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Du régime de la presse en France

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Du régime de la presse en France

CHRISTIDI, Phocion

CHRISTIDI, Phocion. Du régime de la presse en France . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1895, no. D. 262

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:27107

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:27107

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UNIVERSITÉ DE GENÈVE·

DU

RÉGIME DE LA PRESSE

EN

FRANCE

THÈSE DE DOCTORAT

PRÉSENrl'ÉE A LA. FACULTÉ DE DROIT

PAR

Phocion CHRISTIDI

Licencié en droit

Pour obtenir .le grade de docteur

---·~·~+}-~~----

GENÈVE

IMPRIMERIE AUBERT-SCHUCHARDT

REY ET MALA VALLON, SUCCESSEURS Pélisserie, 18

1895

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(3)

La Faculté de Droit autorise l'impression de la présente dissertation) sans se prononcer d' aillellrs snr la valeur du travail ni sur les opinions de l' auteu1·.

Genève, le 17 fuin 1895 .

. Le doyen: Lmûs BRIDEL.

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La pensée est le plus noble attribut de l'homme; elle est seule entre ses trois facultés qui soit exclusivement spiri- tuelle et purement intérieure ; les deux autres, la parole et la faculté de se mouvoir sont plus ou moins matérielles et elles sont liées àla pensée dont elles sont l'agent. C'est par elles que la pensée se révèle au dehors. ·

L'homme par la pensée se dégage de la matière, cherche à pénétrer les secrets de la nature~ et fouille les abîmes de son cœur, par elle il cherche la cause de ses sentiments et juge la moralité de ses actes. Etre et penser sont pour l'être pensant une seule et même chose, la pensée nécessairement participe de la nature de l'homme. Mais il faut dire que la pensée ne serait qu'une opération obscure du cerveau sans le secours de ses agents: les gestes et la parole.

La nature a donné à l'homme la parole qu'il arriva à fixer par l'écriture et l'imprimerie.

La parole est la forme, le véhicule de la pensée ; elle est le trait d'union entre les intelligences.

L'écriture peut se définir: la parole fixée par des signes;

c'est la parole des yeux, le verbe durable. Lorsque l'homme ne possédait que la parole, la pensée humaine avait des limi- tes ; en inventant l'écriture les limites ont été reculées, la pensée triompha alors du temps. Mais cela ne lui suffisait pas, il avait à faire encore la conquête de l'espace, car le cercle de son retentissement est étroit, il ne pouvait se com- muniquer à tous et partout à la fois.

Gutenberg en 1440 en inventant l'imprimerie élargit son retentisseme.nt et rendit sa communication facile. ·

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C'est de ce jour que date le vrai règne de la pensée, mais la pensée avait encore bèsoin de se manifester librement,.

aussi en 1789la France proclama-t-elle la liberté de la presse.

Ainsi la parole, l'écriture, rimprimerie, et la liberté de la.

pensée tel est l'ordre des conquêtes de l'esprit humain dans ses manifestations extérieures.

D'après les conceptions de l'esprit humain contemporain, en philosophie pure, 1 'homme est maître de sa pensée et il possèdè le droit de l'exprimer librement; mais comme pour la liberté d'agir, elle ne doit s'exercer que dans les limites du juste, c'est-à-dire sans violer aucun devoir, ni léser aucun droit; elle doit donc respecter les droits de la société et ceux des individus.

En droit positif, ce droit comme tous les autres droits est purement relatif et se trouve avant tout subordonné à l'état social, au courant des mœurs et aux nécessités politiques. ' Nous ne nous occupons ici que du rapport de cette liberté avec la justice humaine, qui ne peut régler que les faits ma- tériels extérieurs, mais elle ne peut atteindre la pensée dès qu'elle ne se manifeste pas au dehors, parce qu'elle ne lui présentera pas l'un des éléments qui autorisent la société à exercer sa justice : à savoir le préjudice social, et ensuite le secret absolu de son existence la met à l'abri de toutes ses.

investigations.

Pour les manifestations de la pensée il n'en est pas de même ; elles la font entrer dans le monde extérieur et par- conséquent elle est soumise aux sens humains et elle est sus- ceptible de produil'e un bien ou un mal : elle devient une ac- tion, bonne ou mauvaise selon le but et le résultat et par- conséquent elle tombe sous l'empire des lois qui protègent ce qui est bien et repoussent ce qui est mal.

En d'autres termes la pensée humaine~ tant qu'elle de- meure renfermée dans le for intérieur de l'homme, n'est ni saisissable ni dommageable. Mais si ses actes, produits.

d'uhe pensée coupable, portent préjudice à autrui ou à l'or- dre public alors elle peut devenir l'objet d'une punition lé- gale.

La parole est une action comme tout autre mouvement de

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notre corps: telle était aussi la doctrine romaine, Labeon dit: actum generale verbum esse sive verbis, sive re quid aga- :tur ... gestum rem significare sine verbis factum.

Et puisqu'elle est une action ses écarts coupables tombent .sous le coup de la loi.

Il est inexact de dire que la parole n'est qu'une opinion, -car l'opinion n'est autre chose que la pensée intérieure, tan-

dis que la parole et ses expressions par écrit ou par la presse, -comme toute autre action humaine, n'est plus inviol~ble

ni plus illimitée que nos autres facultés, et il est juste que .ses abus soient réprimés.

Sans doute qu'elle bénéficiera des mêmes faveurs que les .autres actions humaines, c'est-à-dire qu'elle ne sera punie que si elle cause un dommage privé ou un danger public.

L'opinion contraire est une absurdité, unnon-sens et ce .set·ait un démenti à l'évidence et à l'histoire que de l'accep- te!'.

Ainsi comme nous l'avons dit, la parole est un instrument naturel mis à la disposition de l'homme et dont il peut se servir en bien et en mal, comme il en use des autres que la nature lui a donné.

L'écriture est un agent de la pensée ; la presse, la litho- graphie, etc., sont des perfectionnements de l'écriture.

Ainsi écrire, imprimer, graver sont tout autant d'expressions différentes de la parole, qui n'est elle-même qu'une expres- .sion de la pensée.

Que cette manifestation ait lieu grâce à la parole, à l'écri- ture ou à la presse elle n'est pas moins une faculté de penser -et de parler que nous tenon.s de la nature et non de la loi .qui ne fait que la reconnaître.

Exprimer librement sa pensée est non seulement un besoin' pour notre nature volontaire, c'est aussi une faculté de l'âme

€t un droit absolu comme la vie.

La pensée est un acte de l'intelligence, un fait mor·al.

Ainsi la liberté de la presse, mais non la licence est une nécessité philosophique et politique qui s'énonce et ne se dé- montre plus; elle existe .dans les constitutions cle tous les pays et mieux encore dans toutes les consciences.

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' Mais est-ce à dire que son exercice ne devra être assujéti qu'à la volonté seule? Loin de là. - L'activité volontaire et libre de l'homme dans ses manifestations n'existe suivant la nature volontaire de l'homme qu'à la condition d'être selon la raison qui est la loi de chacun. L'homme ne peut par consé- quent revendiquer pour la presse plus de liberté que pour ses a-qtres actes, elle ne peut être un droit que lorsqu'elle est légitime et elle ne le sera.qu'en s'accordant avec la loi et la raison.

