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Rousseau Synopsis et citations Emile, Livre I et II Livre I

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Rousseau Synopsis et citations Emile, Livre I et II Livre I

L'ÉDUCATION : UNE POSSIBILITÉ DE RETROUVER « L'HOMME DE LA NATURE ».

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L'éducation, corollaire des modifications que l'homme a fait subir à la nature- « Tout est bien sortant des mains de l'Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme ». L'homme a perdu son adaptation au milieu naturel, ne peut plus se développer sans protection. Adresse à la mère qui doit garantir

« l'arbrisseau naissant du choc des opinions humaines », cultiver la plante, la défendre.

Introduction de la notion d'éducation, toujours par analogie au jardinage. Exploration d'une hypothèse absurde : idée d'un homme qui naîtrait grand et fort. Puissant mais sans cervelle, il serait condamné. « On se plaint de l'état de l'enfance ; on ne voit pas que la race humaine eût péri, si l'homme n'eût commencé par être enfant ». L'enfance, nécessaire, est un état de manque : faible, démuni, stupide à sa naissance, l'être humain doit acquérir force et jugement. Ce qui le rend autonome est l'éducation.

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Le conflit des « trois éducations » : - nature ; - hommes ; -choses- Les trois doivent se compléter. Or les parents et les éducateurs ne maîtrisent que « l'éducation des hommes », et encore. Eduquer est un art (pratique soumise au hasard et à l'intuition), et comporte une part de chance et de talent. Le but : développer pleinement les facultés naturelles. Difficulté du mot nature.

Réfutation de la « nature » comme habitude. On force les plantes à pousser dans une direction, c'est une habitude, ce n'est pas la nature. Idem chez les hommes, on peut les contraindre dans une attitude, mais quand on ne les force plus le naturel revient. L'éducation est habitude ; mais si elle est bonne on la garde, si elle est mauvaise on la perd. « D'où vient cette différence ? »

« Nous naissons sensibles », i.e. affectés par ce qui nous entoure. Petit à petit nous sommes formés par nos interactions avec les objets, et par les jugements que nous émettons. Nos « dispositions » à réagir au monde peuvent s'altérer. « Avant cette altération, elles sont ce que j'appelle en nous la nature ».

L' obstacle au développement de ces dispositions : on essaie d'élever les enfants à la fois pour être eux- mêmes et pour la société. « Il faut opter entre faire un homme ou un citoyen : car on ne peut faire à la fois l'un et l'autre. » Or le patriotisme est une préférence. On aime ses compatriotes et on est « dur aux étrangers ». Inversement, l'amour de l'homme suppose une indifférence au groupe d'origine. Pique contre le philosophe qui « aime les Tartares pour être dispensé d'aimer ses voisins ». Exemples romains et spartiates de citoyens exemplaires, qui se comptent eux-mêmes pour rien, au profit du groupe (Régulus, Pédarète, une mère spartiate dont les cinq fils sont tués à la guerre). « Les bonnes institutions sociales sont celles qui savent le mieux dénaturer l'homme, lui ôter son existence absolue pour lui en donner une relative ». Critique des contemporains, toujours entre deux : « il ne sera ni homme ni citoyen[…] Ce sera un de ces hommes de nos jours, un Français, un Anglais, un bourgeois ; ce ne sera rien ».

De là découlent « deux institutions contraires » : publique/domestique. Les « collèges » ne délivrent pas une

« institution publique », car ils essaient de former dans les deux directions contradictoires. Le résultat est contradictoire : « Ainsi combattus et flottants durant tout le cours de notre vie, nous la terminons sans avoir pu nous accorder avec nous, et sans avoir été bons ni pour nous ni pour les autres ».

Le projet de former « l'homme naturel »- Que deviendrait un homme « uniquement élevé pour lui » ? Cette question permettra de « connaître l'homme naturel » (celui dont les trois éducations convergent). Que faire ?

« empêcher que rien ne soit fait ». Image maritime : empêcher le bateau de dériver.

- 1er cas : la société existante, société d'ordres, est inégalitaire. On élève les jeunes pour occuper un rang.

Mais les rangs changent. (Quand les places étaient des métiers qui ne changeaient pas, ça pouvait aller).

- 2e cas la « nature » : les hommes sont égaux. On les élève pour être des h., peu importe le métier. « Vivre est le métier que je veux lui apprendre ». […]« Notre véritable étude est celle de la condition humaine ».

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Réflexion sur le terme d'éducation, qui selon R. signifiait pour les latins d'abord nourriture, ce qui justifie la prise en charge d'Emile dès le berceau. « Nous commençons à nous instruire en commençant à vivre ; notre éducation commence avec nous ; notre premier précepteur est notre nourrice ».

Volonté de considérer « l'homme abstrait », hors de toute situation sociale, « vu la mobilité des choses humaines, vu l'esprit inquiet et remuant de ce siècle qui bouleverse tout à chaque génération ». Il faut apprendre à l'enfant à supporter les coups du sort, la mort. « Il s'agit moins de l'empêcher de mourir que de le faire vivre. Vivre, ce n'est pas respirer, c'est agir ; c'est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous mêmes, qui nous donnent le sentiment de notre existence ».

Perversion des usages, qui partout créent l'oppression. Ils ne sont « qu'assujettissement, gêne et contrainte.

L'homme civil naît, vit et meurt dans l'esclavage : à sa naissance on le coud dans un maillot à sa mort on le cloue dans une bière ; tant qu'il garde la figure humaine, il est enchaîné dans nos institutions ».

Contre les premières contraintes -Déformation du crâne. - Maillot « on assujettit la tête même par des têtières : il semble qu'on a peur qu'il n'ait l'air d'être en vie ». Les efforts de l'enfant « épuisent ses forces et retardent ses progrès ». Chez les peuples « naturels », les corps sont libres, bien proportionnés. Les autres

« fourmillent de boiteux, de cagneux, de noués de rachitiques».

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LE NOURRISSON ET LA FAMILLE

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La place de la mère/ la question des nourrices- Réquisitoire contre la mise en nourrice.

— Les nourrices ne cherchent « qu'à s'épargner de la peine ». Les problèmes étant sans preuve,

« qu'importe ? » Les mères négligent de savoir ce qui se passe au village. Ex. des nourrissons pendus à un clou. Mauvaise foi des discours qui prétendent que laisser la liberté aux enfants est mauvais.

— Les femmes veulent faire l'amour, sans avoir d'enfant. Ruses pour se faire interdire l'allaitement. « La sollicitude maternelle ne se supplée point » : la nourrice, moins attachée à l'enfant, est moins attentive. Si l'attachement est fort, les mères devraient redouter d'être moins aimées. Or pour éviter cela elles inspirent du mépris pour la nourrice : « au lieu de faire un tendre fils d'un nourrisson dénaturé, elle l'exerce à l'ingratitude ». Exercé, il pourra ensuite mépriser sa mère.

— La maisonnée. Cercle vicieux des maisons où la mère ne se sent pas mère, où les liens familiaux ne se nouent pas : « Chacun ne songe plus qu'à soi. Quand la maison n'est qu'une triste solitude, il faut bien s'égayer ailleurs ». Cercle vertueux inverse : repeuplement, resserrement des liens, réforme des mœurs :

« les soins domestiques font la plus chère occupation de la femme et le plus doux amusement du mari ». Le renversement est difficile, à cause des habitudes. Quelques exceptions, et tableau idyllique des bienfaits.

Ccl : « Point de mère, point d'enfant […] Nous voilà dès les premiers pas hors de la nature ».

— Parenthèse : inversement, l'enfant surprotégé sera faible. À l'inverse de Thétis, les mères idolâtres préparent leurs enfants à toutes les blessures, tant elles les ont « plongés dans la mollesse. » « Observez la nature ». Maladies des petits : la nature les « exerce ». La moitié meurt avant huit ans, ceux qui restent sont solides. Il faut faire comme la nature, et les endurcir : « aux intempéries des saisons, des climats, des éléments, à la faim, à la soif, à la fatigue ; trempez-les dans l'eau du Styx ».

