D* PHILIPPE TISSIE
INSPECTEUR DES EXERCICESPHYSIQUES DANS LESLYCÉES
ETCOLLÈGESDEL'ACADÉMIEDEBORDEAUX.
MEMBREDELACOMMISSIONSUPÉRIEUREDEL'ÉDUCATION PHYSIQUE DE LA JEUNESSE
AUMINISTÈREDEL'INSTRUCTIONPUBLIQUE.
CHARGÉDEMISSION ENSUÈDEPOUR LES EXERCICESPHYSIQUES PARLEGOUVERNEMENTFRANÇAIS.
LAURÉATDEL'INSTITUT(ACADÉMIEDESSCIENCES).
LAURÉATDEL'ACADÉMIEDEMÉDECINE.
ENTRE SOUS LE N
LA GYMNASTIQUE RATIONNELLE
ET
LES SPORTS DANS L'ARMEE à
Rapport au Colonel du 18e Régiment
d'Infanterie,
à Pau.
PARIS
HENRI CHARLES-LAVAUZELLE
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE DES ARMÉES DE TERRE ET DE MER BoulevardSt-Germain, 118,etrueDanton,10.
1903
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III
ENTRE3CUSLEN° ;Ï7,2 9 3
LA GYMNASTIQUE RATIONNELLE
Rapport au Colonel du 18° Régiment d'Infanterie, à Pau.
La campagne d'opinion en faveur des réformesà apporteràl'application
rationnelle de VEducation physique, ouverte en 1887, à l'Académie de Médecine, à la suite de la communication sur le Surmenage intellectuel,
faite parM. Lagneau, vient d'aboutir, quinze ans après, par la rédaction d'unnouveaurèglement militairedegymnastique1. Le Manueluniversitaire de 1891, bien que renfermant d'excellents principes, a été peu appliqué
dansl'enseignementscolaire. Le nouveau manuel, en préparation depuis 1898 mettra, je l'espère, la question définitivement au point. Quinze ans ontété nécessaires à lagestation des idées nouvelles età leur commence¬
ment de miseen pratique. On ditvolontiers qu'en France onprocèdepar bonds; en ce quiconcerne l'éducation physique, le bond s'est transformé
enmarche lente. Tout aussi bien l'œuvre n'en vaudra que davantage par la raison que la vitesse aura été sacrifiée àladurée.
Lapremière etla plus grandeerreur commise a été de confier l'applica¬
tion de l'éducation physique àdesmaîtres incompétents; ceux-ci n'ontvu dans lemouvement qu'un amusementà procurer selon des idées ou des goûts personnels. L'éducation physique est l'ensemble des moyens péda¬
gogiques, athlétiques, médicauxetesthétiques, utilisés pourle développe¬
mentrationnel du corps et pour saréparation thérapeutique. Ces moyens
se divisent en deux groupes principaux : premièrement, la gymnastique d'assouplissement, méthodiquement basée sur la mécano-physiologie ;
1.—Lerèglement qui vient de paraître supprime le trapèze, les anneaux, le rec, la planche d'assaut,etc., et avec ces agrès, toute provocation à l'acrobatie. Bien que le
nouveaurèglementnerépondepascomplètementà tous lesdesiderata, ilconsacrenéan¬
moinsuneréformecapitaleen ce qu'il faitentrer l'application de l'Éducation physique dans la voie nouvelleverslaquellenous avonstoujours cherché à l'orienter enrendant lagymnastique rationnelleetles sports socialement,éducatifs.
ET LES
SPORTS DANS L'ARMÉE
De l'erreur en
Éducation pjiysiqi
Par le Docteur Philippe TISSIÉ.
Cettegymnastique est
subdivisée
engymnastique pédagogique ou d'évolu¬
tion pourla
formation du moi
»; engymnastique athlétique et de combat
pour sa
protection
ou sadéfense
; engymnastique esthétique pour son
ennoblissement ; en gymnastique
médicale
oude réparation, pour son
relèvement,après avoir été
atteint
parla maladie
;secondement, les sports
etlesjeuxlibresau
plein air
pourle plaisir, dans l'affirmation du « moi »
misenprésence dela natureou
des hommes. Cette gymnastique est sur¬
tout psychique,
elle
a pourelfet de provoquer la fonction des organes
psycho-moteurs.
La question, comme on le voit, est complexe. Jusqu'à ce
jour nul
principe scientifique n'a régi l'enseignement physique ; aussi,
malgré toute leur
bonne volonté et tout leur dévouement, les maîtres
n'ont pu aboutir.
Ne possédant
pasle fil conducteur, ils se sont égarés
danslesdétails. L'égo-altruitisme,
qui
est unedes manifestations naïves
de l'orgueil
humain,
aseul présidé à l'établissement des méthodes en
gymnastique.
Tour à tour, tels ou tels exercices ou tels ou tels agrès,
répondantà la structure
fonctionnelle d'un maître ou d'un professionnel
ont étéprônés. La
confusion la plus grande a régné dans l'enseignement
physique.La
complexité est née de la multiplicité des moyens employés.
Ona accordé ainsi àl'agrèsune
valeur qu'il
nepossède qu'en raison de
la valeur même des bras de
leviers du
corpshumain mis en fonction.
Pourtantla question est
bien
connue;il nous eût été facile de la posséder
en acceptant
d'emblée la méthodô de Ling. Des intérêts mal compris,
personnels ou
collectifs, guidés par un nationalisme enfantin, nous ont
empêchéde
bénéficier d'une méthode excellente et d'aller directement vers
la véritéscientifique.