Hors la raison. c'est-à-dire à la merci des passions, la liberté de la pensée et de la presse serait une monstruosité sociale. La libre expression de la pensée pour être utile doit être énoncée avec modération, son action bienfaisante ne sera puissante et efficace que lorsqu'elle est généreuse, sage, mesurée, dans les expressions qui la manifestent. La licence est sa plus cruelle ennemie.

D'illustres publicistes cependant pensent qu'il n'est d'autre régime pour la presse que l'impunité absolue ou la répression à outrance. La liberté sagement limitée est, d'après eux, une chimère et il faudrait conclure à l'impunité absolue. En fait de presse, disent-ils, l'abus, l'extrême abus serait la liberté même.

(De Broglie, Vue sur le gouvernement de la France, p. 135.

Prevost Paradol, La Fr-ance no'uvelle, p. 230. Labouleye, Le parti libéral, p. 262. Jules Simon, etc ... )

M. Emile Olivier, en 1868, disait: << que les lois contre la

<< ·presse sont comme la paille étendue devant les maisons, et

<< qui n'empêchent pas les voitures de rouler, ni les malades

<< de mourir. >> ·

M. Royer-Collard disait : << pas d-'issue légale entre l'im-

<< punité et l'arbitraire. »

M. Tocqueville disait: << en matière de presse il n'y a pas

<< de milieu entre la servitude .. et là licence. Pour recueillit~

« les biens inestimables qu'assure la liberté de la presse il

<< faut savoir se soumettre aux maux inévitables qu'elle fait

<< naître. Vouloir obtenir les uns en échappant aux autres, c'est

<< se livrer~ l'une de ces illusions dont se bercent d'ordinaire

<< les nations malades. >>

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Le même auteur écrivait qu'en arrivant en Amérique le premier journal dont il fit lecture contenait un article très blessant contre le Président J akson; voyant le calme de tous ceux qui lisaient cet article et sachant l'impunité acquise à l'écrivain, il examina quelles sont réellement les conditions nécessaires au fonctionnement de la presse dans une démo- et·atie. Et il dit : « Si quelqu'un me montrait entre l'indé-

« pendance et l'asservissement entier de la pensée une

<< position intermédiaire où je puisse espérer me tenir, je rn' y

cc établirais, peut-être; mais qui découvrira cette position

cc intermédiaire? Vous parlez de la licence de la presse et

<< vous marchez vers l'ordre, que faites-vous ? Vous soumet-

<< tez d'abord les écrivains aux jm·és, mais les jurés acquit-

<< tent et ce qui n'était que l'opinion d'un homme isolé devient

<< l'opinion du pays: vous avez fait donc trop, ou trop peu,

<< il faut encore marcher. Vous livrez les auteurs à des magis-

<< trats permanents; mais les juges sont obligés d'entendre

<< avant que de condamner; ce qu'on eut craint d'avouer

<< dans le livre on le proclame impunément dans le plai-

doyer ...

<< Vous avez été de l'extrême indépendance à l'extrême

<< servitude sans rencontrer sur si long espace un seul lieu

« où vous puissiez vous posee. >>

A 1880, M. Anatole de la Forge nous donna le plus curieux spectacle à ce point de vue. Étant directeur de la presse au ministère de l'intérieur, on le chargea d'adresser un rapport au ministre, il conclut à la liberté absolue de la presse et le lendemain présentait sa démission.

Ces opinions comme on le voit aisément sont peu logiques, les arguments sont faibles et réfutables d'eux-mêmes. Car on oublie le principe fondamental de la liberté. Si au moins on voulait être logique on devrait étel).dre cette liberté absolue à toutes les autres actions de l'homme.

Il faut se mettre en face de la réalité et ne pas perdre de vue l'intérêt social en examinant cette question, c'est ce qu'ont fait les penseurs de 1789.

Mirabeau dans la séance du 24 août 1789 prononçait ces paroles: << on vous laisse une écritoire pour une lettre calom-

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nieuse, une presse pour un libelle : il faut que vous soyez punis quand le délit est consommé. »

Thiers pendant la discussion de la loi de 1849 prononçait ces paroles:« Dans mon opinion et, je l'espère, dans !'.opinion

<< de tous les hommes qui m'écoutent il est certain: incontesté

<< et incontestable qu'il ne peut y avoir aucune liberté illi-

« mitée.

« La liberté illimitée c'est la société barbare. Là où il y a

« un plus fort qui opprime les autres, ce plus fort a une

« liberté illimitée, mais les faibles n'ont pas de liberté. Il y

« a de moins dans leur liberté à eux tout ce qu'il y a de

« plus dans la liberté du plus fort.

« Ce plus fort à son tour trouve un plus fort qui l'opprime

« et qui jouit de la liberté illimitée. Et quand les hommes

<< se sont aperçus que la société devenait ainsi un échange de

« violences on a posé des limites à la liberté de chacun ; la

« liberté de l'un a pour limites celle de l'autre; les lois sont

« nées et la société avec elles ... En matière de presse peut-il

« y avoir une liberté illimitée'? Il faudrait pour le soutenir

« contre moi, me dire qu'on ne peut pas faire à autrui au-

« tant de mal avec la pensée, avec la parole, avec l'écriture

« qu'avec son bras ; il faudrait supposer une société gros-

« sière et avilie, pour imaginer qu'en outrageant un homme

<< on ne lui fasse pas autant de mal qu'en le frappant. Si

« donc la parole peut être une arme aussi redoutable que

<< le bras, il faut bien en vertu du même principe, arrêter,

« limiter cette liberté de se servir de sa pensée. de sa parole,

<< de sa plume; il faut la limiter comme toutes les libertés,

« à la liberté d'autrui. >>

M. de Serres dans l'exposé des motifs de la loi de 181\:J, disait : « Quiconque fait usage de la presse est responsable

« selon la loi commune, de tous les actes auxquelles elle

« peut s'appliquer ... La presse rentre comme tout autre

« instrument d'action dans le droit commun et en y rentrant

« elle n'obtient aucune faveur qui lui soit propre, elle ne

« rencontre aucune hostilité qui lui soit particulière. » M. Benjamin Constant dans son ouvrage << Les Constitu- tions et les Garanties » (Chap. VIII) nous dit: << La manifes-

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cc tati on d'une opinion peut dans un cas particulier, pro-

<< duire un effet tellement infaillible, qu'elle doive être

cc considérée comme une action. Alors si cette action est

« coupable la parole doit être punie. Il en est de même des

« écrits. Les écrits comme les mouvements les plus simples,

« peuvent faire partie d'une action.

« Ils doivent être punis comme partie de cette action si

« elle est criminelle. >>

M. Blakstone (livre IV, chap. II, no 13) nous dit:

« La liberté de la presse est véritablement essentielle à la

« nature d'un état libre, mais ce qui la constitue, c'est l'ab-

« sence de toute restriction avant la publication, et non de

« toute répression, de toute punition après la publication, si

« l'objet est criminel. Tout homme libre a le droit incontes-

« table de publier telles opinions qu'il lui plaît; le lui dé-

« fendre serait détruire la liberté de la presse; mais si ce

« qu'il publie est inconvenant, nuisible ou illégal, il doit

« supporter les conséquences de sa propt·e témérité. Ainsi la

« volonté de l'individu reste libre, l'abus seul de cette vo-

(1 lonté est l'objet d'une punition légale. »

Les opinions de ces illustres écrivains cités démontrent incontestablement la nécessité de la répression des abus de la publication de la pensée, mieux que nous ne saurions le faire, nous simples soldats nouvellement recrutés dans la phalange des juristes.

