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LA NORME DE MOTIVATION INTRINSÈQUE : VALORISATION, UTILITÉ ET DÉSIRABILITÉ SOCIALES

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LA NORME DE MOTIVATION INTRINSÈQUE : VALORISATION, UTILITÉ ET DÉSIRABILITÉ SOCIALES

Florence Cassignol-Bertrand, Élodie Constant

Groupe d'études de psychologie | « Bulletin de psychologie » 2007/2 Numéro 488 | pages 121 à 133

ISSN 0007-4403

DOI 10.3917/bupsy.488.0121

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2007-2-page-121.htm ---

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La norme de motivation intrinsèque : valorisation, utilité et désirabilité sociales C

ASSIGNOL

-B

ERTRAND

Florence

*

C

ONSTANT

Élodie

*

La motivation humaine fait l’objet d’un intérêt croissant depuis les années cinquante, tel que Kleinginna et Kleinginna (1981) en relevaient déjà 140 définitions différentes. Témoignage de l’importance de l’engouement pour ce concept, ce nombre souligne surtout la difficulté à le définir du fait de sa complexité et ses multiples facettes...

Néanmoins, il semble que ces nombreuses défini- tions s’accordent à considérer que « la motivation déclenche l’activité, l’oriente vers certains buts et prolonge l’action, jusqu’à ce que ces buts soient atteints » (Lévy-Leboyer, 1981, p. 50).

L’attention portée à ce concept par de multiples disciplines (psychologie, gestion, sociologie...) a eu pour conséquence l’élaboration de nombreux modèles et théories de la motivation. On distingue traditionnel- lement les théories des contenus des théories des processus, parmi lesquelles on trouve la théorie de l’évaluation cognitive exposée par Deci et Ryan (1985). Celle-ci a été construite à partir du modèle de l’autodétermination de Deci (1980), fondée sur la présence d’un sujet actif, qui cherche à être compétent et est à l’origine de son comportement.

Une nouvelle orientation dans l’étude de la moti- vation a été récemment mise au jour. François (2003) propose d’appréhender la motivation, dite intrinsèque, en tant que norme sociale de jugement, autrement dit, dans la perspective sociocognitive de Beauvois et Dubois (Beauvois, Dubois, 1988 ; Dubois, 2003).

Nous aborderons succinctement le concept de motivation intrinsèque et les bases de la théorie sociocognitive, puis nous exposerons des résultats, qui vont dans le sens de cette nouvelle perspective : la normativité de la motivation intrinsèque.

LE MODÈLE

DE L’AUTODÉTERMINATION, LA THÉORIE DE L’ÉVALUATION

COGNITIVE, ET LES DIFFÉRENTS TYPES DE MOTIVATION

Pour Deci et Ryan (1985) et Ryan et Deci (2000), le modèle de l’autodétermination renvoie à deux

besoins : celui de se sentir autodéterminé, c’est- à-dire le fait, pour un individu, d’avoir le sentiment de pouvoir choisir, d’être libre et maître de ses propres comportements et le besoin de compé- tences, qui renvoie au besoin d’interagir efficace- ment avec son environnement (White, 1959). Cette théorie de l’autodétermination a permis d’affirmer l’existence de plusieurs types de motivations à partir du degré d’autodétermination sous-jacent à leur fonctionnement.

Selon cette théorie, une personne qui se sent autodéterminée et compétente sera motivée intrin- sèquement. On considère qu’elle éprouve du plaisir et de la satisfaction inhérents à la pratique même de son activité. Il s’agit du niveau d’autodétermi- nation le plus élevé (Deci, 1975 ; Deci, Ryan, 1985). Vallerand et coll. (1989, 1992) ont distingué trois types de motivations intrinsèques (MI), consi- dérés comme équivalents sur le continuum d’auto- détermination : la MI aux stimulations, la MI à la connaissance et la MI à l’accomplissement.

En outre, une personne, qui se sent peu autodé- terminée (contrainte par des motifs extérieurs) et/ou peu compétente, sera motivée extrinsèque- ment (ME). Ce qui la pousse à agir n’est pas son intérêt pour l’activité, mais des contraintes, des sources externes (récompenses, punitions...), qui peuvent être plus ou moins internalisées, et qui donneront lieu à différents niveaux de motivation extrinsèque (ME) : on trouve, de la plus autodéter- minée à la moins autodéterminée, la ME identifiée, la ME introjectée et la ME par régulation externe.

* Laboratoire de psychologie sociale (EA737), Univer- sité Paul-Valéry, Route de Mende, 34199 Montpellier Cedex 05, France <florence.bertrand3@wanadoo.fr>

Ces recherches ont été menées dans le cadre d’une action concertée incitative du réseau national des MSH 2004, financée par le fonds national de la science, minis- tère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supé- rieur et de la Recherche. Ce contrat intitulé « Approches socio-normatives de la motivation intrinsèque. Implica- tions théoriques et enjeux sociaux » et coordonné par le laboratoire Saco, Poitiers (responsable du programme, P.-H. François), associe différentes MSH et laboratoires.

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Enfin, l’amotivation (AM) se définit comme la perception, par l’individu, d’une non-contingence entre ses comportements et les conséquences de ces derniers. L’individu ne perçoit pas de rapport entre ses actions et les résultats obtenus. Blais et coll.

(1993) distinguent deux types d’AM, équivalentes sur le continuum d’autodétermination : l’AM externe et l’AM interne.

Parmi ces huit formes de motivations, on dénombre quatre motivations autodéterminées (les trois types de MI et la ME identifiée) et quatre motivations non autodéterminées (les deux AM et les ME externe et introjectée).

