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L ORIGINE MESOPOTAMIENNE DE LA FABLE. «la prose commence dans la bouche d'un esclave ; aussi le genre tout entier est prosaïque». Hegel, Esthétique.

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

L’ORIGINE MESOPOTAMIENNE DE LA FABLE…

« la prose commence dans la bouche d'un esclave ; aussi le genre tout entier est prosaïque ».

Hegel,

Esthétique

. Esope, l’inventeur supposé…

Au même titre que la parabole, l’utopie ou le conte philosophique la fable participe de ce qu’on appelle

« l’apologue ».

Comme on sait, la fable est grecque, son inventeur s’appelle Esope et l’homme qui la sort de ses langes et de ses limbes s’appelle Jean de la Fontaine.

C’est joli, mais c’est un conte.

La langue grecque n’a pas de mot pour désigner la fable. On parle de l’ « Aesopica », du nom de cet inventeur présumé, qui n’était pas plus grec que vous et moi, et dont on ne sait pas d’où il vient.

Beaucoup et des plus sérieux le tiennent pour Phrygien : Phèdre, Dion Chrysostome, Lucien, Aulu- Gelle, Maxime de Tyr, Aelius Aristide, Himérios, Stobée, et Suidas, auteur d’une encyclopédie un peu bordélique, nommée

la Souda

. D’autres le tiennent pour un Thrace, ou un Lydien1.

Il est né vers 630 avant J. C. à un moment de l’histoire où la Grèce n‘est pas encore installée dans sa grande tradition écrite. Esope s’inscrit comme la plupart des hommes de l’Antiquité dans des structures d’oralité. Il était au demeurant très laid et sans doute foncé de peau, mais très malin.

Bref, la fable est un genre oral. Il n’y a pas de « recueil original » mais des fables qu’on se raconte oralement2. Un jour des gens avisés vont recueillir ce patrimoine de sagesse et de perspicativé pour les générations futures, et on va l’intégrer dans les choses à apprendre quand on a la chance (ou pour certains semble t-il la malchance) d’aller à l’école.

Le premier de ces recueils est dû à Démétrios de Phalère, vers 325 avant J.C.3. C’est de cette version dont un certain Phèdre4 va s’inspirer. Arrivé tout jeune esclave à Rome, il y acquiert la maîtrise de la langue latine et une formation littéraire. Affranchi, il décide de se lancer dans l'élaboration de fables, genre nouveau à Rome. Son ouvrage,

Les Fables ésopiques

de

Phèdre, affranchi d'Auguste

, comportent seulement 47 fables inspirées d’Esope sur les 135 que comptent le recueil. Phèdre a largement enrichi le corpus.

Mais il est pourtant ignoré et il n'est redécouvert qu'en 1596 quand paraît la première édition moderne de son œuvre.

Le troisième homme est le chaînon manquant, il s’appelle Babrias, en latin Babrius.5

On ne sait pas grand-chose de lui : on dispose d’une très mauvaise biographie tirée de la

Souda

– sorte d’encyclopédie un peu foutoir, ce qu’on appelle alors

un lexicographe

- et ce qu'il consent à nous dire de lui-même dans les deux prologues de son œuvre. Il était italien – mais avait un nom grec - et vivait en Asie Mineure, très certainement dans la seconde moitié du Ier siècle après J.-C.

En France on le connaît à peine, ou plus exactement, on ne le connaît plus. La seule édition récente disponible de ce fabuliste est anglaise, elle date de 1965, et elle est due à B. E. Perry.

1 Au XIIIe siècle, un moine byzantin du nom de Maxime Planude popularisé une Vie d’Ésope à partir d'un matériau datant probablement du Ie siècle. Le texte est issu de traditions diverses, certaines anciennes, d'autres de l'époque romaine. Il le fait Lydien, d’après la tradition qui apparaît pour la première fois dans Héraclide, selon laquelle il fut esclave du Lydien Xanthos, qui signifie « le Blond ». Puis d’un certain Iadmon dont il réussit à se faire libérer. Lorsque son maître meurt, Ésope est affranchi. A peine libre, il retrouve la parole. Il se rend auprès de Crésus pour tenter de sauvegarder l'indépendance de Samos et il réussit dans son ambassade en racontant une fable au roi. Il se mettra ensuite au service du « roi de Babylone », qui prend grand plaisir aux énigmes du fabuliste.

2 Le recueil des Belles Lettres recense exactement trois cent cinquante-huit fables.

3 Une des premières traductions françaises faite par le Suisse Isaac Nevelet en 1610 compte 199 fables attribuées à Ésope.

C'est le recueil qu'a utilisé La Fontaine.

4 Né vers 15 avant J.-C., en Macédoine et mort vers 50 après J.-C.

5 Voir les travaux de Philippe Renault, disponibles en ligne.

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

Pourtant ce Babrias a donné une version en vers des récits ésopiques, version très copiée et appréciée dans le monde latin pour des raisons scolaires.

Au IVème siècle, Syntipas, un philosophe indien, retranscrit en prose et en syriaque un grand nombre d'entre elles, et les regroupe dans un ouvrage qui connait un grand succès:

l’histoire des sept sages

. Plus tard, ce recueil est retraduit en grec par le moine Andreapoulos.

La plus célèbre de ces paraphrases,

,

est celle des cinquante-cinq tétramètres composés au IXème siècle par le moine Ignace Magister, prêtre de Constantinople, qui les mit en quatrains, assez médiocrement selon les spécialistes.

Au XVIIIème siècle, les Anglais Bentley et surtout Tyrwith eurent l'idée de réunir quelques fragments cités par la

Souda

(à l'époque on parlait de

Suidas),

permettant la reconstitution de trois fables de celui que l'on appelait alors « Gabrias ».

On ne connaissait que ces 57 fables en tout, qui avaient survécu sous forme de paraphrases, connues à travers la Recension dite

Bodléienne

, retrouvée au début du XIXème siècle.

Au début du XIXème siècle, en inspectant minutieusement des manuscrits provenant du Codex Vaticanus 777, on réussit à restituer dans leur métrique initiale quelques vingt fables6.

Des fables iambiques réunies avec des récits babriens furent également identifiées sur des tablettes en cire de Palmyre ainsi que sur le manuscrit G daté du Xème siècle. Ce qui permettait d’affirmer qu'il existait, dès le IIIème siècle, un corpus de fables versifiées qui mêlaient les fables authentiques de Babrius avec des fables composées dans une versification ordinaire et colportant les même thèmes.