Une fois admis qu'il faut réglementer les écarts de la ma- nifestation de la pensée; le législateur doit examiner quelles sont les infractions qu'elle peut commettre et déterminer les personnes responsables.

Le point délicat est : la qualification des délits. En 1819, le garde des sceaux M. de Serres, disait dans son exposé des motifs : « Il s'agit uniquement de recueillir dans les lois pé-

« nales, les actes déjà incriminés auxquels la presse peut

« servir d'instrument et d'appliquer à ces actes lorsqu'ils

« auront été commis ou tentés par la voie de la presse, la

« pénalité qui leur convient; et comme la presse n'est pas

« le seul instrument par lequel de tels actes puissent avoir

« lieu, elle ne sera pas même, sous ce point de vue, l'objet

« d'une'législation particulière.

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<< On lui assimilera tous les autres moyens de publication

<< par lesquels un homme peut agir sur l'esprit des hommes,

« car ici encore, c'est dans le fait de publication et non dans

<< le moyen que réside le délit. ))

En France au moins le législateur de toutes les époques n'a pas su trouver le juste milieu. Et cela, parce que d'après l'esprit français, la licence en matière de presse est syno- nyme de la liberté.

Chaque fois que le législateur a voulu prendre des mesures pour protéger la société contre les abus de cette liberté, on a cru qu'il arrachait une partie des libertés républicaines . . Ce qui fait que jamais on n'a discuté franchement un projet de lois, on a cherché des subterfuges, des phrases pompeuses pour cacher leur vraie intention.

Toujours c'est la question de parti qui prédomine. Cou- vient-il aux politiciens, aux gouvernants ou à ceux qui dési- rent gouverne1· telle liberté, le pays bientôt est doté d'une loi libérale. Si au contraire leur intérêt demande la répres- sion, l'étouffement de tout souffle de liberté, le pays reçoit une loi restrictive de liberté.

Par conséquent ce n'est que quand ceux entre les mains desquels les destinées de la nation sont confiées, sauront met- tre au-dessus de tous les besoins, le bien-être de la société, et feront abstraction de leur propre intérêt, que l'on pourra voir la solution de ce problème. C'est-à-dire la conciliation de la liberté avec les exigences de l'intérêt social et de l'or- dre·public.

Ainsi en 1881 la France fut dotée en matière de presse de la loi la plus libérale qu'elle ait jamais eue.

Mais avec ce système, comme il était facile de le prévoir, des abus se sont produits en présence desquels le pouvoir s'est trouvé désarmé et on a vu ce fait nouveau d'un pouvoir attaqué et impuissant à se défendre. Cet état de choses a effrayé la société et avant qu'une année se fut écoulée on pensait déjà à modifier la loi dans un sens restrictif.

Mai~ les résultats de ce jeu sont fune~tes pour la France.

Et ce n'est qu'en voyant l'abîme devant soi, qu'on commença à s'émouvoir. Nombre de gens réclamèrent un frein à cette liberté.

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La propagande anarchiste ayec des articles remplis de baine et de mépris contre les institutions sociales provoqua des crimes atroces. Le socialisme faisant des· progrès énor- mes, ses membres les plus endurcis passaient facile~ent aux rangs des anarchistes. Ca1· l'anarchie n'est que la fille du

socialisme. ·

Pourtant les zélateurs acharnés de ces ert·eruents, que nous voulons bien admettre inconscients, continuaient à plai- de.r pour la liberté absolue et ils ne comprenaient pas que ces excès doivent avoir· pour résultat forcé, de forger les chaînes de la vraie liberté.

Et à notre époque il est logique que les écarts de la p1·esse suscitent bien des défiances et provoquent également' de très

vives alarmes. ·

Nous sommes déjà loin de cet heureux temps où les jour- naux ne discutaient que des doctrines, ne publiaient que des articles savants sur· toutes les questions touchant la société.

Les journaux à cette époque étaient une vraie école, qui in- struisait le lecteur, le moralisait et tout cela paece que les journaux d'alors avaient conscience de leur mission. Ils étaient les apôtres de la civilisation et de la paix sociale.

Le vrai journaliste qui soutenait une opinion par des rai- sons philosophiques a disparu pour laisser la place au jour- naliste à la mode. Pas trop scrupuleux, en un mot le journa- liste d'agrément 1

Ce n'est pas tout, le journaliste d'aujourd'hui, avec la rivalité qui existe entre les journaux, tous désireux d'infoe- mer rapidement le lecteur, ne prend plus le soin de contrôler les faits et il ment souvent sans s'inquiétet· du mal que sa fausse nouvelle pourra produire.

Ainsi, faits divers, commérages, anecdotes: romans, le plus souvent immoraux, succédèrent aux articles instructifs et propagateurs des idées nobles et élevées d'autrefois.

La plupart du temps ils calomnient sans discernement et trafiquent de leur conscience .

.

1 Voir Fabregnette, introduction.

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12

L'idée est morte, étouffée par le fait, l'article de discussion a fait place à l'information. s

D'un vrai sacerdoce, d'une fonction qu'il était, le journa- lisme est aujourd'hui discrédité, et le père de famille avant de laisser entrer une feuille dans son foyer en examinera par deux fois le contenu.

Nous parlons de la généralité des journalistes contempo- rains. Nous ne méconnaissons pas qu'il y a heureusement un .assez grand nombre encore d'écrivains honorables et dignes d'occuper la tribune du journalisme. Et des journaux dignes de toute estime dont la voix a une très grande autorité sur toutes les questions.

Nous pensons qu'une des causes de ce relâchement dans les mœurs journalistes consiste dans la liberté laissée à tous les naufragés de la société de se constituer journalistes; il faut former des journalistes comme on forme des médecins, des .avocats, il faut une école spéciale, il faut des garanties d'honnêteté. ·

Voilà comment M. Thiers nous décrivait le journaliste en 1848:

cc Voici un jeune homme qui ne sait rien, qui sort du col- '< lège, il ne sait rien, il ne sait rien des affaires d'Etat. Et

« bien il va. faire la leçon aux hommes les plus consommés

« qui ont passé leur vie à étudier les affaires d'Etat, il leur

{< fera la leçon, il régentera) il enseignera à celui-là à gou-

« verner, à celui-ci à administrer, à un autre à négocier.

c< Je vous ai parlé de l'ignorant je vais vous parler du

« malhonnête homme :

cc Voici un homme exclu des fonctions publiques parce qu'il

« en était indigne.

cc Et bien il n'a qu'un désir, c'est de contribuer au renver- '< sement du gouvernement _pour avoir des fonctions. Il ne {( demande que cela, même les plus viles; il accusera les

« hommes les plus élevés, les plus attachés à leur pays. De '< quoi? d'ambition. >>

Ainsi nous soutenons que si le législateur protège la vie du citoyen contre le pseudo-médecin, sa fortune ou son hon- neur contre les pseudo-avocats, il doit aussi protéger sa mo-:

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i·ale contre le premier aventurier venu qui revêt la toge de journaliste.

La partie éclairée de la société a raison de s'inquiéter et de se refuser à admettre que des hommes sans foi, sans scru- pules et dépourvus d'honnêteté puissent diriger une partie de l'opinion publique, numériquement la plus considérable.

Il faut que la presse ne soit pas le moulin à vent ouvert à tous les vents selon l'expression de Paul-Louis Courier.

Après cette digression, nous revenons à notre sujet et nous soutenons que dès que la pensée sort du sanctuaire inviola- ble où la méditation l'élaborait et qu'elle entre dans les do- maines sociaux, dès ce moment il faut soumettre sa libre manifestation aux nécessités de la loi sociale.