Jusqu’à nos jours, les recherches sur la motiva- tion ont essentiellement porté sur la recherche des déterminants et des conséquences de tel ou tel type de motivation dans différents domaines : scolaire (Rousvoal, 1998 ; Lepper, Henderlong, 2005), sportif ou organisationnel (Blais et coll., 1993 ; De Voe, Iyengar, 2004) et s’intéressent, de plus en plus, à ce concept, en liaison avec les performances.

Parallèlement à ce type de travaux, se développe actuellement un nouvel axe de recherche, qui appréhende la motivation intrinsèque dans une perspective normative (François, 2003).

LA PERSPECTIVE SOCIOCOGNITIVE ET LES NORMES SOCIALES

Le concept de normes sociales de jugements est apparu vers la fin des années 80, avec, notamment, l’apparition des premiers travaux sur la norme d’internalité (Beauvois, Dubois, 1988). Elles quali- fient certains jugements appréhendés comme bons par le collectif dont elles émanent, par opposition à d’autres jugés moins bons.

Dubois (2003) complète cette définition, par un ensemble de critères, qui précisent la spécificité des normes de jugements. Elles doivent être l’expres- sion d’un collectif, ne pas s’exercer sous l’effet de contraintes institutionnalisées, être mises au service de l’atteinte d’objectifs sociaux, faire l’objet d’un apprentissage social, d’une transmission, être indé- pendantes de tout critère de vérité et reposer sur une attribution de valeur.

La mise en évidence de la normativité de la moti- vation intrinsèque constitue un axe de recherche totalement nouveau. De fait, il était indispensable, pour lancer ces travaux, que nous nous appuyions sur une base théorique forte, comme la théorie de la norme d’internalité, et que nous fassions des choix d’investigations, ne pouvant traiter tous les éléments de définition de la norme simultanément.

Nous avons donc choisi d’examiner principale- ment le critère de valeur. Traditionnellement, on considère que la valeur a deux dimensions

distinctes : la désirabilité sociale et l’utilité sociale (Beauvois, 1984 ; Dubois, Beauvois, 2002).

La désirabilité sociale renvoie à l’affectif, aux attitudes et comportements appréciés, et recherchés dans les relations à autrui (relations interperson- nelles, amicales...). L’utilité sociale évoque la pres- criptivité sociale, c’est-à-dire les attitudes et comportements recherchés pour atteindre des objectifs fixés (qu’ils soient d’ordre éducatifs, organisationnels ou sportifs). Dubois (2005, p. 47) définit l’utilité sociale d’une personne en référence à « sa valeur marchande » autrement dit à ce qu’elle peut apporter économiquement.

La conséquence de cette conception dualiste réside dans le fait qu’un objet, une personne, un événement peuvent être plus ou moins désirables et, indépendamment, plus ou moins utile.

De nombreux travaux ont montré que les situa- tions d’évaluations (scolaire, professionnelle ou de recrutement) prédisposaient à prendre en compte l’utilité sociale, plutôt que la désirabilité sociale et qu’il était possible de distinguer ces deux dimen- sions à partir de la méthode des portraits (Devos- Comby, Devos, 2001 ; Cambon, 2002). Cette méthode consiste à demander à des individus d’évaluer d’autres personnes, à partir d’une liste de traits de personnalité (souvent des adjectifs). Le Barbenchon, Cambon et Lavigne (2005) se sont attachés à identifier le degré d’utilité et de désira- bilité de nombreux adjectifs. Les résultats font apparaître plusieurs catégories d’adjectifs : les adjectifs utiles et désirables, non utiles et non dési- rables, utiles et neutres, sur la dimension désirable, désirables et neutres sur la dimension utilitaire.

Nous avons utilisé, dans nos recherches, des adjec- tifs qu’ils avaient identifiés comme utiles ou dési- rables et neutres sur l’autre dimension.

Les normes de jugements étudiées jusqu’à aujourd’hui (les normes d’internalité et de consis- tance notamment) ont été explorées selon trois paradigmes expérimentaux (Jellison, Green, 1981) : les paradigmes d’identification, d’autopré- sentation et des juges. Nous nous sommes appuyés sur ces deux derniers dans nos recherches.

Les différents travaux réalisés sur les normes d’internalité et de consistance ont montré la valo- risation des personnes internes ou consistantes par rapport à celles externes et inconsistantes (Pansu, 1997 ; Desrumeaux, Rainis, 2000, pour les travaux sur l’internalité ; Channouf, Mangard, 1997 ; Louche, Pansu, Papet, 2001 pour les travaux sur la consistance). Cette valorisation se manifeste égale- ment lorsque l’on croise la variable performance avec la variable internalité. L’externe très perfor- mant est moins bien évalué que l’interne moyen- nement performant. Autrement dit, l’internalité prend le pas sur la performance. La troisième étude

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aura pour objet de vérifier si la motivation intrin- sèque prend l’ascendant sur la performance, comme c’est le cas pour l’internalité.

Les trois études que nous présentons se situent dans le prolongement de résultats obtenus par Fran- çois (2003), qui recherchent l’existence d’une norme de motivation intrinsèque.

Dans une première série d’études, François (2003) demandait à des sujets (étudiants en deuxième année d’IUT) de répondre au question- naire de motivation de Blais et coll. (1993) à travers le paradigme d’autoprésentation. Les sujets semblent privilégier la motivation intrinsèque pour se faire bien voir d’un employeur et la minimiser pour se faire mal voir de celui-ci.

Sa seconde série d’investigations a porté sur une population tout venant. Elle consistait à présenter deux portraits de cadres, l’un performant et sympa- thique, l’autre médiocre sur les plans professionnel et relationnel. Ils ont ensuite demandé aux sujets de deviner parmi quatre protocoles (deux renvoyant à la motivation intrinsèque et deux à la motivation extrinsèque), lequel était l’œuvre de chacun des deux cadres. Le protocole « motivation intrin- sèque » est nettement plus souvent attribué au cadre performant et sympathique qu’à l’autre. Il semble- rait, donc, que la motivation intrinsèque soit effec- tivement valorisée, puisque elle est associée au cadre performant et sympathique. Cependant, cette étude ne permet pas de différencier si cette valori- sation porte sur l’utilité sociale (cadre « perfor- mant »), la désirabilité sociale (cadre « sympa- thique ») ou les deux.