En 1843, une découverte va changer la donne et redonner à Babrias-Babrius une certaien audience...

Le ministre de l'Instruction Publique de l'époque, un certain Villemain, dépêche en Grèce Minéas Mynias, un genre d’Indiana Jones, homme très savant mais à l'esprit quelque peu aventurier et fantasque, avec la mission de retrouver des manuscrits anciens. Sa quête le mène au Couvent de Sainte-Laure du Mont Athos où il tombe, presque par hasard, sur un volume contenant cent vingt trois fables de notre poète. Il fait le compte-rendu de cette découverte :

« Dans le Couvent de Laura au Mont Athos, il y avait deux bibliothèques, une petite et l'autre plus grande. La première contenait des manuscrits jetés pêle-mêle, la plupart pourris par l'humidité et les ordures animales. Au point que la

Vie des Hommes illustres

de Plutarque, ouvrage manuscrit dont parle l'Allemand Zacharias dans le traité de son voyage fait il y a huit ans au Mont Athos, manuscrit encore complet, je l'ai trouvé tout à fait abîmé. Il n'avait pas plus de dix cahiers. En grande partie les feuilles étaient collées et pourries. Tous les autres manuscrits étaient dans un état pitoyable. Je travaillai depuis quinze jours, accompagné d'un diacre nommé Gabriel en feuilletant les manuscrits que j'ai nettoyés autant que possible et j'ai pu mettre des étiquettes et des numéros à ceux qui avaient un intérêt. Il y avait un plancher qui occupait la moitié du parterre de la bibliothèque en forme de sofa. Les planches d'au-dessous était mouvantes, l'au-dessus était plein de poussière et de fientes.

Ayant examiné tous les manuscrits, je me suis fourré sous le plancher malgré la résistance des moines qui s'y trouvaient. Ils me disaient qu'il n'y avait rien et que je me salirais.

Or, j'y ai trouvé quinze manuscrits : un Denys l'Aréopagite avec des notes abrégées aux marges ; une

Histoire des Animaux

d'Élien et treize autres encore parmi lesquels le manuscrit en question, abîmé au commencement et vers la fin. La dernière feuille était en lambeaux et contenait les six derniers vers. La première partie renfermait les

Histoires fabuleuses

dont saint Grégoire de Nazianze fait mention dans ses

Discours.

La partie suivante contenait les

Fables

de Babrius en 80 pages in-8°. L'écriture m'a semblé être datée du Xe siècle. Il y avait plusieurs mots dont quelques lettres étaient effacées que j'ai déchiffrées avec peine. »

On put alors reconstituer cent quarante-trois fables dans leur forme métrique originale, et on dispose depuis du Codex A, qui constitue le patrimoine des fables de Babrias reconnu comme tel.

La trouvaille fait alors grand bruit et rend Babrius très populaire du jour au lendemain. Jusqu'aux années 1890, ses poèmes furent étudiés avec grand soin et presque autant que La Fontaine que l'on trouvait alors, non seulement trop difficile pour les enfants mais aussi d'une morale pernicieuse. Beaucoup de professeurs de l'époque lui préféraient donc l'élégance de Babrius ou la gentillesse de Florian.

6Ces vingt fables reconstituées ont été éditées par P. Knöll, « Neue Fabeln des Babrius », in Sitzungsber. Der phil. hist. Kl. der Akademie der Wissenschaften in Wien, 1878.

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Mais à la fin du XIXème siècle, Babrius fut brusquement retiré des programmes scolaires, ce qui sonna son déclin en France et sa désaffection progressive.

Or, ce Babrias-Babrius, grec romanisé, a vécu au Proche-Orient et il a été le précepteur d’un prince.

Dans la dédicace du second livre de fables il mentionne un certain « roi Alexandre ». Il s’agit d’un prince acquis à la puissance romaine et installé par Vespasien sur le trône de Cilicie aux alentours de 70. Flavius Josèphe est le seul historien à en révéler l'existence. Si son information est fiable, Alexandre, fils d'Hérode Antipas, roi de Judée, aurait épousé Iotapé, la fille d'Antiochos, roi de Commagène. Il abandonna la religion de ses pères et adopta les usages et les dieux grecs.

Dans le premier prologue, Babrias prétend « avoir mis en vers les fables en prose d'Ésope » en s’inspirant de la collection ésopique recensée par le manuscrit

Augustana,

la plus ancienne recension dont on disposait et dont on dispose encore. Sauf que la nature diverse des récits qui composent l'ouvrage babrien, proverbes, épigrammes ou même simples anecdotes tendent à prouver que leur source provient de livres très divers.

Et parmi ces sources, la source oubliée, la plus ancienne est la souce mésopotammienne.

Le contexte de certaines de ses fables et sa connaissance du peuple arabe l’attestent : la fable 57 s’intitule

l'Arabe et le char des mensonges.

Ou plus éclatant encore, la fable du

moustique sur la corne du taureau

qui correspond presque mot pour mot à une fable publiée par E. Ebeling en 1927 qui a été retrouvée sur une tablette cunéiforme au cours des fouilles effectuées à Assur. Cette fable se retrouve dans la recension

Augustana

mais le récit babrien épouse presque mot pour mot les contours du texte assyrien, bien plus que la version tirée de l'

Augustana

..

Enfin, dans sa préface, Babrias insiste fortement : « O fils du roi Alexandre » la fable est « une invention des anciens Assyriens qui vivaient au temps de Ninus et Belus ».

Or, l’une de ces sources est orientale, assyrienne pour être exact: il s’agit du L

ivre d'Achikar

.

Bon nombre des fables ésopiques auraient donc une source sémitique. Ce Babrias-Babrius quelque peu oublié, qui mit en vers plusieurs d’entre elles, attribue expressément au genre de l’apologue une origine babylonienne .

Le livre d’Achikar… l’autre source7

L’histoire d’Achikar l’Assyrien se présente comme une autobiographie dans laquelle cet araméen à la cour d’Assyrie consigna par écrit sa vie exemplaire, mais aussi et surtout ses maximes morales et des paraboles. Ikara signifie « travailleur », on pourrait aussi dire « copiste à l’identique ». Il était sans doute de tradition orale araméenne dans le réseau d’Assur près le roi de Ninive au VIIème s.

C’est une double collection de proverbes et de sentences insérés dans une histoire. Ces deux séries de maximes ont autant d’importance que l’histoire elle-même. Elles constituent la « sagesse d’Achikar », par analogie avec celle de Salomon et la Sagesse de Ben Sirach. La première série est didactique et s’inspire des proverbes de Salomon et elle est tenue pour une des sources de l’Ecclésiaste. La seconde met en relief l’ingratitude de Nathan, et se compose de comparaisons, que l’on peut appeler des similitudes ou des paraboles.