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La place du père/ La question du précepteur

—Caractère pernicieux de l'élevage des nourrissons par les femmes : elles répondent à leurs cris, soit en faisant tout ce qu'ils veulent, soit en les châtiant. « Il faut qu'il donne des ordres ou qu'il en reçoive. Ainsi ses premières idées sont celles d'empire et de servitude ». Tout est donc déjà joué : « après avoir étouffé le naturel par les passions qu'on a fait naître, on remet cet être factice entre les mains d'un précepteur ».

Celui-ci arrive trop tard. Et d'ailleurs, il n'y voit pas malice : il « achève de développer les germes artificiels qu'il trouve déjà tout formés, et lui apprend tout, hors à se connaître, hors à tirer parti de lui-même, hors à savoir vivre et se rendre heureux ». Ainsi l'enfant a été déjà perverti. Et quand il entre dans le monde, on gémit sur la « nature » humaine. Mais ce n'est déjà plus la nature : « c'est là l'homme de nos fantaisies ; l'homme de la nature est fait autrement ».

— Le devoir du père : il doit s' « emparer » du nourrisson dès le berceau : « comme la véritable nourrice est la mère, le véritable précepteur est le père ». « Il sera mieux élevé par un père judicieux et borné que par le plus habile maître du monde ; car le zèle suppléera mieux au talent que le talent au zèle ». JJ balaie les objections du père, qui invoque ses « devoirs » . Le premier est familial. Le désintérêt du père mène aux

« mauvaises mœurs », à la famille disloquée. Le second est social : « il doit des hommes à son espèce, il doit à la société des hommes sociables ; il doit des citoyens à l'Etat ». Rien ne dispense d'élever ses enfants. Mea culpa dissimulé : « Lecteur, vous pouvez m'en croire. Je prédis à quiconque a des entrailles et néglige de si saints devoirs, qu'il versera longtemps sur sa faute des larmes amères, et n'en sera jamais consolé ».

LE CHOIX DU « GOUVERNEUR » ET LA MISE EN PLACE DE LA FICTION D'ÉMILE.

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La tâche sacrée du précepteur –Il est désintéressé. « il y a des métiers si nobles, qu'on ne peut les faire pour de l'argent sans se montrer indigne de les faire ». Donc, c'est un ami du père. - Sa tâche est de « faire un homme ». Pour cela il faut être « plus qu'homme » (impossible). Mieux vaudrait le père.

JJ précepteur ? La tâche est trop difficile, il aime mieux la penser.- Il a refusé une proposition princière.

L'échec était possible et, «si j'avais réussi, c'eût été bien pis, son fils aurait renié son titre, il n'eût plus voulu être prince ». L'éducation visée ne prépare pas à tenir son rang, elle forme l'homme de la nature et donc de l'égalité. - Refuse toute proposition à venir : « J'ai fait autrefois un suffisant essai de ce métier pour être assuré que je n'y suis pas propre ; je ne mettrai point la main à l'œuvre, mais à la plume ».

La fiction d'Emile- Se supposer un élève permettra un exposé concret. Le livre se compose de « principes » (les postulats), et de « règles qui pouvaient avoir besoin de preuves », appliquées à Emile pour préciser la pratique. Plus on avancera, plus l'élève sera différent des enfants de son siècle.

Un engagement exclusif — JJ « se suppose » des qualités qu'il n'a pas, par commodité. Le précepteur est jeune, « je voudrais qu'il soit lui-même enfant, s'il était possible, qu'il pût devenir le compagnon de son élève ». Le but étant la confiance. C'est un travail de 25 ans. Il préfère le terme « gouverneur », « il s'agit moins pour lui d'instruire que de conduire ». « Il n'y a qu'une science à enseigner aux enfants, c'est celle des devoirs de l'homme ».

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Choix de l'élève idéal - Critères — « un esprit commun » (indécidable à la naissance!), en France. — un élève riche : le destin du pauvre est tout tracé, et rien ne l'empêche de « devenir homme de lui-même ». Mais choisir un riche/un noble, sujets à être dénaturés par la société, permet de faire « un homme de plus ».

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« Emile sera une victime arrachée au préjugé ».

Conditions : - 1 : « Emile est orphelin ». Il obéit exclusivement à JJ. - 2° Personne ne les séparera avant qu'ils ne le décident. La durée fait que chacun a un intérêt profond à la relation. - 3° L'enfant doit être sain, pas infirme. Besoin d'un corps vigoureux, « bon serviteur » n'empêchant pas l'esprit de commander.

PREMIERS SOINS- ASPECTS PHYSIOLOGIQUES

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Digression sur la médecine- Elle rend les hommes lâches, par peur de la mort. L'homme naturel « sait souffrir constamment et meurt en paix ». Pas de médecin pour Emile. Hygiene, tempérance, travail sont les trois éléments essentiels pour rester en bonne santé.

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Le choix de la nourrice ; Considérations sur le régime et sur le lait-

Le choix de la nourrice ne doit pas être délégué (comme le font généralement les gens riches).

Considérations médicales sur « l'âge du lait » : le lait de la mère change en fonction des besoins de l'enfant. Il faut donc une nourrice « nouvellement accouchée ». Il la faut « saine de cœur », i.e. éloignée des passions, sans intémpérance ou gourmandise. La nourrice se choisit pour la vie, comme chez les Anciens. L'enfant ne doit pas être élevé par des gens sans cesse différents, qu'il pourrait comparer et déprécier. La nourrice doit être quasi-végétarienne. Elle sera paysanne : l'enfant doit être « au bon air ».

Protestation du lecteur : comment faire quand on ne peut pas réaliser toutes les conditions décrites ? : « Je vous l'ai déjà dit, ce que vous faites ; on n'a pas besoin de conseil pour cela ».

Intérêt d'élever les enfants à la campagne. « Les villes sont le gouffre de l'espèce humaine ». Les hommes

« en troupeaux » se nuisent : « plus ils se rassemblent, plus ils se corrompent ».

Le bain- L'eau tiédie amollit. « Lavez souvent les enfants ». Des « multitudes de peuples » « lavent les enfants à la mer ou dans des rivières sans façon ». Diminuer progressivement la température de l'eau, hiver comme été, pour les endurcir : « ce n'est que par degrés que l'on peut les ramener à leur vigueur primitive ».

Les vêtements et la liberté de mouvement.« Point de têtières, point de bandes, point de maillot ». L'enfant doit pouvoir bouger et sentir l'air. Il faudra être ferme face à l'opposition des nourrices: c'est moins pratique pour elles. Suggestion : « voyez faire, et n'épargnez rien pour rendre aisés dans la pratique les soins que vous aurez prescrits. Pourquoi ne les partageriez-vous pas ? ». Radicale nouveauté de cette éducation : « ici, où l'éducation commence avec la vie, l'enfant est déjà disciple, non du gouverneur, mais de la nature. Le gouverneur ne fait qu'étudier sous ce premier maître et empêcher que ses soins ne soient contrariés ».

ASPECTS COGNITIFS

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L'état du nourrisson : il est « capable d'apprendre, mais « ne sachant rien, ne connaissant rien » :

« Supposons qu'un enfant eût à sa naissance la stature et la force d'un homme fait […] Cet homme-enfant serait un parfait imbécile, un automate, une statue immobile et presque insensible : il ne verrait rien, il n'entendrait rien, il ne connaîtrait personne ». Page sensualiste : les sensations ne sont ni isolées, ni cernées.

L'impuissance est totale : « il sentirait le malaise des besoins sans les [re]connaître, et sans imaginer aucun moyen d'y pourvoir ». Il pourrait mourir entouré de nourriture. Cette existence originelle, celle des débuts de l'espèce suppose une lente construction (expérience) et une transmission.

Mais à partir de ces débuts difficiles, on ne peut prédire jusqu'où un esprit humain peut aller. « Nous ignorons ce que notre nature nous permet d'être ». Sentiment de rivalité qui pousse à dépasser les autres.