Une autreraison, aussisérieuse,
de
notreretard
enéducation physique,
est dansleprincipe
établi
enpédagogie que la gymnastique d'assouplis¬
sementcommandée doit servir
de récréation et
nonde travail. Partant de
cette erreur, ona
demandé
àla gymnastique ce qu'elle ne peut donner, le
plaisir. Pourseprocurer
le plaisir, la gymnastique a été rendue excitative
par
l'acrobatie
et parla parade. Notre gymnastique de suspension
aérienne quiréclame
plus de force
quede vitesse n'a été goûtée et prati¬
quéeque par
les gymnastes à bras de levier courts, c'est-à-dire par les
hommes de taille peu élevée, aux
épaules larges, pouvant se soulever
sansgrande
fatigue
auxanneaux, autrapèze, à la barre lixe, etc., et cela
enraisondirectede lamoindre longueur
de leurs bras et de leur cou. Ils
y éprouvaient
quelque plaisir jusqu'à l'âge de vingt-cinq à trente ans, puis
ilsdélaissaient les agrès de
suspension,
commetrop fatigants. Pour les
hommes detaillemoyenne etsurtoutpour ceux
de taille élevée, la fatigue
arrivait viteet supprimait le
plaisir recherché, d'où désertion des gym¬
nasespar leshommes
de haute taille.
L'agrès établit
lui-même la sélection : seuls les bras de levier courts
résistent et demeurent devant lui;
c'est pourquoi les grands champions
aux agrèsde
suspension sont des hommes petits, aux épaules trapues ;
— 3 —
c'est cequi expliqueencore pourquoi, dans le défilé des Sociétés degym¬
nastique, la généralité des gymnastes est de petite taille, les grandes
tailles sontl'exception.
Il fauten revenirde l'idée erronée duplaisirque doit procurer la gym¬
nastique. La vérité est que la gymnastique est toujours ennuyeuse à pratiquer; unexercice de gymnastique est undevoir à accomplir et non
un plaisir àprendre, le plaisir estréservé aux jeux en plein air. Un bon pédagoguepeutseulrendre la gymnastique agréable commeje l'ai cons¬
tatéenSuède1,mais cela dépend de la valeur pédagogique de l'instructeur
etnondu devoir àaccomplir. Demôme quel'exercice d'entraînementaux vocalises ou auxgammesestennuyeux mais indispensable à l'exécutant,
pour si parfait musicien qu'il soit; que sans la connaissance de la gram¬
maire, toute œuvrevraiment littéraire estdéfectueuse; que sans les prin¬
cipes d'arithmétique et de géométrie, les sciences mathématiques n'existe¬
raient pas ; que l'homme de lettres doitmeublersamémoirede vers etde prose enfaisant effortsouvent pénible; de même, en hygiène physique,
la gymnastique quotidienne d'assouplissement est nécessaire au corps pour sa meilleure fonction mécano-physiologique. Le sport, exercice psycho-moteur, et la gymnastique, exercice mécano-physiologique, se
complètentl'un l'autre. La gymnastique estnécessaireau sportcommeles
gammes sont nécessaires à la meilleure exécution musicale d'une valse
entraînante.
Lois de l'entraînement
physique.
Les loisqui régissent la mise en fonction de la machine humaine sont d'ordremécanique, physiologique et psychique. Elles peuvent être résu¬
méesdans les trois propositions suivantes: i°au point devue mécanique,
savoir mobiliser les bras de levier; 2° au point de vue physiologique,
savoirgraduer l'effort proportionnellement au développement du jeu pul¬
monaire de chaque sujet;3°au point de vue psychologique savoir provo¬
quer le mouvement d'après les réactions psychiques des caractères pris
individuellement et collectivement. La gymnastique doit être avant tout respiratoire, c'est là sa principale raison d'être physiologique, elle doit
ensuitefaciliter le développement osseux et musculaire du corps et c'est
encela quela connaissance exacte du jeu mécanique des bras de levier
est indispensable, troisièmement la gymnastique doit provoquer etédu-
querle sensde l'effort utile enfaisant l'école du caractèreetde lavolonté.
Au point de vue mécanique et des leviers, le corps humain peut être divisé entrois segments principaux : i°lesegment supérieur, latête, for¬
mée d'unesphère osseuse très dure protégeant le cerveauet lesorganes
i.—Ph.Tissié, l'Education physiqueaupointdevue historique, scientifique, technique, critique, pratique etesthétique.Paris, Librairie Larousse,1902.^
— 4 -
des sens, éclaireurs toujours envedette placés à
proximité du
comman¬dant en chef céphalique; 2° le segment médian
formé
:(a) d'une
cage"osseuse très élastique, lethorax, polirla meilleure
utilisation de la chauf¬
ferie pulmonaire et de la machinerie de la pompe
cardiaque
;(&) d'un
anneau osseux très rigide constituant la base d'un
cylindre musculaire
élastique, l'abdomen,manutention auxvivres aveclaboratoire de chimie
intestinale, pancréatique, hépatique, splénique, etc., etc.;
3° le
segmentinférieurrigide, articulé sur des os longs, résistants et
offrant
unpoint
d'appui à des muscles les plus puissants etlesplus épais du
corps.Ce
segmentoutrain inférieurs'adapte ausol,il subit
la loi de la
pesanteuret constitue, par sesbras de levier, l'agentmômedumouvement,commeles
roues et les bielles constituent les pièces principales du roulement de la
locomotive.
