Variations de la taille humaine dans le canton de Genève : comparaisons avec les Grisons et l'ensemble de la Suisse

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Variations de la taille humaine dans le canton de Genève : comparaisons avec les Grisons et l'ensemble de la Suisse

SAUTER, Marc-Rodolphe, KAUFMANN, Hélène

Abstract

Nous avons pu tracer une courbe de variation de la taille des conscrits de Genève de 1826-35 à 1952 ; courbe interrompue par de grandes lacunes, mais qui permet de constater trois moments dans l'histoire de la taille : jusqu'en 1888, stabilité ; en 1889, plongée de la courbe ; enfin à partir de 1890 et jusqu'à nos jours, augmentation continue de la stature. Les données relevées, calculées et aménagées en graphique pour les Grisons et l'ensemble de la Suisse prouvent que les faits ainsi décrits se retrouvent ailleurs ; si ce n'est pas nouveau en ce qui concerne la dernière étape, c'est plus inattendu pour le processus observé entre 1884 et 1890. Nous avons vu que le creux de 1889 est difficile à expliquer ; que l'augmentation diachronique de la taille, qui s'amorce en Suisse en 1890 - ce qui est tard par rapport à ce qu'on a mis en évidence tant au nord qu'au sud de la Suisse - suscite diverses hypothèses explicatives, où l'amélioration des conditions de vie et l'expansion graduelle de types raciaux de plus haute taille ne s'excluent peut-être pas. Nous sommes conscients de l'aspect fragmentaire et [...]

SAUTER, Marc-Rodolphe, KAUFMANN, Hélène. Variations de la taille humaine dans le canton de Genève : comparaisons avec les Grisons et l'ensemble de la Suisse. In: Mélanges Pittard, offerts au Professeur Eugène Pittard par ses collègues et ses amis en l'honneur de son 90e anniversaire, 5 juin 1957. Brive : Impr. Chastrusse, Praudel & Cie, 1957.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:96167

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VARIATIONS DE LA TAILLE HUMAiNE DANS LE CANTON DE GENEVE ; COMPARAISONS AVEC LES GRISONS

ET L'ENSEMBLE DE LA SUISSE

par

Marc-R. SAUTER

Professeur d'Anthropologie et de" Paléontologie humaine à l'Université de Genève

et

Hélène KAUFMANN

Chef de travaux à l'Institut d' Anthropologie de l'Université de Genève

Extrait de l'ouvrage

MÉLANGES PITTARD

Imprimerie CHASTRUSSE, PRAUDEL &-Cl•

BRIVE (Corrèze) 1957

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VARIATIONS DE LA TAILLE HUMAINE DANS LE CANTON DE GENEVE ; COMPARAISONS AVEC LES GRISQNS

ET L'ENSEMBLE DE LA SUISSE

par

Marc-R. SAUTER

Professeur d'Anthropologie et de Paléontologie humaine à l'Université de Genève

et

Hélène KAUFMANN

Chef de travaux à l'Institut d' Anthropologie de l'Université de Genève

Quiconque étudie à un point de vue quelconque l'homme physique, intellectuel ou moral et les manifes- tations de son activité dans le présent ou dans le passé, dans la vie individuelle ou collective, dans la famille ou dans la société, rencontre à chaque pas des questions qui Je conduisent jusque sur le seuil de l'anthropologie, qui parfois l'amènent à le franchir.

BROCA, Discours d'ouverture au Congrès international des sciences anthropologiques,

Paris, 1878.

Il y a cinquante ans le Professeur EUGÈNE PITTARD, avec ses collaborateurs, commençait la publication d'une série d'études sur la taille humaine en Suisse (PITTARD et KARMIN, 1907, etc., voir Biblio-

graphie), où il soumettait les fiches individuelles des recrues de certains cantons de la Suisse romande examinés autour de 1890 à une analyse multiple. En r 93 1 il revenait sur ce sujet en n:i·ettant en évidence le phénomène d'augmentation de la stature ,entre 1884-86 et 1908-ro.

On comprendra notre désk de rappeler ce secteur de recherches de notre maître et de Je rappeler non seulement par des citations et par une liste bi'bliographique, mais aussi et surtout d'une manière conforme à la reconnaissance et au souci scientifiques, en apportant des éléments nouveaux au do&:ier ouvert par celui qui . écrivait :

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360 ^M.SAUTER ET H. KAUFMANN

« Une étude de la taille humaine doit donc être envisagée sous .Je plus grand nomlbr,e possible de faces explicativ,es. Pour cela il faut intensifier ,les enquêtes, dans 1 'espace, et dans les meilleures condi- tion.SI 11éclamées par la Statistique et la Biologie. Il faut avok, par dev,ers soi, des grands nomlbr,es, obtenus autant que possibJ.e wr de petits territoires, dont nous connaissons bien tous les rapports : phy- siques, économiques, sociaux, techniques;. sur des territoires d'ar- chitectures variées, pour que puis.sent intervenir les facteurs méso- logiques que notre imagination peut envisager. » (PITTARD et DEL- LENBACH, 1931, p. 309).