« Je le répète, l'éducation de l'homme commence à sa naissance ; avant de parler, avant que d'entendre, il s'instruit déjà ». La part acquise est considérable : par comparaison, toutes les connaissances d'un savant ne représentent pas grand chose. « Mais nous ne songeons guère aux acquisitions générales, parce qu'elles se font sans qu'on y pense et même avant l'âge de raison ».

Distance entre les premières sensations « purement affectives » (plaisir et douleur) et les « sensations représentatives », i.e. qui s'accompagnent d'une représentation d'une chose qui leur est extérieure.

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« Préparer le règne de sa liberté »- « La seule habitude qu'on doit laisser prendre à l'enfant est de n'en contracter aucune ». Il ne doit pas être, dès le début, prisonnier d'un carcan imposé. « Préparez de loin le règne de sa liberté et l'usage de ses forces, en laissant à son corps l'habitude naturelle, en le mettant en état d'être toujours maître de lui-même, et de faire en toute chose sa volonté, sitôt qu'il en aura une ».

Comment affranchir l'enfant des peurs. Ex. les enfants de riches ont peur des araignées, peur inculquée. Il faut l'habituer à voir des « animaux laids, dégoûtants, bizarres… ». Ex des masques. Ex d'Astyanax, avec le panache d'Hector. Rendre le casque familier, jouer avec, pour réduire le fantasme. Le tonnerre, ils n'en ont pas peur de façon innée, mais parce qu'ils apprennent les dangers de l'orage. « Quand la raison commence à les effrayer, faites que l'habitude les rassure ».

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Raisonnement sur la sensation et le mouvement- Avant la mémoire et l'imagination, nous disposons des sensations. On va donc « les lui offrir dans un ordre convenable ». Il doit « tout toucher, tout manier », pour expérimenter, comparer, faire agir les sens entre eux. Le mouvement permet de prendre conscience du fait qu'il y a un monde extérieur, de « juger des distances ». On doit donc porter l'enfant, le promener.

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RÉAGIR AUX PLEURS : SOIGNER L'ENFANT SANS DEVENIR SON ESCLAVE

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Le signe, et le langage des pleurs-« Ils dorment, ou sont affectés » : tant qu'ils sont réveillés une sensation de plaisir ou de malaise les touche, les « affecte ». «Ils pleurent beaucoup ; cela doit être », puisque les pleurs sont le seul langage possible pour se plaindre. Affirmation sur la langue « naturelle et commune » :

« c'est celle que les enfants parlent avant de savoir parler »… « elle est accentuée, sonore, intelligible ». Les nourrices la comprennent bien. Les expressions qui passent nbses sur le visage mobile de l'enfant aident à l'interpréter. « Le premier état de l'homme est la misère et la faiblesse », d'où nécessité du secours d'autrui.

Le bébé ne distingue pas les sensations. « Tous les maux ne forment pour lui qu'une sensation de douleur ».

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Réactions des nourrices aux pleurs- prévenance, sollicitude, flatterie, bercement, énervement, brutalité.

« Voilà d'étranges leçons pour son entrée dans vie ». Souvenir de nourrisson frappé par la nourrice. L'enfant devient violet de fureur. « Quand j'aurais douté que le sentiment du juste et de l'injuste fût inné dans le cœur de l'homme, cet exemple seul m'aurait convaincu ». Crainte de convulsions en cas de colère. « Eloignez d'eux avec le lus grand soin les domestiques qui les agacent ». Les enfants doivent trouver de la résistance dans les « choses » et « jamais dans les volontés ».

Passage des pleurs vers les exigences : « de leur propre faiblesse, d'où vient d'abord le sentiment de leur dépendance, naît ensuite l'idée de l'empire et de la domination. » Premiers « effets moraux dont la cause immédiate n'est pas dans la nature ». C'est l'adulte qui doit saisir à partir de quel moment l'enfant

« commande » par ses pleurs. « Il importe de l'accoutumer de bonne heure à ne commander ni aux hommes ni aux choses ». Donc « il vaut mieux porter l'enfant à l'objet que l'objet à l'enfant ».

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Bonté naturelle et méchanceté acquise- Hobbes : le méchant serait un « enfant robuste ». Or « Toute méchanceté vient de faiblesse ; l'enfant n'est méchant que parce qu'il est faible ; rendez-le fort, il sera bon : celui qui pourrait tout ne ferait jamais de mal ». En fait avant l'âge de raison, l'enfant ne sait pas ce que sont le bien et le mal. Ses forces grandissent, il est avide de les exercer, parfois sur un oiseau. On ne peut pas en conclure qu'il soit mauvais ; il veut avant tout agir sur le monde extérieur. « que s'il semble avoir plus de penchant à détruire, ce n'est point par méchanceté, c'est que l'action qui forme est toujours lente, et que celle qui détruit, étant plus rapide, convient mieux à sa vivacité. »

En revanche, s'apercevant qu'ils peuvent utiliser leur entourage, ils « deviennent incommodes, tyrans, impérieux, méchants, indomptables ; progrès qui ne vient pas d'un esprit naturel de domination, mais qui le leur donne ». [C'est donc la relation aux autres, la « société », qui crée ce problème].La croissance apporte un équilibre des facultés et des besoins, mais ne fait pas disparaître le « désir de commander » une fois développé.

« l'empire éveille et flatte l'amour-propre, et l'habitude le fortifie ».

« Nous voyons clairement le point où l'on quitte la route de la nature ; voyons ce qu'il faut faire pour s'y maintenir ». Pour traiter ce pb, quatre « maximes » : 1° ne pas les brider dans l'usage de leurs faibles forces ; 2° les aider dans leurs besoins physiques ; 3° les aider sans leur accorder leurs fantaisies ; 4° étudier leurs « signes » dès les premiers mois pour distinguer le nécessaire du superflu. Cette attitude « accorde aux enfants plus de liberté véritable et moins d'empire » ; i.e. : la possibilité de faire ce que leurs forces leurs permettent de faire vs la possibilité de commander aux autres.

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Ccl pédiatrique : limiter les sources de pleurs-

Retour à la nocivité du maillot. Plus libres, ils pleurent moins. Les pleurs auxquels on ne peut apporter remède doivent être supportés. « Je suis fort éloigné de vouloir pour cela qu'on les néglige[…] mais je ne veux pas non plus que les soins qu'on leur rend soient mal entendus » . L'enfant qu'on n'essaie pas de faire taire à tout prix cesse de « prendre une peine inutile ». Il ne pleurera qu'en cas de vraie douleur. On peut le distraire, mais il ne faut pas qu'il s'aperçoive qu'on l'amuse (ou il pleurera pour qu'on l'amuse!!).

Les dents et la nourriture - Hochets souples, de la simplicité, pas de luxe. - Panade et crème de riz. Des aliments qui se mâchent pour la poussée des dents : fruits secs, croûtes, bâtons de pain dur.

« LA FORMATION DU LANGAGE ET DES PREMIERS DISCOURS ».

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Pas d'excès ni d'impatience- Chants gais et variés, pas de flot de paroles. Que les premiers mots ne se rapportent « qu'à des objets sensibles », pour préserver le lien signe/sens. Sinon par la suite, « l'écolier écoute en classe le verbiage de son régent, comme il écoutait au maillot le babil de sa nourrice ».

« Quoi qu'on fasse, ils apprendront toujours à parler de la même manière ». Ils raisonnent par imitation et analogie, et très logiquement. L'enfant corrigera lui-même ses fautes d'usage plus tard. Il faut juste parler correctement devant lui. Inutile de « se presser trop de les faire parler ».

Clarté de l'élocution-Les petits paysans s'expriment fortement : ils prononcent bien. Les petits urbains murmurent : on s'efforce trop de les deviner. Dans les collèges, l'apprentissage par cœur nuit à la clarté, on marmonne. Pas de ça pour Emile. Il faut apprendre aux enfants à parler hardiment, sans les critiquer sans cesse. Ne pas exiger que l'enfant parle : « il saura bien parler de lui-même à mesure qu'il en sentira l'utilité ». Ne pas gonfler le vocabulaire. «Avoir « plus de mots que d'idées » fausse la réflexion.