Les recherches que nous avons menées s’inscri- vent dans cette perspective, puisque comme nous l’avons vu, une norme de jugement est, par défini- tion, empreinte de valeur, notamment utilitaire, au moins en situation d’évaluation (voir Dubois, Beauvois, 2002 ; Dubois, 2005).

PROBLÉMATIQUE

Trois recherches ont été effectuées pour étudier la normativité de la motivation intrinsèque et le type de valeur qu’elle véhicule : utilité et désirabilité sociales. Deux résultats peuvent être avancés pour rendre compte d’une éventuelle valorisation sociale de la MI. Tout d’abord, un résultat d’ordre culturel.

En effet, De Voe et Iyengar (2004) ont réalisé une étude, qui montre que la motivation intrinsèque est plus le fait des pays latins qu’anglo-saxons. La France étant un pays latin, ce résultat concorderait avec notre hypothèse de valorisation de la MI, telle que nous l’envisageons dans cet article, c’est-à-dire dans la perspective sociocognitive, défendue par Beauvois et Dubois (1988). En effet, un résultat, obtenu par ces auteurs, montre que « les personnes

qui privilégient des jugements normatifs (par exemple, les explications causales internes des comportements et des renforcements) sont systé- matiquement mieux évaluées que les personnes privilégiant des jugements contrenormatifs (par exemple les explications causales externes des comportements et des renforcements) » (Dubois, 2005, p. 49-50). Donc, si la MI est normative, les personnes qui privilégient ce type de réponses seront mieux évaluées que celles qui privilégient un autre type de réponses. De plus, dans un article récent, Dubois (2005) formule l’existence de deux types de normes de jugements : les normes de juge- ments de désirabilité (la norme d’ancrage indivi- duel) et les normes de jugements d’utilité (les normes d’internalité et d’autosuffisance). Confor- mément à cette théorie, nous nous attendions à ce que, si la motivation intrinsèque est normative, elle soit valorisée socialement et présente plus d’utilité sociale que la motivation extrinsèque. En effet, on peut tout justement penser que les valeurs portées dans la sphère professionnelle sont de nature utili- taires plutôt que désirables. Dès lors, si la MI est une norme, il s’agit d’une norme de jugement d’utilité plutôt que de désirabilité.

Les expérimentations présentées utilisent soit le paradigme d’autoprésentation (étude 1) soit le para- digme des juges (études 2 et 3). Les études 1 et 2 portent sur une population étudiante. L’étude 3 porte sur une population d’enseignants de collège et lycée. Ces trois études sont tout à fait complé- mentaires et, donc, intéressantes à présenter ensemble, car elles donnent lieu à des résultats qui témoignent de la valorisation de la MI à des niveaux de complexité différents. En effet, nous sommes, avec la question de la normativité de la MI, face à un nouvel objet d’analyse, qui nécessite de n’omettre aucune étape dans la mise en évidence de sa valorisation.

Il nous a paru indispensable, dans une première étude, d’effectuer une forme de réplique des premières recherches de François (2003), présen- tées ci-dessus. Elle vise à montrer que les étudiants auront tendance à se montrer motivés intrinsèque- ment pour se faire bien voir.

Ensuite, de manière complémentaire, on peut considérer que si ces sujets se présentent motivés intrinsèquement pour se faire bien voir, ils devraient, en retour, en position de juges, évaluer plus positivement les sujets motivés intrinsèque- ment. La deuxième étude a, donc, pour objectif, d’examiner si des étudiants placés en situation d’évaluateurs considèrent plus positivement les personnes motivées intrinsèquement que celles motivées extrinsèquement.

Enfin, la troisième étude vise à éliminer une explication non normative de la valorisation

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obtenue pour la MI dans les études précédentes.

Elle vise à vérifier si l’information sur la motiva- tion affecte l’influence de la performance sur diffé- rents éléments normatifs (valorisation profession- nelle, utilité et désirabilité sociale). Ce résultat nous renseignerait sur un autre élément de définition de la norme de jugement : « une norme est indépen- dante de tout critère de vérité » (Dubois, 1994, p. 29). En effet, si les MI moyennement perfor- mants sont préférés aux ME très performants, c’est que les personnes MI ne sont pas toujours valori- sées, parce qu’elles sont effectivement plus perfor- mantes, mais, bel et bien, parce qu’elles sont MI.

ÉTUDE 1

Comme on vient de le voir, il s’agit, dans cette étude, de montrer que les sujets se présentent comme motivés intrinsèquement pour se valoriser.

Population

La population expérimentale est composée de 96 étudiants tout venant, répartis en trois groupes de 32 sujets. La variable sexe est contrôlée dans chacun des groupes.

Procédure

Cette expérience s’inscrit dans le cadre du para- digme d’autoprésentation. Il était demandé au sujet d’imaginer qu’il se portait candidat à un stage, puis il remplissait, à partir de cette mise en situation, l’inventaire des motivations au travail de Blais et coll. (1993), adapté pour les études. Cet inventaire a pour fondement la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985) et présente des qualités psychométriques satisfaisantes. L’ensemble des échelles composant l’outil présente une bonne cohérence interne, variant entre. 73 et. 93. Les analyses test-retest montrent que les échelles sont relativement stables dans le temps : à 6 mois, 12 mois et 18 mois, les coefficients varient entre.

54 et. 72 (voir Blais et coll., 1993).