Cette seconde série est apparentée aux plus anciens recueils de fables.

Le récit obéit à la grande structure traditionnelle de l’élévation et du déclassement : Joseph en Egypte, Daniel à babylone et Achikar en Assyrie. Achikar8, scribe de Sennachérib et de Sarhédom, adopte Nadan, le fils de sa sœur, l'élève et lui adresse une première série de sages maximes pour compléter son éducation. Nadan n'en profite pas et craignant d'être déshérité par son oncle, il imagine, à l'aide de lettres écrites en son nom, de le faire passer pour un conspirateur et de le faire condamner à mort. Fort heureusement, le bourreau est un ami d'Achikar, et il n'exécute pas l'ordre donné.

D’après Clément d’Alexandrie, puis Eusèbe plus tard, ces deux séries de maximes, ont été rapportées de Babylone par Démocrite, au Vème siècle avant notre ère et elles auraient pu servir de modèle à quelques fables ésopiques, ce qui a conduit plus tard à préter à Esope l’histoire d’Achikar, et à créer un nouveau sage fabuliste nommé Loqman.

Mais qu’en est-il du document original ? Il ne pouvait être qu’araméen9.

7 François Nau, Histoire et sagesse d’Ahicar l’Egyptien, traduction de versios syriaques, avec les principales différences des versions arabes, arméniennes, grecque, néosyrique, slave et roumaine. Paris, Letouzey et Ané, 1909. On écrit aussi Ahikar.

8 La Bible le présente comme le neveu de Tobie.

9 C’est ce qu’établit Mme Briquel-Chatonnet, dans un article remarquable : « L’histoire et la sagesse d’Ahicar ; fortune littéraire de la vie d’un dignitaire araméen à la cour assyrienne », in D'un Orient l'autre: actes des troisièmes journées de

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

Les papyrus araméens d’Achikar, découverts à Eléphantine corroborent la thèse de l’abbé François Nau.

Il reste par ailleurs plusieurs versions ultérieures : arménienne, grecque, slave, roumaine éthiopienne et syriaque, source de toutes les versions qui restent.

Vers une genèse nouvelle de la fable

Rien n’interdit donc de supposer qu’au VIIe siècle avant notre ère vivait un homme puissant et sage, tour à tour favori du roi et proscrit, auteur de maximes morales et d'allégories ou paraboles. Deux siècles plus tard, son histoire et ses maximes étaient répandues dans tout le monde juif, ce qu’attestent les papyrus araméens trouvés au sud de l'Egypte, à Éléphantine, datant de cette époque. Les versions araméenne, syriaque, arabe, en grecque, roumaine, slave, et même éthiopienne attestent la formidable vitalité de ce récit.

Cette tradition a pu être reprise par un scribe, du nom de

Sopér

, forme syrienne de

Sofer

devenue en grec Esope. Cet Esope aurait été emmené comme esclave après une victoire des Hittites sur les Assyriens ou par un autre royaume anatolien du réseau d’Assur et installé dans une ville de la zone ionienne de la cote d’Asie mineure.

Traduite en grec, l’œuvre de ce fabuliste a donné lieu à une nouvelle édition en Italie, plus complète que celle d’Esope et d’Achikar. L’auteur de cette dernière version est un précepteur "parlant araméen" (d’où son nom Barbrias - Barbraia) et grec, précepteur du prince né pendant le séjour à Rome du petit fils d’Hérode le Grand, nommé par Claude roi de Judée en 40-43 ; lui-même sera nommé roi de Cilicie en 70, en abandonnant la religion hébraïque et épousant Iotapée fille du roi Antiochos de Commagène.

C’est ainsi que par l’intermédiaire des juifs et des Grecs, le vieux conte assyrien a contribué à donner naissance à quelques-unes des plus gracieuses productions de la littérature française, puisque plusieurs des sujets esquissés par Achikar – par le relais d’Esope puis de Brabias - ont servi de thèmes à des fables de la Fontaine10.

La fable est donc un avatar d’un genre fondamental, sans doute le plus ancien de l’histoire de la littérature sapientale, et de la littérature tout court : la parabole.

Au cours de sa longue histoire, elle a simplement perdu la mémoire, oublié son origine orientale et elle s’est réinventée une généalogie, en oubliant sa part sémitique.

l'Orient, Bordeaux, 2002, éditions Peeters, Louvain, publié par Jean-Louis Bacqué-Grammont, Angel Pino,Samaha Khoury. Le récit d’Achikar l’Assyrien constitue selon elle, l’un des documents les plus anciens de la littérature araméene.

10 «L ‘oiseau blessé d’une fléche », « le serpent et la lime », « la chatte métamorphosée en femme », « la souris métamorphosée en fille », « le cerf et la vigne ».

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021 Bibliographie

Briquel-Chatonnet (Françoise), « L’histoire et la sagesse d’Ahicar ; fortune littéraire de la vie d’un dignitaire araméen à la cour assyrienne », in

D'un Orient l'autre: actes des troisièmes journées de l'Orient,

Bordeaux, 2002, éditions Peeters, Louvain, publié par Jean-Louis Bacqué-Grammont,Angel Pino,Samaha Khoury.

Nau (François),

Histoire et sagesse d’Ahicar l’Egyptien, traduction de versios syriaques, avec les principales différences des versions arabes, arméniennes, grecque, néosyrique, slave et roumaine

. Paris, Letouzey et Ané, 1909.

Hermann (L.)

Babrius et ses poèmes,

Bruxelles, Latomus, 1973.

Knöll (P.),

Fabularum Babrianarum Paraphrasis Bodleiana,

Vienne, 1877.

Lods (Adolphe),

Histoire de la littérature hébraïque et juive: depuis les origines jusqu'à nos jours

, chapitre III, le roman d’Ahikar, pp . 596 et suivantes.

Renault (Philippe), FEC -

Folia Electronica Classica

(Louvain-la-Neuve) - Numéro 6 - juillet-décembre 2003 <folia_electronica@fltr.ucl.ac.be>

« The Assyrian Book of Achikar », édition par A. Cowley in

Aramaic Papyri of the Fifth Century B.C.,

Oxford, 1923.

Esopica, les Fables grecques et latines,

traduction par Philippe Renault, Éditions de l'Arbre d'Or, Genève, 2003. Cette anthologie comprend l'intégralité des

Fables

de Babrius et une partie des pièces de

la

Paraphrase Bodléienne.