141 Les apprentissages fondamentaux se sont faits simultanément. Sans cela il ne se distinguait guère du fœtus.

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Livre II

LE CHOIX DU BONHEUR : UNE ÉDUCATION JOYEUSE

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Fin des pleurs. Comment en « tarir la source » ? Au terme de ce livre finira ce qu'on appelle « proprement » l'enfance. Raisonnement surinfans etpuer. Les enfants parlent, « s'ils continuent encore à pleurer, c'est la faute des gens qui sont autour d'eux » : éducation mal faite.

N'intervenir que lorsqu'il s'arrête de pleurer, ne pas accourir. « C'est par l'effet sensible des signes que les enfants jugent de leur sens ». Relativiser l'importance des blessures : on peut temporiser, l'enfant a surtout peur. Garder son sang-froid lui montre que la blessure n'est pas jugée grave par l'adulte. Inutile de lui épargner les appareiller : « Ni bourrelets ni paniers roulants, ni chariots, ni lisières », les enfants ne se cassent pas. Il est absurde de leur « apprendre » à marcher, tous marcheront. En plein air, on se fait peut-être des bosses, mais « le bien-être de la liberté rachète beaucoup de blessures ». Critère essentiel : ce qui compte est que l'enfant soit joyeux, et non protégé à tout prix.

Conscience de soi- Avec le mouvement, ses forces croissent, sa connaissance de l'entourage aussi : « C'est à ce second degré que commence proprement la vie de l'individu ; c'est alors qu'il prend conscience de lui- même ». « Il importe donc de commencer à le considérer ici comme un être moral ».

« L'âge de la gaieté »- Etant donné la mortalité infantile, une éducation « barbare », qui « charge un enfant de chaînes » est absurde. L'enfant n'aura connu qu'une vie de « galérien ». « L'âge de la gaieté se passe au milieu des pleurs, des châtiments, des menaces, de l'esclavage ». « Hommes, soyez humains, c'est votre premier devoir ; soyez-le pour tous les états, pour tous les âges, pour tout ce qui n'est pas étranger à l'homme. Quelle sagesse y a-t-il pour vous hors de l'humanité ? Aimez l'enfance, favorisez ses jeux, ses plaisirs, son aimable instinct. Qui de vous n'a pas regretté quelquefois cet âge où le rire est toujours sur les lèvres, et où l'âme est toujours en paix ? ». « Aussitôt qu'ils peuvent sentir le plaisir d'être, faites qu'ils en jouissent ; faites qu'à quelque heure que Dieu les appelle, ils ne meurent point sans avoir goûté la vie ».

Argument des défenseurs d'une éducation sévère : il faut « corriger les mauvaises inclinations ». Or, comment être sûr que tous ces maux qu'on inflige « sont à la décharge de l'avenir ? Et comment me prouverez-vous que les mauvais penchants dont vous prétendez le guérir ne lui viennent pas de vos soins mal entendus ? » Il faut donc apprendre à distinguer liberté et licence, enfant heureux et enfant gâté.

Le bonheur- donner à chaque chose sa place : « il faut considérer l'homme dans l'homme, et l'enfant dans l'enfant. « Ordonner les passions humaines selon la constitution de l'homme est tout ce que nous pouvons faire pour son bien-être. Le reste dépend de causes étrangères qui ne sont point en notre pouvoir. »

Caractère changeant de la vie : « on n'y goûte aucun sentiment pur, on n'y reste pas deux moments dans le même état ». La vie n'est que désir, et le désir est insatisfaction : il faudrait ne savoir éprouver de désir que pour ce qui est proportionné à nos forces. Il ne s'agit pas de « diminuer nos désirs », il faut « mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté », condition de la paix de l'âme. L'imagination, étendant les désirs, fait le malheur de l'homme, qui est esclave dès que sa puissance d'agir est inférieure à ses besoins.

L'immortalité, si convoitée, serait insupportable. Savoir qu'on va mourir rend les peines plus supportables.

Retour à la médecine, qui nous impose plus de peine que nos maux eux-mêmes. Maxime stoïcienne : « Vis selon la nature », et ajout personnel : « chasse les médecins ». « Souffre, meurs, ou guéris ; mais surtout vis juqu'à ta dernière heure ». Critique de la prévoyance, « manie » de se projeter toujours dans l'avenir.

Péroraison : incitation à rester conscient des limites humaines. « La domination même est servile, quand elle tient à l'opinion ». Il faut plaire à ceux qu'on domine pour les dominer. Louange de l'indépendance. « le seul qui fait sa volonté est celui qui n'a pas besoin, pour la faire, de mettre les bras d'un autre au bout des siens : d'où il suit que le premier de tous les biens n'est pas l'autorité, mais la liberté. L'homme vraiment libre ne veut que ce qu'il peut, et fait ce qu'il lui plaît. Voilà ma maxime fondamentale. Il ne s'agit que de l'appliquer à l'enfance, et toutes les règles de l'éducation vont en découler ».

LIBERTÉ NATURELLE ET BESOIN. COMMENT ÉVITER LES LIENS DE SUJÉTION ?

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L'enfant est faible car il ne peut se suffire à lui-même, ses forces ne sont pas proportionnées à ses besoins.

On doit aider l'enfant à rester à la bonne place, or souvent les parents lui attribuent plus de besoins qu'il n'en a réellement. « Il ne doit être ni bête ni homme, ni enfant ; il faut qu'il sente sa faiblesse et non qu'il en souffre ; il faut qu'il dépende et non qu'il obéisse ; il faut qu'il demande et non qu'il commande. » Idée importante que l'enfant est subordonné aux choses dont il dépend, mais pas à l'éducateur. « Nul n'a droit, pas même le père, de commander à l'enfant ce qui ne lui est bon à rien ».

Analogie entre l'enfant et l'homme social. Les enfants n'ont qu'une liberté imparfaite, comme les hommes dans une société politique. L'état de nature seul connaît la liberté pleine et entière (quand puissance = besoins), car l'inégalité tranforme les puissants en enfants vaniteux et capricieux. D'où l'idée d'échapper à la

« dépendance des hommes » : « c'est par elle que le maître et l'esclave se dépravent mutuellement ». Vision d'une république qui, par des lois « inflexibles », maintiendrait les hommes « exempts de vices ».

Détruire le germe des liens de sujétion- Ayant commis une mauvaise action, l'enfant sera puni par les conséquences, et non par l'arbitraire de l'adulte. Il rencontrera des obstacles physiques et non des interdits.

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« L'expérience ou l'impuissance doivent seules lui tenir lieu de lois ». Il s'agit de l'éduquer à la liberté : tant qu'il est trop faible, il est bien obligé de recevoir quelque chose de l'adulte, mais cela ne fait que le stimuler pour grandir et s'émanciper. Et il ne doit même pas pouvoir imaginer qu'il exerce une pression, un « empire » sur un adulte. On combat ainsi l'inégalité sociale. Pour obtenir cela, ne pas le contraindre inutilement. Il faut qu'il bouge, il en a besoin, et le « vrai besoin » est respectable.

Lutter contre la formation de caprices. — « Il importe d'accorder toujours au premier signe ce qu'on ne veut pas refuser », = la satisfaction d'un besoin légitime. Sinon, refuser, et s'y tenir : ou l'enfant verra la faiblesse de l'adulte ou croira à sa méchanceté. Il tentera un chantage (pleurs).— Formules de politesse : une manière habile d'exiger, en fait outil de domination : « On voit d'abord que « s'il vous plaît » signifie dans leur bouche « il me plaît », et que « je vous prie » signifie « je vous ordonne ».

Hors de question de laisser un enfant souffrir (« pâtir »), mais il ne faut pas non plus lui éviter tous les inconvénients. Emile peut avoir froid s'il joue, s'il est heureux de s'amuser dans la neige. « Je fais son bien dans le moment présent, en le laissant libre ; je fais son bien dans l'avenir, en l'armant contre les maux qu'il doit supporter ». Il s'agit d'élever l'enfant « dans sa constitution ». « Il faut qu'il connaisse les petits maux », les sentir rend sensible à la douleur d'autrui.

