L.-Y. Mani B. Vogt M. Burnier D. Golshayan
introduction
Les glomérulonéphrites (GN) primaires ou secondaires à une maladie de système constituent une étiologie importante d’in
suffisance rénale (IR) chronique et sont à l’origine de 10 à 20%
des cas d’IR terminale. L’atteinte rénale de type glomérulaire représente la manifestation sévère la plus fréquente des ma
ladies systémiques inflammatoires comme le lupus érythéma
teux systémique (LES) ou les vasculites des petits vaisseaux.
Les traitements actuels à base de stéroïdes, antiprolifératifs et cytotoxiques sont efficaces, mais au prix d’une toxicité géné
rale élevée chez des patients souvent traités au long cours.
Dans ce contexte, des alternatives thérapeutiques moins toxiques sont recher
chées. Depuis la fin des années 1990, différents agents biologiques (anticorps monoclonaux, protéines de fusion) ont été utilisés avec succès dans le traitement des maladies autoimmunes, ciblant les principaux effecteurs de la réponse im
mune comme les cellules T (prolifération, infiltration des tissus cibles, production de cytokines proinflammatoires) ou B (production d’autoanticorps).
Malgré l’utilisation croissante de ces agents dans le traitement des maladies systémiques, peu d’études cliniques ont spécifiquement examiné des endpoints rénaux ; les patients étant souvent inclus en raison du diagnostic principal, sans sousanalyse précise en fonction de la présence ou du type de néphropathie.
Dans cette revue, nous discutons de l’indication néphrologique du rituximab (RTX), un anticorps monoclonal ciblant les cellules B, en fonction de la pathogenèse (fi
gure 1) et en nous référant aux données disponibles dans la littérature (tableau 1).
Nous nous sommes limités aux GN immunes les plus fréquemment rencontrées en clinique, telles que GN extramembraneuse, lupique et sur vasculite des petits vaisseaux.
rituximab
Il s’agit d’un anticorps monoclonal chimérique murin/humain dirigé contre l’an
tigène de surface CD20 exprimé par les lymphocytes B. La liaison à cet antigène Rationale and clinical evidence for the use
of Rituximab in glomerular diseases Autoimmune glomerulopathies are an impor
tant cause of chronic kidney disease. Conven
tional treatments based on steroids, antipro
liferative and cytotoxic agents are efficacious, but highly toxic. Because of their central role in the pathogenesis of autoimmunity, B cells have become an attractive therapeutic target.
Rituximab is a monoclonal antibody directed against CD20 expressed on the surface of B cells, inducing profound depletion of B cells in the peripheral blood. In spite of encoura
ging results regarding the offlabel use of Ri
tuximab in membranous nephropathy, syste
mic lupus erythematosus and small vessel vasculitis, controlled, long term data, and data with specific renal endpoints are currently lacking.
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 819-24
Les glomérulonéphrites auto-immunes représentent une étio- logie importante d’insuffisance rénale chronique. Les traite- ments conventionnels à base de stéroïdes, antiprolifératifs et cytotoxiques sont efficaces mais au prix d’une toxicité élevée.
Etant donné le rôle central de la cellule B dans la pathoge- nèse de l’auto-immunité, le rituximab, un anticorps monoclo- nal dirigé contre l’antigène de surface CD20 des cellules B et entraînant leur déplétion, est une alternative thérapeutique inté ressante. Malgré des résultats encourageants de l’utilisa- tion du rituximab dans des cas réfractaires de gloméruloné- phrite extramembraneuse, ainsi que dans des maladies systé- miques sévères comme le lupus érythémateux ou les vasculites des petits vaisseaux, on ne dispose que de peu de données contrôlées, à long terme, et examinant des endpoints rénaux.