Si l'on proclame la liberté illimitée, si l'on conteste à laso- ciété le droit de veiller et Q.e se défendre contre les propaga- teurs du désordre et de l'immoralité, de prévenir les attentats ou les intrigues tramées, ce serait lui refuser les moyens de la fin qu'on lui impose. Ce serait lui donner une puissance sans force.

M. Rousset dit à propos 1 : << Veillez à ce que la presse

<< soit un flambeau de civilisation, mais jamais une torche

<< incendiaire.

<< Faites que la presse averti3se le pouvoir sans attaque,

<< qu'elle parle à la foule sans passion et qu'elle signale

(( patriotiquement les abus existants et les réformes possibles~

<< en respectant les droits et la dignité de l'autorité. Voilà à

<< quelle condition la liberté de la presse sera un bienfait.

<< Garde vigilante de l'inviolabilité des droits publics, ou

« sentinelle avancée à l'affût des améliorations et des lumiè-

« res, qu'elle reste le droit, la liberté vraie, l'organe de la

« raison et de l'amour du bien public.»

Nous concluons que la liberté illimitée et sans frein est une impossibilité sociale. Car la liberté de l'homme doit être gouvernée par des lois qui la rendent compatible avec l'ordre

·public et le droit des individus. Et ainsi nous expliquons que s'il est légitime d'accorder la liberté de la presse, il est aussi légitime de régler cette liberté afin de punir les excès.

1 Voir Introduction. Rosset.

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(Pour notr~ introduction nous nous sommes inspirés des œuvres classiques de MM. Grattiet, Chassan, Rosset, Bar- bier et Fabreguette).

PARTIE HISTORIQUE

A Rome sous la République, les orateurs jouiusaient de la plus grande liberté. Mais alors les écrits étaient peu répan- dus et les livres plus rares et plus chers que les pierres pré- cieuses.

M. Leclerc a prouvé que les Romains eurent des journaux ou actes diurnaux (acta publica diurna, diaria) qui parais- saient d'une manière régulière, et portaient aux extrémités de l'empire les nouvelles de Rome, les délibérations du peu- ple, du Sénat, les débats judiciaires, les discours des orateurs dans les assemblées publiques, les récits des batailles, etc.

Les professions de diurnarius (journaliste) et logographe (sténographe) s'estimaient comme libérales et souvent con-

duisaient aux curies. ·

Dans le Digeste titre X, De injuriis et famosis libellis on voit que des peines sévères frappaient les auteurs d'injures par la voie de l'écriture ou de la parole.

Et si l'on parcourt le long fragment d'Ulpien où se trouvent ces parolesde l'édit du préteur, on trouvera une analogie frappante avec les lois modernes. Ainsi le jurisconsulte dis- tingue le convicium de l'injuria il veut pour qu'il y ait convi- cium, qu'il y ait une espèce de proclamation de l'injure, cela répond à nos idées sur le fait de la publicité de l'outrage.

Le sens du mot contumelia (injure) était trop étendu. Elle s'appelait convicium lorsqu'elle était commise par la parole et famosus libellus, lorsqu'elle était commise par l'écriture.

Après la chute de l'Empire et pendant la suppression de toute civilisation, rien à indiquer sur les manifestations de la pensée humaine.

(16)

15

Rome en faisant la conquête de la Gaule y avait introduit la civilisation et sans doute avec son écriture ordinaire, sa logographie (écriture abréviative). Mais ces heureux eflets étaient anéantis par les invasions des barbares.

Presque jusqu'au XIIe siècle, il n'y a rien de remarquable à signaler. M. Peignot dit qu'au XIIe siècle existaient des libraires à Paris. Pierre de Blois qui vivait à cette époque, parle d'un livre de droit qu'il s'était procuré à quodam publico magnone librorum. >> Cependant pas plus que dans une bonne partie du

xnre

siècle, on ne trouve aucun statut relatif à la librairie.

Ce n'est qu'en 1342 et 1405 que les corporations sont assu- jetties aux lois de l'université, sont obligées de prêter ser- ment et de fournir un cautionnement. D'après les termes de ces statuts, «les escrivains des livres n'en pouvaient vendre ni louer aucun qu'il n'eût été au préalable examiné par une des facultés de l'Université. » Des libraires assermentés faisaient la copie des livres qu'ils étaient tenus d'apporter aux députés de la faculté respective.

La découverte de l'imprimerie en 1440 par Gutenberg, donne des ailes à la pensée humaine, supprime les distances ; transforme le monde civilisé e11. un vaste théâtre où l'auteur est entendu par tout le monde. Les distances ne sont plus un obstacle, pas plus que les langues diverses. La feuille im- primée circule partout. Elle pénètre à l'atelier comme au salon, dans lP boudoir comme dans la chaumière.

En 14 70, ce fut Jean de la Pierre, prieur de la Sorbonne;

qui introduisit le premier l'imprimerie à Paris. Il fit venir des typographes qu'il installa à la Sorbonne.

Dès son origine, l'imprimerie fut l'objet d'une admiration sans bornes. Des lettres patentes de Charles VIII du mois de mars 1488 conférèrent aux imprimeurs des privilèges qui appartenaient aux «supports >J de l'Université: exemption des péages, aides et impositions.

Mais l'Université ne tarda pas à appliquer sur le produit de 1 'imprimerie un contrôle rigoureux.

Un arrêté de 1526 défendit sévèrement la publication d'aucun ouvrage non vu préalablement par la cour du parle- ment ou par commis.

(17)

16

Henri II assimila aux faussaires les imprimeurs qui suppo- saient le nom d'autrui et il les punissait par la confiscation de corps et de bieus ; il ordonna en outre à tous ceux qui avaient entre les mains des ouvrages de cette sorte de les livrer à la justice comme susp_ects, sous peine des punitions arbitraires.

La réforme religieuse trouva dans l'imprimerie un puis- sant propagateur des idées nouvelles. De là la haine contre l'imprimerie; elle fut dès lors considérée comme un instru- ment d'hérésie.

En 1533 la Sorbonne et l'Université s'unissaient pour la destruction de la diabolique invention qui enfante chaque four une infinité de livres pernicieux.

Le 3 janvier 1534 Ft·ançois Ier défendit, sous peine de pen- daison, d'imprimer dans son royaume. Ce ne fut que grâce aux remontrances du Parlement que cet édit fut révoqué, mais à condition que parmi vingt-quatre personnes que le Parlement proposerait, le roi choisirait douze personnes qualifiêes et cautionnées pour imprimer à Paris les livres approuvés et nécessaires aux besoins de la chose publique.

M. Peignot nous a dit qu'en 1453 parut pour la première fois en France un index des livres défendus. Les œuvres de Rabelais figurent dans le premier catalogue.

En 154 7, 1551 les ordonnances royales établissent, régle- mentent l'imprimerie par le brevet et le libraire par l'auto- risation et la résidence.

L'ordonnance de Moulins 1566, 1571 sous le règne de Charles IX, édicte les pénalités les plus odieuses. En 1572, on défendit de faire imprimer des livres en pays étranger sous peine de confiscation· de ces livres et d'amende arbitraire contre les libraires-imprimeurs ou marchands du royaume qui y contreviendraient.

Louis XIII dans l'ordonnance de 1629 renouvelle toutes les défenses antérieures.