L'enfant qui veut tout et obtient tout désirera toujours autre chose. « L'enfant qui n'a qu'à vouloir pour obtenir se croit le propriétaire de l'univers », il est prêt à mettre le reste du genre humain en esclavage.

Ingrat pour ce qu'on lui donne, il devient haineux pour ce qu'on lui refuse, il est « dévoré des passions les plus irascibles », malheureux. L'ordre naturel est dans l'infériorité de l'enfant vis à vis de l'adulte, son aspect

« doux et touchant » est fait pour que les adultes le protègent. Un enfant « impérieux » est contre-nature et des adultes qui se soumettent offrent un spectacle « indécent, odieux, risible ». Conclusion : « laissons à l'enfance l'exercice de la liberté naturelle ». Ni instituteurs sévères, ni pères laxistes, qui font des enfants

« craintifs » ou « hautains » ( rapport social déjà dévoyé).

NE PAS COMMANDER, NE PAS RAISONNER : POSER DES LIMITES.

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Lutte contre une fausse rationalité, inatteignable pour l'enfant-Retour à la pratique : l'enfant ne doit pas agir par obéissance, mais par nécessité. « Ainsi les mots d'obéir et de commander seront proscrits de son dictionnaire ». Ne pas employer les mots des rapports sociaux, dont il se ferait de fausses idées. Il doit être limité au monde physique. Raisonner avec les enfants n'est pas bon. « Si les enfants entendaient raison, ils n'auraient pas besoin d'être élevés ». On doit poser des barrières morales, sans entrer dans des considérations sur le bien et le mal (objet du livre IV, Emile aura 15 ans). Sinon, on aura « de jeunes docteurs et de vieux enfants. L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres ».

Demander l'obéissance d'un enfant en la justifiant par un devoir moral est un leurre. Les enfants obéissent par intérêt mais continuent à mal agir en secret ; punis, ils s'excusent, mais on ne les a pas convaincus sur le plan moral. « On ne les a qu'ennuyés et intimidés ». En leur imposant une obéissance au-dessus de leur âge, on leur apprend juste à feindre et à mentir. « Employez la force[NB : pas la violence!] avec les enfants et la raison avec les hommes ; tel est l'ordre naturel ; le sage n'a pas besoin de lois » . « Ne lui commandez jamais rien, quoi que ce soit au monde, absolument rien. Ne lui laissez pas même pas imaginer que vous puissiez avoir une quelconque autorité sur lui. Qu'il sache seulement qu'il est faible et que vous êtes fort […] qu'il sente de bonne heure sur sa tête altière le dur joug que la nature impose à l'homme, le pesant joug de la nécessité ». Les non comme les oui doivent être nets et définitifs. « Il est dans la nature de l'homme d'endurer patiemment la nécessité des choses, mais non la mauvaise volonté d'autrui ». « La pire éducation est de le laisser flottant entre ses volontés et les vôtres ».

La « liberté bien réglée » seul vrai levier de l'éducation- (= liberté de faire tout ce qui est possible). Utiliser l'émulation et la vanité, c'est faire entrer un vice dans le cœur de l'enfant. On dira ensuite que « l'homme » est vaniteux. Il ne l'est pas par nature, mais on l'a élevé ainsi. « Ne donnez à votre élève aucune sorte de leçon verbale ; il n'en doit recevoir que de l'expérience ». L'enfant ne peut être considéré comme moral, il ne sait pas ce que c'est. Donc il ne faut pas le punir, mais lui faire sentir les inconvénients de son action. Aucun châtiment ne doit être infligé. Effroi supposé du lecteur : mais les enfants font des dégâts pour se venger.

Ceux qui connaissent les limites naturelles (et non arbitraires) n'ont pas ce besoin.

Le point de départ : « posons pour maxime incontestable que les mouvements de la nature sont toujours droits ». La seule passion est l'amour de soi ou l'amour propre, qui, quand il n'est pas dévoyé par un rapport avec autrui, est bon. « Il importe qu'un enfant ne fasse rien parce qu'il est vu ou entendu… alors il ne fera rien que de bien ». S'il fait du dégât, ce sera sans intention de nuire. Ne pas l'entourer de choses fragiles. S'il casse, aucun reproche, « comme si le meuble se fût cassé de lui-même ».

« NE PAS GAGNER DU TEMPS, MAIS EN PERDRE » : L'ÉDUCATION NÉGATIVE.

180 Parenthèse sur le paradoxe : « la plus utile règle de toute l'éducation, ce n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre ». Rousseau défend les paradoxes [≠ doxa] : « j'aime mieux être homme à paradoxes, qu'homme à préjugés ». Or la phase 0-12 ans est la plus dangereuse (l'enfant peut contracter quantité de défauts imperceptibles mais indéracinables, nécessité de la lenteur).

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L'éducation négative : retarder le plus possible les habitudes et préjugés. Il ne s'agit pas d'instruire, mais d'éviter d'instruire, en attendant que l'enfant soit raisonnable/rationnel. Le développer physiquement, et ne pas le gâter moralement/intellectuellement. « Laissez mûrir l'enfance dans les enfants ».

Adaptation à chaque enfant. « Chaque esprit a sa forme propre », il faut y être attentif. « Homme prudent, épiez longtemps la nature, observez bien votre élève avant de lui dire le premier mot ». Sinon, on partira au hasard, on commettra des erreurs, qu'on perdra du temps à rattraper (à supposer que ce soit possible).

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La question de l'entourage de l'enfant-Objection : dans quelle île déserte va-t-on l'élever ? Devra-t-il ne voir personne ? « Je sens ces difficultés, j'en conviens : peut-être sont-elles insurmontables ». L'aspect théorique de la réflexion est pleinement assumé ici. L'essentiel n'est pas de réussir, mais d'arriver le plus près du but. Ce qui suppose un examen de soi : « Souvenez-vous qu'avant d'oser entreprendre de former un homme, il faut s'être fait homme soi-même ; il faut trouver en soi l'exemple qu'il se doit proposer ».

Contagion de la vertu si le précepteur est humain : « Soyez juste, humain, bienfaisant »[…] « soyez leur frère et ils seront vos enfants ». Le précepteur pourra alors exercer une action bénéfique sur la maisonnée.

Réquisitoire contre la « canaille des valets » et les villes. Plus facile de maîtriser les interactions au village.

Critique des précepteurs à « flux de paroles ». « Toujours sermonneurs, toujours moralistes, toujours pédants, pour une idée que vous leur donnez la croyant bonne, vous leur en donnez à la fois vingt autres qui ne valent rien ». Le précepteur doit être attentif et non dogmatique, car l'enfant a peu de chances de saisir vraiment ce qui lui a été communiqué. Lui faire restituer ce qu'il a compris est éloquent : « il confond tout, il renverse tout ». « Maîtres zélés, soyez simples, discrets, retenus ». cfGenèse : « craignez d'exercer l'emploi du tentateur en voulant donner à l'innocence la connaissance du bien et du mal ».

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Comment réfréner les passions sans sermonner ? -Le spectacle d'un homme en colère suscitera des questions : on montrera que cet homme est physiquement malade, ce qui suscitera de la répugnance. Si Emile est en colère, on pourra alors le traiter comme un malade. Si le précepteur perd son sang-froid lui- même, il devra s'excuser. L'entourage ne doit pas rire de ces interprétations naïves, qui agissent sur lui. (Il ne faut pas qu'il ait l'impression d'être drôle ou ridicule). Il faut retarder le plus possible le regard sur les rapports humains et la morale, même s'il est impossible d'éviter d'y frotter l'enfant.

Considérations sur l'amour de soi : on ne cesse de parler aux enfants de leurs devoirs. Or il faudrait d'abord leur parler de leurs droits, pour les intéresser aux valeurs : « le premier sentiment de la justice ne nous vient pas de celle que nous devons, mais de celle qui nous est due ».

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Le rapport aux choses : -expérience de la propriété- Vivant à la campagne, il a envie d'avoir un jardin. JJ laboure, Emile plante une fève. On surveille la pousse et JJ lui dit que la plante lui appartient grâce à son travail. Mais un jour, tout est arraché. Tristesse, amertume. Le jardinier fait valoir la loi du premier occupant, se plaint qu'on a détruit ses melons. Dialogue : JJ s'excuse, propose de chercher une terre libre.