Rituximab dans le traitement
des maladies rénales glomérulaires : indications et évidences cliniques
revue
Drs Laila-Yasmin Mani et Bruno Vogt Pr Michel Burnier
Service de néphrologie et consultation d’hypertension Dr Déla Golshayan
Service de néphrologie et centre de transplantation Département de médecine CHUV, 1011 Lausanne laila-yasmin.mani@chuv.ch bruno.vogt@chuv.ch michel.burnier@chuv.ch dela.golshayan@chuv.ch
induit une lyse des cellules B par différents mécanismes (cytotoxicité dépendante des anticorps et du complément, apoptose) aboutissant à une déplétion exclusive et quasi totale des cellules B dans le sang périphérique. Cette dé
plétion persiste généralement pendant six à neuf mois chez L 80% des patients.1 Depuis son introduction en 1997 pour le traitement des lymphomes B non hodgkiniens, l’utilisa
tion de cet anticorps a été étendue aux maladies autoim
munes 2 et dans les protocoles thérapeutiques en trans
plantation (rejets humoraux, désensibilisation prégreffe des patients hyperimmunisés ou ABOincompatibles, lympho
mes posttransplantation).1 L’utilisation extensive du RTX dans ces indications a permis d’établir le profil de tolé
rance et de sécurité de ce médicament. Dans l’ensemble, peu d’effets secondaires sérieux ont été rapportés. Les prin
cipaux effets décrits sont des réactions lors de la perfusion (pour la plupart bénignes mais pouvant aller jusqu’à des réactions anaphylactiques ou une maladie sérique), une neutropénie, une hypogammaglobulinémie, des infections bactériennes, virales (surtout CMV, VZV, HSV) ou fongi ques.
De plus, un total de 76 cas de leucoencéphalopathie multi
focale progressive a été rapporté, la majorité chez des pa
tients traités pour des maladies lymphoprolifératives (52 cas), avec seulement quatre cas décrits lors de l’utilisation du RTX dans des maladies autoimmunes.3,4 Il faut toute
fois relever que les complications hématologiques et infec
tieuses semblent en partie liées à l’utilisation concomitante d’autres immunosuppresseurs.
rôledes lymphocytesbdans
lesglomérulonéphrites auto
-
immunes Les cellules B ont un rôle central dans la pathogenèse des maladies autoimmunes, essentiellement en raison de leur capacité à produire des autoanticorps spécifiques. Eneffet, il existe des arguments parlant en faveur de la patho
génicité de ces autoanticorps : profils caractéristiques as
sociés à certaines manifestations cliniques (par exemple : antidsDNA et atteinte rénale, antiribosomes P et atteinte neuropsychiatrique dans le LES), corrélation dans une cer
taine mesure du titre à l’activité clinique, transfert reprodui
sant la maladie dans des modèles animaux et aussi décrit en clinique avec l’exemple du syndrome lupique néonatal.
Plus récemment, des modèles expérimentaux ont réévalué d’autres fonctions anticorpsindépendantes de la cellule B dans l’autoimmunité. La cellule B, en tant que cellule pré
sentatrice d’antigènes, participe à l’initiation et à l’amplifi
cation d’une réponse T autoréactive. Elle peut aussi, via la production de cytokines pro ou antiinflammatoires, mo
duler l’immunogénicité des cellules dendritiques qui sont d’importants effecteurs de la réponse innée et adaptative.
Sur le plan rénal, la lésion glomérulaire résulte de diffé
rents mécanismes (figure 1) bien révélés par l’analyse his
tologique, notamment par le type de prolifération cellulaire ainsi qu’un pattern pathognomonique de dépôts d’immuno
globulines et de facteurs du complément.
1. La maladie de base induit le développement d’autoanti
corps dirigés contre des antigènes exprimés par les diffé
rents constituants de la membrane basale (MB) gloméru
laire (par exemple : GN extramembraneuse idiopathique ou syndrome de Goodpasture) ou contre un antigène cir
culant extrinsèque secondairement fixé dans le glomérule (par exemple : GN extramembraneuse associée à l’hépatite B chronique). L’interaction antigèneanticorps in situ ré sulte en une activation du complément et l’influx de cellu les in
flammatoires, occasionnant des lésions dans la super struc
ture de la MB altérant sa perméabilité.
2. La maladie de base (par exemple : LES) se traduit par la présence d’autoanticorps et de complexes anticorpsanti
gènes circulants qui peuvent déclencher une réaction d’hy
Figure 1. Mécanismes pathogéniques de l’atteinte glomérulaire dans les maladies auto-immunes AC : anticorps ; Ag : antigène ; MB : membrane basale glomérulaire ; ANCA : anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles.