Les trois genresde brasde levier setrouvent groupés dansles
jambes,
pour lastation debout (point d'appui médian) ; pour
la puissance à
pro¬duire comme au cou-de-pied où la vitesse est sacrifiéeà la force (levier interrésistant); pourla vitesse, c'est-à-direpourlaplus grande
amplitude
(levierinterpuissant), dansles grands mouvements deflexion
etd'exten¬
sion de la cuisse surlebassin et de la jambe sur la cuisse. Le segment inférieur,essentiellementosseux,charnuetaponévrotiqueestspécialement
constitué pour laprogression, son action s'étend à l'infini par
la marche,
parle saut etparla course.
L'articulation dusegmentinférieur avecle bassinest une articulation à type dit«jointuniversel», unesphère jouedans une calotte permettant
ainsiau bras de levier fémurde passerpar uneinfinité de plans. L'articu¬
lation de la hanche est très solide, elle est maintenue par la pression atmosphérique, par desligaments etpardes muscles
épais. Le train infé¬
rieur est le train altruiste, celui qui met l'humanité en communication
constante avec elle-même; sans ce mode d'articulation du bassin le pro¬
grèssocialaurait été impossible, ce«jointuniversel»apermis
les grandes
migrations humaines etles grandsbrassements universels. Le traininfé¬
rieur adonc pour rôle le transport en tout lieu de la chaufferie, de la
machinerieetde la manutentiondu corps humain, sous la haute direction
du cerveau.
Très légèrement adaptésau sommetdusegmentmédian, les deux bras
forment lecomplément accessoire de ladéfense del'individu dans le milieu
où ilévolue. Les brassont peusolidementarticulés autroncparunearti¬
culationen formede pince, àdeuxmors : laclaviculeenavant, l'omoplate
enarrière.L'humérus s'adapte àcesdeuxmors aumoyen d'une articula¬
tion trèssoupleettrès élastique, d'autant plus soupleet élastique qu'elle prendunpoint d'appuisurlacagethoraciquerenfermantdeuxorganesde
vieessentiellementélastiques,lespoumons et lecœur. Lacage thoracique
ne saurait êtrerendue rigide sans grave désordre respiratoire et circula¬
toire,d'où la raison physiologique de l'élasticité de l'articulationde l'épaule.
— 5 —
Les muscles des bras sont moins développés que ceux des jambes,
parce que l'aire des bras nedépasse pas la longueur du rayondes bras eux-mêmes. Si le train inférieurpeutêtre considérécomme le train social, le trainsupérieur estle train individuel, personneletégoïste, ilopère sur
place. L'hommepréhistorique, avant de frapper directement saproieavec lesmains, lapoursuivait àla course.Lacivilisation a agrandi l'aire d'ac¬
tion des bras parlesarmes àjet : lance,épée, fronde, arc, fusil, canon.
Les brasne sont ensomme quedes aides nécessaires à la manutention de la machinehumaine, car leur actionsurlarespiration etsur la circula¬
tion est très restreinte par rapportà celle du segment inférieur ou du segmentmoyen, avec le diaphragme.
La machine humainenepouvant être mise enfonction que par l'action
bien définie des trois genres de bras de levier, toute la science gymnas¬
tique consiste doncà savoir faire fonctionner cesbrasdelevier selon les effets qu'on veut en obtenir. Ayant surtout affaire au type de station debout, en équilibre (levier du premier genre), il fautentraînerles muscles antagonistes afin de placer lecorps dans la meillleure station perpendicu¬
laire à l'horizontale, avec projection des épaules en arrière. Dans cette attitude, la cage thoracique est la plus développée, ce qui permet aux poumons etau cœur de mieux fonctionner.
Unesimple barre placée dans le dos, entre les deux omoplates, les bras
crucifiés à labarre, suffît; ellereprésente le plan vertical dumur contre lequel il faut étalonner son corps, celui-ci entrant schématiquement dans
un angle droit dont le plan vertical passeraitpar l'occiputet les talons, et leplan horizontalparla plante des pieds.
Le levier dutroisième genre, interpuissant, estle plus répandu dans le
corps,laforce est sacrifiéeà l'amplitude dumouvement. Par ordreetpar valeur detravail, cesont lesgroupes musculaires les plus rapprochés du
troncdont l'action estlaplus grande sur la respirationetsur la circula¬
tion.Ce sont également ceux qui travaillent le plus. Quand, par exemple,
on étend les bras encroix, les deltoïdes, muscles extenseurs du bras sur le tronc, supportent la plus grande partie du poids du bras, le travail
musculaire desdeltoïdesest alorsen raison directede lalongueurdu bras,
c'est-à-dire du bras de levier soulevé.
Le corps humain étant articulé subit, comme tous les corps, la loi de la pesanteur; iltend à s'affaisser surlui-même,segmentsursegment, quand
lafatigue atteint les muscles extenseurs dont le rôleestde redresser les segmentsles uns surles autres, d'où, le principe élémentaire en gymnas¬
tique qui consiste à fortifier avant tout les muscles extenseurs. Les segments supérieur et moyen, la tête et le tronc, placés en extension, peuvent être comparés à la lame d'un couteau jouant sur son manche, représenté icipar les deux jambes tendues. Sous l'influence delapesan¬
teurqui provoque la fatigue des muscles extenseurs du dos, le segment supérieur aunetendanceàtomber en avant, et cela d'autant mieux que
— 6 —
latète placée au sommet de la
tige flexible
etarticulée formée
parla
colonnevertébrale,ajoute sonpoids
supplémentaire dès
que soncentrede
gravité qui, dans lastation debout fixe
passe parO,
sedéplace
enavant.