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021 L’orientalisme de jean de la Fontaine

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

Horizon bac s’entraîner Sagesse des fables

texte d’invention : répondre à un réquisitoire, le plaidoyer Texte A : Jean de la Fontaine, les frelons et les mouches à miel

Texte B :

Texte A : Jean de la Fontaine, les Frelons et les mouches à miel, [Phèdre]

A l'œuvre on connaît l'artisan.

Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent:

Des Frelons les réclamèrent;

Des Abeilles s'opposant,

Devant certaine Guêpe on traduisit la cause.

Il était malaisé de décider la chose:

Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs, De couleur fort tannée, et tels que les abeilles, Avoient longtemps paru. Mais quoi? dans les Frelons Ces enseignes étaient pareilles.

La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons, Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière Entendit une fourmilière.

Le point n'en put être éclairci.

"De grâce, à quoi bon tout ceci?

Dit une Abeille fort prudente.

Depuis tantôt six mois que la cause est pendante, Nous voici comme aux premiers jours.

Pendant cela le miel se gâte.

Il est temps désormais que le juge se hâte:

N'a-t-il point assez léché l'ours?

Sans tant de contredits, et d'interlocutoires, Et de fatras, et de grimoires,

Travaillons, les Frelons et nous:

On verra qui sait faire, avec un suc si doux, Des cellules si bien bâties."

Le refus des Frelons fit voir Que cet art passait leur savoir;

Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties.

SUJET DINVENTION 1 .

I …

Proposition 2

S’entrainer – horizon bac 2 Vanitas vanitatum

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

texte d’invention : répondre à un réquisitoire, le plaidoyer

Corpus

Texte A : Jean de la Fontaine, L’homme et la puce,

Texte B :Jean de la Fontaine, la montagne qui accouche d’une souris Texte A : Jean de la Fontaine, L’homme et la puce,

[Esope]

Par des vœux importuns nous fatiguons les Dieux, Souvent pour des sujets même indignes des hommes.

Il semble que le Ciel sur tous tant que nous sommes Soit obligé d'avoir incessamment les yeux,

Et que le plus petit de la race mortelle, A chaque pas qu'il fait, à chaque bagatelle, Doive intriguer l'Olympe et tous ses citoyens, Comme s'il s'agissait des Grecs et des Troyens.

Un Sot par une Puce eut l'épaule mordue;

Dans les plis de ses draps elle alla se loger.

"Hercule, ce dit-il, tu devais bien purger La terre de cette hydre au printemps revenue.

Que fais-tu, Jupiter, que du haut de la nue Tu n'en perdes la race afin de me venger?"

Pour tuer une puce, il voulait obliger

Ces Dieux à lui prêter leur foudre et leur massue.

Texte B : La montagne qui accouche d’une souris, [Phèdre]

Une Montagne en mal d'enfant Jetait une clameur si haute, Que chacun, au bruit accourant, Crut qu'elle accoucherait sans faute D'une cité plus grosse que Paris:

Elle accoucha d'une Souris.

Quand je songe à cette fable, Dont le récit est menteur Et le sens est véritable, Je me figure un auteur

Qui dit: "Je chanterai la guerre

Que firent les Titans au maître du tonnerre."

C'est promettre beaucoup: mais qu'en sort-il souvent?

Du vent.

SUJET DINVENTION 1

Proposition

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

Ici vous pouvez le faire tomber dans l’eau, et imaginer un Narcisse stupide, il y en a…

Proposition 2

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S’ENTRAINER – HORIZON BAC

L’HOMME, EN QUETE DE SAGESSE

texte d’invention : répondre à un réquisitoire, le plaidoyer

Texte A : Jean de la Fontaine, « les souhaits » [?]

Il est au Mogol des follets Qui font office de valets,

Tiennent la maison propre, ont soin de l'équipage Et quelquefois du jardinage.

Si vous touchez à leur ouvrage,

Vous gâtez tout. Un d'eux près du Gange autrefois Cultivait le jardin d'un assez bon bourgeois.

Il travaillait sans bruit, avoir beaucoup d'adresse, Aimait le maître et la maîtresse,

Et le jardin surtout. Dieu sait si les Zéphirs, Peuple ami du Démon, l'assistaient dans sa tâche!

Le Follet, de sa part, travaillant sans relâche, Comblait ses hôtes de plaisirs.

Pour plus de marques de son zèle,

Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté, Nonobstant la légèreté

A ses pareils si naturelle;

Mais ses confrères les Esprits

Firent tant que le chef de cette république, Par caprice ou par politique,

Le changea bientôt de logis.

Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvège Prendre le soin d'une maison

En tout temps couverte de neige;

Et d'Indou qu'il était on vous le fait Lapon.

Avant que de partir, l'Esprit dit à ses hôtes:

"On m'oblige de vous quitter:

Je ne sais pas pour quelles fautes;

Mais enfin il le faut. Je ne puis arrêter

Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine:

Employez-la; formez trois souhaits, car je puis Rendre trois souhaits accomplis,

Trois sans plus." Souhaiter, ce n'est pas une peine Etrange et nouvelle aux humains.

Ceux-ci, pour premier vœu, demandent l'abondance;

Et l'abondance, à pleines mains, Verse en leurs coffres la finance,

En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins:

Tout en crève. Comment ranger cette chevance?

Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut!

Tous deux sont empêchés si jamais on le fut.

Les voleurs contre eux complotèrent;

Les grands seigneurs leur empruntèrent;

Le Prince les taxa. Voilà les pauvres gens Malheureux par trop de fortune.

"Otez-nous de ces biens l'affluence importune,

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

Dirent-ils l'un et l'autre: heureux les indigents!

La pauvreté vaut mieux qu'une telle richesse.

Retirez-vous, trésors, fuyez; et toi, Déesse, Mère du bon esprit, compagne du repos, O Médiocrité, reviens vite." A ces mots La Médiocrité revient; on lui fait place;

Avec elle ils rentrent en grâce,

Au bout de deux souhaits étant aussi chanceux Qu'ils étaient, et que sont tous ceux

Qui souhaitent toujours et perdent en chimères

Le temps qu'ils feraient mieux de mettre à leurs affaires.

Le Follet en rit avec eux.

Pour profiter de sa largesse,

Quand il voulut partir et qu'il fut sur le point, Ils demandèrent la sagesse:

C'est un trésor qui n'embarrasse point.