C'est de la conjonction de deux· r,echer,ches que s'est formée cette nof.e. Mors que l'un de nous (S.) tentaTI une synthèse de nos connaissances sur l'anthropologie d,e Genève (SAUTER, 1957) et était fatalement amené à s'intéresser à la question des fluctuations de la taille dans la population genevoise, la seconde signataire de c-es

lignes., élaborant les résultats anthropologiques de la vaste •enquête à laquelle elle a collaboré (avec K. HAEGLER) en 1954 (KAUFMANN, HAEGLER, etc., 1954 et 1958) sur les Walser des Grisons, a dû aussi se débattre (le mot est juste) avec 1a même question. Nous avons pem:é qu'il serait intéressant de rapprocher les documents, les constatations faites et les interrogations su~citées aux deux extrémités de la Suisse.

Nous avons centré notre analyse sur Genève, d'une part parce que nous disposions pour ce canton de renseignements en plus grand nombre, nous permettant de remonter plus loin dans le XIXe siècle, et d'autr·e'part pour rendre hommage non seuJ.ement à !'anthropologiste EUGÈNE PITTARD, mais aussi au Genevois de vieille souche ! Les dbnnées relatives aux Grisons serviront en quelque sorte de pendant à oelleS1 de Genève. Le fait qu'il s'agit dans Je premier cas (Genève) d'un canton où J.e milieu urbain est dominant, alors que

1dans le s·eoond cas (Grisons·) on a affaire à un canton éminemment rural ·et montagnard, donnera un intérêt supplémentaire à cette com- paraison. Il nous a paru; de plus, utiie de fournir les chiffres homologues concernant l'ensemble de la Su-isse. Nous n'avons pas d'autr,e pI'étention, dans oette courte note, que de prolonger la ligne tracée •en 1931 par notre maîtr-e, de mettre en lumière certaines p~r- ticularités de ,l'histoire de la taille humaine chez nous, enfin d'es·quis- ser, là où elile ,est pos~ible, une tentative d'explication.

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VARIATIONS DE LA TAILLE HU1v1AINE 361.

Matériel. - Il s'agit, dans tout,es les séries utilisées ici, de jeunes hommes, plus exactement de conscrits, c'est-à-dire de jeunes gens astreints au reorutement et qui, à cette occasion, ont ·été mesu- rés. On sait que J.e choix .d,e ce « matériel humain » n'est pas idéal, si l'on veut en tirer des indications sur .les caractères anthropologiques de la population adulte à laquelle ils se rattachent, puisqu'ils n'ont pas encore atteint Jeur plein développement; ce défaut est par- ticulièrement patent en ce qui ooncerne la stature. Il faut pourtant se contenter de ce qui en réalié n'est pas le résultat d'un choix : en effet, rnuf pour !,e dernier demi-siècle, on ne dispose pas d'autre source de documentation anthropologique statistiquement va:Iable. Le fait q,ue, à part quelques exceptions, toutes les séries oonsidérées dans JIOtre étude représentent le même âge (19 ans), donc - en principe - le même ~:tade de développement somatique, atténue l'inconvénient rappelé ici, en donnant la ,possibilité d'établir des comparaisons valables.

Nous avons délibérément laissé de côté des documents relatifs à la taille des adultes, comme ceux qu'a fournis notre enquête sur la P,Opulation de Genève, effectuée en 1940 (voir .la !Bibliographie sous PITTARD, 1945; KAUFMANN et SAUTER, 1951). Ils n'auraient été utilisables qu'après avoir subi des adaptations, dont le coefficient aurait été beaucoup trop incertain.

Ajoutons que pour toutes les séries de conscrits. au,tres que oelle de 1927-32 (SCHLAGINHAUFEN, 1946), il s'agit d'hommes examinés dans le canton considéré, sans distinction d'origine. E:Ues compren- nent donc, à côté des sujets originaires du canton, une pr,oportion (très variable) de Confédérés. Ce point est particulièrement impor- tant pour Çenève. DUNANT (1867) indique que .pour sa série de

2.005 com:crits de 20 ans mesurés à Genève, de 1860 à 1865, 201 (rn %) étaient des Suiss,es d'autres cantons. En 1950 la population masculine du cant,on de Genève comprenait 60, 9 % de confédérés (ils n'étaient que 2 1, 5 % dans le canton des Grisons) ( 1). La série de 1927-32, elle, ne ~e COffiiPOSe que de sujets originaires du canton en cause, où q,u'ils habitent. Cet,te façon de faire, parfaitement légi-

(1) Recensement fédéral de la population. 1er décembre 1950. 7• vol., canton de Genève. Statistique de la Suisse, 278• fasc., série Ae 7. Berne, 1955. - Eidgenossische Volkszaehlung. 1. Dezember 1950. Bd. 9, Kanton Graubünden. Statistische Quellenwerte der Schweiz, Heft 257, Reihe Ae 9, Bern, 1954.