Les modifications effectuées sur le questionnaire sont mineures et ont été opérées dans l’objectif de mieux correspondre à la population étudiée et à la situation proposée. S’agissant d’étudiants, qui postulaient à un stage, les modifications ont consisté, dans la plupart des items, à remplacer le mot « travail » par le mot « études ». Par exemple,

« Parce que j’ai souvent des choses intéressantes à apprendre dans les études » a remplacé « Parce que j’ai souvent des choses intéressantes à apprendre dans ce travail ».

La fiabilité de chacune des échelles composant le questionnaire, une fois le questionnaire adapté, indique de bons coefficients de cohérences internes. Nous avons ôté deux items de l’échelle de ME par régulation externe, qui diminuaient la

cohérence interne des échelles. Ces coefficients sont de. 89 pour l’échelle de MI,. 90 pour celle de ME et. 85 pour celle d’AM. (Les résultats complets sont présentés en annexe 1).

Ce questionnaire est composé de trente et un items, prenant en compte huit échelles relatives aux huit sous-dimensions de motivations. Chaque sous- dimension est représentée par quatre items, à l’exception de l’échelle d’amotivation interne, composée de trois items.

Pour chaque item, une échelle d’1 (pas du tout d’accord) à 7 (tout à fait d’accord) indique le degré d’accord avec chaque item.

Chacun des trois groupes de sujets était placé dans une des trois conditions expérimentales, qui différaient par la consigne qui leur était proposée : – consigne normative : « Répondez à ce ques- tionnaire de façon à vous faire bien voir des exami- nateurs qui vont étudier votre candidature » ;

– consigne contre-normative : « Répondez à ce questionnaire de façon à vous faire mal voir des examinateurs qui vont étudier votre candidature » ; – consigne standard : « Répondez à ce question- naire spontanément ».

La variable dépendante

Elle renvoie au score total obtenu pour la moti- vation intrinsèque.

Résultats

Nous avons soumis les données à une analyse de variance. Notre objectif était de mettre en évidence la valorisation par les étudiants de la motivation intrinsèque en situation normative.

Consigne standard

Consigne normative

Consigne contre- normative MI 4,33 (1,07) 4,75 (1,2) 2,93 (1,1) Tableau 1. Moyennes et écarts types de motivation intrinsèque obtenus dans les trois conditions expéri- mentales sur une échelle de 1 à 7.

Une première analyse de variance à un facteur, montre un effet de la MI en fonction de la consigne (F(2,105) = 25,77, p < .000). En condition norma- tive, les étudiants présentent des scores de MI plus élevés qu’en condition contre-normative (F(1,105)

= 46,87, p < .000). Ce premier résultat va dans le sens des résultats obtenus par François et de ceux obtenus avec la norme d’internalité. On note égale- ment que les sujets ne se différencient pas quant au score de motivation intrinsèque entre la consigne

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standard et la consigne normative (F(1,105) = 2,41, p < .12). Autrement dit, les étudiants utilisent autant la motivation intrinsèque lorsqu’ils ont à se présenter spontanément que lorsqu’ils ont à se valo- riser. Ce résultat est d’autant plus intéressant qu’il pourrait dénoter une intériorisation de la part des individus de la valorisation de la motivation intrin- sèque. Ce résultat accentue le crédit des travaux postulant l’existence de cette norme ; on peut, en effet, considérer l’intériorisation comme un élément central dans le processus de transmission des normes sociales.

Cette première étude présente un intérêt majeur, celui de montrer que la MI est bien mise en avant pour se valoriser. Ce résultat peut paraître anodin, mais il constitue une étape obligée dans la mise en évidence d’une norme de jugement.

ÉTUDE 2

La deuxième étape de nos investigations était d’apprécier si des sujets étaient sensibles à la MI lorsqu’ils avaient à évaluer.

Population

La population expérimentale est composée de soixante étudiants en deuxième année de psycho- logie. Les étudiants ont participé à la recherche à la fin d’un cours magistral. Ils sont regroupés en trois groupes de vingt sujets.

Procédure

Cette expérience s’inscrit dans le cadre du para- digme des juges (Jellison, Green, 1981). Elle a consisté à demander aux étudiants de se prononcer sur le devenir professionnel d’un élève de termi- nale (fictif), présenté dans un dossier. Ce dernier contenait uniquement les réponses de l’élève de terminale au questionnaire de motivation au travail de Blais et coll. (1990).

Nous avons utilisé douze items du questionnaire initial sur les trente et un, sans les modifier. On compte quatre items relatifs à chacune des trois dimensions retenues : la MI à l’accomplissement, la ME identifiée et la ME externe. Pour chaque item, une échelle d’1 (pas du tout d’accord) à 9 (tout à fait d’accord) montre le degré d’accord de la cible (élève de terminale) avec l’item.

Ce questionnaire, présenté aux étudiants, était préalablement rempli de trois manières différentes : de manière intrinsèque à l’accomplissement ; de manière extrinsèque par régulation identifiée ; de manière extrinsèque par régulation externe.

Les cases entre 7 et 9 étaient cochées pour les items relatifs à la dimension étudiée (MI ou ME identifiée ou ME externe). Les cases entre 1 et 3 pour les deux dimensions restantes.

Un des trois types de questionnaires a été distribué au hasard à l’ensemble des étudiants.

Ils avaient pour consigne de prendre connais- sance des items et des réponses de l’élève de termi- nale au questionnaire de motivation, dans l’objectif de l’évaluer. Ils disposaient uniquement de l’infor- mation motivationnelle pour les évaluer. Pour juger cet élève, nous leur avons soumis cinq affirmations sur lesquelles ils devaient se situer sur une échelle en neuf points (de 1 « pas du tout d’accord » à 9

« tout à fait d’accord »), sur la base des réponses données par l’élève au questionnaire de motiva- tion : 1 « C’est quelqu’un qui va réussir profession- nellement. » ; 2 « C’est quelqu’un de sincère » ; 3

« C’est quelqu’un de tenace » ; 4 « C’est quelqu’un de modeste » ; 5 « C’est quelqu’un de mesuré ».