Tout letravail musculaire portesurle massif
dorso-lombaire faisant
oppo¬sitionau poids dumassifsupérieur, tronc ettête,
projeté
enavant. Dans
celevierdutroisièmegenre,la résistanceest au
massif supérieur, le point
d'appui àl'articulation du
bassin
etla puissance
auxmuscles fessiers et
lombaires. Ces muscles, très épais, enserrés dans de puissantes
aponé¬
vroses, constituent le ressort du couteau
qui maintient la lame
surle
manche.
Le développement du massif lombaire et
fessier
estlong à s'établir.
L'évolution musculaire fœtale se produit en flexion, les extenseurs sont
peu ou point entraînés
chez l'enfant naissant. L'enfant marche à quatre
pattes pour
accommoder
samachine humaine
avecle sol
;il subit la loi
de la pesanteur, il ne seredresse que
progressivement, après
unlong
entraînement quotidiende sesmuscles
lombaires
extenseurs.Le vieillard
s'appuiesurunecannepour
lutter
contrel'attraction terrestre,
parcequeses muscles dorso-lombaires n'ontplus laforcede résister; cependant,
s'il
aprisl'habitude de les entraîner
régulièrement, il peut arriver à la plus
verte des vieillesses, sans avoir recours à un soutien
quelconque. A la
suitede maladies graves, les muscles lombaires sont
le plus fortement
atteints, de même que les extenseurs de
la cuisse
;la marche
estalors
pénible etchancelante.
Le soldat
enmarche
sepenche
enavant afin de
déplacerle centrede
gravité du
sac.Dans l'entraînement militaire, il est
de nécessitépremière de développeret
d'entraîner
surtoutles muscles de
larégionpostérieure dutronc etsurtout
les muscles dorso-lombaires. Le
soldatportelesac à l'aide de ces
muscles
et non avec ceuxdes épaules
;lagymnastique de
suspension, qui s'adresse surtout
auxpectoraux et aux
deltoïdes, est donc contraire au développement
rationnel
etpratique du
soldat.
L'importance de l'entraînement
des muscles dorso-lombaires est d'autant
plusgrande quele maximum
d'amplitude thoracique nécessaire à l'héma¬
toselaplus largeetlaplus profonde
n'est atteint
que parle développe¬
ment des muscles dorso-lombaires, et particulièrement du
rhomboïde
etde l'angulaire de l'omoplate.
Ces
deuxmuscles agissent à la façon des
liensd'un corset;ils attirent à eux lebord interne des
deux omoplates
contre la colonne vertébrale, d'où mouvement de bascule des épaules
d'avant en arrière et extension plus grande de la cage thoracique en
avant ; cette extension est en raison directe de
la puissance de traction
antagoniste,durhomboïde
etde l'angulaire, d'où nécessité de développer
surtoutces deuxmusclesextenseurs essentiellement respiratoires.
Tous les athlètes et tous les sportifs : cavaliers, lutteurs,
escrimeurs,
alpinistes,vélocipédistes,
etc., sontd'accord
sur unpoint
:c'est
surles
reins que laprise des forces alieucommeétant
la base la plus solide
pourtouteffort. L'expression«
ceindre
sesreins d'une double
armure »répond
à uneréalité mécano-physiologique.L'entraînement
des muscles cervico-
dorso-lombairespassedoncenpremière
ligne
nonseulement chez l'enfant
mais surtout chezlesoldat,parcequele degré
de puissance athlétique est
proportionné au degréd'entraînement de
cesmuscles. Puis vient l'entraî¬
nement des muscles extenseurs de la cuisse, du triceps fémoral, à
la
région antérieure, et des jumeaux, àla région postérieure de la jambe.
Rendreles deux jambes rigides comme
deux fûts de colonne, c'est
per¬mettre auxmuscles extenseursde la région postérieure du tronc
de
pou¬voir prendreunpoint
d'appui fixe
etrigide
surle bassin et
surla colonne
vertébrale. L'entraînement des muscles du brasne vient qu'en troisième lignepuisquele rôle de ces
muscles,
parleur développement biologique
môme, est moins important que
celui des muscles du segment
moyenet
dusegment inférieur. L'entraînement
des muscles du poignet et de la
main n'a pas devaleur pour le
développement thoracique et
parcela
mêmesurl'acterespiratoire. Un bon
professeur de gymnastique doit donc
s'appliquer avant toute
chose à fortifier les muscles extenseurs des gran¬
des articulationsducorps en partantdes plus
épais
pourarriver
auxplus
ténus. Il suivra en celaune progressionmusculaire
descendante
enallant
duplus fortauplus
faible puis, à l'aide de mouvements combinés, recher¬
chés et étudiés d'avance, ilreliera entre eux tous les mouvements
dans
uneaction synergiqueetantagoniste.
Troisméthodes d'entraînementsetrouvent en présence, chacune
d'elle
estlamanifestation psychologique du
caractère du peuple qui l'a créée.
La Méthode Allemande.