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36'2 M. SAUTER ET H. KAUFMANN

time, offre un petit inconvénient dans notre cas puisqu'il rend œtte série moins aisément comparable aux autres; nous sommes cepen- dant persiuadés que J.es courbes n'en sont pratiquement pas modi-

fiées. ·

Sources. - Nous avons eu recours à trois sortes de sources : d'abord à trois publications utifüant les r,egistres officiels où étaient consignées les tailles des conscrits; ce sont les artides d'EDOUARD MALLET (1835) et de P.-L. DUNANT (1867) sur les con~- crits de Genève, qui n',ont pas d'équivalent dans les Grisons et en Suisse; uoo étude de LORENZ ( 1 895) utilisant les données relatives aux com:crits grisons et fournissant une moyenne de la taiUe des conscrits suisses en 1865 ; ensuite une pulblication rapportant des chiffres dus à un anthropologiste, le Professeur O. ScHLAGIN- HAÛFEN, dont la magnifique enquête sur les conscrits (Stellungs- pflichtigen) de la Suisse, réalisée de 1927 à 1932, a fo mérite d'ap- porter des données sûres (publiées en 1946); ,enfin les renseignements officiellement .pubJi.és piM" le Bureau fédéral de Statistique à Berne (Stafütique de la Suisse, puis Annuaire statistique de la Suisse). On trouvera dans fa !Bibliographie in fine les indications plus précises sur ces sources.

Adaptations en fonction de l'âge. - Nous avons dit que quelques rares séries parmi celles que nous: avons utilisées ici ne sont pas conformes, de par l'âge des s.uj,ets, à !la majorité. C'est le cas pour J.es hommes de MALLET et de DUNANT, qui ont été exam'inés, les premiers« dans l'année qui suit celle où ils ont eu 20 ans accom- plis» (MALLET, 1835, p. 252), soit à 21 ans, les seconds « dans l'année où ils arrivent à vingt ans accomp:Jis » (DUNANT, 1867, p. 3), c'est-à-dire à 20 ans. C'est le cas encore, daf).s l'autre sens, des com:crits soumis au recrutement entre 1944 et 1945, l'éta,t de guerre - et de mobilisation, pour la Suisse - nécessitant 'l'appel à 18 ans.

Nous avons donc été plaoés devant 1,e problème des corrections à· faire subir aux moyennes de taille dans ces trois cas. Dans Ia quasi impossibilité de trouv,er des publications où figureraient, pour une population pas trop éloignée de la Suisse, des séri,es contempo- raines de sujets masculins de 18, de 19, de 20 et de 2 1 ans, en nombre suffisant, ce qui aurait permis de calculer un coefficient d'adaptation, approximatif certes mais quand même utilisable, nous avons eu recours à la méthode déjà utilisée par COSTANZO (1939)

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VA1UATIÔNS DE LA TAILLE HUMAINE 363

pour son analyse des variations de la taille für les conscrits de Casale Monferrato (Piémont) ; comme lui nous avons eu recours aux chiffres déjà anciens de MACKEPRANG (1907) sur des Danois, que nous avons trouvés - en l'absence de l'article original - cités dans une note de S. HANSEN (1908, p. 218). Nous 1,e faisons en ayant padai- tement conscience ,de ce que ce ,procédé a d'imparfait. Nous trouvons là que la différence ,entre les moyennes de taille est de 1 ,04 cm entre 18 et 19 ans, de 0,79 cm entre 19 et 20 ans, de 1,26 cm entre 19 et

2 1 ans. Le tableau ^1,où nous avons réuni tous les chiffres utiles extraits de la littératu,e citée, contient aussi 'les moyennes adaptées.

La courbe du graphique (fig. 1) porte la trnce de ces oorrections : les points placés aux coordonnées de 1' âg,e de= mem uration et du chrffre de moyenne de taille ont été doublés chacun d'un point placé à la taille adaptée et à l'âge de 19 ans. Pour les ,conscrits mesurés à 18 ans, nous avouons qu'il ne nous a pas paru indispensable de faire état (sauf à les mentionner dans le tableau 1) des chiffres ainsi modi- fiés : ayant constaté ,que la moyenne de taille des conscrits de Genève

en 1944 et 1945 se serait trouvée plus élevée que celles de 1947 et 1952, nous avons pensé que c'était là l'indice d'une erreur; le fait même de l'accélération du rythme de croissance que ~emble prouver l'augmentation de la taille au cours des dernières décennies rend aléatoir,e, nous semlble-t-il l'application, quelque quarante années plus tard, d'un fait constaté avant 1907. Les chiffres adaptés figu- rant dans le tableau 1, il sera loisible, à ceux qui voudraient quand même les utiliser, de le faire.