Robert : il n'y en a plus. Et personne ne peut labourer le jardin de son voisin. JJ demande que Robert concède un coin de son jardin à Emile. C'est un exemple de « leçon en action ».

- Deuxième exemple

- vitres cassées. Un enfant qui casse tout : on le laisse avoir froid. S'il casse encore, on lui explique qu'on veut protéger les vitres et on l'enferme dans une pièce sans fenêtre… jusqu'à ce qu'il soit apte — sur suggestion d'un tiers— à proposer un traité : liberté contre fin de la casse. Le précepteur doit accepter joyeusement, sans plus de sermon : l'impression sera suffisamment vive dans l'esprit de l'enfant.

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Vertus et travers- Le mensonge. Conventions et devoirs obligent au mensonge. Pour que l'enfant soit châtié d'un mensonge, qu'il soit puni par les conséquences de son action (ex : « n'être point cru quand on dit la vérité »), et non par le précepteur qui lui dirait qu'il a manqué à son devoir. L'éducation d'Emile est libre, il n'est jamais puni, il n'a pas de devoir. Il a intérêt à ne pas mentir à l'adulte pour se sentir mieux protégé.

La promesse. Ne jamais en exiger : sa notion du temps et de l'engagement n'est pas assez vaste, il promet pour se dégager. La lutte des maîtres contre les mensonges des enfants est donc contreproductive : « On veut se donner de nouvelles prises dans leur esprit par des maximes sans fondement, par des préceptes sans raison, et l'on aime mieux qu'ils sachent leurs leçons et qu'ils mentent, que s'ils demeuraient ignorants et vrais. ». Donc : ne jamais amener Emile à avoir intérêt à mentir. S'il s'engage (cela doit venir de lui et non de l'adulte), qu'il éprouve le bénéfice, ou le désavantage à ne pas tenir son engagement. Ex. d'un « étourdi de professeur » qui fait promettre sans cesse. Trop exiger sa parole lui fait perdre toute valeur.

Vertu, piété, charité. Au lieu de faire faire l'aumône à l'enfant, on en fait un privilège de l'adulte, qui seul connaît la valeur des choses. Il est indifférent à l'enfant de donner des pièces, « il donnerait plutôt cent louis qu'un gâteau ». Inutile aussi de les inciter à donner en leur rendant après, car on fausse leur perception

« c'est là rendre un enfant libéral en apparence et avare en effet ». Critique de Locke qui préconise cette méthode. Conclusion : l'exemple de la bonté du maître vaut mieux que les discours.

Une objection : suivre l'exemple, c'est pratiquer une vertu de singe. Apologie de l'imitation, « l'homme est imitateur, l'animal même l'est ». Elle est naturelle mais devient mauvaise en société : ce qui est imité est plutôt tout ce qui peut amener à se faire valoir que ce qui rend bon. Elle est un outil de promotion sociale.

Sur ce modèle, toutes les vertus se retournent, même celles de « faire du bien » aux autres. L'essentiel est

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d'être attentif à ne pas leur faire de mal, ce qui est très difficile : « les plus sublimes vertus sont négatives ».

Il faut donner peu d'instructions, les donner avec « précaution ». Mieux l'enfant est gardé au départ dans la voie de la nature, moins il a de chance de devenir « indocile, méchant, menteur, avide », tout ceci s'acquiert si l'éducateur n'est pas avisé. C'est plus facile si l'enfant est élevé seul, sinon, il est vite contaminé.

LA FORMATION INTELLECTUELLE : PRÉCOCITÉ ET APPARENCE DE PRÉCOCITÉ.

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Prodiges ou imbéciles ? - Qqs rares individus sont hommes directement : les prodiges. Illusion des mères qui veulent voient des indices dans un babil étourdi. « Tantôt il vous devance et tantôt il reste immobile. Un instant vous diriez : c'est un génie, et l'instant d'après : c'est un sot. Vous vous tromperiez toujours : c'est un enfant ». Certains, qui donnent une impression de stupidité, seront ensuite géniaux (ex. de Caton). D'où l'intérêt de ne pas se presser. « Respectez l'enfance et en vous pressez point de la juger, soit en bien, soit en mal ». « Vous êtes alarmé de le voir consumer ses premières années à ne rien faire. Comment ! N'est-ce rien d'être heureux ? N'est-ce rien que de sauter, jouer, courir toute la journée ? »

Seule la mémoire agit d'abord : « leur cerveau lisse et poli rend comme un miroir les objets qu'on lui présente ». Différence entre les images (« peintures absolues des idées sensibles » ) et les idées (« notions des objets, déterminées par des rapports »). Les idées viennent de la comparaison. La mémoire des enfants n'entasse que des sensations. Ex géométrie : ils peuvent en apprendre, mais ce qu'ils retiennent vient de leur mémoire visuelle : « Renversez la figure, ils n'y sont plus ». Les enfants raisonnent pourtant, « dans tout ce qu'ils connaissent », i.e. sur ce qui les touche. Leur parler de leur avenir ne leur dit rien. Les pédagogues enseignent « blason, géographie, langues, chronologie ». Pur langage, et non « sciences de choses ».

Langues : jusqu'à l'âge de raison, les enfants ne sauraient en avoir deux, puisqu'ils ne savent pas comparer des idées. La pratique des langues mortes masque le fait que ces langues ne sont pas pratiquées.

Histoire et géographie - Inutile de leur apprendre des signes de choses insaisissables : les noms des pays sur le globe terrestre, les « faits » en histoire : or il n'y a pas de faits sans chaînes causales, et morales.

« Lecteur, souvenez-vous toujours que celui qui vous parle n'est ni un savant ni un philosophe, mais un homme simple, ami de la vérité, sans parti, sans système ». Solitaire, il a du recul sur les préjugés.

Ex. Leçon sur le médecin d'Alexandre. Après vérification, pour l'enfant, qui a été malade récemment, le courage d'Alexandre réside dans le fait d'avaler une potion. Rires de JJ. Il vaut mieux fait apprendre « les choses » aux enfants, plutôt que des signes de choses, ce qui les pervertit, « en leur faisant prendre pour de la science des mots qui n'ont aucun sens pour eux ! » Il s'agit de « se payer de mots », de vouloir briller, et non de vouloir savoir (=> amour propre et non rapport authentique au monde). La « souplesse » de l'esprit de l'enfant ne doit pas être utilisée pour enregistrer des mots,« dont on accable sa triste et stérile enfance ».

Caractère innovant de l'éducation proposée- Instruire l'enfant, c'est faire en sorte que les idées « qu'il peut concevoir et qui lui sont utiles… s'y tracent de bonne heure en caractères ineffaçables ». Méthode nouvelle : en agissant sur tous les objets qui le frappent dans son entourage, on va pouvoir former un « magasin de connaissances », et lui permettre de régler sa conduite pour toute sa vie. « Cette méthode, il est vrai, ne forme point de petits prodiges et ne fait pas briller les gouvernantes et les précepteurs ; mais elle forme des hommes judicieux, robustes, sains de corps et d'entendement, qui, sans s'être fait admirer étant jeunes, se font honorer étant grands ».

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Fables de La Fontaine - Emile n'apprendra pas de fables par cœur. Les mots des fables, amusants, distraient de leur morale, qui, « mêlée et disproportionnée à leur âge » n'est pas adaptée. Cinq ou six fables seulement sont « enfantines ». «Le Corbeau et le Renard ». Tournures poétiques, vieux usages, détails irréalistes : impossibilité pour l'enfant de « sentir » les émotions des personnages. La fable manque sa cible : « au lieu de s'observer sur le défaut dont on veut les guérir ou préserver, ils penchent à aimer le vice avec lequel on tire parti des défauts des autres. […] Les enfants se moquent du corbeau, mais ils s'affectionnent tous au renard.[…] On n'aime point à s'humilier : ils prendront toujours le beau rôle ; c'est le choix de l'amour- propre, c'est un choix très naturel » Id. pour d'autres fables, « Le lion et le moucheron », « le loup et le chien ». « Il faut une morale en paroles et une en actions dans la société ». La première est inopérante (catéchisme), la deuxième est en fait la morale sociale. Hommage à La Fontaine, mais conclusion sur le caractère anti-pédagogique des fables.