Laméthode allemande fut créée par Jahn, après les désastres
de la
Prusse, au commencement du xixe
siècle. Cette méthode
estathlétique,
elles'adresse surtoutaux bras età lapartiesupérieure du tronc, elle est
toute enforce. Ellea pourbut
dè
saisiravec lesmains
etde
serrer.Elle
nevoit que l'acte immédiat à
accomplir dans toute
sabrutalité
parl'hommemisenface del'obstacle. C'est la gymnastiquede combatcontre l'agrôs, opposantune
résistance passive
augymnaste. Cette gymnastique
impose du premiercoupla
fonction de l'agrès
avecunerésistance plus
oumoinsviolenteselon lèjeudes brasdelevier ducorps
humain
entrant en lutte. Elle ne ménagepas la progression dansle travail musculaire qui
atteint ainsi d'emblée le maximum d'intensité. Ne s'adressant surtout qu'autrain supérieur, une
salle suffit,
souventétroite,, mais de plafond
élevé, pour que l'homme puisse progresser
de bas
enhaut,
parce queTaired'action des bras estlimitée. Lagymnastiqueallemande de suspen¬
sion est une gymnastique de singe.
L'homme
nepossède ni les quatre
mains, ni la queuequi jouele rôle d'une
cinquième main chez
cetanimal.
L'allemandnaît avecle sensde la hiérarchie dans l'association, d'où le succès de la méthode de Jahn en pays germanique, parce que Yaire psy¬
chologique des bras est restreinte enraison môme de l'aire mécano-phy¬
siologique des bras de levier supérieurs de l'homme. La gymnastique de
Jahnestla manifestation musculaire de la psychologie germanique. Elle
extériorise les rapports intimes qui existent psychologiquement entre la pensée etle mouvementetréciproquement entre lemouvement etla pen¬
sée. A mentalité lourde, mouvements lourds. L'application de cette méthode produit des êtresdifformesau dos voûté en boule, parle travail
localisé autrain supérieur, surles fléchisseurs et non sur les extenseurs, le train inférieurestainsi sacrifié autrain supérieur.
La Méthode Suédoise.
Laméthode suédoise procède de la méthode allemande en ce qu'elle se
pratique dans des locaux fermés, mais elle endiffère du tout au tout par la science mécano-physiologique qui a présidé à son établissement. La
méthode de Jahn place l'homme en face de l'agrès et celui-ciétablit la
sélection; laméthode Ling place l'agrès devant l'homme, après sélection
faite par le maître. L'une est empirique, l'autre est scientifique. Ling
divisesa leçon en sept paragraphes principaux, chacun s'adresse àun groupe musculaire, extenseur, fléchisseur, rotateur, inspirateur, expira¬
teur, etc., de l'économie humaine. Chaque segment du corps est mis
ainsi enfonctionmusculaire en vue de la généralisationou de la localisa¬
tion du travail. Linga crééunegymnastique esthétique qui satisfaittour
à touràtous les besoins pédagogiques, athlétiques, médicaux et esthéti¬
ques ; cettegymnastiquepeut êtreappliquéeaux deux sexesetà tous les âges, c'estencela surtoutque consistesaréelle
supériorité.
. Lagymnastique allemandeest d'emblée athlétique etviolente,la gym¬
nastique suédoisepeutle devenirparcequ'elle estrationnelle. L'excitation
àl'agression du combat est supprimée en faveur de la recherche de la
beautéplastique dans la force. Ling s'adresse surtout aux muscles de la régioncervico-dorso-lombaire, puisà ceux des jambes, et ensuite à ceux des bras. Ledéveloppement musculaire du traininférieur étant plus grand
que celui du train supérieur, Ling impose plus de travail aux jambes qu'auxbras. Il suit encelales indications fournies parlanature.En poète qu'il était, il n'avu surtout dans la gymnastique d'assouplissementqu'un
moyende développerlecorps enbeauté. Ayant été guéri dedouleurs arti¬
culaires parl'escrime, ilappliqua d'abord sa méthode à l'art médical. Le gymnaste suédoisn'estpasvoûté, sesreins sont solides, le massifmuscu¬
laire dorso-lombaire est développé,le tronc est droit, les épaules sont projetées en arrière, la poitrine plastronne. La respiration n'est jamais gênéeparlaviolence de contraction
des
muscles du trainsupérieur
commedans la gymnastiqueallemande. La méthode de Ling donne satisfaction à
tous les desiderata, à l'école, au régiment, à l'hôpital et au théâtre. Le reproche cependant qu'on peut lui adresser, c'est de n'être agréable à
exécuter qu'en raison de lavaleur pédagogique des professeursde gym¬
nastique.J'ai dit plus haut que la gymnastique d'assouplissement n'est jamais récréative, qu'elle soit allemande ousuédoise.
La Méthode
Anglaise.
La gymnastique anglaise est différente. La psychologie de la race anglo-saxonne devait se mal accommoder des méthodes allemande et
suédoise. L'espritparticulariste etle besoin de liberté du peuple anglais
s'est donc extériorisé musculairement par une gymnastique différente de
celle des races germanique etScandinave. Le peuple anglais a opté pour le traininférieur«trainaltruiste»enplaçantl'hommeenface de lanature
ou de sonsemblable, par le jeu et parla lutte en plein air. La méthode anglaise estrécréative, amusanteetsociale. Ellen'est ni particulièrement
combative comme la gymnastique allemande, ni particulièrement esthé¬
tiquecomme lagymnastique suédoise, elle agitpar desmoyens différents.