En 1631, le médecin Theophraste Renaudot donne à la France la première gazette, sous le titre de Gazette de France.

Les mêmes sévérités continuentjusqu'à la révolution.

(18)

Si grâce à l'adoucissement des mœurs et au progrès de l'opinion on ne brûlait plus les exemplaires ni pendait les auteurs et imprimeurs, on n'était pas moins sévère à leur égard.

En 1712 un arrêt du Parlement de Paris condamnait Jean- Baptiste Rousseau à un bannissement perpétuel pour une poésie qu'on lui attrihua.

Dans une déclaration du 2 mai 1717 on exceptait de la dé;.

fense d'imprimer sans les prescriptions susmentionnées, les édits, déclarations et lettres-patentes du roi; les arrêts des cours, imprimés dans leur· ressort et par leur ordre, les mémoires, les placets, requêtes ou autres écritures servant au jugement des procès pour leur impression, il suffisait de les faire signer par un avocat ou un procureur.

Le règlement du 28 février 1723 édicté ~ous la régence du duc d'Orléans, n'était guère qu'un résumé des règles précé- demment établies. C'était un vrai code divisé en 16 titres; il défendait à tous autres qu'aux libraires, de se livrer au commerce des livres sous peine de 500 livres d'amende, de confiscation et de punition exemplaire. Les almanachs et ou- vrages comprenant moins de deux feuilles typographiques furent exceptés de cette disposition par arrêt du Conseil de 1735. Les arrêts du Conseil fixèrent aussi le nombre des im- primeurs. Les imprimeries privées étaient prohibées ; le pro- . priétaire comme le locataire des maisons où elles se seraient trouvées, même à leur insu, devaient être punis d'une amende de 3000 livres. Les imprimeurs brevetés ne pouvaient tra- vailler ailleurs que dans la maison où était l'enseigne de l'imprimerie. Cette dernière ne pouvait avoir aucune porte de derrière, et la porte principale ne devait être fermée qu'à simple loquet, sous peine d'interdiction pour six mois et de 500 livres d'amende. La porte-enceinte du quartier de l'Uni- versité leur fut désignée comme seul domicile.

Mais tout cet ensemble de dispositions ne suffisait pas à arrêter l'élan de l'imprimerie, et nombre d'ouvrages impri- més à l'étranger revenaient en France braver sans scrupule la rigueur des lois.

Le gouvernement laissait une tolérance indispensable à

2

(19)

18

s'établir malgré la résistance du parlement, à la rigueur du- quel il était facile d'échapper.

En 174.1 on nomma des censeurs royaux tix.és pour chacune des connaissances humaines.

C'est alors que Voltake disait <t sans l'agrément du roi vous ne pouvez pas penser. >>

Duclos dans une conférence en 1770 disait : << Messieurs

« parlons de l'Éléphant, c'est la seule bête un.peu considé-

<< rab le dont on puisse parler en ce temps-ci sans danger·. »

Ainsi avant la Révolution de 1789 la France, comme le reste de l'Europe, était sous le régime préventif, sous le ré- gime de la censure. Il n'y avait pas de complications dans les lois relatives à la presse.

Le système était très simple, rien n'était permis.

Mais lorsqu'on sort de l'ancien régime et qu'on entre dans l'ère nouvelle, il s'ouvre devant nous un champ très vaste, où l'on rencontre des difficultés à chaque pas. A partir de 1789 il n'y a pas eu en France de système politique qui n'ait voulu avoir un système ·à lui, relativement à la presse.

On peut même ajouter qu'il n'y a pas de nuance, qu'il n'y a pas eu de modification dans un système politique sans qu'il ait été la cause ou l'occasion d'une modification de la presse. Et de ces changements survinrent une multitude de lois, d'arrêts, de décrets: d'ordonnances, de mesures quelcon- ques sur la presse, et avec cela une jurisprudence très com- pliquée, et cet amalgame régissait la matière jusqu'à la .loi du 29 juillet 1881.

A la Révolution de 1789les Français, entre autres libertés, obtinrent celle de publier leurs opinions.

La constitution de 1791 faisait la déclaration suivante :

<< La libre communication des pensées et des opinions est un

cc des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut

'< donc par là écrire, imprimer librement. Sauf à répondre à

cc l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi >>

(Art. 11 de la déclaration de droits de l'homme et du ci- toyen). Et sous le titre premier contenant les dispositions fondamentales garanties par la constitution on tt·ouve: cc La

cc constitution garantit ... la liberté à tout homme de parler,

(20)

~< d'écrire, d'imprimer et publier ses pensées, sans que ses

<< écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection

{( avant leur publication. >) Ainsi la constitution de 1791 sti- pule formellement et garantit la liberté de la communication de la pensée.

Le système de la loi est le régime répressif.

Nous arrivons à la Convention. Si on consulte le projet de la constitution de 1793, projet qui n'a jamais été en vigueur nous trouvons dans l'article 122 « La constitution garantit à

« tous les Français la liberté de la presse. » Mais il faut aussi dire que la Convention même a senti le besoin de se défendre Bt elle se défendit à sa manière contre les auteurs des écrits tendant à renverser l'ordre des choses établies, le décret du 29 mai 1793 porte article 1er (( quiconque aura composé

<< ou imprimé des écrits qui provoquent à la dissolution de la

{< représentation nationale, au rétablissement de la royauté

cc ou de tout autre pouvoir attentoire à la souveraintédu peu-

{< ple sera traduit au tribunal extraordinaire et puni de

« mort.>)

Vient la Constitution de 1795, celle qui établit le Directoire.

Voici 1' article 353 « Nul ne peut être empêché de dire, écrire,

« imprimer et publier sa pensée. Les écrits ne peuvent être

« soumis à aucune censure avant leur· publication.- Nul ne

·<< peut être responsable de ce qu'il a publié ou écrit que dans

« le cas prévu par la loi.>) Encore ici c'est le système repres-

<< sif.

Le Directoire s'appliqua à la confection des lois répressi- ves à cause des craintes qu'il ne cessait de ressentir.

La loi répressive du 27 germinal an IV, était ainsi: << les

« auteurs, imprimeurs, distributeurs etc. d'écrits contenant

« les provocations déclarées crimes par la loi du 27 germi-

<< nal seront poursuivis de la manière qui est portée dans la

« dite loi. >> Or la loi du 27 germinal disait : << sont coupa-

« bles de crimes contre la sûreté intérieure de la République

« et contre la sûreté individuelle des citoyens et seront pu-

« nis de la peine de mort... tous ceux qui par leurs. discours, {( par leurs icrits, leurs imprimés provoquent la dissolution

« de l'Assemblée nationale ou celle du Directoire exécutif,

(21)

<< ou le meurtre de tous ou aucun des membres qui le corn-

« posent ou le rétablissement de la royauté, ou celui de la

<< constitution de 1793, celui de la constitution de 1791, ou de

<< tout gouvernement autre que celui établi par la constitution.

<< de l'an III acceptée par le peuple français, ou l'invasion

<< des propriétés publiques, ou le pillage ou le partage des-

« propriétés particulières sous le nom des lois agraires ou

<< de. toute autre manière. >>

En cas de circonstances atténuantes la mort commuée en déportation.

Encore ici nous avons une loi répressive, mais une loi du même 28 germinal an IV introduit cer-tains moyens préven- tifs, ainsi on trouve dans cette loi qu'aucun écrit périodique-·

ne pourra paraître, sous peines assez sévères, sans nom d'au-- teur et sans indication exacte de la demeure de l'imprimeur~­

les contrevenants étaient envoyés devant le jury.

