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les problèmes dans un ordre devenu classique : une économie, laquelle? Un régime, lequel?

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(1)

HEBDOMADAIRE JUDICIAlll l:dmoad Picard Léon Bennehieq

11112 - 1899 1900 - l!MO

nmtJnlJI"

EDITEURS:

MAISON FERD. LABCIER, S. A.

39, rue det Millim"

DB.UXELLES 1

Le parti du progrès

La bourgeoisie, hier encore état insurgé, devenait la gardienne de l'ordre et les fusil- lades de la Commune allaient bientôt donner à ce nouveau combat la consécration ·du sang.

Jam ais sans doute le parti du progrès - j'ajouterais volontiers c et de la liberté > si je ne craignais que ce discours (1) ne paraisse électoral - ne fut plus sûr de lui qu'en ce

xvme

siècle qui le vit s'affirmer.

L'abolition des privilèges, l'égalité des droits, la liberté du commerce et de l'indus- trie sous la tutelle d'un Etat gardien des libertés individuelles concouraient à la pros- périté générale dans le bonheur des peuples.

La « Raison > gouvernait l'Etat et ne pou- vait conduire qu'à la paix dans l'abondance.

Le siècle allait mourir dans l'optimisme, mais alors même que Guizot consacre son

c Histoire de la démocratie > à une descrip- tion de la démocratie parlementaire dans la- quelle il voit l'aboutissement idéal de la suc- cession des régimes politiques, un juif alle- mand Karl Marx se fait le prophète d'une nouvelle espérance.

L'édification du capitalisme va entraîner un écart croissant entre les propriétaires des moyens de production et les travailleurs. La plus-value née du travail des prolétaires pro- fitera aux seuls possédants et la situation des travailleurs ira vers paupérisation absolue. La lutte des classes se dénouera par la· révolu- tion qui verra succéder à la victoire. des tra- vailleurs la dictature du prolétariat. Il revien- dra à la classe élue de réaliser cette société planétaire sans classes où les hommes seront pourvus selon leurs besoins et où l'Etat lui- même, dernier vestige des structures dépas- sées, s'évanouira faute de raisons d'exister.

Telles sont, Mesdames et Messieurs, et vous me pardonnerez si ce raccourci sommaire confine à la caricature, quelques idées maî- tresses de ce qu'il est convenu d'appeler c 1a Gauche > depuis que dans les assemblées dé- . Jibérantes françaises le parti d'opposition siège à la gauche du président.

Gauche libérale et gauche socialiste sont dès leur naissance bien plus qu'un mouve- ment d'opinion. Nous sentons bien qu'il ne s'agit pas seulement de nouvelles écoles et de nouvelles leçons sur la production des biens ou sur le gouvernement d~s hommes.

L'ordre ancien est contesté sur tous les plans : politique, social, économique et l'on peut déceler dans cette vision globale le pre- mier des traits communs de la pensée de gau- che : le phénomène politique apparaît comme inséparable du fait économique, ou, pour em- prunter le vocabulaire de Karl Marx, la su- perstructure politique ne se sépare plus de l'infrastructure économique et sociale.

Dans son livre c Gauche année zéro >,

M. Marc Paillet, qui nous présente son plan de réformes pour le monde de demain, expose (1) Discours prononcé à la séance solennelle de rentrée de la Conférence libre du Jeune Barreau de Liège, Je 21 novembre 1964.

les problèmes dans un ordre devenu classi- que : une économie, laquelle ? Un régime, le- quel?

La réaction contre l'ordre religieux établi en Europe continentale est un autre point commun des partis de la gauche.

Le tiers état révolté ne pouvait· pas ne pas mettre en cause les privilèges du clergé et ceux ql!i · décrétaient la légitimité nationale ne

·pouvaient pas ne pas contester le principe di- vin de la légitimité monarchique.

Plus profonde et plus radicale sera la ré- action marxiste.

Si les révolutionnaires de 1789 pourchas- sent les ecclésiastiques, ils édifient un autel à l'Etre suprême et ce qu'ils veulent abattre est moins l'image de Dieu qu'une certaine confusion entre les pouvoirs religieux et po- litique. Il s'agit d'un combat contre les clercs;

ainsi naîtra cet anticléricalisme qui a main- tenant tant de faveur chez un si grand nom- bre d'ecclésiastiques parmi lesquels les plus illustres.

Au contraire, la négation d'une vie sur- naturelle est de l'essence du marxisme qui ne peut pas ne pas voir la fin des choses dans les combats de ce monde et qui, à la pro- messe de l'au-delà, substitue la promesse d'un paradis terrestre.

Comme l'écrit Karl Marx : « La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple. >

Les armées françaises de la Révolution et de l'Empire ont fait plus que de conquérir nos territoires et d'y laisser les institutions du droit français; elles apportent avec elles un certain nombre d'images et de mots, un cer- tain nombre d'idées qui vont survivre au mes- sage de la Révolution et lui conférer une sorte d'éternité. Parmi ces images, l'une est éclatante et vouée à un succès grandiose.

C'est le combat du Progrès contre l'obscu- rantisme, les forces de la lumière contre les puissances de la Réaction.

La gauche, parti de l'avenir et de l'intelli- gence contre la droite, parti ·de la tradition et des privilèges.

En ce combat fameux, le Progrès ne cesse de vaincre. Ainsi se dessine une vision du monde ·qui concilie la foi dans la science, la confiance dans l'homme et dans son avenir.

Cette vision allégorique ne nous révélait pas le grand schisme qui allait diviser la gau- che au XIX" siècle.

La liberté allait se révéler redoutable sur le terrain économique et social; le divorce entre les travailleurs et les possédants allait se creuser et la lutte des classes allait se substituer au conflit entre les ordres.

Aussi bien la gauche cessait-elle d'être une sous l'unité apparente du verbe qui fait que l'on dit c homme de gauche > tout aussi bien le bourgeois voltairien que le métallo com- muniste d.e Billancourt.

A l'est de l'Europe, dans un Etat féodal et paysan où le despotisme est une vieille habi- tude, sans prolétariat industriel, en bref dans un pays, où selon les schémas marxistes la révolution ne peut pas éclater, quelques in- tellectuels s'emparent du pouvoir et cet ac- croc à l'orthodoxie marxiste ne sera pas la seule cause de division entre la gauche corn;;

muniste et la gauche socialiste.

Du socialisme humanitaire de Jaurès au communisme soviétique de Staline, qu'il y ait entre les deux l'espace d'une évolution ou d'une révolution, la distance est en tous cas consi- dérable.

M. Jules Moch, ancien ministre de la IV"

République française qui, comme vous pou- vez le constater, concilie la théorie à la pra- tique dans ses relations avec les communis- tes, consacre une partie de son livre c Con- frontations > aux différences. entre la pensée socialiste et la pensée communiste.

Sans doute, il s'agit dans les deux cas de créer une société sans classes fondée non sur la poursuite du profit mais sur la satisfaction des besoins, où chaque homme possédera les mêmes chances de s'épanouir pleinement par la démocratie intégrale étendue du politique à l'économique.

