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Nous vivons de la réalité

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Academic year: 2022

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L'EDUCATEUR

enfantin

Nous vivons

Il faudrait un langage neuf pour parler avec sim- plicité de celte réalité fabuleuse qu'est la grande aventure de l'art, :'I trnvers les siècles. Tant de cri- tiques s'y acharnent, diluant ou amalga111ant à l'in- fini les Ù1êmcs condensés philosophiques ou raison- nants el qui rellivent des 111èmes lieux communs ou du mèmc hermétisme ! cc N'en jetez plus 1 La cour est pleine!,, comme dit Gnafron et l'on sait jus- qu'où peut nller l'inconséquence des faux dona- teurs ! A l'heu1·e actuelle, on cherchernil en vain un critique shnplcmenl perso1mel, su:;ceptible de savoir s'attarder un instant sur 11ne œuvre \'ive pour en redonner, sans prétention, les résonances qui l'ont ému au lieu de déclencher à propos de tout et de rien, les automatismes du robot de Io. C'ulture.

Nous sommes, en effet, de plus en plus écrasés par une culture filn11drt'use dïMcs g-éuémies, Lonùissa11t pa.r dessus les siècles a\·ec une désilwollure inquié- tante ; t011chanl ù tous les dQtnuinPs de la pensée avec la rapidité du presticligil::iteur; faisant miroiter à nos yeux de 111reltants houts dl' papiers entre les verres d'un kaléidoscope. La féerie, elle, est au-delà du simplo jeu des idées el des couleurs, dans l'in- soupçonné el l'imprévisible de l'émotion vécue. Nous ne ferons jamais rien de la pensée des aulres, ce.lie du moins qui ne participe pas à notre alchimie créa- trice car notre culture dépend au premier chef de nos 'présences :wec nous-mêmes. Grande ou petite, elle n'empruntera l'ien qul déjà ne nous appartienne.

Le plus grand service à rendre à l'Arl serait. n'en doutons pas, de supprimer les criliques d'art au profit des belles œuvres mises le plus démocratique- ment possible à la portée de tous. S'il nous était donné de voir très souvent des expositions de valeur, si les musées, comme nos rathédr::ill's, ét::iient ou- verts à tous visiteu1·s, nous atlPindrions tout nalu- 1·ellement à une culture personnette que nous habille- rions de nos propres vocables pour ln communiquer aux autres. Alors, nous sentirions tous les dangers, Ioules les prétentions, el aussi toutes les pauvretés, de la critique métaphysique des spécialistes el tout spécialement de celle qui touche à l'art rnoderne.

Au départ, le jeu est simple pom le non-initié : il aime ou il n'aime pas. Ce so11t .\es risques du cœur et 11;\nl pis s'il se trompe 1 Le CcP\lr ne se trom- perait piis si les images à aimer étail'nt plus nom- breuses et plus helles ! Il faut bien faire quelque chose de son amour. El qu'on pardonne aux âmes sans pâture de s'immoler au faux mirage du porn- pier ... si le pompier les sauve du néant.

Cependant le pompin n'est pa · dans la nature.

Les beaux paysages lavés de pluie ou fleuris de printemps attirent nos 1·egards el capte11I noire cœur par des détails intimes et par leur atmosphère exclusive. Le p::ilhétiq11c des èlres, la poésie des choses nous surprennent en coup de foudre ou nous séduisent pa1· persuasion. Nous sommes dans la mêlée de la réalité adorable.

Cette réalité, nous aimerions la peindre si nous en avions la possibilité, ce qui veut dire que nous sommes réalistes par goût el par besoin. Nous aime- rions éterniser au-delà de nous-mêmes le coin de fenètre et le familier pot de fleurs, le chien Riquet ou .Jes trois pommes du compotier, C'c:jl Il;\ chose

de la réalité

réelle pour nous qui comple le plus el notre pelite histoire est faite des dét11ils aimés qui accompagnent notre destin et aussi des grands sentiments qui l'agitent. C'est cette notion du réel marqu~ de drame qui nous expose aux tentations du pompier si nous 11e brisons à le111ps ln coque de noire solitude pour gagner le large de la culture.

i=:i nous nous reportons, en effet, aux grande œuv1·es qui évoquent ces coins de tcnrlrrsse qui sonl les nôtres, l'idée que nous nous faisons de la simple image va considérablement s'o!::irgir. Trois pommes dans un compotier, c'rst un petit détail de noire ca<lre fnmilie1', appelé il rlisparailrr, mais si nous savons comment <le nohles mains lt·~ Pnl innnortali- sées, nous nous serons agrandis d'une sorte d'ini- tiation préalable à l'art de peindre de11 po1111nes- : celles peintes par Ca1'a\•agt' d::ins snn Bnedius ado- lescent ; celles du Ti11to1·et dans la Cène. sn11l œ11vrPs de mème époque et pourtant si diffél'entPs ! Les )JOm-

111es hleues de Cérn11nc sont alnurclics de son lour- 111ent ; les pommes fruille-morte du Pkasso 1908, les pommes roses et veloutées de Bonnant, <:ellPs écar- 1::.les rie Matisse trnnsposcnl la réalité-pomme jus- qu'it la délectation. Celle charge affertive nous dP- vient progressivement perceptible el d'instinct <lésor- mais nous récuserons les 1J0111111es-pommes des chro- mos rie bazar qui aYaient j11squ'ici nos pl'éférences.