SUJET DINVENTION

Réécrivez la fable sous la forme d’un récit imagé,

Exemple rédigé

C’est une rédaction « a minima »

Il était une fois un Mogol. Un roi hindoue si vous préférez, mais l’Inde musulmane. Ce grand Mogol en guide de valets, avait des follets. Ils tenaient la maison propre, avaient soin de l’équipage, voire du jardin. Et qu’on ne s’avise pas de toucher à leur ouvrage. On aurait tout gâté.

Un de ces follets cultivait autrefois le jardin d’un bourgeois, prés du Gange. Un bourgeois de l’Inde évidemment, qui ressemble en tous points aux nôtres, à ceci près que leur bourgeoise porte le sari, et qu’on y mange beaucoup de riz.

Ce follet aimait ses maîtres et il aimait surtout le jardin où il travaillait sans bruit, avec adresse. Il avait dans cette tache de l’aide, celle des Zéphirs, qui l’assistaient. Le Follet comblait ses hôtes de plaisirs.

Il serait bien resté, nonobstant sa légèreté, caractéristiques de tous ces Esprits des airs. Mais il y a une hiérarchie, même chez les Follets, et un jour on le convoqua :

« Mon ami, nous avons décidé qu’il vous faut changer de maison.

Il fut tout étonné, « changer de logis, mais pourquoi ? « mais il dut obéir et changer de logis. On l’envoya en Norvège prendre soin d’une maison toujours sous la neige. Il était hindou, on le fit lapon, ce qui ne fut pas bien difficile, car la légèreté dans les esprits leur donne aussi le sens de la métamorphose. On s’adapte vite chez les Follets.

Le préavis était fort court : un mois peut-être une semaine. Avant son départ, l’Esprit en informa ses hôtes il leur proposa de l’employer, tradition oblige, à formuler trois vœux.

Souhaiter ne mange pas de pain. Pour premier vœu, les bons bourgeois, en dignes bourgeois, demandèrent l’abondance. Et l'abondance vint, à pleines mains, et elle remplit leurs coffres, leurs greniers de blé, et leurs caves de vins fins.

Mais l’abondance a ses requêtes. Il leur fallut ranger tous ce blé. Il fallut construire de nouveaux silo, ouvrir des registres, et mettre tout ce vin à l’abri. L’abondance attire les voleurs. Ils vinrent complotant et rôdant, préparant les mauvais coups. On ne dormait plus ou mal.

Enfin les grands seigneurs, toujours sans le sou, leur empruntèrent, Le Trésor Public dûment informé par les Médias toujours sur la brèche s’empressa de réclamer son du.

On est malheureux par trop de fortune. Il y avait un deuxième voeur. Il fut vite formulé : "Heureux les indigents, ôtez-nous de ces biens l'affluence importune, la pauvreté vaut mieux qu'une telle richesse. Retirez- vous, trésors, fuyez; et toi, Déesse, Mère du bon esprit, compagne du repos, O Médiocrité, reviens vite ».

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Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

Le Follet a tout pouvoir pour accomplir trois vœux : à ces mots La Médiocrité revint; on lui fit place; avec elle ils rentrent en grâce…

. Le Follet ne voulait pas manquer de largesse. Quand le moment de partir pour la Laponie, le frimas, les rennes, et la maison constamment sous la neige, il rappela qu’il restait un vœu.

Alors, ils demandèrent la sagesse…

C'est un trésor d’une légèreté comparable à celle d’un Esprit immatériel.

Exemple rédigé

Il y avait en Inde sur les bords du Gange un roi Mogol qui avait en guise de valets, des « follets ». Les follets ce sont des esprits, des farfadets, des lutins en bref, plein d’efficacité qui sont capables de tenir une maison propre, de soigner les chevaux, de conduire un équipage, et d’entretenir le jardin. Au demeurant très jaloux de leur obédience, il ne s’agissait pas de toucher à leur ouvrage, on aurait tout gâté.

Or, un des ces follets cultivait le jardin d’un bourgeois, près du Gange, dans le district de ce roi Mogol. C’était un bourgeois de l’Inde moghole, mais qui ressemblait en tous points à nos bourgeois d’aujourd’hui hormis qu’en guise de tailleur Madame portait le sari, qu’on y mangeait beaucoup de riz, et que la maison empestait le curry. Malgré l’odeur, le follet aimait ses maîtres et surtout le jardin où il travaillait sans bruit et avec adresse. Il avait dans cette tache de l’aide, celle des Zéphirs, qui l’assistaient. Le Follet satisfaisait pleinement les besoins de ses hôtes, et il serait bien resté, nonobstant sa légèreté, caractéristiques de tous ces Esprits des airs.

Mais le sort ou plutôt ses maitres en avaient décidé autrement, car il y a une hiérarchie chez les follets et ils ne sont pas maîtres de leur destin de follet.

Hélas, un jour, on le convoqua parce qu’on avait décidé de le changer de maison. Il en fut tout étonné, et même un peu marri, mais il dut obéir et changer de logis.

Et où l’envoya- t-on d’après vous ? Au Sri lanka voisin ? Au Népal pas si lointain ? En terre khmère où les follets ont des follettes qui dansent et qu’on appelle des Apsaras ? Rien de tout cela.

On l’envoya en Norvège. En Norvège, pour y prendre soin d’une maison toujours sous la neige. Il était hindou, on le fit lapon, ce qui ne fut pas bien difficile, car la légèreté dans les esprits leur donne aussi le sens de la métamorphose. On s’adapte vite. .

Mais avant son départ, l’Esprit en informa ses hôtes.

Le préavis était fort court : un mois peut-être une semaine. Et il leur proposait de l’employer, tradition oblige, à formuler trois vœux. " Souhaiter ne mange pas de pain. Pour premier vœu, les bons bourgeois, en dignes bourgeois, demandèrent l’abondance. Et l'abondance, à pleines mains, verse en leurs coffres la finance, remplit leurs greniers de blé et leurs caves des meilleurs vins.

Mais l’abondance a ses requêtes. Il leur fallut ranger tout ce blé, construire de nouveaux silo, ouvrir des registres comptables pour noter toutes les transactions….

Et puis l’abondance attire les voleurs. Ils se mirent à comploter pour les voler. Les grands seigneurs toujours sans le sou leur empruntèrent, sans nécessairement l’espoir que l’emprunt soit un jour rendu. Ainsi vont les Seigneurs. Le Trésor Public dûment informé par les Médias toujours sur la brèche s’empressa de réclamer son dû.