Mais l'identité des fins doctrinales ne peut être étendue ni aux moyens ni aux conditions de leur réalisation.

c Pour les. socialistes, une telle transfor- mation n'est pas seulement économique et politique : elle suppose en outre une modifi- cation de la mentalité et de la conscience de l'homme, la substitution à la notion d'inté- rêt individuel d'un sens profond du bien col- lectif qui suppose une longue maturation de l'esprit, dans la réalisation des conditions préa- lables à la transformation sociale.

> Telle n'est la conception ni des commu-

nistes de la Révolution russe, ni des Stali- niens d'aujourd'hui. Toute l'action bolchévi- que, préCédemment résumée, établit que pour un communiste la prise de pouvoir peut être réalisée n'importe où et. à n'importe quel mo- ment et que surtout tous les moyens sont bons ,s'ils rapprochent ou facilitent la vic- toire. >

Pour la pensée socialiste, la Révolution $0-

ciale est une œuvre de longue haleine : la conquête du pouvoir par les travailleurs con- stitue une condition nécessaire à la révolu- tion : elle n'est pas la révolution sociale.

c Les communistes au contraire ont pour objectif essentiel la conquête du pouvoir, quelle que soit l'évolution du pays, parce

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qu'ils entendent réaliser ultérieurement cette évolution, naturellement sous la contrainte avant d'aboutir à la transformation sociale ...

Les divergences doctrinales entraînent des op- positions de tactique. Si l'on admet avec les communistes que la conquête du pouvoir est nécessaire pour . permettre la transformation sociale et qu'elle peut être effectuée à tous moments, comme le notait déjà Léon Blum :

« Aucune modification favorable au proléta-

> riat ne peut être apportée à la société ac-

> tuelle >. Au contraire, les socialistes consi-

dèrent les réformes dans le cadre du régime comme des actes susceptibles d'accélérer l'évo- lution qui doit conduire à la transformation sociale. >

Il est donc clair que la différence entre la gauche ~mmuniste et la gauche socialiste touche plus aux moyens qu'à la finalité de l'action. Les ·théologiens diffèrent mais l'Evan- gile demeure le même.

La rupture est par contre totale entre la gauche bourgeoise et libérale et la gauche so- cialiste.

Il est vrai qu'historiquement en certafues occasions déterminées les partis qui se récla- ment de ces idéologies en Europe Occidentale ont réalisé entre eux une unité d'action : la défense de la laïcité de l'Etat, la célèbre que- relle de l' « école libre > ont pu en quelques concessions provoquer des rassemblements éphémères, elles ne peuvent rassembler une gauche qui n'existe plus.

La gauche libérale a rejoint la droite tra- ditionnelle parmi les ennemis du peuple et les grandes images du rêve ne sont plus cel- les du Progrès conduisant d'un mouvement continu l'humanité vers un monde meilleur, mais celles du combat de la classe élue - le prolétariat - assurant au lendemain de sa i;-évolution le bonheur des peuples. Dans la vieille devise révolutionnaire « Liberté - Egalité - Fraternité >, la liberté s'estompe et l'égalité s'affirme.

Il n'y à pas de religion même laïque sans création de mythes et celle-ci comme le décrit lucidement Raymond Aron, en suppose plu- sieurs : le mythe de la révolution, le mythe du prolétariat et ·du sens de l'histoire.

Si l'on considère définitivement la révolu-

ti~n comme un état privilégié, comme . l'in- strument nécessaire du progrès et des grands desseins de l'histoire, il convient de s'entendre sur le mot.

La révolution, au sens technique du mot, est la substitution par la violence d'un pou- voir à un autre.

En ce sens-là, la prise du pouvoir par cer- tains éléments de l'armée brésilienne, la con- quête de l'Etat par Benito Mussolini, ne peu- vent guère être autre chose que des révolu- tions. Il. n'est pourtant pas un homme de gauche qui leur reconnaitrait ·le bénéfice de cette appellation glorieuse.

Il est entendu une fois pour toutes que la révolution au sens privilégié du mot, est po- pulaire, égalitaire et dirigée contre la pro- priété individuelle.

. On. sait combien les transformations pro- fondes apportées au régime économique et social du Royaume-Uni par le travaillisme et le socialisme tranquille et audacieux des pays scandinaves intéressent peu les intellec- tuels · de gauche.

La violence demeure à leurs yeux l'instru- ment privilégié des grands desseins de l'his- toire et sans doute faut-il voir ·quelque nos- talgie romantique dans cette vision du Grand soir où passent des reflets sanglants.

· ...

« C'est beau, un beau crime >, disait l'un des premiers romantiques.

A la vérité, le succès du concept de la révolution chez les intellectuels, · qui sont en général les hommes les plus tranquilles du monde, n'est pas sans bénéficier du prestige du mot, lorsqu'il se dit d'une réaction contre l'esthétique classique ou contre les valeurs morales traditionnelles.

L'avant-garde littéraire ou artistique de cette première moitié du

xxe

siècle n'a cessé de mettre en cause d'une façon radicale les canons de l'art classique et il n'est jusqu'à notre langage qui n'ait subi l'effet d'une ré- volution.

A la vérité, l'art classique est souvent / l'art bourgeois et il n'est pas étonnant, l'observa- tion sociologique le révèle, que l'artiste d'avant-garde professe des opinions politiques avancées et que le tenant de la révolution politique se sente attiré par les audaces pic- turales ou littéraires.

Marcel Aymé a, dans le c Confort intel- lectuel >, décrit avec amusement la tentation révolutionnaire chez les littérateurs : « Nom- breux sont les écrivains, nous dit-il, qui écri- vent par exemple de la révolution avee une candidade exaltation et une parfaite ignorance sans y voir autre chose qu'un thème esthé- tique d'un rendement facile assuré. Pour ces fils de bourgeois· qui sont la plupart d'entre eux, c'est une façon d'être artiste, de mon- trer qu'on est dessalé et pas bourgeois du tout. Depuis une trentaine d'années, la notion de révolution s'est trouvée liée si intimement au domaine de la poésie et de la plastique qu'elle a fini par s'y intégrer. Ce qu'on a appelé révolution cubiste et révolution sur- réaliste, Jesquelles étaient à mon avis de sim- ples poussées de fièvre romantique, a habi- tué tout doucement les littérateurs à cette idée que la révolution est une esthétique et rien de plus ...

»C'est ainsi qu'un travailleur est tout au- tre chose qu'un homme fait comme les autres hommes et qui travaille. Il devient une fi- gure allégorique, une sorte de Vulcain trempé de sueur, de larmes et de sang, et occupé dans ses ateliers infernaux à fabriquer du frisson et de la poésie épique qui vous a une . gueule formidable.

> A leurs yeux, l'effervescence des masses

ne représente guère qu'un désordre violent et magnifique de quelque Parnasse et la dicta- ture du peuple, celle du poète jailli des sou- terrainetés de l'inspiration populaire.

> Le romantisme qui a largement exploité

sa mythologie de 89, qui a imprimé sa mar- que aux mouvements revendicatifs et révolu- tionnaires du XIXe siècle, est resté très vi- vant et très apparent dans la bataille sociale à laquelle il donne encore une résonance poétique. >

Nous savons combien les goûts artistiques d'un révolutionnaire peuvent évoluer dès qu'il a conquis le pouvoir et le réalisme soviétique a produit des œuvres que n'aurait pas dés- avouées la bourgeoisie victorienne.