Calculs. - Nous avons dû prooéder à un remaniement arithmé- tique d'une partie des chiffres publiés par le Bureau fédéral de statistique. En effet celui-ci a eu la curieuse idée, entre 1884 et 19ro, de publier, non pas les moyennes annuelles (sauf pour 1884 et 1908), mais chaque année fa moyenne de la série formée par les conscrits de l'année réunis à ceux de l'année (ou des années) précédente : 1884-85, 1884-86 ... , 1884-91; 1908-09, 1908-ro. Grâce au fait qu'on disposait des. moyennes simpLes de 1884 et de 1908 ainsi que du nombre de sujets mesurés chaque année, il nous a été possible de calculer les autres moyennes, de 1885 à 1891 et de 1909 et 19ro. Ce sont ces chiffœs qui figu;ent au tableau 1 .

r. Genève

La stabilité d'avant 1889. - Grâoe aux travaux fort bien faits - de MALLET et de DUNANT, on dispose de jalons importants

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TABLEAU i

Tailie moy.enne des conscrits de Genève, des Grisons et de la Suisse au XIX' et au XX' siècle

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Genève Grisons Suisse

a b 1860-65 1840-45 20 2005

l

^1826-35¹^1805-14

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^{21 13029}, 167,7 / 166,4 l 167,41166,6

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C 1875 1 1856 19 663 , 165,l 1

d 1876 1857 19 612 164,6

e 1877 1 1858 19 574 / 163,9 1

f 1878 1859 19 682 164,2 1

g 1879 1860 19 1 610 l 164,7 1

h 1884 1 1865 119 560 l 166,5 I 594, 163,9 1 224141163,5) i 1885 1866 19 495 166,5 1 692 164,5 1 22888 163,3 j 1886 1867 19 465 166,5 1 660 l 164,2 I 22773 163,7 k 1887 1 1868 1 19 549 166,5 I 613 / l-6'4;2"11~~.8' 21884 163,5 1 1888 1 1869 1 19 507 166,5 1 604 }63-;8·. lii,3 6 22088 163,5 m 1889 1870 1 19 535 1 165,3 1 670 1 ~-~ 22748 163,4 n 1890 1871 / 19 522 / 166,4 1 689 \ 164,0 1 23030 163,5 o 1891 1872 19 557 166,9 1 687 164,8 1 24328 163,51

1909 1890 1 19 629 168,3 672 1 166,0 1 25403 165,6

qp.r 11908 Il 1889 1 19 , 642 \ 167,9 \ 16991166,4 I 127074,165,61 1910 1891 1 19 674 l 168,4 1 715 l 165,9 1 27418 165,9

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·1944 1945 1947 1952

1926 1927 1928 1933

18 18 19 19

864 1172,4 1 (173.4)

794 1 172,4 I (173.4)

9921172,7 I

8571173,1 I

·I 1

899 1 169,6 I (170.6)

956 1 169,6 I (170.6)

9101171,1 I 839, 171,6 /

32198\169,7\

31633 169,7 31376/170,91 30185 171,3

1

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adapté,

(170.7) (170.7)

Sources des données pour les séries (détails dans la Bibliographie) : a, MALLET, 1835. -b, DUNANT, 1867. -c à g, LORENZ, 1895. - h à 0, Statistique de la Suisse, 1884 à 1891 (1885 à 1894) ; moyennes annuelles calculées par nous. - p à r, (idem pour 1908 à 1910).

- s, SCHLAGINHAUFEN, 1946. - t à .w, Annuaire statistique àe la Suisse, 1944 à 1952 (1945 à 1953).

* Moyennes adaptées à l'aide des données de MACKEPRANG (1907). Les chiffres adaptés de 1944 et 1945 n'ont pas été utilisés pour l'établissement des graphiques (voir le texte).

** Conscrits de Genève .mesurés en grande majorité en 1932, ceux des Grisons surtout en 1927.

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Marc-R. SAUTER et HélèneKAUFMANN.'Les variations de la taille humaine dans le Canton, de Genève; ·comparaisons avec les Grisons et l'ensemble de la Suisse. Mélanges Pittard, Brive, 1957, pp. 359-374.

ERRATA

Dans la hâte que nous a imposée le délai rédactionnel au milieu de trop de besognes, quelques erreurs se sont glissées dans le tableau I (p. 364) et dans le graphique de la Fig. I (p. 365). Nous donnons ici le tableau etle gr_a- phique corrigés, qui appellent quelques modifications dans le texte, satis fausser l'essentiel de la démonstration. Nous comptons du reste reprendre cette étude, en l'élargissant à tous les cantons suisses.

M.-R.-S,. & H. K.

TABLEAU t

Taille moy.enne. des conscrits de Genève, des Grisons et de la Suisse au XIX' et au XX' siècle

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d 1876 1857 19 612 164,6

e 1877 1858 19 574 163,9 I

f 1878 1859 19 682 164,2 I

g 1879 1860 19 610 164,7 I

h 1884 1865 19 560 166,5 5'94 163,9 224141163,5]

i 1885 1866 19 495 166,5 692 164,5 22888 163,31 j 1886 1867 19 465 166,5 660 164.2 22773 163,71 k 1887 1868 19 549 166,5 613 163,8 21884 163,51

1 1888 1869 19 507 166,5 604 163,6 22088 163,5 · m 1889

1

1870 19 535 165,3 670 164,0 22748 163,51 n 1890 1871 19 522 166,4 689 164,0 23030 163,51