Bref, la vie devint tout simplement impossible. Toute cette fortune impliquait pas mal de tracasseries, de soucis quotidiens, en bref, d’emmerdes.

Le résultat ne se fit pas attendre et l’un et l’autre demanda que leur fût enlevé toute cette prospérité. Heureux les indigents, la pauvreté vaut mieux que toute cette richesse qui ne génère que des tracas dirent-ils l'un et l'autre:

heureux les indigents! La pauvreté vaut mieux qu'une telle richesse. Retirez-vous, trésors, fuyez; et toi, Déesse, Mère du bon esprit, compagne du repos, O Médiocrité, reviens vite. La Médiocrité revint.

Le couple avait trois vœux, il en avait épuisé deux, mais il avait commencé d’éprouver que les insatiables se perdent en chimères, et surtout perdent le temps qu’il feraient bien de consacrer à leurs affaires et à une saine gestion.

Le Follet en rit avec eux.

Il avait promis trois vœux. Il avait suffit de deux pour que le couple comprenne la vanité de la fortune. C’était déjà beaucoup de sagesse. Quand le moment de partir pour la Laponie, la neige, le frimas, les rennes, il rappela qu’il restait un vœu.

Alors, ils demandèrent la sagesse. C'est un trésor d’une légèreté comparable à celle d’un Esprit immatériel. La demander, c’est déjà la posséder…

(13)

II SAGESSE GRECQUE

LES SOURCES PHILOSOPHIQUES DE JEAN DE LA FONTAINE

(14)

Marion Duvauchel-CREDANT – 2021 HORIZON BAC S’ENTRAINER

JEAN DE LA FONTAINE PHILOSOPHE

Le Philosophe scythe

est la vingtième fable du livre XII situé dans le troisième et dernier recueil des Fables texte d’invention : répondre à un réquisitoire, le plaidoyer Corpus

Texte A : Jean de la Fontaine, L’astrologue qui se laisse tomber dans un puits Texte B : Alain, Abrégé de philosophie

Texte C : Condorcet, ,

Texte A : Condorcet, esquisse …

Les stoïciens firent consister la vertu et le bonheur dans la possession d'une âme également insensible à la volupté et à la douleur, affranchie de toutes les passions, supérieure à toutes les craintes, à toutes les faiblesses, ne connaissant de véritable bien que la vertu, de mal réel que les remords. Ils croyaient que l'homme a le pouvoir de s'élever à cette hauteur, s'il en a une volonté forte et constante ; et qu'alors, indépendant de la fortune, toujours maître de lui-même, il est également inaccessible au vice et au malheur. Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1793-1794) 95 Un esprit unique anime le monde ; il est présent partout, si même il n'est pas tout, s'il existe autre chose que lui. Les âmes humaines en sont des émanations. Celle du sage, qui n'a point souillé la pureté de son origine, se réunit, au moment de la mort, à cet esprit universel. La mort serait donc un bien, si, pour le sage soumis à la nature, endurci contre tout ce que les hommes vulgaires appellent des maux, il n'y avait pas plus de grandeur à la regarder comme une chose indifférente.

33Texte B : Jean de la Fontaine, L’astrologue qui se laisse tomber dans un puits. XIII [Esope]

Un Astrologue un jour se laissa choir Au fond d'un puits. On lui dit: "Pauvre bête, Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire au-dessus de ta tête?"

Cette aventure en soi, sans aller plus avant, Peut servir de leçon à la plupart des hommes.

Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes, Il en est peu qui fort souvent

Ne se plaisent d'entendre dire

Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire.

Mais ce livre, qu'Homère et les siens ont chanté, Qu'est-ce, que le Hasard parmi l'antiquité, Et parmi nous la Providence?

Or du Hasard il n'est point de science:

S'il en était, on aurait tort

De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort, Toutes choses très-incertaines.

Quant aux volontés souveraines

De Celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein, Qui les sait, que lui seul? Comment lire en son sein?

Aurait-il imprimé sur le front des étoiles

Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles?

A quelle utilité? Pour exercer l'esprit

De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit?

Pour nous faire éviter des maux inévitables?

Nous rendre, dans les biens, de plaisir incapables?

Et causant du dégoût pour ces biens prévenus, Les convertir en maux devant qu'ils soient venus?

(15)

Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire.

Le firmament se meut, les astres font leur cours, Le soleil nous luit tous les jours,

Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire, Sans que nous en puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d'éclairer,

D'amener les saisons, de mûrir les semences, De verser sur les corps certaines influences.

Du reste, en quoi répond au sort toujours divers Ce train toujours égal dont marche l'Univers?

Charlatans, faiseurs d'horoscope,

Quittez les cours des princes de l'Europe;

Emmenez avec vous les souffleurs tout d'un temps:

Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens.

Je m'emporte un peu trop: revenons à l'histoire De ce spéculateur qui fut contraint de boire.

Outre la vanité de son art mensonger,

C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères, Cependant qu'ils sont en danger,

Soit pour eux, soit pour leurs affaires.

SUJET DINVENTION 1

Bruno et Isabelle sont deux élèves de première L. Ils ont un exposé à faire sur les liens entre la littérature et la philosophie et discutent du tour à donner à ce travail. Isabelle veut insister sur les textes argumentatifs, mais Bruno pense que

Proposition

(16)

Marion Duvauchel-CREDANT – 2021

3 Inventer rédiger Approches problématiques

« La prose commence dans la bouche d'un esclave ; aussi le genre tout entier est prosaïque ».

Hegel,

Esthétique

.

Texte A : Somerset Maugham,

Les trois grosses dames d’Antibes

, « la Cigale et la fourmi »

Quand j’étais tout petit, l’on me faisait apprendre des

Fables

de la Fontaine, et l’on m’en commentait soigneusement la morale. Parmi elles figurait la Cigale et la Fourmi, dont la leçon pratique tend à persuader la jeunesse que ce monde imparfait récompense les efforts et punit la frivolité. Dans cette fable admirable (dont on me pardonnera de rappeler l’anecdote qu’une convention, courtoise mais inexacte, suppose connue de tous !), la fourmi passe un été laborieux à rassembler ses provisions d’hiver pendant que la cigale, assise sur un brin d’herbe, chante pour plaire au soleil. L’arrivée de ‘hiver trouve la fourmi bien pourvue, alors que la cigale, qui n’a us rien dans son garde-manger, vient la voir pour mendier un peu de nourriture. C’est alors qu’elle s’attire cette réponse classique :

Que faisiez-vous au temps chaud ? Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise.

Vous chantiez ? j’en suis fort aise.