La révolte contre l'ordre moral établi est souvent dans les desseins des politiques . et peut-être faut-il voir ·.dans cette réaction les traces de rébellion contre tout ordre · surna- turel, la niorale . tout court se confondant sou- vent avec la inorale religieuse·.

Les audaces libertaires ne survivent pas ·à l'épopée et le seul pays d'Europe qui ait réa- lisé une révolution aux conditions marxistes a conféré, une fois l'ordre rétabli, le statut d'institutions légales protégées au mariage et à la famille.

« Familles, je vous hais >, reste bien un cri d'artiste et un thème inépuisable pour écrivains bourgeois de bonne famille.

Le protélatariat occupe dans la mythologie de la gauche une place incomparable. L'image de la classe élue, payant de ses souffrances et de ses combats le bonheur de l'humanité, donne à l'idéologie sa grandeur et sa no- blesse.

La lutte des classes demeure au centre de la pensée de Karl Marx, qui écrivait de lui- même : « En ce qui me concerne, je n'ai ni le mérite d'avoir découvert l'existence des classes dans la société contemporaine, ni ce- lui d'avoir découvert leur lutte entre elles.

Longtemps avant· moi des historiens bourgeois avaient exposé le développement historique de cette lutte des classes et les économistes bourgeois l'anatomie économique des classes.

Ce que j'ai fait de nouveau, c'est d'avoir dé- montré:

> 1) que l'existence des classes ne se rat-

·tache qu'à certaines phases historiques du dé- veloppement de la production;

» 2) . que la lutte des classes mène néces- sairement à la dictature du prolétariat;

> 3) que cette dictature n'est elle-même

que la transition à la suppression de toutes les classes et à la société sans classes. »

Le mythe du prolétariat est peut-être celui qui a le plus contribué à rapprocher les chré- tiens ipr:ogressistes de la pensée marxiste. Il n'est pas difficile de voir une origine · chré- tienne dans ce mythe de la classe élue. ra- chetant l'humanité par ses souffrances et in- carnant collectivement le personnage du Mes- sie sauveur.

Pourquoi le prolétariat est-il élu ? Parce que l'étendue de ses souffrances, le caractère universel de sa situation font qu'il incarne à travers toutes les contingences la nature pro- fonde de l'homme et qu'il est le témoin pri- vilégié de la condition humaine. C'est la for- mule de Karl Marx : « Une classe avec des chaînes radicales, une,. classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une sphère qui possède un caractère universel par suite de ses souffran- ces universelles. >

Le Christ aussi tenait pour ses interlocu- teurs privilégiés les faibles et les déshérités.

Comment ne pas être frappé par l'observa- tion que la notion authentique de solidarité et la pratique de la charité soient si fami- lières au monde ouvrier et si étrangères au monde bourgeois. « Ce que nous cherchons, écrit l'auteur de « Jeunesse de l'Eglise >, mais ce que nous cherchons passionnément car si nous ne le trouvions pas nous sombrerions dans le désespoir, c'est une force historique, neuve, saine, préservée de toutes les sales combines du passé, capable d'accomplir ce que les autres se sont contentés de penser et d'utiliser égoïstement. Or précisément,· cette force existe : nous en avons découvert la densité, les virtualités au fur et à mesure que les événements nous rapprochaient du peuple, le seul monde moderne digne de notre espoir, c'est le monde ouvrier ... Non, les ou- vriers ne sont ni des surhommes ni des saints;

et ils se montrent· parfois assez faibles devant les turpitudes. dont les grands donnent l'exem- ple en les éÏ.-Ïgeant en vertus. Et cependant, malgré cela, ils portent en ellx. · . la jeunesse du monde neuf, neuf par rapport à celui qui se désagrège sous . nos yeux, mais qui, par- dessus les siècles ou à travers l'espace, rejoint les civilisations où l'argent, le capital n'avait point encore tout accaparé ou tout perverti. >

Il n'est point téméraire de se demander néanmoins si la classe ouvrière existe encore,

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si nous entendons par classe un groupe social

· aux caraètéristiques homogènes ayant con- science de son unité et se sentant sur le plan

·économique en opposition d'intérêt avec les

"autres groupes sociaux.

Dans nos sociétés industrielles occidentales, les progrès de la productivité et la tendance à· l'égalisation des revenus conduisent à la formation d'une classe moyenne de plus en plus nombreuse où le prolétariat se dilue et où le grand rêve ouvrier est de cesser de l "être en devenant bourgeois.

Là où le travaillisme triomphe, l'amélio- ration continue et concrète de la condition économique et sociale des travailleurs substi- tue à la · 1utte des classes une compétition dont l'âpreté n'altère pas le caractère paci- fique.

Lénine avait, dès 1903, déjà discerné les périls . du réformisme et pressenti le danger de voir la classe ouvrière perdre le sens de son combat dans la recherche de satisfactions limitées mais immédjates.

Là où le parti communiste triomphe, la dictature du parti, l'impossibilité pour le pro- létariat de s'organiser en tant que tel et de se donner le pouvoir de contester les décisions du régime font obstacle à toute unité d'ac- tion de la classe ouvrière et lui interdisent de jouer le rôle qui lui est dévolu par les prédictions marxistes.

Si le prolétariat n'existe plus, que dire de la révolution prolétaire ? L'histoire du monde n'offre pas d'exemple de révolution prolétaire, c'est-à-dire de révolution où la classe ou- vrière a pris le pouvoir et l'a conservé. Tout changement de régime, toute conquête du pouvoir, implique inéluctablement la substitu- tion d'une élite à une autre.

En toute forme de gouvernement une mi- norité de gouvernants impose sa volonté à une majorité de gouvernés ou pour reprendre la formule de Jean Lacroix : « Si le lien social est horizontal, le lien politique est tou- jours, tout au moins en partie, vertical. Il n'y a de gouvernement qu'aristocratique >.

Le prolétariat est constitué de quelques millions d'hommes qui par définition ne sont jamais une classe dominante et n'exercent pas le pouvoir.

Comme l'écrit Raymond Aron dans ses

« Nouvelles leçons sur les sociétés industriel- les > :- c: Je -ne préjuge pas de la qualité mo- rale ou politique des régimes qui se décla- rent prolétariens, je constate simplement que les régimes prolétariens ne sont pas ceux où le prolétariat est au pouvoir, ce sont ceux dans lesquels les détenteurs de rEtat décla- rent qu'ils gouvernent au nom du prolétariat, même si les prolétaires de chair et d'os ont des idées différentes de celles de leurs gou- vernants. >

Rien n'indique non plus qu'une novation dans le régime de la propriété entraîne pour le prolétariat la liberté économique.

Le transfert des moyens de production à l'Etat ou aux collectivités publiques laisse sub- sister le régime d'autorité au sein de l'entre- prise et rien ne démontre que des différences fondamentales existent entre la situation d'un ouvrier des Usines Citroën ou de la Régie Nationale Renault non plus qu'entre celle d'un ouvrier des Usines Ford et d'un combinat industriel soviétique.

Sans doute ne dira-t-on qu'à défaut de li- bération réelle il peut y avoir place pour une libération idéale. Peut-être l'ouvrier d'Etat n'a-t-il plus le sentiment d'être exploité, peut- être pour employer un mot à la mode, peut- il échapper à l'aliénation du prolétaire dans l'univers capitaliste.