AC circulants
Dépôts glomérulaires Activation locale du complément
Recrutement de cellules inflammatoires Prolifération de cellules structurales glomérulaires
Inflammation locale, lésions de la MB glomérulaire, fibrose
Lésions endothéliales nécrosantes Cytokines
Neutrophile
ANCA
MB Ag
Cellules endothéliales
Complexes immuns
Cellules épithéliales (podocytes)
persensibilité de type III, notamment au niveau rénal. En se déposant dans le glomérule, ces complexes immuns ac
tivent le complément, avec infiltration et prolifération de cellules inflammatoires et autochtones.
3. La pathogenèse des vasculites à anticorps anticytoplas me des polynucléaires neutrophiles (ANCA) est encore contro
versée, mais les modèles expérimentaux suggèrent forte
ment l’implication directe des autoanticorps. Un état infec
tieux ou des lésions inflammatoires de la MB glomérulaire activeraient localement les neutrophiles, induisant l’expres
sion à la surface d’antigè nes pouvant lier les ANCA circu
lants, voire même d’autres anti corps avec réactivité croisée (produits par exemple en réponse à un pathogène). Les neutrophiles activés peuvent ensuite adhérer à la surface de l’endothélium et initier une réponse destructrice de la paroi des vaisseaux.
indicationsdurituximab
Glomérulonéphrite extramembraneuse
La GN extramembraneuse représente la cause la plus fréquente de syndrome néphrotique chez l’adulte sous nos contrées et peut être primaire (idiopathique) ou, dans un tiers des cas, secondaire à des pathologies immunes (LES), infectieuses, néoplasiques ou d’origine médicamenteuse.
Bien que la pathogenèse ne soit pas clairement établie dans les formes primaires, une origine immune est forte
ment suggérée par la présence, sur les biopsies rénales, de
dépôts sousépithéliaux d’IgG le long de la MB gloméru
laire et d’infiltrats cellulaires CD20+.5,6 Par ailleurs, des tra
vaux récents suggèrent le rôle de l’autoanticorps circulant dirigé contre le Mtype phospholipase A2 récepteur (PLA2R), une protéine transmembranaire des podocytes.7
Pour la forme idiopathique, l’évolution naturelle de la néphropathie peut aller d’une rémission complète ou par
tielle spontanée jusqu’à un syndrome néphrotique persis
tant avec progression vers une IR terminale (3040% des cas). La décision de l’introduction d’un traitement immuno
suppresseur en plus d’un traitement antiprotéinurique re
pose sur la sévérité de la protéinurie au moment du diag
nostic. Les schémas thérapeutiques basés sur l’utilisation combinée de stéroïdes et d’agents cytostatiques (chloram
bucil ou cyclophosphamide, CYP) permettent des taux de rémission globale de l’ordre de 80%. Les inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine ou tacrolimus, ICN) représentent une alternative thérapeutique moins agressive mais avec un risque de récidive à l’arrêt du traitement.
Depuis quelques années, l’utilisation du RTX est dé
crite dans le traitement des GN extramembraneuses idio
pathiques, majoritairement dans les formes résistant aux schémas immunosuppresseurs validés. Les résultats basés sur des séries de cas suggèrent une certaine efficacité avec des taux de rémissions complètes et partielles de 1520 et 4045% respectivement.812 Toutefois, l’hétérogénéité des données concernant les traitements préalables et conco
mitants, la variabilité des schémas/doses d’administration Tableau 1. Principales études récentes décrivant l’utilisation du rituximab dans le traitement des glomérulo- néphrites (GN) extramembraneuses, lupiques et sur vasculites à anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA)
Etudes Nombre Suivi Résultats LES (suite)
de patients
GN extramembraneuse ° Pepper et coll., 2009 18 L 12 m 6/18 RC, 6/18 RP
idiopathique 8-12 Lu et coll., 2009 34 (45) 6 m 19/45 RG
°* Furie R, et coll., 2009 144 52 sem 57% RG (RTX)
Ruggenenti et coll., 2006 23 12 m 6/23 RC, 6/23 RP (LUNAR) vs. 46% (MMF)