Arrive l'an V; dans cette année à la fameuse date du 18 fructidor, le Directoire se trouve dans une position que les uns blâment impitoyablement et que d'autres louent d'une façon excessive, la vérité peut se réduire à ceci: le Directoire n'avait désormais plus la force de maintenir ce qu'on pourrait appeler proprement la révolution. Il n'avait pas la force d'organiser un système normal sans se livrer à.

la contre-révolution.

Dans cette situation on eut recours au moyen des faibles ;.

car les coups d'Etat n'ont que l'apparence de la force et ne sont au fond que des actes de faiblesse et désespoir. Le coup- d'Etat ne servit au Directoire que pour vivre quelques jours et préparer la voie à l'homme qui devait s'emparer de toutes choses et les organiser à son profit.

Ainsi le décret du 19 fruètidor était lui-même un couP' d'Etat, l'art. 36 disait: c< Les journaux, les autres feuilles

>> périodiques et les presses qui impriment sont mis pendant

» une année sous l'inspection de la police, qui pourra les

>> prohiber aux termes de l'art. 325 de l'acte constitutionnel>}

cet article disait: c< il n'y a ni privilège, ni maîtrise, ni ju-

>> rande, ni limitation à la liberté de la presse, du commerce

>> et à l'exercice de l'industrie et des arts de toute espèce~

(22)

21

·>> - Toute loi prohibitive en ce genre, quand les circonstan-

,')) ces la rendent nécessaire, est essentiellement provisoire )) et n'a d'efï'et que pendant un an au plus à moins qu'elle

·>> ne soit formellement renouvelée. >>

A la date du 9 fructidor au VI il est dit qu'on ne peut pas rendre à la presse les moyens dont elle a manifestement -.abusé et que le temps manquait pour établir une loi r~pres­

.sive, et on proroge encore pour une année la disposition de l'art. 335.

Le 9 vendémiaire an VII on établit les timbres des jour- naux.

Ainsi la liberté de la presse fondée en 1791, confirmée l'an III est blessée profondément l'an V et bientôt va expirer aux

pieds du vainqueur des Pyramides.

Et il faut remarquer que le public ne fut pas touché de la

perte de cette liberté. ·

Arrive le Consulat, cette forme hybride qui avait le de- hors et la nomenclature d'une république, mais contenait en

lui-m~me les germes de la monarchie. Il touchait à la répu-

·blique pour la chasser et à la monarchie pour l'aider à s'é- tablir.

Le 27 nivôse de l'an VII les Consuls publient un arrêté -qui décide dans son article 1er que le ministre de la justice ne laissera pendant toute la durée de la guerre imprimer et publier plus de 13 journaux s'occupant exclusivement des sciences, arts, littérature, commerce, annonces et avis.

Quant aux journaux publiés en province ils doivent faire incessamment l'objet d'11n rapport du ministre dela police. Et

·dans son art. 5 l'arrêté décidait : · c< seront supprimés sur-le- )) champ tous les journaux qui inséreront des articles con-

~> traires au respect dû au pacte social et à la souveraineté

» du peuple ou à la gloire des armées, ou qui publieront des

» invectives contre les gouvernements et les nations amies

.>> ou alliées de la république, lors même que ces articles se-

)) raient extraits des feuilles périodiques étrangères.)) Nous arrivons au sena tus-consulte organique de 1 'an XII, -art. 64: «Une commission de 7 membres nommés par le

>> Sénat et choisis dans son sein est chargée de veiller à la

)) liberté de la presse.

(23)

>> Ne sont pas compris dans son attribution (on craignait

>> de trop accorder) les ouvrages qui s'impriment et se distri-

>> buent par abonnement et à des époques périodiques, cette

» commission est appelée << commission sénatoriale de la

>> presse. >l

Les articles 65-66-67 règlent les fonctions de cette com- mission. «Les auteurs imprimeurs ou libraires qui se croient

>l fondés à se plaindre d'empêchement mis à l'impression ou )) à la circulation d'un ouvrage, peuvent recourir directe- )) ment et par voie de pétition à la commission sénatoriale

>l sur la liberté de la presse.

1> Si après trois invitations consécutives renouvelées dans

)) l'espace d'un mois les empêchements subsistent, la corn- )) mission demande une assemblée du Sénat qui est convo-

>l quée par son président et qui rend s'il a lieu, la déclara-

>) tion suivante: Il y a des fortes présomptions que la liberté

» de la presse a été violée. On procède ensuite conformé- )) ment à la disposition de l'art. 112 titre XIII de la Haute )) Cour Impériale. >l

Cette commission probablement n'était jamais surchargée de besogne.

La presse n'échappe pas à la puissance organisatrice de Napoléon, qui ayant organiRé l'Eglise, l'Etat, l'Administra- tion et la Justice civile et militaire, ne manque pas d'orga- niser la presse. Il l'organise conformément à sa nature, sous l'action de son principe dirigeant qui était: La puissance, la force gouvernementale, le pouvoir absolu.

Il réalise son projet par le décret du 5 févl'Ïer 18l0; dans l'm·t. 10, section 1, on trouve : << Il est défendu de rien im-

<< primer ou faire imprimer qui puisse porter atteinte aux

« devoirs des sujets envers le souverain et à l'intérêt de

<< l'Etat.

<< Les contrevenants sero;lt traduits devant nos tribunaux

<< et punis conformément au Code pénal sans préjudice du

<< droit qu'aura notre ministre de l'intérieur, sm· le rapport

<< du directeur général, de retirer le brevet à tout impri-

<< meur qui serait pris en contravention. >l

Il considère la presse comme un moyen avec lequel on

(24)

peut commettre le bien et le mal et renvoie au Code pénal pour faire déclarer auteurs ou complices des crimes ou dé- lits, ceux qui auraient contribué à ces crimes ou à ces délits par le moyen de la presse.

Le système de 1810 limite avant tout le nombre des im- primeurs. Il demande aux imprimeurs de justifier non seu- lement de leur capacité, de leur bonne vie et mœurs, mais aussi de leur attachement à la patrie et au souverain pour leur accorder le brevet, et de plus, après avoir au préalable prêté serment. Entre autres, ils sont teims de tenir un re- gistre visé et paraphé par le préfet du département où ils inscriront par ordre de date le titre de chaque ouvrage im- primé, et le nom de l'auteur s'il est connu. Ce livre devait être présenté à chaque réquisition de la police et visé par tout officier de la police.

L'imprimeur doit remettre sur-le-champ au préfet, copie de la transcription faite sur son livre et la déclaration qu'il a d'imprimer l'ouvrage. Le directeur général si bon lui sem- blait, pouvait ordonner la communication et l'examen de l'ouvrage et sur·seoir à l'impression.

Puis arrivait une section intitulée cc de la garantie des au- tem·s et imprimeurs. >> Cette garantie consiste à se soumettre.

spontanément à la censure et à ne pas attendre qu'on nous demande le manuscrit. << Tout auteur ou imprimeur pourra avant l'impression, soumettre à l'examen l'ouvrage qu'il veut imprimer ... » on évite ainsi de s'exposer à une mauvaise affaire.

Si l'auteur n'était pas content d0 la première censm·e, il pouvait en demander une seconde. Lorsque l'auteur s'est sou- mis de bonne grâce à la censure et qu'il a fait toutes les suppressions que l'autorité avait demandé il obtenait alors un procès-verbal d'approbation.

