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Quels arguments donner à vos patientes qui ont peur de la mammographie ?

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Academic year: 2022

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TRIBUNE

Quels arguments donner à vos patientes qui ont peur de la mammographie ?

La mammographie est douloureuse

Oui, la mammographie n’est pas un examen agréable, la compression du sein est cependant nécessaire pour avoir des images de bonne qualité et, donc, un dépistage efficace. Dans l’étude de P.C. Sharp (1), 96 % des femmes ont rapporté que la douleur était inférieure ou égale à ce qu’elles s’attendaient et 94 % étaient d’accord pour refaire une mammographie de dépistage l’année suivante. Certains proposent d’appliquer de la lidocaïne en gel avant l’examen.

La mammographie est dangereuse à cause de l’irradiation

La dose d’irradiation délivrée par la mammographie est très faible.

Pour un dépistage tous les 2 ans entre 50 et 69 ans, I.H. Hauge a calculé que le risque de cancer du sein radio-induit entre 50 et 85 ans était de 10 pour 100 000 femmes pour une dose de 2,5 mGy (extrêmes : 4-25) avec une latence de 10 ans. Le risque de décès par cancer du sein est égal à 1 (extrêmes : 0-2) et le nombre de vies sauvées de 350 (2).

La mammographie diagnostique trop d’images anormales

C’est ce que l’on appelle les faux positifs. La mammographie montre une image anormale qui, in fine, ne correspondra pas à un cancer.

Cela va nécessiter le rappel des patientes pour explorer cette anomalie et parfois des gestes invasifs. Le Groupe européen sur le dépistage du cancer du sein estime que ce risque après 20 “tours” de dépistage est de 20 %, dont 17 % sans procédure invasive (échographie, examen clinique, clichés supplémentaires) et 3 % avec des procédures invasives (microbiopsies, macrobiopsies, chirurgie) [3]. Le nombre de faux positifs est très lié au système de santé de chaque pays et au degré de judiciarisation de la relation médecin-malade (4, 5).

La mammographie ne montre pas les cancers

Il s’agit des faux négatifs, des cancers de l’intervalle. Cela regroupe les vrais faux négatifs et les cancers d’évolution très rapide, survenant dans l’intervalle entre 2 dépistages. Cela varie beaucoup en fonction de l’existence d’une double lecture ou pas. La double lecture va réduire ce risque de faux négatifs (6). Le taux de faux négatifs est cependant faible, de l’ordre de 1 à 1,5 pour 1 000 femmes (7).

Dr Marc Espié

1. Sharp PC, Michielutte R, Freimanis R et al. Reported pain following mammography screening. Arch Intern Med 2003;163(7):833-6.

2. Hauge IH, Pedersen K, Olerud HM et al. The risk of radiation-induced breast cancers due to biennial mammographic screening in women aged 50-69 years is minimal. Acta Radiol 2014;55(10):1174-9.

3. Paci E; EUROSCREEN Working Group. Summary of the evidence of breast cancer service screening outcomes in Europe and first estimate of the benefit and harm balance sheet. J Med Screen 2012;19(Suppl. 1):5-13.

Sénopôle Saint-Louis, centre des maladies du sein, AP-HP, Paris ; université Paris-Diderot.

8 | La Lettre du Sénologue •

N° 73 - juillet-août-septembre 2016

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La mammographie fait du surdiagnostic

Le cancer diagnostiqué n’aurait jamais eu d’expression clinique, ou aurait régressé spontanément. Ce surdiagnostic est évoqué pour les cancers d’évolution lente ou si la patiente est décédée d’une autre cause avant les conséquences cliniques du cancer. Ce surdiagnostic est évoqué pour les cancers in situ et pour les petits cancers infiltrants, et estimé entre 5 et 10 % (3).

Une femme de 74 ans chez laquelle on a découvert un cancer in situ ou un cancer infiltrant de 4 mm de grade 1 et qui meurt d’un infarctus à 76 ans aura été victime d’un surdiagnostic.

C’est cependant une donnée épidémiologique qui n’a aucune valeur à l’échelle individuelle, car nous n’avons toujours pas de boule de cristal pour prédire l’évolution d’un cancer chez une patiente donnée.

La mammographie entraîne des traitements abusifs

Nous avons des données allemandes portant sur 362 037 femmes et 42 710 chirurgies mammaires effectuées pour des cancers du sein infiltrants et in situ. On a noté entre 2005 et 2009, période où le dépistage a été mis en place, une augmentation du nombre de traitements conservateurs : de 63,3 à 69,6 % pour les cancers infiltrants et de 75,6 à 80,9 % pour les cancers in situ. L’augmentation la plus importante a été observée chez les femmes entre 50 et 69 ans et le taux de mastectomies n’a progressé que chez les femmes de moins de 50 ans qui ne participaient pas au dépistage (8).

La mammographie de dépistage n’est pas efficace

La polémique fait rage mais les données européennes montrent une réduction de la mortalité chez les femmes dépistées, de l’ordre de 25 à 48 %. Les chiffres varient en fonction des femmes étudiées : femmes invitées à participer ou femmes ayant réellement participé au dépistage (3). Dans la revue publiée dans le Lancet en 2012, la réduction estimée de la mortalité est de 20 % (9). Elle est donc un peu moindre que ce qui était attendu (30 %) en raison de progrès thérapeutiques (chimiothérapie, hormonothérapie, thérapies ciblées, etc.) qui permettent d’améliorer les chances de guérison des patientes concernées et qui sont plus efficaces que ce qui était envisagé dans les années 1980.

Il n’empêche que l’on pourra épargner un certain nombre de ces traitements aux patientes dépistées à un stade précoce.

Je ne veux pas, j’ai trop peur qu’on trouve quelque chose

Conseiller n’est pas imposer, il faut discuter, aussi honnêtement que possible, des avantages et des risques du dépistage. La mammographie ne protège pas du cancer du sein, de même que la visite chez le

gynécologue, elle permet de dépister le cancer à un stade plus précoce, plus facilement curable. Il faut écouter les patientes et les faire parler de leurs peurs, de leurs réticences souvent liées à des expériences antérieures personnelles ou familiales traumatisantes.

M. Espié déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

4. Smith-Bindman R, Ballard-Barbash R, Miglio- retti DL et al. Comparing the performance of mammography screening in the USA and the UK.

J Med Screen 2005;12(1):50-4.

5. Otten JD, Karssemeijer N, Hendriks JH et al. Effect of recall rate on earlier screen detection of breast cancers based on the Dutch perfor- mance indicators. J Natl Cancer Inst 2005;97(10):748-54.

6. Hofvind S, Skaane P, Vitak B et al. Influence of review design on percentages of missed interval breast cancers:

retrospective study of interval cancers in a population-based screening program. Radiology 2005;237(2):437-43.

7. Nelson HD, O’Meara ES, Kerlikowske K et al. Factors associated with rates of false-positive and false- negative results from digital mammography screening:

an analysis of registry data. Ann Intern Med 2016;164(4):226-35.

8. Stang A, Kääb-Sanyal V, Hense HW et al. Effect of mammography screening on surgical treatment for breast cancer: a nationwide analysis of hospitalization rates in Germany 2005-2009. Eur J Epidemiol 2013;28(8):689-96.

9. Independent UK Panel on Breast Cancer Screening.

The benefits and harms of breast cancer screening: an independent review. Lancet 2012;380(9855):1778-86.

TRIBUNE

La Lettre du Sénologue •

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