Sans méconnaître la possibilité d'une telle libération, force nous est bien de constater qu'elle se place plus dans le domaine des idées sinon du rêve que dans celui des faits.

A la vérité, il n'est pas interdit de penser que l'oppression de la classe ouvrière procède plus de la structure de l'entreprise industrielle que de son régime de propriété, qu'elle est davantage liée à la dictature des fonctions qu'à la personne des dirigeants. Comme le no- tait Simone Weil, avec une ironie amère

< ••• quand je pense que les grands chefs

. bolchéviks prétendaient créer une · classe ou- vrière libre et qu'aucun d'eux - Trotsky sft- rement pas, Lénine je ne crois pas non plus - n'avait sans doute mis les pieds dans une usine et par suite n'avait la plus faible idée des conditions réelles qui déterminent la ser- vitude ou la liberté pour les ouvriers, la po- litique m'apparaît comme une sinistre rigo- lade >.

Si je mets en doute la survivance d'une

< classe > ouvrière au sens technique de l'ex-

pression, je ne nie pas que continuent à co- exister deux mondes différents dans leur fa- çon de vivre, leur sensibilité et leur culture : le monde ouvrier et le monde bourgeois.

Réserve faite de la dualité de cultures qui se dilue sous nos yeux dans le plus grand dénominateur commun de la culture de mas- ses.

Je reconnais volontiers d'autre part que les perspectives d'avenir sont plus favorables au monde ouvrier qu'au monde bourgeois. En fait, la bourgeoisie; qui fut une élite, a dé- missionné et le prolétariat est en train d'oc- cuper une place à prendre.

Avant de sombrer dans la décadence et d'illustrer les jardins de Versailles, les aristo- crates ont tenu une place qui ne leur était pas disputée et les privilèges qu'ils détenaient étaient hommage à leurs vertus.

La bourgeoisie qui fut par ses qualités de travail et d'audace le levain de l'Europe in- dustrielle a perdu le sens de ses entreprises et nous savons combien sont précaires les privilèges qui ne trouvent plus leur cause dans une finalité sociale. Panem et circenses, di- saient les Romains de l'Empire.

Craignons, Messieurs, que ceci aussi ne soit notre épitaphe.

Le parti de la gauche a pour lui la confiance dans l'avenir. Assuré qu'il est que le sens de son combat et le sens de l'histoire, que son aboutissement ultime - la société sans classes - est le devenir de l'humanité, il ne peut être que le parti du progrès. Le parti révolutionnaire

est < le complice de la destinée et l'exécu-

teur des volontés morales de l'humanité >.

Une philosophie de l'histoire, écrit Mer- leau-Ponty dans c: Humanisme et Terreur >, suppose que l'histoire humaine n'est pas une simple somme de faits juxtaposés - décisions et aventures individuelles, idées, intérêts, in- stitutions, mais qu'elle est dans l'instant et dans la succession une totalité en mouvement vers un état privilégié qui donne le sens de l'ensemble >.

L'histoire a-t-elle un sens ? La succession des événements est-elle soumise aux lois du détermiitisme historique ou au hasard des contingenGes et du libre arbitre ?

S'il est vrai que le cœur a ses raisons, vous me permettrez de donner de mon choix les raisons ·du cœur. Elles sont de Saint-Exu- péry. Je les ai trouvées dans c Citadelle >,

qui est, vous le savez, ce royaume de rêve où Saint-Exupéry raisonne des hommes et des choses en incarnant le personnage du Roi et en se donnant comme interlocuteurs imagi-

naires les fonctionnaires de son administration, qu'il baptise ses c généraux >.

« Mes généraux, dans leur solide stupidité, me fatiguaient de leurs démonstrations. Car, réunis comme en congrès, ils se disputaient sur l'avenir. Et c'est ainsi qu'ils désiraient se faire habile. Car à mes généraux, on avait d'abord enseigné l'histoire et· ils connaissaient une par une toutes les dates de mes conquê- tes et toutes celles de mes défaites et celles des naissances et celles des morts. Ainsi leur paraissait-il évident que les événements se déduisent les uns des autres. Et ils voyaient l'histoire de l'homme sous l'image d'une lon- gue chaîne de causes et de conséquences qui prenait sa racine dans la première ligne du livre d'histoire et se prolongeait jusqu'au cha-·

pitre où l'on notait pour les générations fu- tures que la création avait ainsi heureusement abouti à cette constellation de généraux.

Ainsi, ayant pris trop d'élan, de conséquence en conséquence démontraient-ils l'avenir. Ou bien, ils me venaient, chargés de leurs lour- des démonstrations : « Ainsi dois-tu agir pour

> le bonheur des hommes ou pour la paix,

>ou pour la prospérité de l'empire. Nous

> sommes des savants, disaient-ils, nous avons

> étudié l'histoire... >

> Mais je savais qu'il n'est de science que

de ce qui se répète. Celui-là qui plante une graine de cèdre prévoit l'ascension de l'arbre de même que celui-là qui lâche une pierre prévoit qu'elle choira, car le cèdre répète le cèdre et la chute de la pierre répète la chute de la pierre bien que cette pierre qu'il va lâcher ou que cette semence qu'il enterre n'ait encore jamais servi. Mais qui prétend prévoir la destinée du cèdre qui, de graine en arbre et d'arbre en graine, de chrysalide en chry- salide se transfigure ? Il s'agit là d'une ge- nèse dont je n'ai point encore connu d'exem- ple. Et le cèdre est espèce neuve qui s'éla- bore sans rien répéter que je connaisse. Et j'ignore où elle va. Et j'ignote de même où vont les hommes.

> Ils exercent certes leur logique, mes gé-

néraux, quand ils cherchent et découvrent une cause à l'effet qui leur est montré. Car, me disent-ils, tout effet a une cause et toute cause a un effet. Et de cause à effet, il s'en vont redondants vers l'erreur. Car autre chose est de remonter des effets aux causes ou de descendre des causes aux effets.

> Moi aussi, dans le sable vierge et répandu à la façon d'un talc, j'ai relu, après coup, l'histoire de mon ennemi. Sachant qu'un pas est toujours précédé d'un autre pas qui l'au- torise et que la chaîne va de chaînon en chaînon sans qu'aucun chaînon puisse jamais manquer. Si le vent ne s'est point levé et, tourmentant le sable, n'en a point essuyé la page d'écriture superbement comme d'une ar- doise d'écolier, je puis remonter d'empreinte en empreinte jusqu'à l'origine des choses ou, poursuivant la caravane, la surprendre dans le ravin ·où elle a cru bon de s'attarder.

Mais au cours de cette lecture, je n'ai point reçu d'enseignement qui me permît de la: pré- céder dans sa marche. Car la vérité qui la domine est d'une autre essence que le sable dont je dispose. Et la connaissance des. em- preintes n'est que connaissance d'un reflet stérile lequel ne m'instruira ni sur la haine, ni sur la terreur, ni sur l'amour . qui d'abord gouverne les hommes.

·» -'-- Alors, me diront-ils, mes généraux, solidement plantés dans leur stupidité, tout se démontre encore. Si je connais la haine, l'amour ou la terreur qui les domine, je pré- voirai leurs mouvements. L'avenir donc est contenu dans le présent. ..