Par le travail des muscles des jambes, elle développe les muscles des
bras etsurtoutceux des épaules,commele prouventles chronophotogra- phies prises sur des athlètes anglo-saxons coureurs et sauteurs. La
méthode anglaise agit surtoutsurle cœur etsur les poumons sans grand
souci dudéveloppementrationnel des muscles. L'athlète anglais estmoins
beau deformeesthétiquequel'athlètesuédois. Letronc de l'athlète anglais
est plus développé à sa partie tlloracique et plus arrondi que celui du gymnastesuédois; la méthodesportive, avant tout respiratoire, agit sur lapoitrine au détrimentdu développementmusculaire abdominaletdorso-
lombaire que provoque laméthode suédoise. Les lignes générales sont moins pures, surtoutchez les professionnels qui se spécialisent dansun sport. La fonctionfait l'organe. Le gymnaste suédois peuttrès facilement
sespécialiser dansun sport quelconque,carsamachinehumaineest toute prête àentrerenfonction; cependant la spécialisation détruit l'harmonie générale des lignes,parce qu'elleaugmenteletravail de certains groupes musculaires au détriment de ceux qui agissent le moins. La méthode suédoiseetlaméthodeanglaise secomplètent l'une l'autre.
La Méthode
Française.
—La Psycho-dynamie.
La gymnastique française n'existe pas. Nous avons copié servilement
-laméthode de Jahn quenotre tempérament nerveux arendue plus acro¬
batiqueet plus violente encore. Après la guerre de 1870, selon uneloi de (*)
— 10 —
psychologie bienconnue, nous avonsimité nosvainqueurs en exaltant la
méthode allemande dans nos Sociétés de gymnastique, en fondant les
bataillons scolaires, etc. Nés malins et surtout très émotifs, les Français
ontprovoqué l'émotion àl'aide d'excitations nerveuses. Ilsse sont appli¬
qués à faire courir le frisson à fleur de peau par la vue d'exercices périlleuxaux agrès,tels quelessauts aériens aux deux trapèzes volants,
ou parl'exhibition théâtrale de niaises pyramides oude défilés claironnés.
Nous avons fait fausse route. La psychologie de notre race aplus de points de contact avec la psychologie suédoise qu'avec la psychologie prussienne. Il faut qu'il ensoitainsi pour que, seule des napoléonides, la
famille française des Bernadotte ait fait souche de rois, en Suède. Le
Suédois est le Français du Nord. La méthode de Ling, faite de raison physiologique et de clarté pédagogique, doit forcément se répandre en France parce qu'elle donne satisfactionà notre façon de sentir etd'agir.
En groupant, en une seule méthode, les méthodes anglaiseet suédoise,
laFrance posséderaunsystème d'éducation physique complet.Ellepourra
l'élargir davantagepar une connaissance plus approfondie des fonctions psycho-motrices. La méthode française doit être basée sur lesréactions
mentales des caractères; elle sera psychologique autant que physiolo¬
gique. La fonction du muscle strié étantsous la dépendance de la volonté, l'application dumouvement estune affaired'auto-suggestionetde sugges¬
tion à l'état de veille. Un bon directeur de gymnastique et de jeux doit
êtreunbonpsychologue, il doitsavoir donner la bonnesuggestion. Celte suggestion diffère selon les caractères, elle est impêrative avec les carac¬
tèrespassifsqui réagissent musculairementau : Je veux;elle est persua¬
sive avec les caractères effectifs qui réagissent au : Tu peux ; elle est
dubitative avec les caractères affirmatifs qui réagissent au : Tu ne peux pas.Dans lesexercices de gymnastique d'assouplissement, le commande¬
ment doit être bref, concis, facile à comprendre et à retenir, d'où la
nécessitéde posséderun bon formulaire etde supprimer entièrement les longs commandements de la théorie militaireou des manuels pédagogi¬
ques. Unmotformant image doit remplacer autant que possible l'énumé-
ration mécano-anatomique du mouvement.La progression joueun grand
rôledans les exercices degymnastique. Le travail,par exemple, del'arti¬
culationdubassina unegrande importance au pointde vue circulatoire
et respiratoire, non seulement parce que les muscles les plus épais du
corps entrant en fonctions demandent plus d'oxygène et émettent plus
d'acide carbonique, mais surtout parce que l'assouplissement de cette articulation donneunetrès grande sûreté d'équilibreaucorps etqu'il faci¬
lite la station dutroncdans l'axeperpendiculaire àl'horizon du sol. Cette
station estlameilleure pour le plus complet développement de la cage thoracique danssonjeu respiratoire.
L'assouplissement de l'articulation coxo-fémorale doit appeler l'atten¬
tion des professeursde gymnastique. L'articulation du bassinestl'articu-
— 11 —
lation desuspension par excellence, celle qui joue le principal rôle dans
l'entraînementphysique, quipermetde maintenir l'équilibre,"et qui donne
l'assurance dans la station debout, dans quelque situation d'équilibre qu'on se trouve. Ladanse estun excellent exercice d'assouplissement de
cette articulation; elle esttrès assouplie chez les Basques qui dansent, qui jouentàla paumeet qui chantent.
Ceci m'amèneàparlerdu chant, qu'il serait désirable d'introduire dans
la vie dusoldat, à la caserne, comme exercice physique excellent, sinon
undes meilleurs, pourl'entraînement de la respiration, parle développe¬
mentde la cage thoracique. Le chant serait en outre un sujet de distrac¬
tionfortagréable .dans les soirées d'hiver.