0 1891 1872 19 557 166,9 687 164,8 24328 163,51

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¹⁹¹⁰¹⁹⁰⁸¹⁹⁰⁹ ¹¹¹⁸⁹¹⁸⁸⁹^{1890 1}¹ ¹^{1 19}¹⁹¹⁹¹^6421167,9⁶²⁹^6741168,4^168,3ÎÎÎ ¹⁶⁹⁹^{672 1}⁷¹⁵¹^{l 166,4}^{166,0 1}^165,9ÎÎ ¹²⁷⁰⁷⁴²⁵⁴⁰³²⁷⁴¹⁸^1165,61^165,6^165,9

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l

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u 1945 1 1927 18 794 172,4 I ^(173.4) 956 169,6 ^(170.6) 31633 169,7

V 1947 1 1928 19 992 172,7 I 910 171,1

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Fig. 1. - Courbes de variation de la taille des conscriœ de Genève (GE), des Grisons {GR) et de l'ensemble de la Suisse (S) au cours du XIX• et du XX• siècle. On a ajouté .aux moyennes (traduites par des points) obtenues· sur des séries s'étendant sur plusieurs années, des flèches enoadr.ant œlles-<JÎ. Pour les adaptations de moyennes et d'autres détails, voir le texte.

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M. SAUTER ET fi. KAUFMANN

dans l'évolution de la taiJ.Ie à Genève. Nous avons déjà dit comment nous avons modifié Ies chiffre·& publiés par ces deux auteurs pour les ramener théoriquement à la moyenne de taille de 19 ans. Il ne faut naturellement pas attribuer aux chiffres ainsi obtenus une valeur absolue. Tels quels pourtant ils nous permettent de constater que la taille n'a pratiquement pas varié en tout èas pendant les trois premiers quarts du XIX• siède. Reconnaissons toutefois que nos données sont rares et q,ue les blancs - comblés sur la courbe par une ligne moins nette (fig. 1) - peuvent cacher des fluctuations impor- tante~, telles que COSTANZO (1939) en a observé dans sa population piémontaise (baisse de la moyenne de taille des conscrits nés entre 1811 et 1825, 1835 et 1840 et entre 1845-1850), ,et dont i:l a tenté de trouver les causes.

A partir de 1884, Ies chiffr·es deviennent annuels. Ju~.qu'en 1888, ils montrent une constanoe (à 166,5 cm) qui rend d'autant plus remarquable le changement brusque de 1889.

En résumé, nous constatons, chez les habitants de Genève, une relative régularité dam:, le dév~loppement somatique au cours du

x1x~

siècle, jusqu'à 1888.

Le creux de 1 889. - Les calculs auxquels nous nous sommes livrés à partir des chiffres de moyennes de plmieurs années réunies nous ont fait découvrir un phénomène curieux : alors que la tai'Ile des conscrits genevois s'était comme bloquée de 1884 à 1888, elle se modifie soùdain en 1889, ,en ~.' abaissant de 1 2 mm en moyenne, ce qui, sans signifier une forte différence (o,ï % de la taille en 1888), est pourtant digne de remarque.

Nous verrons q;ue ce phénomène s'observe aussi, de façon moins brusque, aux Grirnns, et moins patent, pour l'ensemble de la Suisse. Après l'avoir constaté ailleurs, nous chercherons s'il est possible de lui trouv,er une rairnn.

De 1890 à 1952. - Le brusque changement dont nous venons de parler est fugace. En 1890, la taille moyenne des conscrits est pratiquement celle de 1888. IBien plus - et nousr,ejoignons alor-s- les constatations publiées en 1931 par l,e Professeur PITTARD - la courbe de variation de la taille traduit une nouvelle tendance. C'est en .effet à partir de 1890 que se manifeste le phénomène, si bien connu maintenant dans la plupart de~ pays d'Europe et dans certaines régions extraeuropéennes : l'accroissement constant de la tail:le.

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VARIATIÔNS ÔE LA TAILLE HUMAINË

367

Si l'on calcul,e le coefficient annuel d'accroissement diachronique (2) pour Genève de 1889 à 1952, on obHent Je chiffre de o, 12 qui est supérieur au coefficient oalculé par HuLTKRANTZ (1927) : 0,09. Même si l'on prend comme point de départ de l'ac- croiss,ement oonsfant la moyenne de l'année 1890, on arrive à 0,11.

En résumé, la population de Genève - telle qu'on peut la con- naître par le truchement des conscrits - après avoir eu une stature constante pendant le XIX• siècle, baisse brusq,uement ,en 1889, pour obéir dès ce moment à la règie observ,ée ait:Jeurs en Suisse et en Europe.

2. Les Grisons et la Suisse. Discussion d'ensemble

Avant de parler des causes, voyons juqu'à quel point ces divers mouvements se retrouvent dans Je canton des Grisons et dans la Suisse prise dans son ensemble. Comme on l'aura remarqué en regardant :J.e tableau I et le graphiq,ue de la figure ^1,nous ne sommes renseignés sur la taille des conscrits grisons qu'à partir de 1875 (sujets nés en 1856); pour la Suisse, à part un chiffre isolé en 1865 (fourni aussi par LORENZ, 1895), la documentation commence en 1884.