Nous pouvons fnire les 111èmes l'onstalations cl avec plus de raison eneore, si nous nous en rappol'lons au portrait. S'il non· était don11é dr voir défiler devant nous les célèbl'es po1·lrails qui, de .Tl!an f.ouqul!I à Picasso ont i1111n01·talisé les artistes qui les ont Cl'éés, nous acq11rrrion~ l rès \'ile l'évide1H'P de la

llHI l'que personnelle que chaque peintrr a imprimée :\ son 1uoclèle. C<'l'l1·s, 11011s <llll'ious plus clc syu1pa- lhie pour les visnges si 111éticuleuse11ient transcrits par les Glouet que ponr les figures fantastiques de l::i période des monstres de Picasso. :'\fais. du moins.

nos pl'éférences surgirnic11t ü bon escient rie compa- raisons établies entre portrnits de qualité dont cha- que Irait est signé de .l'::irliste plus et mieux que pa1·

un authentique nom.

Car, ce qui com1Jte n11 pre111ier chef pour chacun de nous el plus encore pour l'artiste, c'est l'émotion que rail nailt·p en 11011s ln réalité. " lin paysagP. est un étal d'âme u, et signifier cri état, d'âme c'est créel' rl11 nouveau :wec le J'éel co111we prétexte. u Créer des ensembles nouveaux d'éléments connus, constitués por des allusions ou des métaphores purement plasti- ques », a écrit Juan Gris, tel est le souci du peintre.

On pourrait, certes, faire le reprod1p u :111x alln·

sio11s et. aux rnélaphores » d 'èlre chez nombre de nos inventeurs modernes, par trop lointaines pal' rapport au sujet. Certes, il y fi 11111' réalité a11-r'leli~ du fnrmel mais tout le drame de l'h111nain 11e peul se dire avec quelques couleurs et quelques lignes. JI ne faut pas oublier que les premières outrances du cubisme ont pl'is naissance dans les discussions oisives et souvent.

oiseuses de jeunes artistes de 20 ans. u JI me semble, disait à leur adresse le conscienciem; Degas, que ces jeunes gens rherchent à faire quelque chose de plus difficile que la peinture. » C'est, il est vrai, quand l'amo\1t' devient. <liffirile qu'il risque de som-

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L'

~DUCA'flWR

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brnr. A1'.ors il a besoin de l'explication pour donner le change.

C'est ce besoi11 d'explication avant et après la création ùc l'œuvre qui a déterminé la forme mènie d'u11e critique d'art faisnnt figure de culture univer- selle pour justifier l'inexplicable ou légitimer !e paradoxe. Quand Picabia, pour cite1· un " dada 11 entre une bonnr vingtaine r1·autres dadas, peint deux pistous mécaniques associé::; en série sous le titre

" Parade tt111011reuse •>, il fnil peul-être un rappro- t'hement spirituel mais certainement pas une pein- ture cligne de ('e nom. Sur le plan humain, il faut le reconnaitre, la n1étaphore est d'assez mau\'ais goùt.

Quoi qu'il en soit, les clients m11ateurs d'art ont misé sur ces œuvres inouïes d'inconséquences et jus- tifi6 la critique donnont corps aux théories inconsis- tantes des cubis1ne, dadaïsme, futurisme, su1Téa- 1isme, justifiant jusqu'au ridicule la pe1·sistance çles lois plastiques hors de l'ohjrt et dons ries tlomaines qui relèvent plus de la psycltiàtrie que de l'art.

Il est un argumenl, peut-être trop faC'ile, <1ui sem- blerait légitiiner en apµarence co culte de la divaga- tion. " Notre époque, dit la critique, est celle de ln vitesse et de lïnallendu. L'èi·e atomique nous déra- cine du passé : la mémoire de\•ient inutile ; l'imagi- nation est la faculté 111ailresse qui prépare l'avenir.

li est donc juste qu'elle prenne le pas sm· la sensi- bilité pou1· devenir démarches et. signes tout comme la science, au-delà de la réalité. n

C'est peut-ètre régle1· u11 peu 1•ile le sort de la réalité, car la réalité c'est aussi notre joie de vivrr et lï1nm111e esl exigeant avec son bonheur.

Le moment est pour nous fa\'Orahle de nous pen- cher vers cette actil-ité créa!rice de nos enfa11ts, œunant c11 pleiue i;e11èse, aboutissant toujours à l'œuvre vraie dans la plénitude du Ha\'i ; sans souci d'en justifier la rai~on pa1·ce qu'elle est dans la vérité des choses. Nos petits ne se posent pas de problèmes 111étaphysiques sur « la transparence ,, quand ils tlcssinenl des objets ernpiétanl les uns sui· les autres. Pas davantage, ils ne divaguent sur

« le pas:;ai;e de la 3< à l~t 4e dimension ,, quand ils superpose11t les épisodes d'un dessin anecdotique.