» Mais je leur répondrai qu'il m'est tou- jours possible de prévoir la caravane un pas

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de plus qu'elle n'en a fait. Ce pas nouveau répétera sans doute l'autre dans sa direction et dans son ampleur. Il est science de ce qui se répète. Mais elle s'échappe bientôt hors du chemin que ma logique aura tracé car elle changera de désir... >

La querelle est célèbre et il est sans aucun doute présomptueux de la trancher en quel- ques mots vers la fin d'un discours, mais il est certain en tout cas que la définition de cet état privilégié qui donne son sens à l'his- toire, est un choix qui relève non de la science, fût-ce de l'histoire, mais de la philo- sophie et par conséquent arbitraire, et vous me permettrez de citer une fois encore Ray- mond Aron : « Le philosophe, non histo- rien, sait ce que l'homme cherche. L'historien;

non le philosophe, nous apprend ce que l'homme a trouvé, ce que demain peut-être, il trouvera. >

Que dire du Progrès ? Lui sans qui, la gauche ne serait que ce qu'elle est.

La notion de progrès à l'état pur apparaît liée aux activités humaines qui ont un résul- tat quantitatif.

L'accumulation des connaissances humaines est un progrès et l'on peut y voir un sens de notre histoire avec la formule de Pascal :

« L'Humanité est comparable à un homme qui apprendrait continuellement. >

L'accumulation des moyens de production est un progrès.

Par contre, un minimum d'esprit critique permet de discerner ce que la notion a d'équivoque et d'incertain appliquée à l'éco- nomie ou à la politique.

L'économie la plus prospère et la plus dy- namique conduit-elle au régime de répartition des ressources le plus équitable ?

L'efficacité mène-t-elle à la justice?

La démocratie parlementaire est-elle le ré- gime idéal ou la · dictature du prolétariat ?

« Il n'y a, disait Kipling, que deux façons de gouverner les hommes : casser les têtes ou les compter. >

La politique est l'art du possible et cha- que régime esquisse en tâtonnant sa solution qui ne peut être parfaite à cet éternel pro- blème des sociétés politiques : la stabilité sans la dictature, la démocratie sans la dé- magogie.

Je n'entends pas que ces propos dénient à l'idée du Progrès toute d'ordre spirituel et même toute dans cet ordre.

sceptiques résonance efficacité Je ne nie pas la noblesse d'un espoir de justice qui s'appellerait espoir du progrès et sans doute faut-il voir les· effets de ce que l'on peut appeler un progrès de la conscience morale universelle dans cette compréhension du malheur des autres, dans ce souffle de charité et de justice qui amène l'opinion pu- blique des pays industriels à poser à leurs dirigeants le ·problème des pays sous-déve- loppés.

Mon propos - car vous pensez bien que je n'oserais pas aller jusque là - n'est pas de nier le Progrès mais d'abattre une idole et de démystifier un vieux rêve.

A la vérité, le grand rêve révolutionnaire dont je vous ai entretenu est déjà pour nous, gens d'Europe, gens de raison et de scepti- cisme, un grand moment du passé.

En cette Europe d'Occident, où ont jailli toutes ces étincelles qui ont embrasé le monde, la ferveur révolutionnaire est morte.

L'homme d'aujourd'hui n'y a plus ni espé- rance ni désespoir; il lui reste l'inquiétude de son insatisfaction. L'épopée a disparu· de

nos cœurs, et pour rétablir l'équilibre entre la droite et la gauche, c'est à Mme Simone de Beauvoir que j'emprunte cet apologue où je vois assez bien l'aboutissement de nos rê- ves : « Plutarque raconte qu'un jour Pyrrhus faisait des projets de conquêtes. Nous allons d'abord soumettre la Grèce. Et après, dit Cinéas ? Nous gagnerons l'Afrique. Après l'Afrique? Nous passerons en Asie, nous con- querrons l'Asie Mineure, l'Arabie. Et après?

Nous irons jusqu'au Indes. Après les Indes?

Ah, dit Pyrrhus, je me reposerai. Pourquoi, dit Cinéas, ne pas vous reposer tout dé suite? >

J'eusse volontiers terminé ce discours sur.

cette constatation désenchantée.

Si la gauche n'est que ce qu'elle est et si l'on peut dire de la droite, ce qu'Albert Thi- baudet disait de. l'orléanisme, qu'elle c ne re- présente pas une idée mais qu'elle n'est que contre les idées >, comment ne pas dévisager avec un scepticisme certain les jeux du fo- rum?

Il reste que les vertus de l'Etat sont avant tout les nôtres. Il n'est pas de république qui ne trouve la source de sa grandeur et ses raisons d'espérer dans le cœur de ses citoyens.

S'il faut croire au Progrès, je crois à ce

c supplément d'âme > dont nous avons besoin et c'est Mesdames, Messieurs la grâce que je vous souhaite.

Roger RAsm.

JURISPRUDENCE

Cass. ( 1 fe ch.), 19 novembre 1964.

Siég.: MM. LouvEAUX, prés., et PERRICHON, cons.

Min. publ. : M. MA.HAUX, av. gén.

(Commttne de Péronnes-lez-Binche c. Scheerlinck) COMMISSAIRE DE POLICE. - Fonc- tion de police administrative. - Exercice pour l'exécution du règlement général sur la police de la circulation routière des fonc- tions propres aux autorités communales. - Discrimination incertaine. - Cassation.

Dans ses fonctions de police adminis- trative, le commissaire de police n'agit pas necessairement en qualité d'organe de la commune. Doit être cassé l'arrêt dont les constatations ne permettent pas de déterminer si le commissaire de po- lice a agi pour l'exécution des disposi- tions du règlement général sur la police de la circulation routière, ou s'il a exercé une fonction propre aux autori- tés communales.

Attendu que, pour justifier la respon- sabilité qu'il attribue à la commune de- manderesse, l'arrêt se fonde sur ce que le commissaire de police a agi en qua- lité d'organe de cette dernière en pre- nant l'initiative d'encadrer par des po- liciers et d'escorter sur la voie ·publique, à l'issue d'un cortège canavalesque, un groupe non éclairé, initiative dont l'exé- cution s'est révélée fautive en raison, notamment, du défaut de signalisation suffisante de ce groupe ainsi autorisé à circuler irrégulièrement et sans protec- tion adéquate sur la chaussée;

Attendu que la demanderesse soute- nait en conclusions que, si le commis- saire de police avait commis une faute, il n'avait pas agi en tant qu'organe de la commune; qu'elle fondait cette défense sur ce « que le commissaire de police est un organe du pouvoir central lors- qu'il participe à l'exécution d'un règle- ment de police générale; que le com- missaire de police, n'ayant certes pas agi dans le cadre de la police de « la

» sûreté du passage sur les voies publi-

» ques »prévue par le décret de 1790, le- quel ne vise que le bon état matériel de la voirie, n'a pu agir que dans le cadre de la police du roulage et afin de. prévenir les accidents (loi du 1"'r août 1899, art. 4, et arrêté royal du 12 février 1934, art. 4, alors en vi- gueur)

»;

Attendu que, pour rejeter cette dé- fense et justifier sa décision, l'arrêt re- lève qu'en sa qualité d'officier de police administrative, le commissaire de police

« est chargé, sous l'autorité du bourg- mestre, de veiller. notamment à l'exécu- tion des lois et règlements de police· en toute matière, ainsi qu'à la sécurité de la circulation; que, dans ses fonctions d'officier de police administrative, il agit en qualité d'organe de la commune et non comme organe du pouvoir cen- tral »;