Notons encore que les conscrits grirnns de Schlaginhaufen ont été mesurés en 1927 surtout (au cours de l'enquête dans le cadre de la VJe division cJ'armée). J:J y a donc cinq ans d'écart avec le gros de la série de Genève. Si l'on calcule le coefficient annuel d'accroirne- ment diachronique pour les Grisons, de 1889 à 1952, on obtient 0,127, ce qui donne, comme taille adaptée en 1932, une moyenne de 169, 5. Pour l' epsemb:Je de la Suisse nous avons placé J.e point repré- sentant le chiffre de moyenne de cette série entre 1929 et 1930; le coefficient étant de o, 125, on aur:ait, en 1932, une moyenne théori- que de 168,9. Nous, avons préféré ne pas ajouter ces nouvelles modifications à nos graphiiques pour ne ,pas y accumuler les incertitu- des; cela ne changerait du r,esk guère la direction générale e.t le degré de comparabilité des courbes.

Avant 1889. - La tailJ.e des conscrits. grisons n'a pas, de 1875 à 1888;-:la même stabilité que celle de Genève ; pour la Suisse, il

(2) Nous appelons ainsi, pour éviter toute confusion, ce qu'on qualifie parfois (en transcrivant le terme allemand sekulae.r) d'accroissement sécu- laire, par opposition à l'accroissement individuel.

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368 M. SAUTER ET H. KAÜFMANN

sembJe y avoir une certaine régularité. Aux Grisons, les fluctuations sont sérieuses, avec deux creux précédant celui de 1889 : en 1877 et en 1884. La tendance est quand même à la baisse de la moyenne, puisque celle-ci passe de 165, 1 cm en 1875 à 163,8 en 188"s]-{r63,6 en 188 . En. Suisse (à partir de 1884), la oourbe offre aussi des irrégularités; un creux en 188 5 prélude à une reprise du mouvement de baisse, auquel on n'accorderait peut-êtr-e aucune attention s'il n'était comme l'écho affaibli du phénomène observé ailleurs .

.P,<,<1~88j

Le creux de 1889. - Aux Grisons et en Suisse, comme à Genève, l'année ¹889 Jmi;irq,ue~ n tournant dans l'histoire de la taille des conscrits. Moins brusque aux Grisons, puisqu'il commence déjà après 1885, beauco.u,p moim:. net en Suiss·e où, amorcé après 1886, il offre des paliers, J.e mo ement de :la !baisse de la stature dont le maximum est atteint ,en 1

89

semble être un fait réel, dont il vaudrait la peine de rechercher la présence àiHeurs en Suisse et dans. d'autres régions.

La cause de ce creux n'est pas du tout faci:le à établir. J.l convient d'abord, pour œ fair,e, ~·e transposer laJ tsition chronologique : les conscrits mesurés en¹ls89 sont nés en ¹18~0. La question se pose alors de savoir s'il est porni,bie de saisir, à oette date ,et à ses alen- tours immédiats (1869 et 1871), un phénomène d'ordre économique, social, alimentaire, sanitair-e, disons, en un t.erme plus large, d'ordre méso:log.ique, et un phénomène brusque et fugace (à Genève, plus particulièrement) qu'on pourrait raisonnablement · rendre respon- sable du moindre développement somatique des hommes nés à cette date. Car ^il.semble di.fficile d'admettre une détérioration des conditions mésologiques au cours de la cr-oissance; on ne comprendrait pas pourquoi ces conditions n'auraient pas fait sentir Jeurs effets sur le dév,eloppement des sujets nés en 1869 et surtout sur oeux nés en 1871 et 1872.

Or, il ne semble pas qu'on puisse satisfaire pleinement cetie curiosité. Nous avons consulté à ce propos M. ANTONY BABEL, professeur d'histoire économique à l'Université de Genève, qui connaît bien l'évol.uüon socio-économique de Genève, ^àlaqueL!e il s'apprêt.e à consacrer un grand ouvrage. I1 nous a confirmés dans l'impression que nous avions reçue en feumetant les livres d'histoire de Genève

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VARIATÎONS DE LA TA[LLÉ HUMAINE

369

du XIX'" siècle (3) : on trouve mention de troubl,es sociaux (grèves en 1868, 1869 et 1870, puis. en 1872 et 1873); .Ja Fabrique g,enevois,e (4) a subi les effets des conflits armés d'Amérique et d'Europe (guerres de Sécession, 1864-65; austro-prussienne, 1866; franco-a!J.emande de 1870-71), qui ont porf.é préjudice aux industries. de luxe; déjà l 'EX!position universelle de Paris ( 1 867) avait détourné le mouvement touristique de Genève. Mais si intéressants que soient ces faits, ils ne semblent pas pouvoir, de par leur répartition sur plusieurs années, être invoqués dans le débat très particulier q,ue nous ouvrons. De plus, il y a, entre des troubles sociaux et du marasme économique d'une part, et une atteinte au développement prénatal peut-être ou immédiatemen1t postnatal d'autr,e part, un t,el laps de temps et une telle imlbrication de phénomènes d'ordre économique, d'hygiène sociale, alimentaire et bio.Jogique, qu'on reste sceptique sur la pro- balbiilité d'une e~pHcation de cet ordre du faiT anthropologique décrit ci-dessus.