Pourquoi n'imiterions-nous pas la Suède? L'entraînement physique pulmonaire du soldatparle chantfaciliterait de beaucoup l'entraînement
musculairegénéral, touten récréantetendélassant l'esprit. Cet entraîne¬
ment devraitêtrepoursuivi méthodiquement,car il auraitpoureffet d'aug¬
menter larespiration diaphragmatique, les hommes devraientchanteravec leur abdomen et non avecleur masque, en prenant le point d'appuidia- phragmétique sur le massif musculaire lombaire. L'émission de la voix
devrait êtretoujoursperpendiculaireàl'axe du corps, labouche pastrop ouverte, les ondes sonores se succédant sans vagues agitées mais en nappeslargesetcalmes. Le buste devraitêtre bien suspendusurl'articula¬
tion coxo-fémoraleet toujours perpendiculaire àl'horizontale du sol.Pour
celal'assouplissement complet de l'articulation dubassin, enmême temps que l'entraînement régulier des muscles du massif lombaire, redresseurs
de la colonne vertébrale surle train inférieur, seraient absolument indis¬
pensables. On pourrait résumer la science du chant danslaproposition
suivante :
On appuie savoix sur ses muscles lombaires, on la lance avec son dia¬
phragme, onla dirige avec sonarticulation coxo-fémorale.
L'acteur qui joue Rigoletto doit avoircette articulation très assouplie
pour que sonbuste reste toujours libre et perpendiculaire à l'horizontale pendant que ses jambes vont àl'aventure, entortillant. La partie supé¬
rieure du thoraxne doit servir quede table d'harmonie au chant. Je suis
d'accord avec M. Pierre Bonnier quand il critique avec juste raison les
mauvaises méthodes dansl'enseignement du chant1.
Le développement dece thèmem'entraîneraittroploin, jelereprendrai
unjour.L'étude rationnelle du chantdoit être baséesurlesmêmesloisde mécano-physiologie etdepsycho-dynamieque celle des sports, parce que le chantestun sport quimet enfonction lesmuscles de la respiration et
lecerveau parlacirculationsanguine céphaliqueetparl'attention psycho¬
motrice, surtoutchez l'acteur,enscène.
i.— PierreBonnier: La Destructiondesvoix etl'enseignement du chant.—
tifique du 8 juin1902, n°26,page808.
Revue scien-
12 —
En gymnastique appliquée, comme
dans toute
œuvreintellectuelle, il
faut savoirchoisirun thèmepuis procéderparlarges
tpuches
etnes'occu¬
per des détails que
secondairement. Le thème principal en éducation
physiqueestle
développement de la fonction respiratoire par la gymnas¬
tiqued'assouplissement, et
de la fonction psychique parles jeux et par les
exercices en plein air. Le muscle
n'est
quele très humble serviteur des
poumonsetdu cerveau,comme
tel il
passe autroisième plan, bien qu'il
fournisse l'action.
Une erreur
pédagogique.
La science du mouvement physique est une des plus
difficiles à appli¬
quer, parce qu'elleest
très
peuconnue encore.Aussi n'est-ce pas sans un
grand étonnement
mêlé de quelque tristesse
que nousvoyons un maître
tel queMarion,faisant
autorité
enla matière, trancher dans les lignes sui¬
vantes cettequestion de
méthode si importante
pournotre avenir social.
«Lagymnastique
allemande, dit Marion1,
uselargement des agrès, des
barres fixes notamment, tandis que Ling n'en veutpas ;
d'où le
nomde
Barrenstreit.Pendantdix-septans, Lingl'emporta, mêmeen
Allemagne
; mais eni863 uneréaction eutlieu en faveur de Jahn etl'onrevint à la
gymnastique purementallemande
commeplus virile et plus militaire.
» S'ilfallait choisirentreces deuxsystèmes exclusivement, il n'y
aurait
guèrededoute : lesystème allemand
pourles
garçons,le système suédois
pourles filles.
» Lepremierconvient
essentiellement à des soldats, et tous
nosgarçons
sontdefuturssoldats. Ilestplusvif,plusgai,
demande
etdéveloppe plus
de vigueurphysiqueet
de hardiesse morale. Mais
pourles filles la meilleure
méthodeconsisteenuneprogressionhabituellement
graduée de
mouvementscombinés demanière àmettre enjeutous les groupes
de muscles, à déve¬
lopper toutes les
parties du
corps,à faire fonctionner tous les organes,
sans en favoriser aucun. Voilà évidemment le vrai
correctif
aux sports spéciauxetauxdérivations de croissance qui
enrésultent.
»Ainsi,pour unmaître
tel
queMarion, il n'y
apasle moindre doute
:la
gymnastique
allemande (déformante)
pourles
garçons,la gymnastique
suédoise(esthétique) pourlesfilles. La
gymnastique allemande n'est vive
etgaiequ'àla
condition de devenir acrobatique. J'ai dit pourquoi elle est
mauvaise. L'homme etla femme possèdent les mêmes muscles,
ils n'ont
pasdeux organes
respiratoires différents. 11 n'y
a pasdeux façons de se
développerrationnellement,la
progression
estaussi nécessaire à l'entraî¬
nementmusculairedel'hommequ'à l'entraînementmusculaire de
la femme.
Lecœur del'un etde l'autre batde la même manièredansune cage
tho-
i. — Marion: l'Éducation des jeunes filles; les exercicesphysiques. — Paris, Armand
Colin, 1902.
— 13 —
racique identique. La circulation sanguine est la môme, sauf pourdes
organes spéciaux qui entrent en travail à époque fixe chez la femme.