L'art. 27 de cette loi décidait que la circulation de tout ouvrage dont on pourrait présenter le procès-verbal, ne pourrait être arrêtée et l'ouvrage provisoirement séquestré que par ordre du ministre dé la police.

Il est aisé de voir que cet arrêt de 1810 anéantissait la li- berté de la presse. Un décret du 3 avril suivant vient corn-

(25)

piéter le précédent, ordonnant qu'il n'y aura dans chaque département, celui de la Seine excepté, qu'un journal placé sous l'autorité du préfet et ne pouvant paraître qu'avec son

approbation. ·

Un décret de 18 novembre 1810, ordonne que vu la dimi- nution des imprimeurs il y aurait un surplus de matériel d'imprimerie; les détenteurs de ces matériaux devraient dans le délai d'un mois faire la déclaration susdite dans le département de la Seine au préfet de police, et dans les autres départements aux préfets, sous peine d'un emprison- nement de six jours à deux mois.

Ensuite venaient deux autres décrets relatifs au brevet de libraire et à la librairie.

J\IIais bientôt la main de fer de Napoléon qui s'appesantis- sait sur tout, cessa de faire sentir sa force. Et aussitôt la na- tion française réclama entre autres revendicatiOns, la liberté de la presse.

La Charte de 1814 reconnaît la liberté de la presse, son article 8 est ainsi conçu: c< Les Français ont le droit de pu-

e< blier et de faire imprimer leurs opinions en se conformant

c< aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté. >>

Cet article interprété de bonne foi supposait une loi ré- pressive. Mais, le 10 juin 1814, parut une ordonnance royal~

dont les considérants s'expriment ainsi: « L'art. 8 de la

« Charte constitutionnelle obligeant ·ceux qui publieront et

c< feront imprimer leurs opinions à se conformer aux lois qui

« doivent réprimer les abus de cette liberté; nous nous

c< sommes fait rendre compte des lois pénales actuellement

« existantes contre les délits qui se peuvent commettre par

« la voie de la presse, et nous avons reconnu qu'elles sont à

« la fois insuffisantes et trop rigoureuses. Un de nos pre-

e< miers soins va être de conce1·ter avec les deux Chambres

« durant la présente session, une loi nouvelle qui concilie

« les intérêts d'une sage liberté, dont nous nous plaisons à

« reconnaître l'importance et la nécessité~ avec le maintien

« de l'ordre public et le respect dû aux institutions établies.

« Jusqu'à ce que cette loi soit portée, il est indispensable de

« continuer à maintenir les règlements par lesquels il a été

(26)

« pourvu jusqu'à ce jour à la répression des abus de la

« presse.- A ces causes nous avom; ordoaq.é et ordonnons ce qui suit:

<< Les lois, décrets et règlements relatifs à l'usage de la

<< presse et aux délits qui peuvent se commettre par cette

« voie, notamment les titres III, V et VII, du décret du

« 5 février 1810 contenant règlement sur la librairie et

« l'imprimerie, seront provisoirement exécutées selon leur

« forme et teneur jusqu'à ce qu'il en ait été ordonné. >>

Enfin, la loi promise parut le 21 octobre 1814, mais elle n'était nullement en harmonie avec le principe de la charte dont le principe était la liberté de la presse avec une loi ré- pressive des excès de cette liberté.

Le système de cette loi était: D'abord point de liberté pour toute publication n'ayant pas de vingt feuilles d'im- pression. Le motif était que les écrits contenus dans un petit volume sont facilement imprimés et circulent aisément et par conséquent sont lus par un grand nombre de personnes, tandis que les ouvrages considérables sont moins à la portée de tous. Ainsi, tout livre ayant plus de vingt feuilles d'im- pression pourrait être publié librement sans examen ni cen- sure préalable.

Pom·les écrits de moins de vingt feuilles le directeui· général de la librairie et les préfets pouvaient ordonner que le livl'e leur fut présenté afin de le faire examinet· avant l'impres- sion. ·

Un second principe était que les journaux ne pouvaient paraître qu'avec l'autorisation du roi.

Le troisième principe était que nul ne pouvait être impri- meur ou libraire s'il n'était pas assermenté auprès du roi.

Le 24 mars 1815 un décret impérial supprime le directeur général de la librairie et la censure.

Après les Cent-Jours, la Restauration reprit son travail sur la presse et une ordonnance royale après avoir reconnu que la restriction apportée pat· la censure à la liberté de la presse pl"ésentait plus d'inconvénients que d'avantages, dé- cida que le directeur général et les préfets n'useraient plus de la faculté qu'il leur était laissée.

(27)

26

La censure était établie par une loi et ce fut une ordon- nance en 181f> qu'on rendit pour la supprimer.

La raison pour laquelle on pr9céda ainsi fut qu'on voulait.

émanciper les ouvrages de la censure mais non point la presse périodique. Ainsi peu de temps après le 8 août, parut une autre ordonnance qui révoquait en masse toutes les autorisa- tions obtenues jusque-là par les journaux, et obligeait les propriétaires à se pourvoir d'autorisations nouvelles dans 48 heures à Paris et dans 20 jours dans les départements.

Enfin la loi du 28 février 1817 imposa de nouveau aux journaux l'autorisation préalable.

En 1819, le gouvernement par l'organe d'un homme illus- tre, M. de Serres présenta un système complet sur la légis- lation de la presse. Un système franc et dans l'intelligence de l'art. 8 de la charte. Il présenta trois lois; la première celle du 17 mai, vraiment répressive. La presse est un moyen par lequel on peut faire du bien et du mal. Or l'œuvre du législateur consiste à déterminer quels sont les faits de la presse qui méritent d'êt1·e placés dans la catégorie des crimes et délits. C'est précisément le système de cette loi.

Le Icr chapitre de cette loi a pour titre : << De la provoca- tion publique aux crimes et délits, >> ce qui nous amène à l'idée de complicité au moins quant à la provocation.

Le Ume chapitre contient << les outrages à la morale publi- que et i·eligieuse et aux bonnes mœurs, >> puis viennent << les offenses publiques envers la personne du roi, les membres de la famille toyaJe, les chambres, les souverains et les chefs des gouver·nements étrangers, et enfin la diffamation et Pin- jure publique. >>

La seconde loi, celle du 26 mai de la même année, était relative à la poursuite et au jugement des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publieation et c'est l'art. 13 de cette loi qui envoie les délits

d~ presse devant le jury.

La tt·oisième loi, celle du 9 juin, est une loi préventiver elle est relative aux journaux ou écrits périodiques, elle ne rétablit pas la censure, mais exige simplement une déclara- tion pour les journaux périodiques indiquant le nom des pro-

(28)

27

priétaires ou éditeurs responsables, leur demeure, et l'impri- merie dûment autorisée dans laquelle le journal périodique ou l'écrit devait être imprimé. Elle exigeait de plus un cau- tionnement dont le montant variait à raison des départe- ments o:ù les journaux se publiaient. Le reste de la loi était purement réglementaire.

On méconnaîtrait l'histoire des choses humaines et des institutions sociales si l'on croyait que ce travail était une œuvre accomplie et stable.

La presse enivrée par cette liberté inattendue commettait des abus sans fin, et ainsi le système préventif reparut à l'occasion d'un grand crime, à la suite de l'assassinat du clue de Berry. La loi du 31 mars 1820rétablit le système préven- tif. On exigeait de nouveau l'autorisation préalable pour les journaux, c'est-à-dire qu'il fallait l'autorisation elu gouver- nement pour fonder un journal. En second lieu on rétablis- sait la censure.