Le manque de données statistiques sur l'état sanitaire et la mor- talité avant 187 1, dans 'les pUJblioations du Bur-eau fédéral de sta1is- tique de la Suisse, nous empêche de tenter un sondage de oe côté là.

A vouons donc notre impuissance à éclaircir ce petit mystère, et -disons qu'il y aurait là un sujet de recherche intéressant pour un

historien sensible aux faits sociaux et biologiques.

De 1890 à 1952. - La montée de la courbe de variation de la tame des conscrits, si énergique à ses débuts à Genève, commence plus lentement aux Grisons et s·e fait attendre dans la série suisse.

Par contre, pour les périodes où nous disposons de chiffres annuels suivis, la taille des conscrits grisoris manifeste des fluctuations diffé- rentes de celles de la Suisse et de Genève. C'·est ainsi que de 1908 à

19rn, la courbe des Grisons descend de 5 mm alors ,que celle de Genève monte d'autant et celle de la Suisse de 3 mm. Il serait intéressant de voir, dans la même perspective, si les années 1889 à 1891 (dates de naissance des conscrits de 1908 à 19rn) sont, pour le canton des Gris,ons, un moment critique sur le plan économique.

(3) P. ex. Histoire de Genève de 1798 à 1931 (Soc. d'Hist. et d'Archéol. de Genève), Genève, 1956, chap. VII, pp. 247-267. M. Luc MONNIER, professeur d'histoire contemporaine à notre Université, a partagé notre em- barras.

(4) BABEL A., La Fabrique genevoise, Neufchâtel-Paris, Victor Attin- ger, 1938.

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370 ^M.SAUTER ET H. KAUFMANN

L'augmentation de la taille des conscrits traduite par nos cour- ljes, et qui ne semble pas près de s'arrêter, ne nous r:etiendra pas longtemps, car c'est là un processus bien connu. Ce qui est digne de remarque, c'est de le voir commencer si tard ·en Suisse. Prenons deux exemples en dehors de notre pays (5). A Casale Monferrato (Piémont, Italie), COSTANZO (1939) a constaté que fa couribe de variation de la taille remontait définitivement avec la série de conscrits nés en 1851-1855 (soit, ,pour des conscrits de 19 ans, en 1870-74); en Suède, LUNDMAN (1939), reprenant les données .anciennes en les complétant, montre que le grandissement des conscrits a commencé avant 1855 (1840 : 165,9 cm; 1855 : 167,5; 1939 : 174,5). L'anthropologiste suédois fait appel surtout aux ohangements dans J'ali- mentaüon (la viande, rendue plus accessible à tous les mfüeux) pour expliquer le phénomène. Nous pensons qu'il faut faire intervenir des causes multiples : action du milieu social par l'amélioration du régime alimentaire, l'allégement du rythme de travail manuel, tant au cours de ,la journée q1ue de l'année et la vie (qu'on pense à la lente suppression du travail infantile, permettant à un nombre toujours plus grand de sujets en cours de croissance d'acquérir leur taille potentielle). Mais il nous .paraît quand même étrange de voir ces causes mettre plus de temps à manif.ester leurs effets à Genève qu'en une commune piémontaise et en Suède.

Quelques remarques. - Le mécanisme de l'accroissement diachronique dont nous venons de voir la lëéalité en ,plusieurs régions de l'Europe, est·loin d'êtœ élucidé. Il y a deux façons de voir les choses.

Ou bien la taille augmente réellement, et une courbe qui serait faite à partir de séries, d'adultes du même âge serait aussi ascendante; oela signifierait que la population en cause a acquis toujours mieux la possibilité d'atteindre la tame potentielle maximum à laquelle lui donne droit son patrimoine génétique.

Ou bien 1a courbe des ,conscrits est ascendante parce qu'à travers le temps ces jeunes hommes a,oquièrent toujours plus tôt leur

(5) Ajoutons un exemple proche de Genève : dans le département de l'Ain, la proportion des conscrits exemptés pour défaut de taille a passé de 59 % en 1831-36 ~ 34,4 % en 1855-60. On peut légitimement en inférer que la moyenne de taille a augmenté pendant le même temps. (BROCA, 1869, tableau p. 445.)

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VARIATIONS DE LA TAILLE HUMAINE 371

taille maximum. En ce cas, une courbe établie à partir de tailles de groupes d'adultes de la même population offrirait un dessin différent.

La seconde hypothèse a été défendue par oertains anthropologistes, parmi lesquels nous citerons G.-M. MoRANT (1947). Compa- rant la courbe r,eliant les tames moyennes de recrues de la R.A.F.

classées par- séries d'âge, il constate qu·e la moyenne de taille maximum est pratiquement acquise à 18 ans; or, les séries britanniques mesurées antérieur,ement (par exemple les 200.000 r,ecrues exami- néès après la guerre de 1914-18) ont leur taille. maximum après 22 ans. L'anthropologiste angl~is conclut : « Si on accepte cela, on a la preuve que la maturité squelettique est actuellement atteinte normalement quelque cinq ans plus tôt qu'il y a quelques décen- nies »; et il rend, lui aussi, responsabJ.e -i'amélioration de l'alimen- tation agissant sur Je développement plus précoce des enfants.