Cravedi et coll., 2007 12 12 m 2/12 RC, 6/12 RP Garcia-Carrasco et coll., 13 (52) 6 m 5/13 RC, 5/13 RP Fervenza et coll., 2008 15 12 m 2/15 RC, 6/15 RP 2010
Segarra et coll., 2009 13 30 m 4/13 RC, 13/13 RP Catapano et coll., 2010 11 (31) 6-68 m 4/11 RC, 6/11 RP à 30 m Terrier et coll., 2010 42 (136) 18,6 m 71% RG, 74%
Fervenza et coll.,2010 18 24 m 4/18 RC, 12/18 RP réponse rénale
LES 13-29 avec GN Vasculites à ANCA 31-38 avec GN
(total inclus) (total inclus)
Looney et coll., 2004 7 (17) 12 m 11/17 RG Keogh et coll., 2005 5 (11) 10-42 m 10/11 RC à 6 m Leandro et coll., 2005 17 (24) 3-51 m 23/24 RG Keogh et coll., 2006 7 (10) 12 m 100% RC à 3 m
° Sfikakis et coll., 2005 10 12 m 5/10 RC, 3/10 RP Smith et coll., 2006 6 (11) 23 m 9/11 RC, 1/11 RP,
° Vigna-Perez et coll., 2006 22 3 m 5/22 RC, 7/22 RP 6 récidives
Ng et coll., 2007 21 (32) 39 m 12/32 RG sans Stasi et coll., 2006 6 (10) 33.5 m 9/10 RC, 1/10 RP récidive Lovric et coll., 2009 5 (15) 15 m 6/15 RC, 8/15 RP Albert et coll., 2008 11 (24) 55 sem 70% RG Jones et coll., 2009 3 (65) 20 m 49/65 RC,
Lindholm et coll., 2008 17 (31) 1-61 m 2/17 RC, 9/17 RP; 15/65 RP,
4 récidives 28 récidives
Jonsdottir et coll., 2008 9 (16) 6-59 m 9/16 RG, 7 récidives * Stone et coll., 2010 130 (197) 6 m 64% RG (RTX)
° Boletis et coll., 2009 10 38 m 7/10 RC (RAVE) vs 53% (CYP)
° Melander et coll., 2009 20 22 m 7/20 RC, 5/20 RP °* Jones et coll., 2010 44 (44) 12 m 76% RG (RTX)
° Li et coll., 2009 19 48 sem 4/19 RC, 11/19 RP (RITUXVAS) vs 82% (CYP)
* Etudes randomisées contrôlées (RCT). ° Etudes avec endpoint rénal.
CYP : cyclophosphamide ; m : mois ; MMF : acide mycophénolique ; RC : rémission rénale complète ; RP : rémission rénale partielle ; RG : réponse globale (amélioration clinique rénale et systémique) ; RTX : rituximab ; sem : semaines ; LES : lupus érythémateux systémique.
du RTX, le petit nombre et la sélection des patients, ren
dent l’interprétation de ces résultats difficile. Une étude, non contrôlée récente, a inclus treize patients avec une fonc
tion rénale préservée mais un syndrome néphrotique réci
divant à l’arrêt des ICN. Les résultats ont confirmé un effet bénéfique du RTX dans l’induction d’une rémission rénale partielle ou complète (définie en fonction du degré rési
duel de protéinurie) chez tous les patients à 30 mois. Six mois après le RTX, les immunosuppresseurs, y compris les ICN, ont pu être sevrés chez tous les patients, avec seule
ment trois rechutes (protéinurie néphrotique) qui ont pu être retraitées avec succès par un deuxième cycle de RTX.11 Ces résultats encourageants attendent toutefois une confir
mation par des études randomisées contrôlées (RCT), no
tamment au vu de la possibilité de rémissions spontanées dans cette pathologie.
Glomérulonéphrite lupique
L’atteinte glomérulaire est une complication fréquente et potentiellement sévère du LES. La classification histolo
gique obtenue par ponctionbiopsie rénale est essentielle dans la prise en charge thérapeutique et le pronostic des GN lupiques. Lors de manifestations cliniques et néphro
logiques sévères et aiguës (IR aiguë, syndrome gloméru
laire), un traitement immunosuppresseur doit être instauré rapidement pour induire une rémission. Les schémas thé
rapeutiques actuels reconnus sont à base d’antiproliféra
tifs comme le CYP ou l’acide mycophénolique (Cellcept/
Myfortic, MMF) pendant trois à six mois associés à des sté
roïdes à hautes doses (traitement d’induction), suivis d’un traitement de maintien de stéroïdes à doses dégressives avec ciclosporine, MMF, azathioprine (AZA) ou hydroxy
chloroquine. Ces traitements peuvent toutefois être asso
ciés à des effets secondaires, surtout si l’on considère les doses cumulatives chez des patients souvent jeunes. Par ailleurs, la réponse peut être insuffisante et la maladie risque de récidiver au cours des années.