En cas de poursuite pour délit de presse le journal pouvait être suspendu pom· quelque temps. En cas de récidive le journal était condamné pour toujours.

Une nouvelle loi de 1821 étendit les mêmes dispositions à tous les écrits périodiques indistinctement.

Le 25 mars 1822 une autre loi apparaît relative à la police des journaux et écrits périodiques indistinctement. Elle établit aussi l'autorisation préalable, la censure, non comme moyen ordinaire, mais facultatif. La troisième base du sys- tème de 1822 était la disposition qui autorisait la poursuite des journaux à cause de tendance.

Une loi du 25 mai s'occupait de la répression et de la poursuite des délits commis par la voie de la presse ou tout autre mode de publicité. La répression était plus étendue et plus sévère que la loi de 1819. La connaissance des délits de la presse était enlevée au jury et était attribuée clans cer- tains cas spéciaux aux Chambres et dans tous les autres aux tribunaux correctionnels.

En 1828 une loi elu 18 juillet règle les écrits périodiques;

cette loi abroge celle de 1822 sans exception, ni restrictioù.

Cette loi se réduit à ceci : déclaration préalable des proprié-

(29)

28

taires et gérants responsables, cautionnement, dépôt et enfin poursuites contre les propriétaires et gérants responsables pour tous les articles renfermés dans les feuilles qu'ils ont .signées ..

La charte de 1830 dans son art. 7 s'expt·ime ainsi: cc Les

-<< Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs

« opinions en se conformant aux lois. La censure ne pourra

-c< jamais être rétablie. >>

L'art. 69 de la même charte contenait une disposition très -importante : « Il sera pourvu successivement par des lois

« séparées et dans le plus court délai à l'application. du

« jury aux délits de la presse et aux délits politiques. >>

Depuis 1830-1835 il y a eu au moins sept lois qui se modi- fiaient plus ou moins les unes les autres.

La loi de 8 octobre déféra au jury sauf quelques exceptions tous les délits de presse. La loi du 10 décembre réglemente les affiches et les afficheurs, elle leur demande une déclara- tion préalable. Celle du 14 décembre diminua le cautionne- ment des journaux et réduisit le timbre des journaux de 5 à 4 centimes.

La presse pour la troisième fois abuse de la liberté qu'on Jui accordait et à la suite de l'émotion générale après l'atten- tat FieS·3hi le 9 septembre 1835, le gouvernement fit adopter les trois fameuses lois de septembre, parmi lesquelles une loi relative aux crimes et délits de presse. Cette loi augmen- tait le taux du cautionnement des journaux, obligeait les gérants à insérer en tête de leur feuille les documents officiels

·et les rectifications qui leur seraient adressées pa1· les repré- sentants du pouvoir public. Elle défendait aux journaux de

publie1· le compte rendu des procès pour outràges, injur·es

·Ou diffamation.

La constitution du 4 novembre 1848 abrogea la loi du 9 :septembre 1835.

La nouvelle constitution garantissait aux citoyens le droit

·de manifester librement leur pensée, qu'en aucun cas la cen- sure ne serait rétablie et que les délits de presse seraient déférés au jury. Le 11 août on ajoute à la liste des délits

·d'opinion: <<l'attaque contre les institutions républicaines,

(30)

·contre le principe du suffrage universel, l'attaque contre la liberté des cultes, le principe de propriété, et les droits de famille, l'excitation à la haine et au mépris du gouverne- ment.>> Le même décret punissait l'enlèvement ou la dégra- dation des signes publics de l'autorité et l'expositiou ou mise en vente de tout signe ou symbole propres à propager l'esprit de rébellion.

La loi du 27 juillet 1849, ajoute l'attaque contre les droits de l'autorité du président de la République, l'attaque contre·

le respect dû aux lois, l'apologie des crimes ou délits et la publication des fausses nouvelles.

L'art. 6 de cette loi demandait l'autorisation préfectorale pour les colporteurs.

L'art. 7 soumettait au dépôt au parquet les écrits non pé- riodiques, s'occupant de matière politique ou d'économie sociale.

De plus, cette loi reproduisait en matière de presse pério- dique la plupart des dispositions des lois antérieures et no- tamment de la loi de 1835.

Voici comment le garde des sceaux, lors de la discussion de cette loi motive son esprit restrictif de liberté :

<< Le péril de la société frappe aujourd'hui tous les regards,.

cc ce péril naît principalement de la déplorable impulsion que

« la presse a suivi depuis quelque temps. Les appels aux

<< armes, les provocations à la violence ont remplacé la

<< discussion. ·

(( Le gouvernement avait le droit de rechercher et de vous

« apporter les mesures qui doivent faire disparaître les pro-

cc vocations. >> .

Nous arrivons à la loi du 16 juillet 1850 sur le cautionne- ment des journaux et le timbre des écrits, périodiques ou

· non. Cette loi introduisait une innovation dans la législation sur la presse en exigeant la signature de l'auteur de tout article de discussion publique, philosophique ou religieuse in- séré clans un journal. .

Survint le coup d'Etat du 2 décembre, un décret-loi du 17 février 1852 issu du coup d'Etat inaugure un régime dra- conien. Défr.nse de fonder un journal sans l'autorisation du

(31)

gouvernement; faculté pour le gouvernement de suspendre et même de supprimer administrativement un journal, augmentation du cautionnement; défense d'introduire en France sans autorisation un journal étranger; interdiction de rendre compte des séances du Sénat, du Coi.·ps législatif et du Conseil d'Etat; même interdiction pour les procès de presse ; attribution aux tribunaux correctionnels des délits de presse antérieurement déférés au jury ; défen.se dans tous les cas de rapporter par témoins la preuve des faits injurieux ou diffamatoires. En outre divers décrets rendus à la même époque sur le timbre des journaux, sur l'exercice des profes- sions d'imprimeur, fondeur de caractères typographiques, la librairie et l'affichage.

En 1868 un retour à un régime plus libéral fut essayé. La loi du 11 mai 1868 supprimait l'autorisation préalable, enle- vait à l'administration, pour le donner aux tribunaux, le droit de suspendre ou de supprimer un journal, et réduisait les droits de timbre, mais laissait à la compétence des tribunaux correctionnels les délits de presse.

M. Pinard clans son exposé de motifs disait : << que le juré

cc n'avait ni la capacité, ni l'impartialité voulue pour con-

<< naître les délits de presse, qu'il était accessible à la crainte.

<< Son expérience lui révèle la puissance de cette publicité

cc dont les amis disposent. Il connaît d'avance les flatteries

« qui caresseront sa faiblesse, les allusions compromettantes

cc qui puniront sa fermeté. >>

Au lendemain de la chute de l'Empire, un décret du 5 sep'"

tembre 1870 de la Défense nationale abolit l'impôt du timbre sur les journaux et autres publicàtions ; un décret du 10 septembre proclame la liberté de la librairie et de l'impri- merie, un décret du 10 octobre supprime le cautionnement des journaux et un décret du 27 du même mois attribue au.

jury la connaissance des délits politiques et des délits de presse.

t.~ La loi du. 15 avril 1871 édicta des dispositions plus libéra- les que la loi 1852 empruntées aux lois de 1819 et elu 27 juillet 1849.

Celle du 6 juillet 1871 rétablit le cautionnement pour tous

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