La première affirmation a pour objectif d’appré- hender la valorisation sociale de la motivation intrinsèque, car nous émettons l’hypothèse que la motivation intrinsèque est socialement valorisée.

Cette valorisation sociale a été assimilée à la réus- site professionnelle : nous nous attendons à ce qu’une personne que l’on valorise, réussisse professionnellement.

Pour accéder aux deux dimensions de la valeur (utilité et désirabilité), nous nous sommes inspirés de la méthode des « portraits », qui consiste à dresser un profil d’une personne sur la base d’un vocabulaire personnologique. Nous nous sommes appuyés sur les travaux de Le Barbenchon, Cambon et Lavigne (2005), pour traduire ces deux dimensions en adjectifs.

Pour choisir ces adjectifs, nous avons fait passer un pré-questionnaire à des étudiants de « Master 2 Gestion Stratégique des ressources humaines », en leur demandant quels étaient pour eux, dans chacune des catégories proposées, les deux traits de personnalité qui leur paraissaient les plus impor- tants à prendre en compte lors d’une évaluation dont l’objectif est professionnel.

Nous avons retenu deux adjectifs utiles (tenace et mesuré) et deux adjectifs désirables (sincère et modeste). Selon les résultats publiés par Le Barbenchon et coll. (2005), ces adjectifs sont neutres sur l’autre dimension.

Nous avons souhaité, dans cette étude, pouvoir comparer les deux types de motivations les plus éloignées (motivation intrinsèque et motivation extrinsèque par régulation externe) mais aussi à titre exploratoire, appréhender le fonctionnement d’un type de motivation particulier : la motivation extrinsèque par régulation identifiée. En effet, elle fait partie de la catégorie des motivations extrinsè- ques et est également considérée comme une moti- vation autodéterminée au même titre que les moti- vations intrinsèques. Dès lors, nous souhaitions voir comment elle était comprise dans une situation

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d’évaluation. Est-elle appréciée comme proche de la motivation intrinsèque ou de la motivation extrinsèque par régulation externe ?

Les variables dépendantes

La première variable dépendante « pronostic de réussite professionnelle » correspond au score moyen obtenu sur une échelle d’1 à 9 à l’affir- mation : « C’est quelqu’un qui va réussir professionnellement ».

La seconde variable dépendante « dimensions de la valeur » renvoie aux scores moyens obtenus pour chaque dimension de la valeur : l’utilité et la désirabilité.

Résultats

Ces données ont été soumises à des analyses de variance. En premier lieu, nous souhaitions attester d’une valorisation sociale de la motivation intrin- sèque au détriment des deux autres types de moti- vations. Les étudiants devraient attribuer un pronostic de réussite professionnelle supérieur aux motivés intrinsèques qu’aux motivés extrinsèques.

MI accom- plissement

ME régulation identifiée

ME régulation externe Pronostic 5 (1,95) 3,75 (1,74) 3,6 (1,67) Tableau 2. Moyennes et écart-types obtenues au

« pronostic de réussite professionnelle » pour les trois groupes, sur une échelle de 1 à 9.

L’analyse de variance à un facteur révèle un effet du type de motivation sur le pronostic de réussite professionnelle (F(2,57) = 3,69, p < .03).

Au niveau des contrastes, nous constatons que les élèves présentés comme motivés intrinsèque- ment font l’objet d’un pronostic de réussite profes- sionnelle significativement supérieur aux pronos- tics de réussite professionnelle des élèves présentés comme motivés extrinsèquement par régulation identifiée (F(1,57) = 4,87, p < .03) et par régulation externe (F(1,57) = 6,11, p < .01).

Les élèves présentés comme motivés extrinsè- quement par régulation identifiée ne sont pas mieux jugés en ce qui concerne le pronostic de réussite professionnelle que les élèves présentés comme motivés extrinsèquement par régulation externe.

Au regard de ces résultats, il existerait donc bien un jugement plus favorable pour la motivation intrinsèque. Les étudiants évaluent plus positive- ment le pronostic professionnel de l’élève présenté comme motivé intrinsèquement par rapport aux deux autres. Ce résultat irait dans le sens de

l’existence d’une norme de motivation intrinsèque dans la perspective sociocognitive, puisque les sujets, en plus de se présenter MI pour se valoriser (étude 1), évaluent, en retour, plus positivement, dans le domaine professionnel, les individus motivés intrinsèquement.

En second lieu, nous souhaitions montrer que la motivation intrinsèque ferait l’objet de plus d’utilité que les motivations extrinsèques.

MI accom- plissement

ME régulation identifiée

ME régulation externe Utilité 3,825 (2,04) 3,875 (1,605) 2,85 (1,69) Tableau 3. Moyennes et écarts-types d’utilité des trois groupes, sur une échelle de 1 à 9.

Les analyses statistiques n’indiquent aucun résultat significatif à. 05. La MI ne semble pas faire l’objet de plus d’utilité que les deux autres types de motivations.

Enfin, à titre exploratoire, nous souhaitions évaluer la désirabilité sociale.

MI accom- plissement

ME régulation identifiée

ME régulation externe Désirabilité 5,15 (2,12) 5,15 (1,69) 3,975 (1,68) Tableau 4. Moyennes et écarts-types de désirabilité des trois groupes, sur une échelle de 1 à 9.

Il semble que les élèves, présentés comme motivés intrinsèquement ou extrinsèquement par régulation identifiée, sont jugés plus désirables que ceux présentés comme motivés extrinsèquement par régulation externe (F(1,57) = 4,059, p < .048 pour les deux).