Ainsi, de nombreuses séries de cas ont investigué le po
tentiel du RTX chez des patients présentant un LES sévère (avec ou sans atteinte rénale), récidivant, réfractaire ou avec des contreindications au traitement conventionnel. Dans l’ensemble, ces études ont rapporté une amélioration cli
nique globale pour la majorité des patients et jusqu’à 70%
de rémissions partielle ou complète rénales selon la classi
fication histologique initiale.1328 Ces données observation
nelles prometteuses sont à relativiser au vu des résultats préliminaires de l’étude LUNAR qui a inclus 144 patients avec GN lupique, comparant un traitement de RTX/MMF/
stéroïdes vs placebo/MMF/stéroïdes.29 Cette RCT multi
centrique de phase III n’a pas montré de supériorité de l’association du RTX pour l’induction d’une rémission rénale partielle ou complète, ni de différence de survenue d’effets secondaires dans les deux groupes. La divergence des ré
sultats obtenus par les études observationnelles et LUNAR s’explique peutêtre par l’hétérogénéité des scores diag
nostiques et de réponse/rémission du LES, la prise en charge thérapeutique préalable des patients à l’inclusion et le petit nombre de patients dans les sousgroupes avec atteinte rénale.30 De nouvelles études sont nécessaires pour pro
gresser dans la prise en charge de la néphropathie lupique.
Vasculites des petits vaisseaux
La présence dans le sang circulant d’ANCA, dirigés contre les composants cytoplasmiques des granules des neutro
philes et des lysosomes des monocytes antiprotéinase 3 (PR3) ou antimyéloperoxidase (MPO), caractérise la plu
part des vasculites des petits vaisseaux, parmi lesquel les on distingue la granulomatose de Wegener, la poly angéite microscopique, la GN pauciimmune et le syndro me de ChurgStrauss. Il s’agit de maladies multisystémiques idio
pathiques sévères, entraînant une réponse inflammatoire nécrosante des tissus atteints. La morbimortalité asso ciée à ces vasculites est considérable avec sur le plan rénal L 20% des patients évoluant vers une IR terminale à cinq ans. Une atteinte systémique, notamment rénale, justifie donc l’utilisation rapide d’un traitement d’induction qui con
siste généralement en l’association de stéroïdes à hautes doses et CYP (voire méthotrexate si la fonction rénale n’est pas trop altérée), suivi d’un traitement d’entretien à base de stéroïdes à doses dégressives avec un antiprolifératif (AZA, MMF). Des échanges plasmatiques peuvent égale
ment être bénéfiques en présence d’une GN rapidement progressive, permettant la déplétion rapide des ANCA et d’autres facteurs inflammatoires comme le complément.
Cette prise en charge thérapeutique permet des taux de rémission à un an de 70 à 80%, mais les récidives sont fré
quentes lors du retrait des immunosuppresseurs, faisant rechercher des alternatives thérapeutiques moins toxiques.
Suite à plusieurs études observationnelles suggérant l’efficacité du RTX dans des cas réfractaires ou avec des contreindications au traitement conventionnel,3136 deux RCT multicentriques évaluant le profil bénéfice/risque du RTX, comme traitement d’induction, ont récemment été publiées. L’étude ouverte EUVASRITUXVAS a comparé un protocole de RTX/stéroïdes/CYP (deux doses) sans traite
ment d’entretien vs induction par stéroïdes/CYP (dose stan dard) suivi d’AZA, chez 44 patients avec vasculite sé
vère nouvellement diagnostiquée et atteinte rénale. L’effi
cacité était similaire pour l’induction de rémission soute
nue (L 6 mois) sur un suivi de douze mois.37 Dans l’étude RAVE conduite en double aveugle, 197 patients avec réci
dive ou nouveau diagnostic de vasculite à ANCA sévère ont reçu un traitement de RTX/stéroïdes vs CYP/stéroïdes suivi d’AZA.38 A six mois, les taux de rémission étaient com
parables avec peutêtre une efficacité supérieure dans le bras RTX/stéroïdes pour le sousgroupe de patients avec maladie récidivante, mais ces résultats nécessitent une con
firmation à plus long terme.