Attendu que, dans ses fonctions de police administrative, le commissaire de police n'agit pas nécessairement en qua- lité d'organe de la commune;

Attendu que les constatations de l'ar- rêt ne permettent pas de déterminer si, à l'estime du juge du fond, le commis- saire de police a agi, en l'espèce, pour l'exécution des dispositions du règle- ment général sur fa police de la circu- lation routière, comme le soutenait la demanderesse, ou s'il a exercé une fonc- tion propre aux autorités communales et trouvant son fondement légal, notam- ment, dans le décret du 14 décembre 1789 et la loi des 16-24 août 1790;

Que la décision attaquée n'est, dès lors, ni régulièrement motivée, ni léga- lement justifiée, et que le moyen est fondé;

Par ces motifs : LA CouR,

Casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il porte des condamnations contre iJ.a de- manderes·se en se fondant sur ce que le commissaire de police a agi comme or- gane de celle-ci;

Gand ( 6e ch.), 6 mai 1964.

Siég.: MM. SoENENs, prés.; BEVERNAEGE et DE

BRAUWERE, cons.

Min. publ.: M. ELY, av. gén.

Plaid.: MMes D'HoNT, GEIRLANDT et LAGAE.

(Etat belge et ville de Gand c. X) URBANISME. - Autorisation de bâtir, - Délit continu. - Rétroactivité.

Le maintien, après l'entrée en vigueur de la loi du 29' mars 1962, d'une con- struction élevée en violation de l'arrêté- loi du 2 décembre '1946, tombe sous l'ap- plz"cation de la loi nouvelle.

... ...

(Traduction)

Considérant que, comme le premier juge l'a judicieusement montré, le pré- venu a construit un bâtiment en contra-

(5)

vention avec les conditions qui lui avaient été imposées par l'autorisation de bâtir;

Que la cour n'a pas compétence pour apprécier le bien-fondé de ces condi- tions;

Considérant que la construction de ce bâtiment constituait dans ces circonstan- ces une infraction qui tombait sous l'ap- plication de l'ancien arrêté-loi du 2 dé- cembre 1946;

Considérant que la iloi du 29 mars 1962 réprime le· maintien d'un bâtiment élevé fautivement;

Que la violation des dispositions léga- les prévues à la citation constituent un délit continu;

Que le prévenu tombe sous le coup de cette législation nouvelle, pour avoir maintenu, après que la loi susdite du 29 mars 1962 fut entrée en vigueur, le bâtiment qu'il avait éllevé fautivement;

Que la circonstance qu'il n'ait été poursuivi sous l'empire de l'ancienne lé- gislation n'empêche en rien l'applica- tion de la nouvelle;

Par ces motifs :

(Le surplus sans intérêt.)

** *

OBSERVAT IONS. - L'arrêt rapporté pose un problème délicat.

Il ressort de ses motifs que le prévenu avait, sous l'empire de l'arrêté-loi du 2 décembre 1946, élevé une construction non conforme à l'autorisation de bâtir qui lui avait été délivrée; qu'il n'avait néan- moins pas été poursuivi· avant l'entrée en vigueur de la loi du 29 mars 1962; qu'il avait maintenu sa bâtisse après cette mise en vigueur; et qu'il fut poursuivi et condamné du chef d'infraction à la loi nouvelle.

Pareille condamnation n'enfreint-elle pas la règle de non-rétroactivité formulée par l'article 2 du Code pénal?

L'infraction· réprimée par l'arrêté-loi de 1946 con- sistait en un acte : construire, démolir ou recon- struire. Elle était instantanée (Cass., 12 févr. 1951, Pas., 1, 378; - Idem, 6 févr. 1961, R.W., 1960-61, 2019).

Celle que frappe la loi de 1962 consiste, non plus seulement en l'exécution de travaux, mais encore en leur maintien. Elle est donc continue (travaux préparatoires, Sénat, session 1959-60, rapport n° 275, p. 61).

. Le maintien, après le 22 avril 1962, d'une bâtisse

· élevée avant cette date, qui est celle de la mise en vigueur de la loi du 29 mars, peut-elle tomber sous l'application de celle-ci ?

Il nous semble que non.

Cette loi érige en effet en délit un fait : le main- tien, que ne réprimait pas l'ancienne. Seule la con- struction peut donc être imputée à son auteur, con- formément à l'arrêté-loi de 1946, et à condition que l'action pénale ne soit pas prescrite.

Une comparaison est de nature à le démontrer.

Le faux et l'usage de faux sont, sauf exception, des infractions continues qui ne se prescrivent qu'à da- ter du dernier· fait d'usage, même à l'égard du faussaire qui n'aurait pas participé à l'usage du faux. Supposons un faux. Et son usage par un au- tre que le faussaire. Si une loi nouvelle venait · ag- graver la répression des faux entre le moment du faux et celui de son dernier usage par un tiers, elle ne pourrait d'évidence être appliquée au faussaire, celui-ci demeurant passible de la seule peine en vi- gueur à la date de son crime.

Il ne saurait en être autrement en matière d'ur- banisme. C'est d'ailleurs ce qu'a décidé, en un ju- gement solidement motivé du 18 avril 1964, le tri- bunal correctionnel d'Anvers (R.W. 1963-64, 1926;

- de Gemeente, 1964, 556).

Co~r. Brux. (22e ch. bis), 3 novembre 1964.

Siég.: M. GROSEMANS, vice-prés.; M. MoRETUs PLAN-

TIN DE BoucHOUT et Mme WRZESINSKI-CouTURIER, juges.

Min. publ. : M. STAMPE, pr. subst. proc. Roi.

(Proc. du Roi c. S ... , f ... et D ... ) USURE. - Dépassement de l'intérêt nor- mal de 9 %. - Taux de chargement maxi- mum: 4 %. - Erreur invincible. - Rejet.

- SOCIETE ANONYME. - ADMINISTRA-

TEUR. - Obligation d'exercer un contrôle effectif et constant. - Responsabilité géné- rale.

1. - L'intérêt normal, qui correspond, au moment du prêt à la valeur de la jouissance du capital ne dépasse pas 9 % l'an. La couverture des risques, qui doit en principe être analysée et appré- ciée au regard de chaque emprunteur, le risque étant pratiquement nul lorsque l'emprunteur est fonctionnaire ou four- nit des garanties accessoires, ne peut, dans les cas les plus aléatoires, être esti- mée à plus de 4 %- Les chargements, obtenus habituellement au moyen de l'abus des besoins ou de l'ignorance des emprunteurs, sont constitutifs de l'usure au sens de l'article 494 du Code pénal, Les prévenus ne peuvent dès lors, béné- ficier d'une cause de justification ou d'excuse tirée d'une prétendue erreur invincible.

II. - Les administrateurs d'une so- ciété anonyme en acceptant ce titre, as- sument une responsabilité tant vis-à-vis des associés que vis-à-vis des tiers; ils ont, non seulement le droit, mais l'obli- gation d'exercer un contrôle constant et effectif sur toutes les opérations de la société. même si, pour la facilité, les pouvoirs de gestion journalière ont été confiés au seul administrateur-délégué.

