribué à déclencher cette opération ? On ne peut l'exclure.

Après quatre ans de guerre, l'échec irakien est incontestable : le régime de Téhéran a été conforté et consolidé par la guerre.

Après une rapide percée des troupes irakiennes, l'armée iranienne, soutenue par un véritable sursaut national, que les dirigeants du régime ont mis à profit, a réussi à stabiliser le front puis à libérer pratiquement tout le territoire national.

Non seulement la guerre n'a pas provoqué l'éclatement de l'Iran, mais elle a rassemblé la population pour la défense du pays.

L a minorité arabophone du sud du Khuzistan et les habitants des provinces kurdes ont été d'une parfaite loyauté. Quelques éléments marginaux kurdes ou groupuscules d'opposants exté- rieurs qui se sont compromis avec Bagdad ont été discrédités, probablement à jamais.

Pareilles réflexions pourraient être faites à propos de l'atti- tude du régime de Téhéran face à l'évolution du conflit. Si, au début, les mobiles patriotiques et la nécessité de la libération du territoire national étaient mis en avant, l'ayatollah Khomeyni et son entourage n'ont pas tardé à vouloir déstabiliser l'Irak et provoquer la chute de M . Saddam Hussein et de son régime.

Pas plus qu'envers la France, qui l'avait imprudemment accueilli et aidé avec les conséquences que l'on sait, l'ayatollah Khomeyni n'a eu de reconnaissance pour le régime irakien qui l'avait hébergé pendant une quinzaine d'années, et largement aidé jusqu'en 1975 et la conclusion des accords d'Alger avec le défunt chah.

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Dès son arrivée au pouvoir, Rouhollah Khomeyni entreprit d'encourager la subversion en Irak et de financer des groupes d'extrémistes chiites, que la fermeté du pouvoir de Bagdad maî- trisa rapidement.

Après les premiers revers militaires subis par l'Irak, l'élimi- nation de M . Saddam Hussein et du parti Baath, devint le premier objectif du régime islamique. F i n septembre, la propa- gande de Téhéran, qui avait modéré cette revendication, la reprend de nouveau avec force.

N'escomptant plus une victoire décisive sur le plan militaire, les dirigeants de Téhéran pourraient vouloir provoquer de l'inté- rieur la chute du régime irakien. U n « conseil supérieur irakien » présidé par M . Mohammad Bagher Hakim, fils d'un grand digni- taire chiite irano-irakien, décédé au milieu des années soixante, a été constitué à Téhéran. Il ne semble pas bénéficier de plus de crédit et d'influence en Irak que les deux groupes d'opposants iraniens financés par Bagdad auprès de l'opinion iranienne. L a

« collaboration » n'est jamais payante. E n revanche, les actions violentes, ou le recours aux attentats terroristes organisés par Téhéran, ne pourraient être exclus.

E n fait, pour le moment, le régime de Téhéran ne semble pas avoir atteint l'objectif qu'il s'était fixé dès la seconde phase de la guerre, et se trouve ainsi dans une impasse totale.

E

n dehors des facteurs conjoncturels, déjà évoqués, l'on a souvent tenté d'expliquer le déclenchement, et surtout la poursuite, de cette guerre par des raisons historiques, idéologiques ou géopolitiques.

Aucune ne me semble valable.

CONFLIT SECULAIRE ENTRE LES DEUX PAYS?

L'Irak, pays issu de la Première Guerre mondiale et de l'éclatement de l'Empire ottoman, n'existe que depuis 1930.

Tous les différends existant entre les deux pays, le tracé des frontières, le problème du Chatt al-Arab, etc., ont été réglés par les accords d'Alger de 1975 entre le chah et M . Saddam Hussein, alors vice-président de l'Irak.

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L'Iran et l'Irak, du point de vue strictement national, n'ont aucun motif de conflit, ni de confrontation. Evoquer à ce propos l'antagonisme entre Arabes et Perses relève également d'une vue de l'esprit, peu conforme aux réalités d'aujourd'hui.

CONFRONTATION ENTRE L'ISLAM CHIITE ET L'ISLAM SUNNITE ? J'ai entendu des personnalités éminentes, et fort haut placées, l'évoquer avec cette assurance qu'ont souvent les ignorants.

L'Irak n'est pas un pays sunnite, 60 % des Irakiens sont chiites. L'Etat irakien est laïc.

L'Iran n'est pas un pays exclusivement chiite, même s'il est actuellement dominé par un régime d'apparence confessionnelle chiite. Plus de 8 millions d'Iraniens, sur 42, sont sunnites. Sans oublier les zoroastriens, israélites et chrétiens.

Malgré les appels de l'ayatollah Khomeyni, se posant en chef de l'ensemble de la communauté chiite, les Irakiens chiites sont restés parfaitement loyaux envers leur pays. Encore une fois, le patriotisme et l'attachement à la nation ont prévalu sur le sentiment religieux.

D'ailleurs, le prélat le plus haut placé dans la hiérarchie chiite, l'ayatollah Khoï, nonagénaire, d'origine et de nationalité iraniennes, réside toujours à Nedjef en Irak, où il est respecté et totalement libre de ses mouvements.

Convenons que, même du côté de Téhéran, on évite de donner à cette guerre une telle coloration.

NOUVEL ASPECT DU CONFLIT EST-OUEST ? Trente-huit pays fournissent des armes aux belligérants.

L'Iran reçoit la moitié des armes et munitions dont il a besoin des pays socialistes ou entretenant des relations privilégiées avec l'Union soviétique. L'autre moitié venant des pays occidentaux ou alliés de l'Occident, principalement d'Israël.

L a même proportion devrait être valable pour l'Irak.

Des « conseillers » appartenant à l'un comme à l'autre camp travaillent en Iran, ou en Irak.