Eh bien dansez maintenant

.

Jamais je ne pouvais me faire à cette leçon : non pas, je crois par esprit de contradiction mais plutôt en vertu dune légèreté propre à l’enfance, que n’étouffe pas le sens moral.

Texte B: Marie de France,

Fables,

ed. Peeters, 1991

On nous raconte l’existence d’un grillon Qui, pendant la saison de l’hiver, Etait allé jusqu’à une fourmilière.

C’est par hasard qu’il y est entré ;

Il demanda, avec insistance, de la nourriture ; Car il n’en avait nullement, dit-il

Dans sa maison, son abri.

La fourmi dit : »Qu’as-tu donc fait Au moment où tu aurais dû,

En août amasser ta nourriture et t’approvisionner ? »

« Je chante », dit-il, « et divertis

les autres animaux, mais je ne trouve personne qui veuille m’en récompenser ;

c’est pourquoi il a fallu m’arrêter ici. » la fourmi dit :"chante donc pour moi ! au nom de la loyauté que je te dois, tu aurais mieux fait de t’approvisionner au mois d’août et d’amasser,

plutôt que d’être mourant de froid,

et de demander de la nourriture à la porte d’autrui.

Pourquoi te donnerais-je à manger,

Du moment que tu ne peux m’être d’aucune utilité » ? Par là, on interdit à qui que ce soit

De vivre dans l’insouciance ou dans l’oisiveté.

Chacun, selon son devoir,

Doit s’efforcer d’acquérir des biens ;

(17)

Marion Duvauchel-CREDANT – 2021 Il est plus estimé s’il sait où prendre Que s’il doit se reposer sur les autres.

Raymond Queneau,

Battre la campagne,

Gallimard, 1968 Une fourmi fit l’ascension

d’une herbe flexible elle ne se rend pas compte de la difficulté de son entreprise elle s’obstine la pauvrette dans son dessein délirant pour elle c’est un Everest pour elle c’est un Mont Blanc ce qui devait arriver arrive elle choit patatratement une cigale la reçoit

dans ses bras bien gentiment eh dit-elle point n’est la saison des sports alpinistes

(vous ne vous êtes pas fait mal j’espère ?) et maintenant dansons dansons

une bourrée ou la matchiche

Texte B : Jean-Jacques-François Marin Boisard Texte C :

« Chante, chante, belle amie, Etourdis-toi ;voltige avec légèreté ; Profite bien de ton été,

Et vite, hâte-toi de jouir de la vie ;

L’hiver approche ??? » Ainsi parlait un jour La fourmi thésauriseuse

A la cigale, à son gré trop joyeuse.

« Avez-vous dit, radoteuse m’amour, Lui répliqua la chanteuse :

L’hiver approche ? Hé bien nous mourrons toutes deux.

Vos greniers sont pleins, et les miens seront vides ; Or donc, en maudissant les dieux,

Vous quitterez vos épargnes sordides…

Moi, je veux en chantant aller voir mes aïeux ; Aussi je n’ai retenu qu’un adage :

Amasser est d’un fol, et jouir est d’un sage. »

(18)

Marion Duvauchel-CREDANT – 2021 1. l’homme ce mondain

texte d’invention : répondre à un réquisitoire, le plaidoyer Corpus

Texte A : Lucien Jerphagnon, Au bonheur des Sages, Texte B :

Texte A : Lucien Jerphagnon, Au bonheur des Sages, Desclée de Brouwer, 2004.

Le terme de philosophe désigne donc beaucoup de monde, et recouvre des réalités fort disparates, qui vont de l’exemplaire au lamentable. Il y a les philosophes par vocation, entrés en philosophie comme on entre en religion : un Thraseas, un Helvidius, un Epictète, un Marc Aurèle, un Plotin, un Porphyre… Il y a aussi le professionnel de la psychagogie (1), placier en bons conseils, mais aussi le conférencier mondain. « Il s’en va, ricane Sénèque, l’air souriant, sous les vivats d’un public ignare », ravi d’avoir « des mots à répéter ». Cent ans plus tard, Taurus (2) vilipende ces gens « qui demandent à lire Platon, non pour embellir leur conduite, mais pour agrémenter leur langue et leur style, et pour acquérir plus de charme ». Plutarque en dit autant : « pour eux, la philosophie est un « jeu de mots et d’idées, renchérit Epictète, qui ne les regardent en rien. » Les uns, donc, cherchent la considération et « affectent dans leur maintien, écrit Pline, le goût de la sagesse ». Epictète dit de même : »Pourquoi cette fière démarche comme si tu avais avalé une broche ?- c’est que j’aimerais qu’on m’admire, qu’on me suive, qu’on s’écrie oh, le grand philosophe ! ». (…) Il y a enfin les farceurs : ceux qui trouvent un avantage momentané à passer pour philosophe. Ces fantaisistes ne s’encombrent pas de scrupules : « ils prennent leur manteau, laissent pousser leur barbe, et les voilà qui déclarent : je suis philosophe ! ». Las ! L’homme intérieur ne correspond pas à l’uniforme.

Texte B : Jean de la Fontaine, le geai paré des plumes du paon, Fables.

[Phèdre]

Un Paon muait: un Geai prit son plumage;

Puis après se l'accommoda;

Puis parmi d'autres Paons tout fier se panada, Croyant être un beau personnage.

Quelqu'un le reconnut: il se vit bafoué, Berné, sifflé, moqué, joué,

Et par Messieurs les Paons plumé d'étrange sorte;

Même vers ses pareils s'étant réfugié, Il fut par eux mis à la porte.

Il est assez de geais à deux pieds comme lui, Qui se parent souvent des dépouilles d'autrui, Et que l'on nomme plagiaires.

Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui:

Ce ne sont pas là mes affaires.

SUJET DINVENTION 1

L’enseignement de la philosophie en terminale est une « exception française ». Bruno et Isabelle vont entrer en terminale et s’interrogent sur le sens de cette matière. Isabelle défend avec

véhémence son intérêt et sa pertinence, tandis que Bruno est plu sceptique. Vous écrirez ce dialogue en vous appuyant sur les textes que vous avez lu.

Ce n’est pas le type de texte d’invention qui est traditionnellement proposé mais il peut vous aider à développer une argumentation.

(19)

Marion Duvauchel-CREDANT – 2021 Proposition

BRUNO

Tu as lu quelque chose toi, déjà en philosophie ? ISABELLE

Nietzche :

Ainsi parlait Zarathoustra

. Mais je ne vois pas en quoi c’est de la philosophie. C’est un genre de poème, un peu interminable, et une réflexion sur l’avenir de l’humanité.