Au regard de ces résultats, les motivations auto- déterminées (MI et ME identifiée) seraient consi- dérées comme plus désirables que les motivations non autodéterminées (ME externe).

Enfin, les résultats (Anova à mesures répétées) mettent en évidence que les notes sont globalement supérieures, quel que soit le type de motivation, pour la désirabilité que pour l’utilité (F(1,57) = 16,48, p < .0001).

Ces résultats, qui ne sont pas conformes à nos attentes (puisque nous avancions que la motivation intrinsèque était une norme de jugement d’utilité plutôt que de désirabilité), peuvent être, en partie, expliqués à la lumière des analyses de corrélations

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effectués entre adjectifs. La corrélation des deux adjectifs utilitaires est de. 46, celle des deux adjec- tifs désirables est de. 21 et elles sont de. 07,. 10,.

13,. 29 entre les adjectifs désirables et utilitaires.

Ces corrélations étant peu différentes de 0, nous avons choisi, dans l’étude 3, de revenir à la méthode originelle de mesure des dimensions de la valeur.

ÉTUDE 3

Cette troisième et dernière étude avait pour objectif d’examiner si certains effets normatifs (valorisation professionnelle, utilité et désirabilité sociales) étaient affectés par la présence d’infor- mations objectives concernant les performances réelles (bulletin de notes).

Population

La population de cette étude se compose de 90 professeurs, dont 47 de lycées et 43 de collèges de différentes régions de France.

Procédure

Ce travail s’inscrit dans le cadre du paradigme des juges. Le matériel utilisé dans cette troisième expérimentation diffère sensiblement de l’étude précédente. En effet, les évaluateurs disposent à la fois d’une information motivationnelle (comme dans l’étude 2), mais également d’une information objective concernant des résultats scolaires (extrait d’un bulletin de notes).

La mise en place de ce dispositif, croisant la motivation (MI et ME) et la performance (bonne ou moyenne), présente un fort intérêt, celui de véri- fier si la valorisation de la MI n’est pas le fait de la performance. En effet, si l’information motiva- tionnelle affecte l’influence de la performance sur différents éléments d’évaluation, une explication par la performance de la valorisation de la MI pourra être écartée.

Cette étude a consisté à demander à des profes- seurs (et non plus à des étudiants) de se prononcer sur le pronostic professionnel et la valeur (utilité et désirabilité sociale) d’un élève en classe de troi- sième. Pour ce faire, il leur était distribué un dossier comprenant trois feuillets. Sur la première page, se trouvait l’extrait d’un bulletin trimestriel d’un élève de troisième et la consigne suivante : « Dans le cadre d’un travail de recherche, nous souhaitons appréhender la façon dont les professeurs voient le devenir d’élèves de troisième. Nous avons donc demandé à des collégiens de troisième de répondre à un questionnaire de motivation (p. 2). Nous avons également recueilli leur bulletin de notes (p. 1).

« Merci de prendre connaissance des documents p. 1 et p. 2 pour pouvoir répondre au questionnaire p. 3. » (annexe 2).

Le bulletin de notes avait pour objet de faire varier la performance de l’élève. Il s’agissait, soit d’un bulletin dit « bon » avec des notes entre 13 et 17,5, soit d’un bulletin de notes « moyen », avec des notes entre 9,5 et 11,2.

Sur la deuxième page, se trouvaient les réponses de l’élève à un extrait du questionnaire de motiva- tion au travail de Blais et coll. (1993).

Cet extrait se compose de six items, trois renvoyant à la MI et trois renvoyant à la ME externe.

Pour chaque item, une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 9 (tout à fait d’accord) montre le degré d’accord de la cible (élève de troisième) avec l’item.

Ce questionnaire était préalablement rempli de deux manières différentes, soit de manière intrinsèque soit de manière extrinsèque par régulation externe.

Les cases 8 ou 9 étaient cochées pour les items relatifs à la dimension étudiée (MI ou ME externe), les cases 1 ou 2 pour l’autre dimension.

Enfin, sur la troisième et dernière page, les professeurs devaient évaluer l’élève présenté, à partir d’un ensemble de neuf questions (quatre renvoyant à l’utilité, quatre à la désirabilité et une au pronostic professionnel), à partir d’une échelle en 7 points (de 1, pôle négatif, à 7, pôle positif).

Compte tenu des résultats peu significatifs obtenus avec la méthode des portraits dans l’étude précé- dente, nous avons opté pour un autre outil, afin d’apprécier l’utilité et la désirabilité sociale et afin de comparer les résultats entre ces deux études (annexe 3). Nous avons effectué, sur ces données, une analyse de fiabilité et une analyse en compo- santes principales. Les alphas de Cronbach sont de.

83 pour les quatre propositions d’utilité sociale et de. 81 pour les quatre propositions de désirabilité sociale. La fiabilité de notre échelle est donc véri- fiée. L’analyse en composantes principales révèle, quant à elle, les deux facteurs attendus : l’utilité sociale et la désirabilité sociale (annexe 4). Ces résultats sont tout à fait satisfaisants et permettent de conclure que cette échelle est fiable pour mesurer l’utilité et la désirabilité sociales et, peut- être, moins dépendante du contexte que la méthode des portraits utilisée dans l’étude précédente.

Les variables dépendantes

Comme nous avons pu le voir, il y a trois varia- bles dépendantes : un pronostic professionnel (un item), l’utilité sociale (quatre items), la désirabilité sociale (quatre items). À titre d’exemple, la propo- sition renvoyant au pronostic professionnel est :

« C’est quelqu’un qui ne fera pas une grande carrière (... qui fera une grande carrière) ». Une proposition relative à l’utilité sociale est : « C’est quelqu’un qu’un employeur ne va pas chercher à recruter (... qu’un employeur va chercher à recruter) ». Une proposition relative à la

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désirabilité sociale est : « C’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’amis (... qui a beaucoup d’amis) ».