Nous avons de la peine à admettre œtte seconde explication comme seule manière de comprendre le processus d'augmentation diaohronique de la faille. En ,eff.et, si nous nous adressons, pour Genève, à deux séries adultes, l'une de 1860-65 (DUNANT, 1867;

moyenne de sa série totale de 4.356 hommes de 20 à .35 ans), l'autre de notre enquête de 1940 (KA UFMANN et SAUTER, 195 1 ; 462 hommes de 20 à 59 ans), on obtient les moy,ennes de 166, 7 et de 168,9 cm.

L'accroissement est moindre que pour la courbe des conscrits; il existe pourtant, et la faible amplitude peut s',expliquer par le fait que la série de 1940 comporte aussi des sujets âgés de 36 à 59 ans, un peu plus petits. Nous pensons en définitive qu'une réelle éléva- tion de la taille s'est fait sentir; mais reconnaissons que bien des recherches devront être entreprises - s'il n'est pas trop tard - avant que nous comprenions ce qui s'est passé, biologiquement parlant.

Une dernière question. Nous avons parlé de la population de Genève (et des Gris;,ons, comme de la Suisse) comme d'une unité immuable; à peine avons-nous fait allusion à la proportion accrue des Confédérés à Genève. Si nous consfdérons que cette idée, sché- matique et commode pour la constatation des faits, recouvre une réalité plus comple~e, demandons-nous si l'accroissement de la t!iille n',est pas fonction d'une modification des oomposantes ethni- ques, et peut-être en définitive raciaks, de la population d~ Genève.

Le fait que la taille subit la même transformatio~ partout en Suisse - pour ne prendre que notre pays - pourrait faire douter

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372 M. SAUTER ET H. KAUFMANN

d'une telle hypothèse. Or, récemment le

or

GLOOR (1957), analy- sant une s,érie de recrues de la Suisse occidentale, et constatant d'une part que la taille a dû augmenter, ainsi que J.e diamètre antéro- postérieur, tandis que diminue le diamètre transverse de la tête et l'indice céphalique pa:r rapport aux séries homologues de Schlagin- haufen, émet l'idée que le phénomène de ,la débrachyoéphalisation, reconnu ailleurs, n'est pas un simple corollaire de l'accroissement statural; bien plus, il oonstate (dans des séries div,erses) une augmentation de la. proportion des sujets à pigmentation claire, ce q,ui, vu l'indifférence de ce facteur à l'action du milieu, l'incite à faire intervenir ^«une modification du génotype collectif » (en ce cas, Ie type nordique). On voit quelles perspectives ouvrent ces hypothèses passionnantes et l'intfrêt qu'il y aurait à vérifier J'existence et les modalités de ce· processus éventuel, en multipliant les enquêtes sur nos populations. La trop grande rareté des anthropologistes en Suisse - comme ailleurs - oblige à .laisser en friche des domaines de r,echerohes qui sont voués à la disparition.

3. Résumé et conclusion

Nous avons pu tracer une oourbe de variation de la taiUe des conscrits de Genèv,e de 1826-35 à 1952; courbe interrompue par de grandes lacunes, mais qui permet de constater trois. moments dans l'histoire de la tai.Ue : jusqu'en 1888, stabilité; en 1889, plongée de la cour,be; enfin .à partir de ^r890 et jusqu'à nos jours, augmentation continue de la stature.

Les données reI,evées, calculées et aménagées en graphique pour Ies ,Grisons ,et l'ensemble de la Suisse prouvent que ,les faits ainsi décrits se retrouvent ailleurs; si ce n'est pas nouveau en ce qui con- oerne la dernière étape, c'est plus inattendu pour le processus

observé ,entre 1884 et 1890.

Nous avons vu que i,e cr,eux de 1889 est difficile à expliquer;

que .]'augmentation diachronique de la taille, qui s'amorce en Suisse en 1890 - ce qui est tard par rapport à oe qu'on a mis en évidence

· tant au nord qu'au sud de .la Suisse - suscite diverses hypothèses explicatives, où -l'amélioration des oonditions de vie et l'expansion graduelle de types raciaux de plus hautè taille ne s'excluent peut-être pas.

Nous sommes conscients de l'aspect fragmentaire et inachevé de cette étude. Peut-être, dans sa forme enicore ouverte, suscitera-

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VARIATIONS DE LA TAILLE HUMAINE 373 t-elle, tant chez les anthropologistes que chez les historiens ,et les sociologues, un peu d'intérêt et donnera-t-elle l'idée de vérifier ailleurs certains des faits exposés ci-dessus. Nous sommes persuadés que de telles recherches, étendues et approfondks, fourniraient des éléments d·es plus enrichissants à notre connaissance de l'histoire totale de l'homme.

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Variations de la taille humaine dans le canton de Genève : comparaisons avec les Grisons et l&#039;ensemble de la Suisse

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