« La lecture est le fléau de l'enfance »- Emile ne saura lire que quand la lecture lui sera utile (loi pédagogique de l'utilité et de l'agrément). Or, on en fait le plus souvent un tourment. Seul le désir d'apprendre le mènera à lire. JJ passera par des billets (petits mots) dont Emile a intérêt à connaître le contenu. Impatient, l'enfant saura vite lire. Moins on exigera qu'il lise, plus il aura, lui, envie de se rendre indépendant. Inversement : « de quoi lui servira la lecture quand on l'en aura rebuté pour jamais ? ».

La « méthode inactive » et la primauté d'un corps sain- Mais refus de répondre, et retour à l'essentiel : le but n'est pas de porter loin l'esprit de l'élève, mais de le rendre « attentif à ce qui le touche immédiatement ».

Sur ces objets limités, il raisonne vraiment. Et il faut lui laisser beaucoup de mouvement physique : nécessité d'un corps robuste et sain. Il ne s'agit pas de lui donner des ordres sans cesse : « Si votre tête conduit toujours ses bras, la sienne lui devient inutile. Mais souvenez-vous de nos conventions : si vous n'êtes qu'un pédant, ce n'est pas la peine de me lire ». R. s'adresse maintenant au précepteur.

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LA DIALECTIQUE DU MAÎTRE ET DE L'ÉLÈVE

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Le sauvage et le paysan. Le sauvage, libre, doit être à l'affût et vif, le paysan, enchaîné par l'habitude et la sujétion, réplique les mêmes gestes. Emile doit être comme le sauvage : « il juge, il prévoit, il raisonne ».

Satire de l'élève ordinaire, qui n'agit que par obéissance (« il n'ose manger quand il a faim, ni rire quand il est gai »). Il est totalement dépendant du maître. Mais il brille socialement grâce à un vernis culturel. À Sparte : « au lieu de les coller sur des livres, on commençait par leur apprendre à voler leur dîner ».

Renversement de la relation maître-élève : le « pédant » croit gouverner, mais l'élève fait payer son écoute.

« L'enfant, pour l'ordinaire, lit beaucoup mieux dans l'esprit du maître que le maître dans le cœur de l'enfant », parce que, opprimé, il a intérêt à manipuler le maître. JJ sera maître d'Emile de façon cachée :

« Sans doute il ne doit faire que ce qu'il veut ; mais il ne doit vouloir que ce que vous voulez qu'il fasse ». Il s'agit de conduire ses expériences et non de le contrarier. Il se développera en toute confiance. Au contraire, l'enfant captif, bridé, essaie de prendre le maître en défaut : vice qui devient une habitude. Emile ne doit pas se sentir opprimé. Pour cela le précepteur doit connaître le cœur humain. Les caprices de l'enfant viennent du déséquilibre dans la relation, quand on a admis que l'enfant pouvait commander (cf livre I).

Histoire du petit capricieux- Pour tester JJ, il se lève la nuit. Au bout de qq temps, pour éviter de se mettre en colère, JJ enferme l'enfant dans un cabinet [à l'époque précepteur et élève dormaient dans la même chambre].

L'enfant finit par s'endormir. La mère est très mécontente (le petit a fait le malade) : il ne faut pas le contrarier. « En cela j'étais bien d'accord avec elle ; mais elle entendait par le contrarier ne lui pas obéir en tout ». Luttes : l'enfant veut chaque fois ce que ne veut pas JJ. JJ instaure une réciprocité : alors que l'enfant désire se promener (parce que lui-même est occupé), JJ laisse l'enfant sortir seul. Mise en scène prévue.

Inquiet, l'enfant entend les adultes se moquer. Un homme l'accoste : grande peur. Le père survient, demande à l'enfant comment il se fait qu'il soit sorti seul. « C'est par ces moyens que, durant le peu de temps que je fus avec lui, je vins à bout de lui faire faire tout ce que je voulais sans lui rien prescrire, sans lui rien défendre, sans sermons, sans exhortations, sans l'ennuyer de leçons inutiles ».

PRIMAUTÉ DU CORPS, DONT L'ADRESSE VA AIDER AU DÉVELOPPEMENT DE L'ESPRIT.

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« La première raison de l'homme est une raison sensitive ». Les exercices corporels forment l'esprit, en donnant à l'enfant une connaissance exacte de sa force, donc une capacité d'action sur le monde. (Ne pas vouloir arracher un arbre, mais savoir se servir d'un levier.) Le petit enfant, comme le petit chat, dès qu'il sait marcher observe tout et palpe tout. Il doit ainsi « se mesurer avec tout ce qui l'environne ». Le savoir introduit par les sens est un savoir solide, les sens sont « les instruments de notre intelligence ». Réponse à une objection : ce n'est pas la peine d'apprendre à un enfant ce qu'il apprend de toute façon. Réponse : Jj enseigne « un art très long, très pénible[…] c'est celui d'être ignorant ». Ce qui permet de construire

« l'instrument propre à acquérir » le savoir, et non un vernis. Recours aux philosophes du passé : Montaigne, et Locke, qui sont d'accord sur ce point. Unanimité des éducateurs (rare!) Renvoi à Locke.

248 Vêtements et chapeaux -Les vêtements doivent favoriser le mouvement, et non déguiser en petits adultes.

Des couleurs, mais pas d'habits « riches » qui rendent orgueilleux. Stupidité d'un précepteur qui menace son élève de lui attribuer des habits de paysan : il lui fait sentir que tout est dans le paraître.

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254 La boisson- Contradiction de Locke, qui veut que les enfants aient les pieds dans l'eau froide, mais ne veut pas qu'ils boivent frais. Èviter les trop gros contrastes, et ne pas l'obséder de sa santé.

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Le sommeil et le lit - L'idéal : se coucher et se lever avec le soleil. Mais la vie civile implique d'autres rythmes. Un enfant doit dormir longtemps, mais doit aussi s'adapter. Pas besoin de lit moelleux, quand on bouge dans la journée. S'il tarde à s'endormir on lui inflige des discours, il y succombera ! Un bon éducateur peut faire en sorte que l'enfant dorme ou se réveille à volonté. Cela dépend de la façon de lui présenter la journée suivante. Un paresseux sera aiguillonné, non par la force mais par le jeu (refus de l'émulation ou de la jalousie). « Leur vivacité, leur esprit imitateur suffisent ; surtout leur gaieté naturelle, instrument dont la prise est sûre, et dont jamais précepteur ne sut s'aviser ».

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La douleur, la mort, la santé, la variole -Préparer l'âme de l'enfant aux plus dures épreuves, lui parler de la douleur et de la mort. Question sur la variolisation. À pratiquer en bas âge, pour protéger, ou laisser faire la nature. R. se défend de « blâmer l'inoculation », mais elle est bonne pour les petits citadins fragiles.

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Les sports-L'éducation aristocratique vise à se distinguer par des disciplines coûteuses : ex. équitation. On n'apprend pas au jeune noble à nager, c'est trop commun. Emile apprendra à nager, car c'est essentiel. Les parents ont peur de la noyade : mais il ne se noiera pas dans le parc de son père, et JJ le surveillera.

L'EXERCICE DES SENS

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S'ils sont cultivés les sens nous apprennent beaucoup sur le monde. Avant d'exercer une force, faire jouer l'évaluation visuelle et auditive. « N'est-il pas clair que plus il agira, plus il deviendra judicieux ? ». Il évaluera ainsi la longueur nécessaire d'un levier, le poids acceptable d'un fardeau.

