Partie I
Bien se comprendre pour bien se préparer
1
e oits réservés Depuis quelques années, en France, le nombre
total d'accidents du travail est en léger recul : -0,3 %. Cette tendance générale est particuliè- rement due aux actions de prévention menées dans le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP : 3,1 % de baisse des accidents de travail). A contrario , le secteur de l'aide à la personne enregistre une hausse de 2 % des accidents du travail, touchant au total 9,46 % des salariés. Ce pourcentage est trois fois plus élevé que la moyenne générale ; 43 % des arrêts de travail dans le secteur de l'aide à la per- sonne sont liés à la manutention humaine. Ces chiffres alarmants sont certainement liés à dif- férents facteurs : charge de travail importante, secteur d'activité malmené, manque de forma- tion continue, non-respect des législations en vigueur, etc.
Les pathologies discales constituent prati- quement un tiers de ces arrêts de travail : mal de dos, lumbago, sciatique. Les particularités de ce type d'affection sont l'impotence fonc- tionnelle majeure qu'elles peuvent entraîner et le risque de chronicisation. Les professionnels impliqués dans l'aide à la personne effectuent des gestes inadaptés, répétés, portent des charges considérables en dépit des règles de sécurité dans un contexte de sédentarisation.
Colonne vertébrale
Elle constitue le principal maillon faible corpo-
Fonctionnellement, on distingue quatre zones vertébrales. Chacune d'elles a ses par- ticularités, en regard des deux fonctions évoquées :
◗ au niveau cervical : les vertèbres cervicales
sont peu épaisses. Elles supportent peu de poids. En revanche, la région cervicale est très mobile. Support de la tête, elle donne au regard de grandes capacités de mobilité dans les trois plans de l'espace. C'est donc une zone plutôt fragile aux contraintes mécaniques ( Fig. 1.2 ) ;
◗ au niveau dorsal (ou thoracique) : c'est la
zone la plus étendue. Les vertèbres y sont plus épaisses. De profil, leur forme favorise la cyphose dorsale. Elles supportent la partie haute du tronc, les épaules, les membres supé- rieurs, le cou et la tête. Les côtes s'accrochent aux vertèbres dorsales. Cela limite leur mobilité ( Fig. 1.3 et 1.4 ) ;
◗ au niveau lombaire : les vertèbres lombaires
sont les plus épaisses, elles supportent davan- tage de poids. Elles ne sont que cinq à se par- tager la mobilité de la région lombaire. Chaque articulation est donc très sollicitée ( Fig. 1.5 ) ;
◗ au niveau sacré : les vertèbres sacrées sont
soudées, elles forment le sacrum, qui se pro- longe par le coccyx ( Fig. 1.6 ).
Toutes les vertèbres sont articulées entre elles par le disque intervertébral ( Fig. 1.7 ). Le disque est composé de deux parties : le noyau, situé au centre, et les anneaux fibreux, en péri-
Accidents du travail
Pathologies vertébrales et principes de sécurité CHAPITRE 1
3
CHAPITRE 1 Accidents du travail
Fig. 1.2
Rachis cervicalFig. 1.1
Rachis de profil, de faceFig. 1.3
Rachis dorsalFig. 1.4
Rachis dorsal et cage thoraciqueFig. 1.5
Rachis lombaireFig. 1.6
Sacrum et coccyxCHAPITRE 1
Lorsque la colonne vertébrale est redressée, le poids tend à aplatir le noyau. Sous la pression, il se déforme. En se déformant, il repousse les anneaux fibreux qui l'entourent. Mais la défor- mation de ceux-ci est réduite. Ils limitent donc l'aplatissement du noyau. La combinaison des propriétés de ces deux structures permet au disque de jouer le rôle d'amortisseur lors de la mise en charge de la colonne (Fig. 1.9). Lorsque nous nous inclinons sur un côté par exemple, les vertèbres ont tendance à pincer le disque dans sa partie homolatérale. En même temps, l'espace intervertébral baille du côté opposé.
Le noyau a donc tendance à être chassé du côté où l'espace baille. Mais c'est aussi la zone dans laquelle l'écartement des vertèbres met en tension les anneaux fibreux. Ceux-ci limitent donc l'écartement des vertèbres et s'opposent strictement au déplacement du noyau vers le côté ouvert (Fig. 1.10).
Atteintes des disques vertébraux
Le vieillissement tend à réduire les propriétés de ces structures corporelles ; les tissus qui constituent le noyau et les anneaux fibreux se dégradent. Les sollicitations physiques répé- tées peuvent également contribuer à cette dégradation : les gestes réalisés, lors de l'aide à la personne en situation de dépendance motrice, sollicitent particulièrement la colonne lombaire : se pencher, se tourner, s'incliner, tout en manipulant la personne, en soutenant une partie de son corps.
La colonne vertébrale bouge dans les trois plans. Le mouvement le plus fréquemment réalisé est la flexion. L'enroulement du tronc vers l'avant, lorsque nous nous penchons,
Ce processus de tissus corporels passant au travers d'autres tissus lésés s'appelle une her- nie. On parlera ici de hernie discale (Fig. 1.12).