BRUNO

Qui c’est Zarathoustra ? Tu as enquêté ? ISABELLE

Oui, sur Wikipédia. Zarathoustra est une sorte de mage prophète, qui a inventé le Zoroastrisme, une religion qui reprend le mazdéisme, ou si tu veux le dualisme qui va devenir le manichéisme.

Tu sais c’est compliqué de s’y retrouver. Zoroastre donc se retire dans la montagne comme tout prophète sui se respecte. C’est un genre de philosophie qui se veut prophétique. Mais Nietzche n’a pas écrit que ça…

BRUNO

Et en dehors de Nietzsche, tu as lu quoi ? ISABELLE

J’ai ouvert

l’abrégé pour les aveugles

, d’Alain, ça c’est bien. C’est une petite histoire de la

philosophie qu’il a écrite pour les aveugles, c’est drôle, as très long, spirituel et très instructif. Je te le recommande.

BRUNO

Moi, j’ai lu Descartes,

le Discours de la méthode.

Je me suis endormi. J’ai essayé alors Hume,

le traité sur l’entendement.

J’ai compris qu’il pense que tout ce que nous comprenons nous est fourni par les sens.

ISABELLE

Oui, c’est un empiriste. Un des trois recensés dans l’histoire de la philosophie, avec Berkeley et Locke je crois.

BRUNO

Ben, tu es déjà drôlement calée.

ISABELLE

En histoire de la philosophie, c’est plus facile que la philosophie, mais c’est aussi utile, au moins pour situer un auteur et dans quelle perspective il réfléchit. Il y a une longue histoire de la philosophie depuis les pré-socratiques jusqu’à aujourd’hui.

BRUNO

Et ceux d’aujourd’hui ? Tu as lu ? ISABELLE

Ils déconstruisent surtout. Je crois qu’ils en veulent beaucoup au monde chrétien et leur objectif a l’air de vouloir détruire tout l’humanisme chrétien. Je crois qu’ils ont bien avancé dans leur travail.

BRUNO (

un peu hésitant)

Mon père est un grand admirateur de Jacques Maritain. Il y a plusieurs livres de lui. Et aussi de Jean Guitton. Je les ai lu, j’ai trouvé ça plutôt intéressant. Il y a un livre intitulé

Humanisme intégral

, dans la bibliothèque de mon père. Mais tu sais comment il est, il est toujours très occupé. Difficile de lui en parler. Mais ma mère a lu, et elle m’a conseillé de lire « le paysan de la Garonne », elle dit que c’est le meilleur de Jacques Maritain, ou

La philosophie morale

, elle dit que c’est une très bonne introduction aux principaux systèmes philosophiques de Platon à Auguste Comte. J’ai commencé, et c’est vrai. Il commence par Platon, Aristote, puis les Stoïciens et les Epicuriens, le christianisme, la morale de Kant, là, je suis un peu embrouillé je dois dire, je n’y comprends plus grand-chose. J’ai un peu zappé, ensuite il y a Hegel, Marx et Auguste Comte. Et il finit par l’existentialisme sartrien. Ma mère me dit qu’il faut lire en passant les pages qui m’ennuient, que ça n’a pas beaucoup d’importance de tout lire, ou alors quand je ne comprends pas, de lire ça comme de la poésie.

ISABELLE

C’est pas idiot. Tu pourras me le prêter ? BRUNO

(20)

Marion Duvauchel-CREDANT – 2021 Je te croyais Nietzschéenne ? ISABELLE

Pour la frime. Parce que se dire chrétien aujourd’hui, ça fait vintage. Mais je trouve Nietzche exalté et confus. Et puis j’ai lu qu’il est mort complètement fou, il se prenait pour le Christ et il signait « le crucifié ». Il faut quand même se méfier d’une philosophie conçue par un type dont la raison a été ébranlée et même complètement détruite.

BRUNO

Tu crois qu’on arrivera à écrire une dissertation philosophique ? J’ai regardé les sujets. Cette année, ils ont eu le choix entre un sujet sur l’art « les œuvres d’art sont-elles immortelles ? ou un sujet sur la justice, mais je ne parviens pas à me souvenir de l’intitulé du libellé.

ISABELLE

Attends, je crois que je me souviens : « le devoir de l’Etat est-il le bonheur des citoyens ? ». Plus dangereux.

BRUNO

Plus dangereux ? Pourquoi ça ? ISABELLE

Tous les sujets politiques sont délicats, on peut dériver sur des questions d’actualité, c’est plus difficile crois-moi. Et puis c’est un sujet à la fois sur le bonheur, et sur l’Etat. Ça croise beaucoup de notions.

BRUNO

Dis-donc, tu es vraiment calée, même en matière d’analyse méthodologique.

ISABELLE

Tu connais le coefficient : 9. On a intérêt à cartonner si on veut une mention. N’oublie pas que la filière l est déclassée. Si tu veux intégrer les classes prépa, tu as la concurrence des élèves de S qui se sont détourné de la filière L pour des raisons stratégiques, et qui ont la côte, tandis que nous…

BRUNO (rêveur)

C’est curieux, je ne pense pas à tout ça.

ISABELLE

(un peu nerveusement)

Ton père est avocat. Le mien est employé de mairie… Tu as une bibliothèque avec les œuvres intégrales de Maritain et de Guitton. Moi, je vais à la bibliothèque municipale pour les trouver, et ma mère travaille de nuit, elle regarde

Maigret

à la télévision.

BRUNO

(il hoche la tête)

C’est bien, Maigret, mon père est fana de Bruno Kremer. Mais je vois ce que tu veux dire. Tu as lu Bourdieu non ?

ISABELLE

(rougissant)

Oui, mais je n’aime pas. C’est trop….

BRUNO Cuistre ? ISABELLE

Oui, va pour cuistre, oui, « cuistre », c’est le mot.

BRUNO

Bourdieu ne pourrait pas imaginer qu’une fille d’employée de mairie et un fils d’avocat puisse discuter de philosophie.

ISABELLE

Mais Platon et Aristote, si. Les Anciens, mon vieux, ils disaient que l’amitié civile était une condition du bonheur et aussi de la vie politique. Ils avaient raison. Même si, pour eux, les femmes évidemment…

Elle regarde sa montre.

Dépêchons-nous, on sera en retard au cours de latin. Tu sais qu’on a de la chance d’avoir encore quelque cours sur l’histoire romaine.

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