Exercice du toucher et de l'ouïe : jeux de nuit. Souvenir personnel-Le toucher n'est pas sollicité à l'état de

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veille. Or il est très utile la nuit. Observations à faire dans le noir (écho, souffle d'air). La nuit est très effrayante parce que nous ne pouvons connaître ce qui est autour de nous, et nous y supposons mille dangers. Rôle de l'imagination, à limiter par la réalité. Avertissement : il faut que les jeux de nuit soient joyeux, pour compenser l'horreur du noir. Introduction d'un souvenir : « En vieillissant, je redeviens enfant, et je me rappelle plus volontiers ce que j'ai fait à dix ans qu'à trente. ». M. Lambercier envoie JJ (11 ans) chercher une Bible dans le temple, de nuit. Peurs, recul, retour près de la maison. Il entend qu'on va venir le chercher : par orgueil, il y va droit et ramène la Bible. C'est aussi le fait d'avoir entendu des rires et des paroles qui l'a rassuré. Une proposition de jeu joyeux : labyrinthe où l'on dispose des boîtes. Tous ne trouvent pas la boîte à bonbons et découvrent qui un navet, qui un escargot. Avantages de cet entraînement : bravoure. Ne pas agir par surprise. Le toucher est un sens fiable (proximité de l'objet). Mais il faut que la main ne soit pas trop endurcie, pour rester sensible. Bienfait de laisser l'enfant nu-pied.

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Exercice de la vue : jeu d'orientation. Jeu d'évaluation : le petit chevalier et la course aux gateaux. Très étendue, la vue est sujette à illusion. Il faut apprendre à évaluer les distances

Histoire du petit chevalier qui ne veut pas courir. « La difficulté était d'autant plus grande que je ne voulais lui prescrire absolument rien ; j'avais banni de mes droits les exhortations, les promesses, les menaces, l'émulation, le désir de briller ». Attention : « moi, c'est-à-dire celui qui parle dans cet exemple. » JJ emporte trois gâteaux, met le 3e en jeu dans une course entre deux garçons. Aucune réaction. Nouvelles courses, les spectateurs se passionnent, dont le « chevalier », qui se décide à participer. JJ le favorise discrètement. L'enfant y prend goût, gagne plus. Puis JJ triche, lui inflige un plus long trajet. Qd l'enfant s'en aperçoit, JJ lui dit qu'il n'a qu'à choisir le plus court. => « on s'exerça donc à mieux voir, à mieux estimer une distance à la vue ». Discipline qui demande l'intervention de tous les sens : « Ce n'est qu'à force de marcher, de palper, de nombrer, de mesurer les dimensions, qu'on apprend à les estimer ».

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Dessin, et décoration de la chambre- La volonté d'imiter introduit le dessin. Pas d'autre maître que la nature, afin que l'enfant acquière « un coup d'œil plus juste ». JJ fait semblant de n'être pas plus doué que l'enfant au début, et partage le plaisir. Il ne devancera Emile que de peu : il faut que les progrès lui paraissent atteignables. On affiche les dessins dans la chambre, de façon à pouvoir constater les progrès.

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La géométrie- L'apprentissage usuel est improductif (demander la démonstration d'une proposition). JJ part de l'observation de figures exactes qu'on positionne et superpose. C'est Emile qui apprend la géométrie à JJ, qui cherche. Mesure des angles grâce au traçage des cercles. On découvre les propriétés par observation. Ex du « petit gourmand » qui, à Turin, a appris les mesures des surfaces en choisissant des gaufres.

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Les jeux adultes- « paume, mail, billard, arc, ballon, instruments de musique » exercent l'adresse. On peut adapter ces jeux à la taille de l'enfant. Mais les jeux « d'hommes » (pas le volant) sont formateurs :

« s'élancer du bout d'une salle à l'autre, juger el bond d'une balle encore en l'air, la renvoyer d'une main forte et sûre ». Les enfants s'y fortifieraient et gagneraient de l'adresse. Evocation de troupes d'enfants qu'on donne en spectacle et qui font des prouesses : c'est donc à leur portée. Evocation de quelques enfants prodiges, du dessin ou de la musique. Réponse à l'objection tentante : voilà R. qui « tombe dans le défaut de la culture prématurée » ? Mais il s'agit d'exercices du corps : le clavecin = habileté digitale. « On doit toujours songer que tout ceci n'est ou ne doit être que jeu, direction facile et volontaire des mouvements que la nature leur demande, art de varier les amusements pour les rendre plus agréables ».

295 Manière d'exercer les autres sens : l'ouïe - Apprendre à écouter la nuit, comparer les sens entre eux (éclair/

tonnerre) . Cultiver la voix pour cultiver l'ouïe. Qu' Émile articule, parle clariement. « Dans le chant, rendez sa voix juste, égale, flexible, sonore ». Mais il n'est pas urgent de lui apprendre à lire la musique. Si on le fait, exercer l'enfant à composer en même temps qu'on lui apprend la musique, et toujours au clavecin.

Méthode de solfège, pour simplifier. Considérations techniques (cf le traité sur la musique).

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Le goût , la gourmandise, le régime alimentaire- Privilégier les aliments simples : lait, fruits, légumes, les herbes, quelques viandes grillées. « Conservons à l'enfant son goût primitif le plus pur qu'il est possible » (plus conforme à la nature). Le goût est le sens qui « nous affecte le plus », et le moins sujet à être impressionné par l'imagination. « De cela même, je conclurais que le moyen le plus convenable pour gouverner les enfants est de les mener par leur bouche. Le mobile de la gourmandise est préférable à celui de la vanité ». Dès que le cœur se proccupera d'autre chose, ce vice disparaîtra. L'usage de la gourmandise dans l'enfance est une juste rétribution de la dépense physique permanente. Mais il faut rester aux mets simples. Tirade contre les peuples mangeurs de viande, « féroces et cruels » : 3 pages de Plutarque.

313 L'odorat prépare le goût, et est très sensible à l'imagination, d'où les différences de culture par rapport à ce sens. Les enfants, ayant connu peu de passions, ont un odorat peu développé, « obtus et presque hébété ».

Ne pas couvrir un médicament dégoûtant d'un aromate. Par association d'idées l'odorat sera déprécié aussi.

316 Un « sixième sens, appelé sens commun » -Il consiste dans la comparaison des différentes sensations, qui permet d'avoir des idées simples des choses : « Ainsi ce que j'appelais raison sensitive ou puérile consiste à

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former des iédes simples par le concours de plusieurs sensations ».

VISION CONCLUSIVE : PERFECTION ENFANTINE D'EMILE

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- Chaque âge ayant sa perfection, « considérons un enfant fait », (cf « homme fait »). Contempler « une belle enfance » est comparable au fait de contempler la campagne au printemps. « En voyant ainsi ranimer la nature, on se sent ranimer soi-même ; l'image du plaisir nous environne[…] Au spectacle du printemps l'imagination joint celui des saisons qui le doivent suivre ». De même pour l'enfant : « quand je me figure un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l'avenir […] Je le prévois dans un autre âge, exerçant le sens, l'esprit, les forces, qui se développent en lui de jour en jour[…] je le contemple enfant, et il me plaît ; je l'imagine homme, et il me plaît davantage ; son sang ardent semble réchauffer le mien ; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit ».

L'enfant au précepteur normal s'éteint au moment des leçons. Emile, lui, est heureux : « O toi pour qui nul temps de la vie n'est un temps de gêne et d'ennui ; viens, mon heureux, mon aimable élève[…] il arrive, et je sens à son approche un mouvement de joie que je lui vois partager.[…] Il est bien sûr, en me voyant, qu'il ne restera pas longtemps sans amusement ; nous ne dépendons jamais l'un de l'autre, mais nous nous accordons toujours, et nous ne sommes avec personne aussi bien qu'ensemble ». Portrait d'Emile, valorisant sa santé, sa vivacité, sa droiture : « Il a l'air ouvert et libre, mais non pas insolent ni vain ». Il tiendra sa juste place dans la conversation, sans souci de briller, ni de dissimuler, « sans s'embarrasser d'aucune sorte de l'effet que fera sur vous ce qu'il aura dit : il usera de la parole dans toute la simplicité de sa première institution ». « Son esprit n'est pas dans sa langue, mais dans sa tête ».

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