limitationsdurituximab
Le RTX ne déplète que les cellules B CD20+ et n’a aucun effet après la différenciation en plasmocytes (n’exprimant pas l’antigène de surface CD20) responsables de la pro
duction d’autoanticorps. De plus, bien que la déplétion soit très efficace en périphérie, l’effet du RTX peut être moindre sur les cellules B résidentes tissulaires. Son effi
cacité peut aussi se trouver limitée par des facteurs dépen
dant de l’hôte, comme la présence d’un syndrome néphro
tique, de polymorphismes du récepteur Fcg (médiant l’ef
fet du RTX) et de taux élevés de facteurs stimulant les
cellules B (BlyS) observés dans les LES et vasculites à ANCA actives.39,40 A noter encore que la repopulation des cellules B posttraitement de RTX n’est pas associée de manière consistante à l’activité clinique de la maladie auto
immune, soulignant la probable participation d’autres mé
canismes pathogéniques.
Pour terminer, le choix de la cellule B comme cible dans la prise en charge des maladies autoimmunes se compli
que par le fait que cette population soit hétérogène sur le plan phénotypique et fonctionnel. Des données récen tes, obtenues aussi bien chez l’homme que dans des modèles murins, indiquent l’existence d’une souspopulation de cel
lules B avec une fonction immunorégulatrice, caractérisée par la production d’interleukine (IL)10.4143 Une déplétion globale des cellules B pourrait donc paradoxalement in
duire une dysrégulation supplémentaire du système im
munitaire. L’identification de marqueurs spécifiques de pathogénicité des cellules B est donc nécessaire pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Dans cette perspective, l’investigation de nouveaux agents biologiques est actuellement en cours, agissant sur la co
stimulation, les récepteurs inhibiteurs ou les facteurs de croissance de la cellule B, ciblant directement les plasmo
cytes, voire la voie terminale du complément.
conclusion
En résumé, le RTX est un traitement intéressant dans des cas sévères réfractaires ou récidivants de GN extra
membraneuse, lupique ou sur vasculite à ANCA. Toutefois, en l’absence de données suffisantes à moyen terme, la pru
dence doit être de mise concernant notamment le ris que cumulatif infectieux chez des patients souvent prétraités avec d’autres immunosuppresseurs. Par ailleurs, hormis l’ef
ficacité et le profil de risque du RTX, le coût du traitement doit être pris en compte dans la prise en charge, en com
paraison à un traitement plus classique. Les schémas thé
rapeutiques optimaux des GN autoimmunes restent donc à définir, notamment la place du RTX dans l’induction ou le
traitement de maintien et les combinaisons possibles avec d’autres immunosuppresseurs.
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Bibliographie
Stratégies de recherche et critères de sélection Les données utilisées pour cette revue ont été obtenues par une recherche Medline des études publiées en anglais, incluant un minimum de dix patients, avec les mots-clés principaux
«rituximab, lupus nephritis», «lupus, rituximab, kidney»,
«rituximab, SLE, nephritis», «rituximab, ANCA, nephritis»,
«rituximab, ANCA, vasculitis, renal», «ANCA, rituximab, kidney», «rituximab, membranous».
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Implications pratiques
Les cellules B, par leur capacité de produire des anticorps, des cytokines et présenter les antigènes aux cellules T, jouent un rôle-clé dans les glomérulonéphrites auto-immunes Le rituximab, un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène de surface CD20, induit une déplétion exclusive et quasi to- tale des cellules B en périphérie
Dans l’ensemble, le rituximab est bien toléré et, malgré une déplétion profonde et prolongée des cellules B (6-9 mois post-traitement), l’incidence des complications sérieuses et notamment infectieuses liées au traitement est relativement faible
Concernant les indications néphrologiques, le rituximab a sur- tout été utilisé dans des séries de cas de glomérulonéphrites immunes sévères, récidivants ou réfractaires au traitement conventionnel, ou dans le but de limiter l’utilisation de cyto- toxiques
Des études randomisées contrôlées sont nécessaires pour mieux définir le profil bénéfice/risque du rituximab dans la prise en charge des glomérulonéphrites immunes et déter- miner le schéma de dosage optimal ainsi que d’éventuelles associations avec d’autres immunosuppresseurs
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* à lire
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