Marion fait justement autorité en pédagogie, pourquoi faut-ilqu'il n'ait envisagé la questionphysique qu'à travers les livres ? Il fut assurément
documenté pardes professeursparisiens, anciensélèves de l'écoledegym¬
nastiquemilitaire de Joinville-le-Pont, partisans de la gymnastique alle¬
mande. SiMarioneutvécu il eut certainement modifié sontexteaprèsla longue discussionouverte au Congrès international de l'Education physi¬
que, àParis, en1900, oùlaquestion fut tranchée en faveur de la gymnas¬
tique suédoiseparce que cettegymnastique peutêtreégalementappliquée
aux garçons, auxfilles, auxsoldats, auxadultes etauxvieillards.
On
peutlarendre bienplusvive etbienplus gaie,' bienplus athlétiqueetbien plus
militaire que la gymnastique allemande. Toutcela prouve qu'en France
nousavons encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'atteindre le
but.
Seulel'expérimentationpeut mettreunterme à la discussion entre les
écoles en présence. L'école allemande nous a régipendant cent ans, les
résultats acquis doiventêtre assezpiètres pour qu'on cherche encore la
vérité. C'estpourquoi,passantde la théorie àl'application pratiqued'abord
surdes enfants malades et ensuite sur les enfants et les adolescents en cours de scolarité dans les écoles
primaires, dans les lycées et dans les
collèges del'Académie deBordeaux, grâce à
l'appui
toujours soutenu que voulut bienm'accorder M. Rabier, directeur del'enseignement secondaire,pour cequi regarde cet enseignement, j'ai pu
expérimenter pendant
qua¬torzeansla valeur comparativedes deux méthodes de Jahn et de Ling.
Monchoixestfait enfaveur decedernier.L'expérience poursuiviependant plusieurs années a imposé ses conclusions
définitives. Mais elle n'avait
portéque sur desenfants etdes adolescents en coursde scolarité. Que
pouvait bien donner laméthodesuédoise dansl'êntraînement rationnel de
l'armée? Cepointd'interrogation, je mele posaisdepuis longtempsquand j'eus, ilya quelques mois, lagrande
satisfaction d'entrer
enrelation
avec M. lecolonelRochet, commandant le 18° régimentd'infanterie, àPau.J'ai trouvé dans ce chef très distingué un partisan convaincu de la
méthode nouvelle. J'adresse ici à M. lecolonelRochet tous mes remer¬
ciements pourl'obligeance extrême qu'il a mise àme
faciliter
cetteexpé¬
rience au moment même où une circulaire du Ministre de la Guerre recommande aux chefs de corps d'armée l'application de la méthode
suédoise1.
1.—.LettreMinistérielle du23juin1902;Sous-Direction,Infanterie (acBureau). Instruc¬
tion, etc.,n°i352.
Une
expérience concluante.
Rapport
auColonel du 18e Régiment d'Infanterie, à Pau.
Voici,sousforme de rapport, adressé au colonel, les résultats que
j'ai
obtenusau 18erégimentd'infanterie.
Pau, le 29juillet190a.
Mon cher Colonel,
Aucoursdes nombreuses causeries que nous avons euesdans lemois
de
juin derniersur la méthode d'entraînement physiquedu soldat
etsurles
réformesnécessaires àapporter àl'instructionetàl'éducationrationnelles
des hommes incorporés, je vous parlai de la méthode de gymnastique suédoise, de savaleurréelle etde sonapplication très facile àl'armée. Je parlai ainsiparexpériencepuisquej'avais été envoyéen
mission
enSuède
par M. le ministre de l'Instruction publique pour y
étudier la méthode de
Ling afin de l'appliquer dans l'enseignement universitaire. Laméthode
suédoise est introduite dans leslycées etcollèges de l'Académie de Bor¬
deaux quej'inspecte,'les résultats acquis sont excellents. Encouragé par de réels succèspratiques, je pris la liberté de vous demander l'autorisa¬
tion d'intéresser MM. les officiers du 18e régiment d'infanterie à cette question si importantepourl'entraînement
militaire
;puis les
instructeurseux-mêmesappelés, dès l'arrivée de la classe,à« débourrer»les recrues.
Vous m'avezaccordé cette double autorisation, je viens aujourd'hui vous donnerunaperçu général du pland'instruction que j'ai suivi dansmon enseignement. Cetaperçu, vous l'avezeu en partiehier, à lacaserne
Ber-
nadotte, oùj'ai eu le très grand plaisir doublé du très grand honneurdevousprésentercent quaranteélèvesmoniteurs, dans les exercices
d'assou¬
plissementdeplain-pied.'Ces exercicessontimposés
dans l'enseignement
secondaire del'Académiede Bordeaux, je les ai composéssur le plan de
laleçon type suédoise.
Chaque groupe de ces exercices aune action directe etbiendéfiniesur teloutel groupe de faisceaux musculaires desrégions antérieure, posté¬
rieure, latérales, supérieureetinférieure du corps,enmême tempsque sur le cœur et sur les poumons. Ces cent quarante élèves moniteurs ont manœuvré devant vous, comme s'ils avaient étéentraînésdepuisplusieurs
mois et cela avec une précision et une pureté relative dans les lignes esthétiquesdes attitudes qui font bien préjuger de l'instruction qu'ils vont
être appelés àdonner dans quelquetemps.
Aucours des exercicesphysiques vous avezassisté à des manipulations pratiques de massage extemporané et aux soins immédiats à se donner
mutuellement entrehommes, surleterrain mêmede l'actionen attendant
l'arrivée dumédecin, manœuvres consistant à différencierparexemple la congestioncérébrale de l'évanouissement par syncope ; ensuite à agir le