Résultats

Nous nous attendions à ce que l’information sur la motivation diminue l’influence de la perfor- mance sur le pronostic professionnel.

MI ME

Performance bonne 4,64 (1,57) 4,59 (1,76) Performance moyenne 4,47 (1,38) 3,33 (1,52) Tableau 5. Moyennes et écarts-types du pronostic professionnel selon la performance et la motivation, sur une échelle de 1 à 7.

Tout d’abord, il est à noter deux effets simples de la performance et de la motivation sur le pronostic professionnel (respectivement F(1,86) = 4,82, p < .03 et F(1,86) = 3,39, p < .06).

Ensuite, l’Anova révèle un effet d’interaction tendanciellement significatif entre la motivation et la performance sur le pronostic professionnel (F(1,86)

= 2,85, p < .09). En effet, on constate que les moyennes des MI performants, moyennement performants et des ME performants sont proches (respectivement 4,64 ; 4,47 ; 4,59) et que la moyenne des ME moyennement performants est nettement moins élevée (3,33). Ce résultat semble montrer qu’alors que la motivation n’affecte pas le pronostic professionnel, lorsque la performance est bonne, elle l’influence nettement lorsque la performance est moyenne : la MI affecte positivement le pronostic professionnel lorsque la performance est moyenne.

Dans un second temps, nous nous attendions égale- ment à ce que l’information sur la motivation diminue l’influence de la performance sur l’utilité sociale.

MI ME

Performance bonne 5,5 (1,03) 4,77 (1,32) Performance moyenne 5,14 (1,25) 3,21 (0,93) Tableau 6. Moyennes et écarts-types d’utilité sociale selon la performance et la motivation, sur une échelle de 1 à 7.

MI ME

Performance bonne 4,67 (1,18) 4,17 (0,90) Performance moyenne 4,85 (1,31) 3,81 (1,26) Tableau 7. Moyennes et écarts-types de désirabilité sociale selon la performance et la motivation, sur une échelle de 1 à 7.

L’Anova révèle un effet d’interaction entre la motivation et la performance sur la dimension utili- taire (F(1,86) = 6,62, p < .01). Elle met en évidence que, quelle que soit la performance, le MI est consi- déré comme plus utile que le ME. De plus, on observe que le MI moyennement performant obtient une meilleure moyenne d’utilité que le ME très performant. Autrement dit, comme c’est le cas pour la norme d’internalité, le type de motivation prend le pas sur la performance objective, ce qui nous permet d’avancer un peu plus loin dans la mise en évidence des éléments de définition d’une norme sociale, en apportant un élément en faveur du fait qu’une norme est indépendante de tout critère de vérité.

Enfin, les analyses statistiques révèlent unique- ment un effet de la motivation sur la désirabilité sociale, ce qui signifie que les MI sont préférés aux ME, quelles que soient les performances (F(1,86)

= 10,87, p < .001). Ces résultats, contrairement aux précédents, corroborent entièrement notre hypo- thèse, selon laquelle la MI est une norme de juge- ment d’utilité, plutôt que de désirabilité, ce qui reste cependant à confirmer, compte tenu des résul- tats obtenus à l’étude précédente.

DISCUSSION CONCLUSION

Les résultats de ces trois études sont complémen- taires. Dans un premier temps, nous souhaitions mettre en évidence une valorisation, dans le domaine professionnel, de la motivation intrin- sèque et, par là, renforcer l’hypothèse de l’exis- tence d’une norme de motivation intrinsèque. Nos résultats vont effectivement dans ce sens. Pour se faire bien voir, les sujets ont tendance à se présenter comme motivés intrinsèquement (étude 1). De même, lorsqu’ils sont en position d’évaluateurs, ils ont tendance à valoriser les personnes motivées intrinsèquement, plutôt qu’extrinsèquement (étude 2). Enfin, lorsque de vrais évaluateurs (professeurs) disposent d’informations, à la fois sur la performance et sur la motivation, cette dernière prend le pas sur la première, qui est, pourtant, une variable objective de base, utilisée pour évaluer des élèves (étude 3). Ce résultat est un argument de plus et de taille dans la démonstration de la norma- tivité de la motivation intrinsèque, puisqu’il rend compte de l’indépendance de tout critère de vérité de cette éventuelle norme de jugement. Enfin, concernant le critère de valeur, nous avons utilisé deux méthodes différentes dans les deux dernières recherches. La première, qui recourt à la méthode des portraits, n’apporte pas de résultats allant dans le sens de nos attentes. Ceci pourrait s’expliquer, tout d’abord, par le fait que nous n’utilisons que deux adjectifs pour mesurer chacune des dimen- sions de la valeur. D’autres recherches, employant

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des listes d’adjectifs plus importantes, permet- traient de retenir ou d’écarter cette explication.

Ensuite, le fait que nous n’obtenions pas de corré- lations franches entre les adjectifs peut également laisser supposer que le contexte est une variable importante, lors de l’utilisation d’un matériel à base d’adjectifs. Dès lors, dans l’étude 3, nous sommes revenus aux moyens de base de mesure de l’utilité et de la désirabilité sociales. Les analyses facto- rielle et de fiabilité présentent des résultats satis- faisants, qui laissent supposer que le contexte, quel que soit son importance, n’est pas mis en jeu dans cet outil, d’où l’intérêt de son utilisation. De plus, les résultats de cette étude montrent bien que l’élève MI, moyennement performant, est

considéré comme plus utile que l’élève ME, très performant. Cependant, on note également que la MI donne lieu à de l’utilité sociale comme à de la désirabilité sociale. Ces résultats peuvent être mis en relation avec les travaux récents de Dubois (2005), qui défend l’existence de normes de juge- ment d’utilité et de norme de jugement de désira- bilité. Ces conclusions, bien qu’intéressantes, nécessitent de nouvelles explorations pour permettre d’aller plus loin dans l’étude de la norma- tivité de la motivation intrinsèque. Ces résultats constituent, néanmoins, une base concrète de travail dans ce nouvel horizon de recherches qui s’offre à nous, à travers la normativité de la moti- vation intrinsèque.