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Sur le plan économique, l'Irak, ayant bénéficié de l'aide massive des pays pétroliers arabes, particulièrement de l'Arabie Saoudite, a moins souffert de la guerre.

Pourtant, la « solidarité arabe » ne joue pas entièrement en faveur de Bagdad. Les pays arabes « progressistes », alliés ou satellites de Moscou, Syrie, Libye et Yémen du Sud, sont alliés de l'Iran, pays non arabe.

E n fait, les grandes puissances aident, ou laissent aider, également les deux parties tout en essayant de « contrôler » le conflit afin qu'il ne dégénère pas en guerre régionale ou n'affecte le précaire équilibre de la région. L'Iran ne peut être vaincu, mais « on » ne peut non plus le laisser vaincre et provoquer une crise majeure dans la région.

Abcès de fixation en attendant un règlement général, au demeurant aléatoire, des problèmes du Proche-Orient ?

Fabuleux marché d'armes et champ d'essai de nouvelles techniques militaires ?

Incapacité, surtout pour les pays du monde occidental, de définir et d'appliquer une politique claire et cohérente face à la révolution islamique et ses conséquences ?

Tous ces facteurs entrent probablement en ligne de compte.

Selon mon expérience personnelle des affaires de l'Iran, le troi- sième facteur est le plus déterminant.

E n attendant, les deux pays se ruinent, particulièrement le mien, et le nombre des victimes, même avec la stabilisation actuelle du front qui pourrait durer longtemps, ne cesse d'aug- menter. Sans oublier les risques éventuels et virtuels d'une telle crise et la possibilité que le contrôle n'en échappe à ceux qui croient et veulent le détenir.

C

omment peut-on en sortir ?

L a tentative irakienne de provoquer le « démantèle- ment de l'Iran » par une guerre rapidement victorieuse et d'exercer le rôle d'arbitre joué jadis par notre pays dans la région a échoué irrémédiablement.

L'intérêt de l'Irak est de sortir le plus rapidement possible de ce conflit, de rebâtir son économie et de reprendre son déve- loppement qui était réel.

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Les dirigeants irakiens, qui ne cessent, depuis quelque temps, de multiplier les tentatives de paix, semblent avoir fait la part des choses et tiré la leçon des événements.

Les Iraniens, victimes d'une agression extérieure après l'avoir été d'une absurde et sanglante révolution, ont pratique- ment repris leur territoire. L'armée nationale iranienne a montré que, malgré les purges et la désorganisation dues à la révolution, elle était capable de défendre et de sauvegarder l'intégrité du pays.

L'honneur est donc sauf.

L'Iran est, hélas ! particulièrement touché et affecté par la guerre. L a population est lasse, l'économie en ruine ; plus, certes, en raison de la nullité des dirigeants, de l'avilissement d'institu- tions vitales pour un peuple et de l'élimination des élites que de la guerre.

L'intérêt de l'Iran est que cette guerre finisse dans l'honneur, en attendant une réconciliation avec l'Irak qui viendra avec le temps.

Mais tel n'est pas l'intérêt du régime qui sévit en Iran. Pour les dirigeants de Téhéran cette guerre est bénie, c'est un élément de stabilisation, une assurance contre le retour des armées dans les villes et les casernes et l'apparition d'un Bonaparte, en cas de victoire, ou d'un Pétain, en cas de défaite.

L a fin de la guerre pourrait constituer le tournant décisif, l'heure de vérité pour le régime, tout comme le trépas de son chef Khomeyni. Tous ceux qui détiennent les pouvoirs à Téhéran, et s'entre-déchirent, en sont conscients.

Je vois difficilement le retour à une paix véritable et durable sans une relève du pouvoir actuel.

Ceux qui, parmi les opposants au régime, se sont compromis avec l'Irak, quels qu'aient été les motifs de leur « collaboration », ne pourraient être les interlocuteurs valables de demain. O n aura intérêt à le comprendre en dehors de l'Iran.

L'union de tous les autres autour de l'armée pourrait faire apparaître la seule alternative possible.

Dans le monde, tel qu'il est à présent, l'Iran et l'Irak ne pourraient avoir de prétentions territoriales l'un envers l'autre.

Une stricte application des accords de 1975 pourrait donc résou- dre ce point.

L'Irak ayant envahi l'Iran et portant la responsabilité de la guerre, i l est normal que des réparations, avec garantie, soient

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accordées à l'Iran, permettant à notre pays de reconstruire son économie et de panser ce qui peut l'être de ses blessures. O n entend parfois des dirigeants arabes se déclarer prêts à les assurer et les garantir. C'est la sagesse même.

Les dirigeants de Téhéran, obnubilés par le fanatisme, la bêtise et le souci de déstabiliser la région au lieu de penser aux intérêts du pays qu'ils ont la prétention de gouverner, occultent de plus en plus ces deux conditions essentielles d'une paix dans l'honneur, hantés qu'ils sont de vouloir provoquer la chute du régime irakien, à n'importe quel prix.

Leurs intérêts — est-il besoin de le rappeler ? — ne coïn- cident pas avec ceux de l'Iran.

Mais i l était bon, je crois, qu'enfin un Iranien s'exprime clairement sur cette question.

H O U C H A N G N A H A V A N D I ancien recteur de l'université de Téhéran

ancien ministre

Notre collaborateur et ami Albert L E B A C Q Z publie chez France-Empire un ouvrage intitulé :

LES DROITES ET LES GAUCHES SOUS LA Ve REPUBLIQUE

dans lequel nos lecteurs retrouveront beaucoup de sujets traités dans la Revue. A cette étude d'ensemble se trouve annexée une « Histoire de l'U.D.S.R. ».

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