Ils JL'o11t 1•as bcsoi11 lie cOl11[1tL!St'1' des archives pour retrouver les expressions ésotériques des primitifs.

Il 11'y a ja111ais pour eux rupture entre le sujet el l'émotion : il coule coinme l'eau et il est cla11s leur nature de dfre leur poème de la joie car, d'ahorrl, c'est le bonheur qui compte.

Si la réalité n'est pas uJ1 poème, elle n'est pas une œuvre d'art. De la création, au 111ilicu de ses ordres et de ses cataclysmes, monte le chant du monde que l'artiste nous redonne agrandi de son tourment. Ce tour111ent. qui est aussi le 11ôtrc, et qui appelle les holl'lmcs à la communion.

ELtsr. FREINET.

... -- ...

LETTRE OUVERTE A MONSIE UR B ...

Monsieur Delfolie expose dans uue revue d'ensei- gnement. sous la rubrique ".~Iusique et .Morale», un

tc~lent de moralisatem· très « fin du XIXe ». Je souris. Il trouve des admirateurs ; je 111'a111use. On lui de- mande de collabore1· ù «Jeunes Années » éditées par les Francs-Camarades (:!50.000 exemplaires), cela dépasse les bornes.

Je ne dénie pas à ~I. Del folie le droit de moraliser encore que ses diplômes, son ascétisme ne lui don- nent aucun titre particulier. Pou1·tant, il m'a tou- jours semblé que sc)lématismc el ruornle étaient iHcornpnlibles. La 111ora.!e est, à mes yeux, harmo- nie, équilibre et. s'accommode mal d'une pensée gui11dée.

La 111orale prêchée par M. Delfolie est celle de la confusion.

Dès Je départ, il est difficile lie croire au pouvoil' moralisateur souverain de la musique CJl.iand on a vu des nazis torturer des juifs ou des résistants au sorlir d'un concert de Becthoveu ! L'ai'( app01·te une exaltation, 111ais l'exaltation n'est pas en S(li une vertu de caractère mornl. Quant it la leçon elle-même.

qu'on ne cherche pas à nous leurrer ! ce n'est pas l'absence de maximes enivrantes (ca1· il y en avai.t !) sur les cahiers du jour d'une génération qui a pro- voqué les t.ueries de 1914 et la suite, mais, au contrai- re, la nah c suffisance des 1noralistes en chambre.

Le temps est passé où l'on pouvait parler en ter- mes abstraits d'lDEAL, de ~lUHALlTE de Cl\IILI- S.\.TlON. Quelle définition du COURAGE, du TRA-

\1.4.IL, FAMILLE, Pr11'RIE faut-il adopler après la période si résolument 111oralisutrice de l'occupation ? A ces « 1nots qui 11e sont que des mots et presque des mensonges •>, ·les Francs-Camarades auraient pu préférer la lJart. de Frei11et, ce que !'Ecole ,Moderne apporte de neuf clans le travail, l'idéal, l'amour du beau, l'amitié.

Il est., certes, plus économique d'imprimer une page de belles paroles qu'une brochure de recher- ches personnelles, mais les signatures des maximes i111pri.111éc:s ne nous impressionnent pas. Peut-être peut-011 au conlinenl du génie découvrir quelques ilots t1ue salisfasseut la quié! ude tles gens é! roi!$ ; quant à nous << bougeotteurs et vacanciers,, préfé- rons explorer plus avant.

Pour reprendre les termes de M. Delfolie, qu'il nous soit. permis de préférer la morale vivante de la rue qui n'est pas que rufaseaux boueux, mais seuils de portes accueillantes el vieux pavés d'anciennes banicacles j)lutol que Io réduit i.ntérieur peuplé de génies momifiés par la légende.

Michel BAnnf: (S.-:MW•)

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Les prochaines grandes manifestations de la Gu ilde de Travail des Educateurs (CITE)

Sciences naturelles ; Latin ;

est d'ores et déjà en préparation à Lausanne ;

Le travail est commencé sur le plan internllional au sein de notre Guilde de Travail (GITE). Sont particulièrement ac- tives les commissions suivantes :

Sciences physiques ; Mathématiques ;

Mesure et rendement ; Procédés audio-visuels ; Art enfantin ;

Echanges interscolaires,

Sont prévues pour une date assez rapprochée :

La réalisation des premiers prototy- pes de BT 2' degré ;

Une grande exposition artistique qui

Une exposition de journaux séolaires prévue par le Musée Pédagogique pour octobre prochain ;

Des réunions de travail ;

Et, pour septembre prochain, une nouvelle grande rencontre de la GITE.

Faites connaitre la Guilde et metlez- vous en relations avec les travailleurs pour les-diverses disciplines,

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