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L’otoneurologie, une spécialité à part entière ?

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e 44e symposium de la Société internationale d’otoneurologie, organisé par le Dr Bernard Cohen, tenu à Paris en mai de cette an- née, avait comme titre «Vestibule et cortex». S’il n’existe pas de cortex vestibulaire primaire, on connaît aujourd’hui un réseau anatomique très complexe d’aires associatives plurimodales recevant des informations vestibulaires, somesthésiques et visuelles. S’il est bien connu que l’appa- reil vestibulaire sert au maintien de l’équilibre et du regard, par la mise en jeu des réflexes vestibulo-spinaux et vestibulo-oculaireS, respective-

ment, il apparaît de plus en plus clai- rement qu’il joue bien d’autres rôles, tous plus fascinants les uns que les autres. Il est maintenant évident qu’il con court à l’orientation spatiale, à la perception de l’espace, et même à la conscience de soi. Selon Chris- tophe Lopez «le fait de se sentir loca- lisé dans les limites physiques de son corps, le sentiment d’incarnation, le fait de s’autoattribuer son corps, et le fait de percevoir le monde dans cette position égocentrée, semblent reposer sur l’intégration correcte des signaux vestibulaires avec des infor- mations visuelles et somesthésiques». Il ajoute que «lorsque ces informa- tions ne sont pas correctement intégrées, l’unité normalement ressentie entre le soi et le corps peut être rompue».1 L’implication du système ves- tibulaire dans la perception de l’environnement est bien illustrée par les observations de stimulations électriques faites en cours d’interventions neurochirurgicales chez des patients épileptiques rebelles aux traite- ments médicamenteux. Ainsi, il a été montré que des stimulations élec- triques de la jonction temporo-pariétale de faible intensité induisent d’intenses illusions vestibulaires, rotatoires, qui deviennent, à de plus fortes intensités de stimulation, des illusions de chutes puis de sortie du corps, de désincarnation.2

En clinique, il a aussi été démontré que des troubles vestibulaires d’origine périphérique modifient la représentation corporelle, l’orientation gauche-droite et causent des difficultés dans les tâches d’orientation et de navigation spatiales.3 La complexité du système vestibulaire est à l’ori- gine de phénomènes étranges parfois rapportés par les patients, comme des phénomènes de room tilt illusion,4 ou l’impression que l’image visuelle se rapproche puis s’éloigne. Récemment une femme souffrant d’une ma- ladie de Menière caractéristique me disait être relativement peu gênée par les épisodes de vertige rotatoire classique et beaucoup plus par des périodes d’inversion de l’image visuelle dans le plan horizontal. Pour il- lustrer le phénomène, elle me racontait que la semaine précédente, dans le train la ramenant de Lausanne, assise dans le sens de la direction, elle a soudain vu le lac sur sa droite et la chaîne du Jura sur sa gauche, provo- quant une panique difficilement gérable ! Arrivée à Genève, elle devait suivre les panneaux indicateurs pour retrouver le bord du lac. Ce n’est qu’arrivée sur le pont du Mont-Blanc que l’image s’est remise en place !

L’otoneurologie, une spécialité à part entière ?

«… Voilà pourquoi les malades souffrant d’une affection vestibulaire sont souvent considérés comme particuliers , difficiles à comprendre …»

éditorial

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 6 octobre 2010 1851

Editorial

J.-P. Guyot R. Maire

du professeur

Jean-Philippe Guyot

Médecin-chef Service d’ORL

et de chirurgie cervico-faciale HUG, Genève

et

Président de la Société internationale d’otoneurologie

Sion et du docteur

Raphaël Maire

Médecin adjoint

Responsable de l’Unité d’otoneurologie Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale

CHUV, Lausanne Articles publiés sous la direction

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Voilà pourquoi les malades souffrant d’une affection vestibulaire sont souvent considérés comme particuliers, difficiles à comprendre. Et voilà pourquoi des notions classiquement enseignées peuvent être mises à la poubelle. Certes, selon les dictionnaires, le vertige est défini comme un trouble de la perception de l’espace avec illusion de mouvement ou de rotation (certains perdent encore leur énergie à savoir si le vertige est per- çu comme la sensation du sujet qui tourne dans l’espace ou l’espace qui tourne autour du sujet !), le déséquilibre comme une perturbation de la sta-

tion debout ou de la marche et le malaise comme une sensation de faiblesse, de perte des moyens physiques ou psychiques. Dans leur jargon, les médecins attribuent les verti- ges à une affection vestibulaire, les déséqui- libres à une affection du système nerveux central et les malaises à un trouble métabo- lique, une affection du système cardiovasculaire ou du système digestif.

Mais n’oublions pas l’intrication de ces notions : un vertige s’accompagne d’un déséquilibre et d’un malaise avec des nausées et vomissements, et à l’inverse, des vertiges et un déséquilibre surviennent volontiers lors d’un malaise ! Par conséquent, les malades ont souvent des difficultés à distin- guer ces concepts, leur trouble s’accompagnant souvent de multiples autres éléments subtils. La durée des symptômes, le mode d’installation, sou- dain ou progressif, les facteurs déclenchants, les symptômes associés sont des clés bien plus utiles au diagnostic ! Et encore faut-il être conscient de la complexité du système vestibulaire pour une interprétation correcte de l’anamnèse.

La spécialité de l’oto-rhino-laryngologie est complétée par deux forma- tions approfondies, la chirurgie cervico-faciale et la phoniatrie, impliquant toutes les deux l’acquisition de connaissances théoriques et de compé- tences cliniques et chirurgicales spécifiques. Au vu des difficultés à ensei- gner les bases élémentaires de l’anatomie, physiologie, physiopathologie du système vestibulaire pour arriver à faire comprendre aux jeunes con- frères la différence entre un vertige paroxystique périphérique de position bénin, une neuronite vestibulaire, une maladie de Menière ou un schwan- nome vestibulaire ; au vu de leur incertitude face aux malades (bien ren- forcée pour peu que le malade rapporte un phénomène étrange !), incer- titude d’ailleurs bien ressentie par les malades, renforçant leur profonde angoisse ; au vu de l’élargissement constant et rapide du champ de l’oto- neurologie, il nous paraîtrait souhaitable d’ajouter une troisième formation approfondie en ORL, celle d’otoneurologie. Cette discipline implique des connaissances et compétences en otologie, chirurgie otologique, neurologie, ophtalmologie, et de plus en plus clairement en neuropsychologie et psy- chologie, connaissances qu’il n’est plus possible d’acquérir dans le seul cadre d’une formation en ORL générale. Une meilleure maîtrise de cet exaltant domaine de la médecine, en pleine expansion, serait sans con teste béné- fique pour les patients et pour des avancées dans la recherche.

1852 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 6 octobre 2010

«… il nous paraîtrait souhai- table d’ajouter une troisième formation approfondie en ORL, celle d’otoneurologie …»

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 6 octobre 2010 0

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Bibliographie

1 Lopez C. Le système vestibulaire et la conscience de soi corporelle. Rapport du 44e symposium de la Société internationale d’oto­

neurologie. Paris : mai 2010.

2 Blanke O, Ortigue S, Landis T, Seeck M. Sti­

mulating illusory own­body perceptions. Nature 2002;419:269­70.

3 Grabherr L, Cuffel C, Guyot JP, Mast F.

Mental transformation abilities in patients with unilateral and bilateral vestibular loss. Exp Brain Res (soumis).

4 Malis DD, Guyot JP. Room tilt illusion as manifestation of peripheral vestibular disorders.

Ann Otol Rhinol Laryngol 2003;112:600­5.

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