Prévenus:

Les trois : dans l'arrondissement judi- ciaire de Bruxelles et de connexité ail- leurs en Belgique, du 25 septembre 1962 au 13 février 1963;

... S'être fait, en raison de prêts de sommes d'argent contractés sous quelque forme que ce soit, promettre pour eux- mêmes ou pour autrui des intérêts ou d'autres avantages excédant manifeste- ment l'intérêt normal et la couverture des risques de ces prêts, en l'espèce notamment:

Mtendu que la S.A. C ... , constituée par acte du notaire X... à Ixelles, en date du... a pour objet social toutes opéra- tions généralement quelconques de cré- dit, de financement et de prêts sous quelque forme que ce soit;

Attendu que le premier prévenu S ...

y exerce les fonctions de président du conseiil d'administration et d'adminis- trateur-délégué depuis sa constitution;

que les prévenus J ... et D ... furent, dans la suite, nommés administrateurs;

Attendu qu'il résulte, tant de l'infor- mation que de l'instruction de l'affaire à l'audience de ce tribunal, que la so- ciété C... pratique de manière habituelle des prêts d'argent à des particuliers, qui s'engagent à rembourser les sommes prêtées en un certain nombre de ver- sements égaux à échéances mensuelles;

A. ---: Quant au caractère usuraire des opérations critiquées :

Attendu que l'examen des -divers dos- siers dont le détail est repris à la pré- vention fait apparaître :

- que les emprunteurs étaient, pour la plupart, des personnes d'un standing économique modeste obligées de faire face, sans retard, à des difficultés ur- gentes, cf. notamment :

E., frais de clinique; S., concierge, frais de maladie du mari; B., employé, achat de meubles indispensables; P., employé, frais d'accouchement; D., frais de maladie; B., frais d'hospitalisation;

V., frais de funérailles; W., frais pour soins dentaires;

- qu'au moment où 'le prêt était sol- licité, une certaine somme était géné- ralement exigée de l'emprunteur à titre de « frais de dossier » ou «. frais d'en- quête », cf. :

B., 65 fr.; E., 81} fr.; S., 6() fr.; D., 60 fr.; B., moins de 100 fr.; B., environ 100 fr.; D., 60 ou 80 fr.; B., 80 fr.;

que vainement devant la concordance des affirmations des emprunteurs, le pré- venu S... conteste que pareille exigence ait été formulée;

- que dans plusieurs des cas exami- nés la date fixée pour la première échéance de remboursement se situait moins d'un mois après la conclusion du contrat, notamment :

E., contrat 24-12-62, 1re échéance, 15-1- 63; S., contrat 18-12-62, 1re échéance, 11-1-63; B., contrat 18-1-63, 1re échéance, 10-1-63; P., contrat 27-9-62, 1re échéance, 10-10-62; B., contrat 28-11-62, 1re échéan- ce, 1-=12-62;

- qu'enfin, l'octroi de plusieurs prêts a été subordonné par la société prê- teuse à la condition que l'emprunteur souscrive au préalable, auprès d'une au- tre société, dirigée par le premier pré- venu une police d'assurance « incendie » ou « mobilier ~ que les primes afférentes à cette assurance venaient ainsi grossir la charge imposée aux emprunteurs;

Attendu que ces différentes conditions imposées par la société prêteuse font ap- paraître que les taux de chargement, calculés selon la méthode de l'échéance moyenne (dont la pertinence n'est pas discutée) atteignirent les montants sui- vants :

P., 23,86 % ; L., 21,60 % ; W., 20,69 % ; B., 29,86 %; S., 32,97 %; E., 37,64 %;

D., 22,80 % ; B., 25,53 % ; V., 29,86 % ; B., 27,56 %;

Attendu que pareils chargements n'ont pu être obtenus qu'en raison soit de l'état de besoin des emprunteurs au mo- ment où ils ont contracté, état résultant des dépenses exceptionnelles et urgentes auxquehles ils avaient à faire face (E., S., B., V., P., B., W., iD., B.) soit de l'ignorance dans laquelle la société les avait laissés au sujet du taux réellement exigé (E., D., F.);

Attendu que les chargements ainsi re- levés, que la société prêteuse s'est fait promettre, excèdent manifestement l'in- térêt normal et la couverture des risques de chacun des prêts consentis; que sui- vant la jurisprudence de ce tribunal, l'intérêt normal, qui correspond, au mo- ment du prêt à fa valeur de la jouis- sance du capital ne dépasse par 9 % l'an; que d'autre part, la couverture des risques, qui doit en principe être ana- lysée et appréciée au regard de chaque emprunteur en particulier (le risque étant pratiquement nul lorsque l'emprun- teur est fonctionnaire ou lorsqu'il four- nit des garanties accessoires telles que cession de salaire, caution solidaire ou aval), ne peut, dans les cas les plus aléa-

(6)

toires, être estimée à plus de 4 % (taux habituel de la prime d'assurance cré- dit, exigée par les compagnies spéciali- sées);

Attendu que pareils chargements, ob- tenus habituellement par la société prê- teuse dans les circonstances prérappe-_

lées, au moyen de l'abus des besoins ou de l'ignorance des emprunteurs, sont constitutifs de l'usure au sens de l'ar- ticle 494 du Code pénal;

Attendu que vainement les prévenus soutiennent avoir été victimes, dans l'établissement des conditions d'octroi des prêts, d'une erreur invincible, ex- cluant dans leur chef, l'existence ou même la possibilité de l'intention frau- duleuse requise pour la perpétration d'un délit; qu'ils prétendent avoir ap- pliqué de bonne foi aux prêts person- nels, les taux admis par le législateur, en matière de ventes et prêts à tempé- rament (arrêté royal du 23 décembre 19'5,7);

Attendu que .Je simple examen des taux de chargement ci-dessus relevés, démontre l'inexactitude de pareille al- légation, les taux autorisés pour les ven- tes et prêts à tempéraments (matière d'ailleurs étrangère à celle des prêts personnels, étant en tous cas dépassés en l'espèce, en raison des pratiques rappe- lées ci-dessus;

Attendu que les prévenus ne peuvent dès lors, en aucune manière, bénéficier d'une cause de justification ou d'ex·cuse tirée d'une prétendue erreur invincible;

B. - Quant à la responsabilité pénale des prévenus :

Attendu que le prévenu S., adminis- trateur-délégué et président du conseil d'administration ne conteste pas avoir été à l'origine de l'établissement des ba- rèmes appliqués aux opérations de prêt;

qu'il reconnaît en porter la responsabi- lité tout en précisant que ces barèmes furent discutés et adoptés en conseil

· d'administration;

Attendu que c'est vainement qu'il con- teste que des frais de dossier aient été exigés des clients de la société; que si pareils frais, incontestablement payés par les emprunteurs eussent été exigés à son insu ou à l'encontre des instruc- tions données, par des membres de son personnel ou des représentants, il n'eût pas manqué notamment après son audi- tion par la police judiciaire en date du 26 mars 1964, de démasquer les respon- sables de ces pratiques, ne fût-ce que pour dégager sa propre responsabilité;

qu'il n'en a rien fait et que, à l'audience même à laquelle il présenta sa défense, il n'apporta sur ce point, aucune pré- cision;