Nous avons évoqué la zone de fragilité que constitue la partie lombaire de la colonne ver- tébrale. Les hernies survenant donc lors de gestes, positions penchées, efforts, se retrou- veront quasi systématiquement à ce niveau, tout en bas du dos. Deux processus peuvent être observés : la hernie s'engage vers l'arrière ou vers l'arrière et le côté.
◗ Premier processus : si la hernie s'engage vers l'arrière elle se dirige vers la moelle épinière.
Celle-ci se comporte comme un très gros câble électrique, composé de neurones qui font le lien entre le cerveau et les nerfs qui par- courent l'ensemble du corps. Ces cellules ner- veuses transmettent dans un sens les ordres venant du cerveau à l'ensemble des muscles et, dans l'autre sens, les informations éma- nant de toutes les parties du corps jusqu'au cerveau. Il s'agit donc d'un organe essentiel ; son atteinte a des conséquences physiques graves. Lorsque le sujet se penche en avant en enroulant son dos, le noyau tend à faire hernie vers l'arrière sous l'effet des pressions exer- cées par les vertèbres qui baillent. La hernie risque donc de réaliser une compression de la moelle épinière. Avant d'atteindre la moelle épinière, la hernie va exercer une pression contre un grand ligament situé en arrière des corps vertébraux (Fig. 1.13). Ce grand ligament commun vertébral postérieur est très riche- ment innervé. Sa compression déclenche une douleur majeure. En se penchant en avant ou/
et en exerçant un effort, le sujet ressent une douleur extrêmement vive, l'empêchant de poursuivre son geste. Cette douleur en coup de couteau est la conséquence de ce pro-
5
CHAPITRE 1 Accidents du travail
Fig. 1.7
Disque intervertébralFig. 1.9
Compression du disque, amortisseurFig. 1.8
Noyaux et anneaux fibreuxFig. 1.10
Compression latérale du disqueFig, 1.11
Flexion du rachis lombaireFig. 1.12
Hernie discale postérieureCHAPITRE 1
◗ Second processus : si la hernie s'engage vers l'arrière et le côté, elle se dirige vers la racine nerveuse qui sort de la moelle épinière pour constituer un nerf (Fig. 1.14). Le risque de compression ne concerne donc plus la moelle épinière, mais ce nerf. Les troubles moteurs (paralysies, parésies) et sensitifs (pertes de sensibilité, paresthésies) vont se retrouver sur les zones corporelles desservies par ce nerf.
Comme les hernies concernent essentielle- ment les disques situés en bas de la colonne, les racines les plus concernées par ces com- pressions seront essentiellement celles du nerf sciatique et parfois du nerf crural. Les douleurs, paresthésies voire faiblesses pourront se situer dans une partie de la cuisse, de la jambe et du pied.
Autres atteintes de l'appareil musculosquelettique
Les efforts de tractions, poussées, portages, réalisés avec les membres supérieurs sont sus- ceptibles d'entraîner des douleurs d'épaule, de poignet. Les mouvements répétés favorisent les tendinopathies. Ces pathologies présentent également des risques importants de chronici- sation. Elles peuvent entraîner pour le sujet une gêne très importante au quotidien.
Principes de sécurité
L'aide aux transferts requiert, de l'aidant, une certaine disponibilité physique. Le chapitre sui- vant, « Entretien physique », propose un certain nombre d'exercices favorisant détente, assou- plissements et renforcements musculaires fonctionnels.
Des principes généraux sont à respecter
assumé par les cuisses et non par les muscles du dos (Fig. 1.16) ;
◗ utiliser au maximum son propre poids pour s'appuyer, se suspendre à un matériel ou au sujet transféré, réduit les efforts de traction sur les poignets, les coudes, les épaules (Fig. 1.17) ;
◗ assurer les déplacements, glissements, du sujet en réalisant des fentes permet d'effectuer l'effort essentiellement avec les membres infé- rieurs, plutôt que de s'incliner/pivoter (Fig. 1.18) ;
◗ préparer l'espace où l'on va effectuer le trans- fert pour éviter toute gêne engendrée par du matériel ou par d'autres personnes suscep- tibles de produire un événement perturbant.
Cadre législatif
Le Code du travail limite le port de charge à 25 kg pour une femme et 55 kg de façon régu- lière pour un homme, 105 de façon exception- nelle (article R. 231-72). Le même code, dans la réglementation relative aux manutentions manuelles (articles D. 4152-12, D. 4153-39 à D. 4153-40, R. 4541-1 à R. 4541-11) pose les prin- cipes suivants :
◗ éviter le recours à la manutention manuelle de charges ; accorder la priorité à la manutention mécanique ;
◗ évaluer les risques que représentent les manutentions qui n'ont pu être évitées ;
◗ mettre en place des mesures d'organisation appropriées et des moyens adaptés (aides mécaniques, moyens de préhension).
Les équipements actuellement disponibles et les techniques réalisables à un ou deux aidants permettent d'éviter le portage dans les établissements accueillant des personnes en situation de déficience motrice et au domicile aménagé. Le personnel doit bien considérer que le portage constitue une prise de risque
7
CHAPITRE 1 Accidents du travail