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ANNEXE 1

Résultats de cohérence interne pour chaque sous dimension de motivation

MI aux stimulations :. 69 ; MI à la connaissance :. 91 ; MI à l’accomplissement :. 72 ; ME identifiée :. 90 ; ME introjectée :. 78 ; Motivations autodéterminées (les 3 MI + la ME identifiée) :. 91.

Pour la ME externe, ayant éliminé 2 items, nous ne pouvions effectuer une analyse de cohérence interne, le coefficient de corrélation entre les 2 items restant sur cette dimension est de. 37.

ANNEXE 2 Voici l’extrait d’un bulletin trimestriel d’un élève de troisième :

DISCIPLINES NOTES APPRÉCIATIONS Français 15,3 Travail sérieux et régulier

LV1 : anglais 14,5 Travail sérieux et appliqué. Bonne participation LV2 : espagnol 16,8 Très bon niveau

Histoire-Géo 15,8 Très bon trimestre

Mathématiques 15,8 Bon trimestre. Travail sérieux.

Physique 17,5 Excellent niveau

SVT 13,8 Beaucoup de sérieux et d’attention. Bonne participation Technologie 16 Très bon travail

Sport 15 Bon trimestre. Bonne participation Arts plastiques 13 Ensemble correct

Musique 17 Bon travail

Appréciation générale : Très bon trimestre. Travail sérieux et appliqué.

Félicitations du conseil de classe.

Voici l’extrait d’un bulletin trimestriel d’un élève de troisième :

DISCIPLINES NOTES APPRÉCIATIONS

Français 10 Ensemble moyen

LV1 : anglais 10,4 Ensemble moyen. Quelques difficultés de compréhension LV2 : espagnol 10,3 Efforts à poursuivre

Histoire-Géo 11 Trimestre moyen

Mathématiques 9,9 Niveau à peine suffisant. Travail à approfondir Physique 9,5 Ensemble insuffisant

SVT 10 Niveau moyen. Travail sérieux. Doit persévérer Technologie 11 Travail moyen

Sport 10 Ensemble moyen

Arts plastiques 11,2 Ensemble satisfaisant

Musique 10 Niveau moyen

Appréciation générale : Niveau peu satisfaisant. Résultats encore trop justes. Efforts à poursuivre.

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Voici les réponses de l’élève au questionnaire de motivation :

Il lui a été demandé : « Qu’est-ce qui est important pour vous, dans votre futur travail ? » Pas du tout d’accord 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Tout à fait d’accord Voici ses réponses :

M’accomplir en faisant mon travail de façon

bien personnelle et unique 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Me procurer une sécurité 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Éprouver de la satisfaction lorsque je serai

en train de réussir des tâches difficiles 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Avoir un travail où je pourrais bénéficier

d’avantages sociaux et financiers 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Ressentir de la satisfaction alors que

je relèverai des défis intéressants au travail 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Le salaire que j’en retirerai 1 2 3 4 5 6 7 8 9

ANNEXE 3

QUESTIONNAIRE À REMPLIR

Vous allez maintenant évaluer ce collégien de troisième.

Après avoir pris connaissance de ses réponses au questionnaire de motivation, et de ses résultats scolaires, indiquez à l’aide des échelles ci-dessous, dans quelle mesure chacune des propositions suivantes corres- pond à l’opinion que vous vous faites de ce collégien.

Votre participation à cette étude est primordiale à l’obtention de résultats de recherche de qualité. Il est donc important que vous répondiez à la totalité des questions proposées, même s’il vous paraît parfois difficile de vous prononcer à partir des seules informations fournies. Nous vous en remercions.

Entourez le chiffre correspondant à votre réponse.

Vous pensez que c’est quelqu’un qui :

Ne va pas réussir sa vie professionnelle 1 2 3 4 5 6 7 Va réussir sa vie professionnelle N’a rien pour être aimé 1 2 3 4 5 6 7 A tout pour être aimé

N’a pas beaucoup d’amis 1 2 3 4 5 6 7 A beaucoup d’amis

Qu’un employeur ne va pas chercher à

recruter 1 2 3 4 5 6 7 Qu’un employeur va chercher à recruter

Ne constitue pas un fort potentiel pour

l’entreprise 1 2 3 4 5 6 7 Constitue un fort potentiel pour l’entreprise Que l’on n’a pas envie de rencontrer, de

connaître 1 2 3 4 5 6 7 Que l’on a envie de rencontrer, de connaître

Ne sera pas considéré comme sérieux et

travailleur 1 2 3 4 5 6 7 Sera considéré comme sérieux et travailleur

Ne fera pas une grande carrière 1 2 3 4 5 6 7 Fera une grande carrière

N’est pas agréable 1 2 3 4 5 6 7 Est agréable

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ANNEXE 4

Stat.

analyse factor

Poids factor. (varim. normalisé) Extraction : composantes princ.

Poids marqué >. 700000 Variable Facteur 1 Facteur 2 U1

U2 U3 U4 D1 D2 D3 D4

.623206 .855451*

.848765*

.841842*

.367649 -.150344 .352813 .286690

.083125 .200604 .204513 .150178 .727809*

.707436*

.832508*

.815684*

Var expl Prp. tot

2,913720 .364215

2,500112 .312514

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