Géographie et cultures
55 | 2005
Cultures urbaines
La forêt vosgienne sous l’Ancien Régime
Jean‑René Trochet
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/gc/10916 DOI : 10.4000/gc.10916
ISSN : 2267-6759 Éditeur
L’Harmattan Édition imprimée
Date de publication : 1 septembre 2005 Pagination : 141-142
ISBN : 2-296-00104-1 ISSN : 1165-0354 Référence électronique
Jean‑René Trochet, « La forêt vosgienne sous l’Ancien Régime », Géographie et cultures [En ligne], 55 | 2005, mis en ligne le 29 mars 2020, consulté le 28 novembre 2020. URL : http://
journals.openedition.org/gc/10916 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.10916 Ce document a été généré automatiquement le 28 novembre 2020.
La forêt vosgienne sous l’Ancien Régime
Jean‑René Trochet
RÉFÉRENCE
Emmanuel Garnier, 2004, Terre de conquêtes. La forêt vosgienne sous l’Ancien Régime, Fayard. 620 p.
1 Les premiers témoignages que nous possédons sur la forêt vosgienne sont les cellules des moines colombaniens au VIe siècle. À partir de cette première « conquête » s’élabore un temporel monastique qui ne sera guère troublé avant la fin du Moyen Âge, sous la pression des principautés territoriales périphériques puis des États modernes.
Dès le XVIe siècle en effet, les Habsbourg et les ducs de Lorraine mettent en place une solide administration forestière fondée sur les grueries, à la fois pour surveiller la frontière face au royaume de France, gérer un patrimoine qui reste mal connu, favoriser l’essor économique de la région, mais aussi limiter les ambitions des communautés paysannes, préoccupées pour leur part de défendre leurs droits d’usage.
2 Au XVIIe siècle, après l’épisode douloureux de la guerre de Trente Ans, l’entrée temporaire de l’ensemble du massif dans les possessions du roi de France entraîne la mise en place d’autres méthodes pour administrer et quadriller la forêt. Ce premier épisode français s’achève en 1697 pour le versant lorrain des Vosges, et les méthodes colbertiennes ne seront pas reprises en Lorraine, même si l’édit ducal de 1701 s’en inspire quelque peu. Sous le roi Stanislas, qui suit les conseils des forestiers provinciaux, la gestion des parcelles forestières reste largement fidèle à la pratique ancienne de la futaie jardinée. Dans les parties alsaciennes et comtoises du massif en revanche, définitivement françaises dès le XVIIe siècle, le taillis sous futaie est adopté en fonction d’une intention précise : développer une industrie nationale, surtout en relation avec le renforcement militaire du royaume, dont les Vosges sont d’ailleurs devenues un élément à cette époque. Or ce traitement convient mal aux sapinières et
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aux pessières, « qui ne rejettent pas de souche mais qui, au contraire, se régénèrent à partir de semences » (p. 246). L’une des conséquences en est, au XVIIIe siècle, l’apparition de redoutables coups de chablis qui affectent durement les forêts. À ce sujet de mécontentement pour les usagers, principalement paysans, s’ajoutent plus généralement les effets de la centralisation administrative qui s’incarnent évidemment dans la fonction de l’intendant dont l’action sera particulièrement forte en Alsace. Au total, cette politique jouera un rôle important dans l’empressement des communautés locales « à détruire simultanément les cadres administratifs royaux et seigneuriaux » (p. 308).
3 Après avoir décrit les pulsations de l’histoire de la forêt dans la sphère des pouvoirs, Emmanuel Garnier porte son regard, dans la dernière partie de l’ouvrage, sur l’uti1isation de la forêt par les paysans. Il suffit de dresser un inventaire sommaire de l’outillage paysan au XVIIIe siècle pour voir que l’arbre occupe une place fondamentale dans la vie quotidienne : « Chaque foyer possède plusieurs haches et cognées, des coins métalliques, des scies, etc. » (p. 432). À cette présence permanente du bois, s’ajoute la faiblesse des activités agricoles dans certaines localités : elles ne seront que tardivement touchées par le « miracle de la pomme de terre », dans la seconde moitié du siècle. Dans ces conditions, la jouissance de droits d’usage en forêt, tant pour le chauffage, la construction, que pour le parcours des animaux, est une nécessité, car l’élevage est bien l’activité principale de plusieurs communautés. De même, les paysans s’efforcent d’obtenir des « arrentements et accensements » des seigneurs, qui leur permettront de défricher de nouvelles terres à l’aide du « gratté », un araire robuste.
Mais ces demandes peuvent aussi entrer en concurrence avec les besoins des industriels, et donc se heurter indirectement à la centralisation monarchique, ce qui revient à créer de nouveaux mécontentements.
4 En histoire moderne, le travail d’Emmanuel Garnier, que Jean-Marc Moriceau désigne dans sa préface comme un travail d’écologie historique, s’inscrit dans un courant récent. Celui-ci se rapproche incontestablement des problématiques développées depuis plusieurs années par les biogéographes, en particulier à l’université de Nancy-II autour de Jean-Pierre Husson, avec lesquelles il partage un souci prospectif :
« expliquer aux populations riveraines que leurs ancêtres ont su créer une sylviculture ancestrale à même de maintenir des espaces forestiers originaux et riches écologiquement » (p. 554). Ne doutons pas que ce beau livre y contribuera certainement.
AUTEUR
JEAN‑RENÉ TROCHET Université Paris IV-Sorbonne
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