Attendu que les affirmations concor- dantes des témoins entendus ne permet- tent pas de douter de la réalité des au- tres pratiques critiquées, que le prévenu S... ne pouvait ignorer et grâce auxquel- les, comme il a été exposé plus haut, le taux de chargement augmentait dans de notables proportions;

Attendu que le rôle joué par les deu- xième et troisième prévenus dans l'ad- ministration de la société était certes assez réduit; que le deuxième prév·enu soutient que ses compétences ne le met- taient pas à même d'exercer un contrôle quelconque, soit sur les barèmes, soit sur les conditions imposées aux emprun- teurs; que le troisième prévenu déclare en ses conclusions écrites, n'avoir pris aucune part à 1a gestion de la société, n'avoir exercé aucune surveillance sur

la gestion assurée par le premier pré- venu et avoir été laissé dans l'ignorance complète, par ce dernier, de sa façon de traiter avec les tiers; qu'il ajoute que le conseil d'administration ne s'est ja- mais réuni, pour discuter les barèmes, et que ceux-ci étaient d'ailleurs en vi- gueur avant qu'il ne devienne adminis- trateur; qu'il :reconnaît toutefois avoir eu connaissance du barème ·et l'avoir admis;

Attendu que ces divers arguments sont dénués de pertinence; que les adminis- trateurs d'une société anonyme en ac- ceptant ce titre, assument une respon- sabilité tant vis-à-vis des associés que vis-à-vis des tiers; qu'Hs ont, non seule- ment le droit, mais l'obligation, d'exer- cer un contrôle constant et effectif sur toutes les opérations de la société, même si, pour la facilité, les pouvoirs de ges- tion journalière ont été confiés au seul administrateur-délégué;

Attendu que l'administrateur a le droit et l'obligation de se renseigner; que cette prérogative constitue la contre-par_

tie naturelle de la responsabilité qui nor- malement lui incombe (Escarra et Rault, Traité théorique et pratique du droit commercial, 1959, L IV, p. 189, et l'étude publiée par Lucien Simont, dans la Re- vue pratique des sociétés civiles et com- merciales, juillet-août 1963, n° 5148)

« L'administrateur d'une société ano- nyme agissant isolément a-t-il un droit d'investigation individuelle »;

Attendu qu'en négligeant d'user de leur pouvoir d'investigation individuelle et d'exercer un contrôle effectif sur les opérations traitées par la société, les deuxième et troisième prévenus ont ren- du possible et facilité la réalisation des prêts usuraires analysés ci-avant; qu'ils ont ainsi participé à des actes délictueux et que leur responsabilité pénale est en- gagée, au même titre que celle du pre- mier prévenu quoique dans une mesure moindre;

que pas plus que le premier prévenu, les deuxième et troisième prévenus ne peuvent prétendre, eu égard notamment aux taux pratiqués, avoir versé dans l'er- reur invincible;

Attendu que la prévention est dès lors établie dans le chef des trois prévenus;

Par ces motifs :

LE TRIBUNAL,

Condamne ...

OBSERVATIONS. - Le jugement rapporté est frappé d'appel par le ministère public et par les parties condamnées.

Corr. Bruxelles (22e ch. bis), 29 juin 1964.

Siég.: M. HÉNAUX, vice-prés.; M. MoRETUS PLAN- TIN DE BoUCHOUT et Mme WRZESINSKI-COUTURIER, juges.

Min. pub!., M. STAMPE, pr. subs. proc. du Roi.

Plaid. : MM"8 P. ANSIAUX, GILSON DE ROUVREUX et P. HEMELEERS.

(Proc. du Roi c. d'U ... )

USURE. - Article 494 du Code pénal. - Portée. - Conditions de l'infraction. - I. PRET D'UNE SOMME D'ARGENT. - Exclusion de toute autre opération juridique.

- II. REALISATION DE L'INFRACTION.

- MOMENT. - Remise des deniers. - III.

INTERET OU AUTRES AVANTAGES. - Notion. - Portée. -- Frais inhérents à l'ex- ploitation commerciale. - Charge du prêt.

- IV. TAUX NORMAL DE L'INTERET. -,- Notion. - Appréciation du tribunal. - V ..

ABUS DES BESOINS. - Forme d'un abus de confi~ce. - Contrainte morale. - Be-·

soins essentiels. - Appréciation du tribun.al.

- ABUS DE L'IGNORANCE. _._ Notion. - CARACTERE HABITUEL DE VABUS.

VI. ERREUR INVINCIBLE. -- Notion. - Application.

I. - L'article 494 du Code pénal vise uniquement les contrats de prêts d'ar- gent, à l'exclusion de toute autre opéra- tion juridique et de tout autre moyen de se procurer une remise de fonds, tels la vente d'objets, la fourniture de presta- tions et de services ou le financement de l'zzne de ces opérations.

Il. - En matière d'usure, « le fait » est consommé dès l'instant où le contrat de prêt est parfait soit au plus tard au moment où les deniers ont été remis à l'emprunteur; les faits postérieurs qui sont la conséquence directe ou indirecte du prêt ne peuvent être pris en consi- dération; il s'agit d'un délit formel re- gardé par la loi comme consommé avant même que le résultat recherché par l'agent (le prêteur) n'ait été atteint.

III. - Un des principes essentiels de l'article 494, alinéa 2, est basé sur l'exis- tence d'une plus ou moins grande équi- valence entre deux notions : la pre- mière, « l'intérêt normal plus la couver- ture des risques », la seconde, « l'intérêt promis ou les autres avantages ». C'est au tribunal qu'il appartient d'examiner les deux termes de cette équivalence et de dire si le contenu du second terme excède ou non manif estemenf le con-.

tenu du premier, étant entendu qu'au vœu même du texte de l'article 494-2, rien ne peut être ajouté à·« l'intérêt nor- mal et à la couverture des risques '>. Si le législateur n'a évidemment pas en- tendu prohiber le remboursement au prêteur des frais inhérents à toute en- treprise commerciale, il n'en demeure pas moins qu'il a voulu empêcher celui- ci de grossir démesurément la valeur de jouissance du capital par des frais gé~

néraux excessifs ou non sans commune mesure avec le service rendu à l'em- · prunteur. La charge du prêt comprendra notamment le bénéfice ainsi que les frais de constitution du dossier, d'enquête, de publicité, d'administration, etc., néces- saires à la réalisation de la convention;

cette charge globale du prêt est le seul critère légal valable dans la protection·

que la loi pénale accorde à celui qui·

est amené à contracter un emprunt puis- que c'est finalement dans son chef (et non dans celui du prêteur) que doit s'analyser le coût total de l'opération litigieuse établi selon la méthode dite de l'échéance moyenne. ·

IV. - Le «taux normal de l'intérêt»

est celui qui correspond au moment dli prêt à la valeur de la jouissance du capi-:- tal; il s'agit de l'intérêt généralement pra- tiqué et non de celui appliqué par les seuls établissements spécialisés dans le domaine du prêt personnel. Dans une appréciation large des taux ci-avant re- levés le tribunal considère que romprait l'équilibre nécessaire et influencerait le premier terme de l'équivalence (intérêt normal plus couverture des risques) toute somme (représentant l'intérêt ou les autres avantages) qui dans le s~cond terme de l'équivalence,. excéderait mani- festement 9 % (intérêt normal) plus 4 % (couverture des risques) soit 13. % l'an du capital prêté.

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